Grégoire Palamas

Grégoire Palamas, né vers 1296 et décédé en 1359, était un moine, théologien et évêque orthodoxe byzantin, reconnu pour son rôle central dans le développement de la mystique et de la théologie orthodoxes, en particulier dans le contexte du mouvement hésychaste.

Originaire de Constantinople, Grégoire entra dans la vie monastique à un jeune âge et passa plusieurs années au Mont Athos, un centre important de la spiritualité orthodoxe. Là, il approfondit sa pratique de l'hésychasme, une forme de prière contemplative visant à l'union avec Dieu.

Grégoire est surtout connu pour sa défense de l'hésychasme face aux critiques théologiques. Il a articulé une distinction entre l'essence et les énergies de Dieu, affirmant que, bien que Dieu dans son essence soit incompréhensible et inaccessible, les humains peuvent participer à ses énergies divines. Cette position a été affirmée dans plusieurs conciles à Constantinople et est devenue une composante clé de la théologie orthodoxe.

En 1347, Grégoire fut consacré archevêque de Thessalonique, mais son épiscopat fut marqué par des troubles politiques et il passa plusieurs années en prison. Malgré ces difficultés, il continua à écrire et à enseigner, devenant l'une des figures les plus influentes de l'orthodoxie byzantine.

Grégoire Palamas est vénéré comme saint dans les Églises orthodoxes, où il est célébré le 14 novembre. Son héritage théologique continue d'influencer la spiritualité et la théologie orthodoxes.

Commentaires de Grégoire Palamas

Dieu est admirable dans ses saints. C'est lui qui donne à son peuple force et puissance (Ps 67,36). Considérez et comprenez bien le sens de ces paroles prophétiques. Le Seigneur donne force et puissance à tout son peuple - car Dieu ne fait pas de différence entre les personnes -, mais il est admirable uniquement dans ses saints.

Le soleil répand d'en haut ses rayons à profusion et sur tous de manière égale, mais seuls le voient ceux qui ont des yeux et ne les tiennent pas fermés. Avec des yeux sains et une vue puissante, ils jouissent de la pure lumière, tandis que ceux qui voient mal et ont les yeux malades, opaques ou atteints d'une autre affection, n'en sont pas capables. De la même manière, du ciel, Dieu fait descendre sur tous les richesses de sa grâce, car il est la source du salut et de la lumière d'où jaillissent sans cesse la miséricorde et la bonté. Cependant, ce ne sont pas purement et simplement tous les hommes qui tirent profit de sa grâce et de sa puissance pour pratiquer la vertu, parvenir à la perfection et accomplir aussi des miracles. Mais c'est le fait de ceux qui ont orienté leur volonté vers le bien et manifestent par leurs oeuvres leur amour de Dieu et leur foi en lui, ceux qui se détournent franchement du mal, s'attachent fermement aux commandements de Dieu et lèvent les yeux de leur âme vers le Christ, soleil de justice. Lui, