Saint Grégoire le Grand

Saint Grégoire le Grand, également connu sous le nom de Grégoire Ier, fut pape de 590 à 604 et est l'un des quatre grands Pères de l'Église latine. Né vers 540 à Rome dans une famille aristocratique, il joua un rôle crucial dans l'histoire de l'Église au début du Moyen Âge.

Avant son pontificat, Grégoire a servi comme préfet de Rome, mais il abandonna sa carrière laïque pour devenir moine. Plus tard, il fut élu pape, devenant l'un des plus influents dirigeants ecclésiastiques de son temps.

Sous son pontificat, Grégoire a significativement réformé la structure et l'administration de l'Église. Il a également joué un rôle important dans la propagation du christianisme en Europe, notamment en envoyant missionnaires, dont Saint Augustin de Canterbury, pour évangéliser les Anglo-Saxons en Angleterre.

En tant qu'écrivain, Grégoire a laissé un corpus substantiel, incluant des sermons, des lettres et des œuvres théologiques. Son œuvre la plus connue, "Dialogues", est un ensemble de récits sur la vie des saints et les miracles en Italie. Son "Liber Regulae Pastoralis" (Le Livre de la Règle Pastorale), un guide pour les évêques, a été influent pendant des siècles.

Grégoire a également apporté des contributions à la liturgie de l'Église. Le chant grégorien, bien que probablement développé après sa mort, est nommé en son honneur en raison de son association avec la promotion de la musique sacrée.

Saint Grégoire le Grand est vénéré comme un saint dans l'Église catholique, l'Église orthodoxe et les Églises anglicane et luthérienne. Sa fête est célébrée le 3 septembre. Son héritage en tant que réformateur, érudit et leader ecclésiastique reste influent dans le christianisme contemporain.

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L'évangile que vous venez d'entendre n'appelle pas d'explication, mais une recommandation. En effet, la Vérité elle-même en a fourni une explication que la faiblesse humaine ne se hasarde pas à discuter. Cependant, en rapport avec l'explication qu'en donne le Seigneur, vous devez examiner avec attention le point suivant: si je vous avais dit que la semence représente la parole, le champ le monde, les oiseaux les démons, et les épines les richesses, vous auriez peut-être, dans le secret de votre coeur, hésité à me croire. Aussi bien le Seigneur a-t-il daigné expliquer lui-même ce qu'il venait de dire, pour que vous soyez capables de rechercher également la signification des paroles qu'il n'a pas voulu expliquer lui-même.

Qui donc m'aurait cru si j'avais avancé que les épines figurent les richesses, d'autant plus que les premières sont acérées et les secondes agréables. Les richesses sont pourtant bien des épines, puisque les soucis qu'elles entraînent avec elles déchirent l'âme de leurs pointes et, après l'avoir poussée au péché, la laissent couverte de sang, comme par une blessure. D'après un autre évangéliste qui rapporte la même parabole, le Seigneur ne les appelle pas richesses mais, avec raison, richesses trompeuses (cf. Mt 13,22). Elles le sont, en effet, puisqu'elles ne peuvent demeurer longtemps en notre possession et qu'elles ne font pas disparaître la pauvreté de notre âme.

Car les seules vraies richesses sont celles qui nous enrichissent de vertus. Aussi, frères bien-aimés, si vous désirez vous enrichir, aimez les vraies richesses. Si vous cherchez à parvenir au sommet de l'honneur véritable, avancez-vous vers le Royaume céleste. Si vous affectionnez la gloire que procure un rang élevé, hâtez-vous de vous enrôler dans la céleste cour des anges.

Après avoir écouté les paroles du Seigneur, retenez-les dans votre âme, car la parole de Dieu est la nourriture de l'âme. La parole que l'on écoute sans la conserver dans les profondeurs de la mémoire, ressemble à une nourriture avalée, puis rejetée par un estomac malade. Aussi bien, celui qui ne garde pas les aliments n'a absolument aucun espoir de vivre. Si donc, après avoir reçu la nourriture de la sainte exhortation, vous ne gardez pas en mémoire les paroles de vie, qui sont les aliments de la justice, craignez le péril de la mort éternelle.

Veillez dès lors à ce que la parole que vous avez reçue résonne au fond de votre coeur et y demeure. Prenez garde que la semence ne tombe le long du chemin, de crainte que l'Esprit mauvais ne vienne enlever la parole de votre mémoire. Prenez garde que le sol pierreux ne reçoive la semence et ne produise une bonne action dépourvue des racines de la persévérance. Beaucoup, en effet, se réjouissent en entendant la parole, et se disposent à entreprendre de bonnes oeuvres. Mais à peine les épreuves ont-elles commencé à les assaillir qu'ils renoncent à ce qu'ils avaient entrepris. Ainsi, le sol pierreux a manqué d'eau, si bien que le germe de la graine n'est pas parvenu à donner le fruit de la persévérance.

Mais la bonne terre donne du fruit par la patience: entendons par là que nos bonnes oeuvres ne peuvent avoir aucune valeur si en outre nous ne supportons pas patiemment les désagréments que nous cause notre prochain. D'ailleurs, plus nous avançons vers la perfection, plus nous avons à endurer de souffrances ici-bas. En effet, une fois que notre âme a abandonné l'amour du monde présent, l'hostilité de ce monde grandit. Voilà pourquoi nous en voyons beaucoup peiner sous un lourd fardeau, alors que leurs oeuvres sont bonnes. Ils ont, il est vrai, déjà renoncé aux convoitises terrestres, et pourtant ils sont affligés de très cruelles épreuves. Mais, selon la parole du Seigneur, ils portent du fruit par leur constance (Lc 8,15), en supportant humblement ces épreuves, si bien qu'après avoir souffert, ils seront invités à entrer dans la paix du ciel.

Celui donc qui, livré tout entier aux travaux de la terre, ou aux oeuvres du monde, néglige de méditer le mystère de l'incarnation et d'y conformer sa vie, est cet homme qui refuse de venir aux noces du roi, sous le prétexte d'aller à sa maison des champs où à ses affaires; et souvent, ce qui est plus grave, plusieurs de ceux qui sont appelés, non-contents de rejeter la grâce qui leur est offerte, la persécutent. «Les autres se saisirent de ses serviteurs», etc.

Ou bien, ce sont les légions des anges qui sont les armées de notre roi. Le Sauveur dit que le roi envoya ses troupes pour exterminer les homicides, parce qu'il se sert des anges pour exécuter tous ses jugements sur les hommes. Il fait mettre à mort ces homicides, parce que sa justice anéantit les persécuteurs; et il livre aux flammes leur cité, parce que non-seulement les âmes, mais aussi les corps qu'elles ont habités, seront livrés aux flammes.

Mais ce roi qui a vu mépriser ses avances ne laissera pas sans invités les noces de son fils, car la parole de Dieu a trouvé où se reposer: «Alors il dit à ses serviteurs».

Ou bien encore, la sainte Écriture prenant ordinairement les voies pour les oeuvres, nous pouvons entendre par les carrefours le défaut et l'absence des oeuvres; car bien souvent ceux qui reviennent à Dieu sont ceux qui n'ont point réussi dans les entreprises de la terre.

Ou bien le Sauveur s'exprime ainsi, parce que dans l'Église de la terre les méchants sont nécessairement mêlés aux bons, et les bons aux méchants. Or, on ne peut se flatter d'être bon lorsqu'on ne veut point tolérer les méchants.

Or, que devons-nous entendre par le vêtement nuptial, si ce n'est la charité dont Notre-Seigneur était rempli lorsqu'il vint célébrer son union avec l'Église par des noces toutes divines? Celui donc qui vient aux noces sans la robe nuptiale, c'est celui qui fait partie de l'Église par la foi sans avoir la charité.

La sévérité de la sentence divine lie les pieds et les mains de ceux que leurs mauvaises actions tenaient déjà cap tifs, et qui n'ont point voulu changer de vie; ou bien ceux que leurs fautes ont enchaînés et empêchés de faire le bien sont alors enchaînés par le châtiment qui leur est infligé.

Nous appelons ténèbres intérieures l'aveuglement du coeur, et ténèbres extérieures la nuit éternelle de la damnation.

Il en est qui, en considérant que l'âme se sépare du corps, que la chair tombe en pourriture, que la pourriture se réduit en poussière, et que la poussière elle-même se réduit jusqu'aux plus simples éléments que l'oeil de l'homme est incapable de discerner, désespèrent de la possibilité de la résurrection, et, à la vue de ces ossements arides, ils doutent qu'ils puissent un jour se revêtir de chair et reprendre toute la vigueur de la vie.

Les hypocrites, dont la conduite est toujours mauvaise, ne laissent pas d'enseigner une doctrine saine et d'engendrer, par là, des enfants à la foi et à la pratique du bien, mais ils sont incapables de les nourrir par l'exemple d'une vie vertueuse; car plus ils s'identifient eux-mêmes avec les intérêts et les choses de la terre, plus aussi ils laissent tomber par leur négligence ceux qu'ils avaient enfantés dans une vie toute terrestre, et c'est ainsi qu'ayant le coeur endurci, ils ne donnent aux enfants qu'ils ont engendrés, aucune marque de la tendresse qui leur est due.

C'est pour cela que Notre-Seigneur dit ici de ces hypocrites: «Et lorsque vous avez fait un prosélyte, vous en faites un fils de l'enfer».

Ou bien dans un autre sens, le moucheron pique en bourdonnant, et le chameau s'incline pour recevoir les fardeaux dont on veut le charger. Les Juifs passèrent le moucheron, lorsqu'ils demandèrent la grâce d'un voleur séditieux, et ils avalèrent le chameau en s'efforçant d'étouffer par leurs cris celui qui était descendu volontairement pour prendre sur lui les fardeaux de notre mortalité.

Au tribunal du juge sévère, ils ne pour ront point s'excuser sur leur ignorance, puisqu'en voulant paraître aux yeux des hommes ornés de toutes les vertus, ils déposent contre eux-mêmes qu'ils connaissent les voies de la justice.

Lorsque l'antéchrist aura opéré ces prodiges étonnants en présence des hommes charnels, il les entraînera tous à sa suite; car tous ceux qui placent leurs jouissan ces dans les biens de ce monde, se soumettront sans restriction à son empire. Voilà pourquoi le Sauveur ajoute: «Jusqu'à séduire, s'il était possible, les élus eux-mêmes».

Ou bien, comme le coeur des élus peut être agité par un sentiment de crainte, sans que toutefois leur constance en soit ébranlée, le Sauveur renferme ces deux effets dans une même pensée, et il ajoute: «S'il était possible»; car il ne peut se faire que les élus tombent dans les piéges que leur tend l'erreur.

Ces paroles: «Partout où sera le corps, là s'assembleront les aigles», peuvent encore s'entendre dans ce sens: Comme je suis assis sur le trône des cieux avec le corps que j'ai revêtu dans mon incar nation, je délivrerai les âmes des élus avec leur corps, et je les élèverai jusqu'au ciel.

Celui-là veille qui tient les yeux ouverts à la véritable lumière; celui-là Veille, qui traduit sa foi dans ses oeuvres; celui-là veille qui repousse loin de lui les ténèbres de la langueur et de la négli gence.

C'est à l'insu du père de famille que le voleur perce les murs de la maison; car tandis que l'âme s'endort et néglige de veiller sur elle-même, la mort vient tomber à l'improviste sur la maison de notre corps, tue le maître qu'elle surprend dans le sommeil, et entraîne comme à son insu au supplice cette âme qui n'a pas su prévoir les maux qui devaient l'assaillir. Si elle avait été vi gilante, elle aurait résisté au voleur, car elle se serait mise en garde contre l'arrivée du juge qui enlève secrètement les âmes, et elle l'aurait prévenu par le repentir pour ne point périr dans l'impénitence. Or, le Seigneur a voulu que la dernière heure nous demeurât cachée, afin qu'elle fût toujours devant nos yeux, et que dans l'impossibilité où nous sommes de la prévoir, nous nous y préparions sans relâche, c'est pour cela qu'il ajoute: «Tenez-vous donc toujours prêts, parce que vous ne savez pas»,etc.

L'Église de la terre est appelée le royaume des cieux, comme dans cet autre passage: « Le Fils de l'homme enverra ses anges, et ils arracheront les scandales de son royaume» ( Mt 13,41 ).

Ceux dont la foi est droite et la vie pure sont semblables aux cinq vierges sages; mais ceux qui font profession de la foi chrétienne, sans chercher à assurer leur salut par les bonnes oeuvres, ressemblent aux cinq vierges folles: «Il y en avait cinq d'entre elles qui étaient folles et cinq qui étaient sages».

Tout homme possède en double chacun des cinq sens, et le nombre cinq étant doublé donne le nombre dix. Or, comme les deux sexes concourent à former la multitude des fidèles, la sainte Église nous est représentée sous la figure de ces dix vierges, et, comme les bons s'y trouvent mêlés aux méchants, et les réprouvés avec les élus, elle est comparée avec raison aux vierges sages et aux vierges folles.

Mais les lampes des vierges folles s'éteignent, parce que leurs oeuvres, qui avaient paru briller d'un certain éclat extérieur aux yeux des hommes, s'obscurcissent intérieu rement à l'approche du juste Juge: «Mais les folles dirent aux sages: Donnez-nous de votre huile»,etc. Elles demandent de l'huile aux vierges prudentes, c'est-à-dire que, sentant et comprenant leur indigence intérieure, elles cherchent au dehors des témoignages favorables. Leur trop grande confiance les a trompées, et, sous l'empire de cette déception, elles disent à leurs compagnes: Puisque vous nous voyez rejetées à cause du défaut de bonnes oeuvres, ren dez témoignage à ce que vous avez vu de notre vie.

Cet homme, qui part pour un long voyage, c'est notre Rédempteur, qui est parti pour le ciel revêtu de la chair qu'il avait prise pour notre salut; car la terre est comme le pays natal de la chair et le lieu de son habitation, et elle part pour un long voyage lorsqu'elle est placée dans le ciel par notre Ré dempteur.

Ou bien, dans un autre sens, les cinq talents figu rent les dons des cinq sens, c'est-à-dire la science des choses extérieures; les deux talents dé signent l'intelligence et l'action, et le talent unique n'indique que le don de l'intelligence.

La lecture de cet Évangile doit nous faire sérieusement réfléchir sur cette vérité: que ceux qui ont reçu en ce monde des grâ ces plus abondantes seront l'objet d'un jugement plus sévère, car plus on reçoit, plus est grand le compte que l'on devra rendre. Il faut donc s'humilier profondément des dons que l'on a re çus, en considérant que l'on devra être jugé d'autant plus sévèrement sur l'usage qu'on en aura fait.

Il en est plusieurs qui, incapables de pénétrer les secrets de la science spirituelle et mysti que, enseignent, dans une intention toute céleste et selon leur charité, la science des choses extérieures qu'ils ont reçue de Dieu, et qui, non contents de se tenir en garde contre les assauts de la chair, l'ambition des honneurs de la terre et les jouissances du corps, cherchent encore à en préserver les autres par leurs conseils.

On en voit en effet qui enseignent à la fois par leurs paroles et par leurs oeu vres et qui réalisent ainsi un double bénéfice, car leur prédication s'adressant à l'un et à l'autre sexe, ils doublent ainsi les talents qu'ils ont reçus.

Cacher le talent dans la terre, c'est enfouir, pour ainsi-dire, dans des occupations toutes terrestres le don de l'esprit qu'on a reçu.

Ce servi teur qui a doublé les cinq talents qu'il avait reçus mérite les éloges du Seigneur et en reçoit l'éternelle récompense. «Et le Seigneur lui dit: Très-bien».

Le serviteur fidèle est établi sur des biens plus considé rables, lorsqu'il a triomphé de toutes les atteintes de la corruption, et qu'il est assis dans le ciel au sein des joies éternelles, Il entre parfaitement dans la joie de son maître, lorsque Dieu l'appelle dans l'éternelle patrie, pour l'associer aux choeurs des anges et le remplir d'une joie intérieure, pure et sans mélange d'aucune de ces douleurs qui sont causées par la corruption de la chair.

Le serviteur qui n'a pas voulu faire fructifier son talent s'approche de son maître en s'excusant: «Celui qui n'avait reçu qu'un talent s'approchant ensuite»,etc.

Il en est beaucoup dans l'Église dont ce serviteur est la figure, qui craignent d'entrer dans les voies d'une vie plus sainte, et qui ne crai gnent pas de croupir dans une négligence sensuelle et honteuse; tout en se considérant comme pécheurs, ils redoutent d'embrasser une vie vertueuse et ne tremblent pas de rester dans leurs iniquités.

Les prédicateurs sont exposés à un danger visible, en retenant l'argent du Seigneur; les auditeurs le sont également, car on leur demandera avec usure la doctrine qu'ils ont reçue, c'est-à-dire si, à l'aide de ce qu'ils ont entendu, ils se sont appliqués à comprendre ce qui ne leur était pas enseigné.

Écoutons la sentence que le Seigneur prononce contre le mauvais serviteur: «Qu'on lui ôte donc le talent qu'il a et qu'on le donne à celui qui a dix talents».

Il paraissait plus naturel de donner ce talent à celui qui en avait reçu deux, plutôt qu'à celui qui en avait reçu cinq, car il est plus juste en apparence de donner à celui qui a moins reçu. Mais, comme les cinq talents figurent la science des choses extérieures, et les deux talents, l'intelligence et l'action; celui à qui son maître a confié deux talents a plus reçu que celui à qui il en a confié cinq, car celui qui, dans les cinq talents, a reçu le don d'administrer les choses extérieures, était cependant privé de l'intelligence des choses éternelles. Donc, ce talent unique, qui représente, comme nous l'avons dit, le don de l'intelligence, a dû être donné à celui qui a fidèlement administré les choses exté rieures qui lui ont été confiées, et c'est ce que nous voyons tous les jours dans l'Église: ceux qui administrent avec fidélité les biens extérieurs sont doués d'une intelligence capable de pé nétrer les choses spirituelles et intérieures.

Notre-Seigneur conclut cette parabole par cette maxime générale: «Car on donnera à celui qui a déjà», etc. En effet, celui qui a la charité reçoit aussi les autres dons, et celui qui ne possède pas cette vertu perd jusqu'aux dons qu'il paraissait avoir.

C'est ainsi que le châtiment précipitera dans les ténèbres extérieures celui qui est tombé volontaire ment par sa faute dans les ténèbres intérieures.

Que celui donc qui a reçu le don de l'intelligence évite de garder le silence; que celui qui nage au sein de l'abondance ne se ralentisse pas dans l'exercice de la miséricorde; que ce lui qui a reçu le don de diriger l'applique à l'utilité du prochain; que celui qui peut avoir accès auprès des riches intercède pour les pauvres, car, aux yeux de Dieu, la plus petite grâce reçue sera considérée comme un talent qu'il nous a confié.

Ceux qui seront placés à la droite et à qui le souverain juge dira: «J'ai eu faim», etc., sont ceux qui ont été admis au nombre des élus et appelés à régner éternellement, ceux qui ont lavé dans leurs larmes les taches de leur vie, qui ont racheté leurs péchés passés par toute la suite de leurs oeuvres, et couvert de leurs aumônes, aux yeux du juste juge, toutes les fautes qu'ils avaient commises. Il en est d'autres qui sont appelés à régner sans être soumis au jugement, ce sont ceux qui ont été bien au delà des préceptes de la loi par la perfection de leur vertu.

Ceux à qui le Sauveur tient ce langage, sont les mauvais chrétiens qui sont jugés avant d'être livrés au supplice, tandis, que les infidèles subissent leur châ timent sans jugement préalable. En effet, on ne discutera pas la cause de ceux qui se présentent devant le tribunal du juge sévère et rigoureux avec la sentence de condamnation que leur a méritée leur infidélité. Ce sont ceux qui ont fait profession de la vraie foi sans en avoir les oeu vres, qui auront à subir le jugement avant d'être punis. Ils entendront le souverain juge pro noncer leur sentence, parce qu'ils ont au moins conservé la doctrine de la foi, tandis que les infidèles n'entendront même pas la parole du juge éternel prononçant leur condamnation, parce qu'ils n'ont même pas voulu lui rendre hommage par la confession extérieure de sa parole. C'est ainsi qu'un roi de la terre inflige un châtiment différent au citoyen qui se rend coupable dans l'intérieur du royaume, et à l'ennemi qui l'attaque au dehors; avant de punir le premier, il examine ses droits, tandis qu'il déclare la guerre au second sans s'occuper de ce que la loi renferme sur le châtiment qu'il mérite.

Si le châtiment de celui qui est accusé de n'avoir pas donné son bien est si grand, que sera le supplice infligé à celui qui sera convaincu d'avoir pris le bien des autres ?

Mais, dit-on, c'est une simple menace que Dieu fait aux pé cheurs pour les arrêter dans le chemin du vice. Si Dieu, répondrons-nous, a menacé de châtiments imaginaires pour retirer les pécheurs de l'iniquité, il a promis également des récompenses mensongères pour exciter à la pratique de la vertu; et c'est ainsi qu'en s'efforçant de défendre la miséricorde de Dieu, ils ne craignent pas de détruire ouvertement sa vérité. Mais, dira-t-on encore, une faute finie ne peut-être punie par un supplice infini? Nous répondrons que ce raisonnement serait juste, si le juste juge examinait et pesait seulement les actions des hommes, et non pas leurs coeurs et leurs intentions. La justice fait donc un devoir à ce juge équitable de ne laisser jamais sans supplice des âmes qui, en ce monde, n'ont voulu rester aucunement sans péché.

On fait une nouvelle objection: il n'y a pas d'homme juste qui puisse se complaire dans des cruautés gratuites, et si un maître qui est juste, fait battre de verges son serviteur coupable, c'est pour le corriger de ses vices, mais quel sera le but de ces feux éternels dans lesquels les méchants seront éternellement consumés? Nous répondons que le Dieu tout-puissant ne peut se repaître des tourments des malheureux, parce qu'il est miséricordieux, ni être apaisé par le supplice des coupables, parce qu'il est juste; mais une des fins pour lesquelles les méchants seront brûlés éternellement, c'est afin que les justes se reconnaissent éternellement d'autant plus redevables à la grâce divine, en voyant punies pour l'éternité des fautes que le secours de la grâce leur a fait éviter.

Mais comment, objecte-t-on encore, peut-on croire à la sainteté de ceux qui ne prieront point pour leurs ennemis qu'ils verront alors la proie des flam mes? Les saints prient pour leurs ennemis, tant que leurs prières peuvent amener leurs coeurs à un repentir utile et salutaire, mais pourquoi prieraient-ils pour ceux qui ne peuvent plus en aucune façon être séparés de l'iniquité ?

Ou bien, il faut dire que saint Luc appelle femme pécheresse cette même femme à qui saint Jean donne le nom de Marie.

Il en est plusieurs qui s'étonnent de voir que, dans L'Église, les uns offrent des pains azymes et d'autres des pains fermentés; or, l'Église de Rome offre des pains azymes, parce que le Seigneur a pris une chair sans mélange d'aucune souillure, tandis que d'autres Églises offrent du pain fermenté, parce que le Verbe du Père s'est revêtu d'une chair humaine, et qu'il est à la fois vrai Dieu et vrai homme, car le pain fermenté ou levain est mélangé avec la farine. Mais que nous recevions du pain azyme ou du pain fermenté, nous nous unissons intimement au vrai corps de notre Sauveur.

Ou bien, dans un autre sens, Simon, qui porte la croix du Seigneur, parce qu'il y est contraint, est la figure de ceux qui sont à la fois mortifiés et pleins d'orgueil; ils affligent leur chair par les privations extérieures, mais n'ont aucun souci du fruit intérieur de la mortification. C'est ainsi que Si mon porte la croix, mais sans mourir sur la croix, et il représente les chrétiens mortifiés et su perbes, qui châtient leur corps par les oeuvres de la mortification, mais qui vivent encore au monde par le dé sir de la vaine gloire.

Ou bien dans un autre sens, la foudre produit le tremblement et la crainte; la neige frappe par sa blancheur. Or, comme le Dieu tout-puissant est à la fois terrible pour les pécheurs, et plein de douceur pour les justes, l'ange, témoin de sa résurrection, doit apparaître avec un visage éclatant et des vêtements blancs comme la neige, afin que son aspect épouvante à la fois les méchants, et calme les craintes des âmes pieuses: «Les gardes en furent tellement saisis de frayeur», etc. La crainte et l'anxiété les glacent d'effroi, parce qu'ils n'avaient pas la confi ance qu'inspire l'amour, et ils devinrent comme morts, parce qu'ils ne voulurent pas croire la vérité de la résurrection.

La première question qui frappe notre esprit à la lecture de ce passage de l'Évangile est la suivante: Comment, après la résurrection, le corps du Seigneur fut-il un vrai corps, puisqu'il a pu entrer auprès de ses disciples toutes portes closes? Mais nous devons savoir que l'activité divine n'aurait rien d'étonnant si la raison pouvait la comprendre, et que la foi n'aurait pas de mérite si la raison humaine l'appuyait de son expérience.

Ces oeuvres de notre Rédempteur, qui par elles-mêmes sont absolument incompréhensibles, doivent être jugées à partir d'une autre de ses activités, afin que la foi en des faits étonnants soit soutenue par des faits plus étonnants encore.

Car ce corps du Seigneur qui rejoignait les disciples toutes portes closes, c'est le même qui, à sa naissance, est devenu visible pour nous lorsqu'il sortit, par sa nativité, du sein intact de la Vierge. Alors, quoi d'étonnant s'il est entré portes closes après sa résurrection qui le fera vivre éternellement, alors que, venu pour mourir, il est sorti, sans l'ouvrir, du sein de la Vierge? Mais parce que la foi des témoins doutait à l'égard de ce corps qu'ils pouvaient voir, il leur montra aussitôt ses mains et son côté. Cette chair qu'il avait fait passer à travers les portes fermées, il l'offrit à leur toucher.

C'est d'une façon merveilleuse et imprévisible que notre Rédempteur montra un corps devenu, après sa résurrection, à la fois incorruptible et palpable. En le donnant à toucher, il encourageait à croire. Il s'est donc montré et incorruptible et palpable afin de montrer à coup sûr son corps comme relevant, après la résurrection, de la même nature mais d'une autre gloire.

Il leur dit: La paix soit avec vous! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie (Jn 20,21).

C'est-à-dire: comme le Père, qui est Dieu, m'a envoyé, moi qui suis Dieu, de même moi, qui suis homme, je vous envoie, vous qui êtes des hommes.

Le Père a envoyé son Fils, c'est-à-dire qu'il décréta son incarnation pour la rédemption du genre humain. Il voulut qu'il vienne dans le monde pour subir la Passion, et pourtant il aimait ce Fils qu'il envoyait souffrir.

Les Apôtres de son choix, le Seigneur Jésus ne les a pas envoyés vers les joies du monde. Mais, comme lui-même avait été envoyé, il les envoya aux souffrances que le monde leur infligerait.

Donc, parce que le Fils est aimé du Père, et cependant est envoyé à la Passion, de même les disciples sont aimés du Seigneur, et cependant sont envoyés dans le monde pour y subir la Passion. C'est ce qui lui fait dire: Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie. Cela signifie: lorsque je vous envoie vers les attaques des persécuteurs, je vous aime du même amour dont le Père m'aime, moi qu'il a envoyé au-devant des souffrances.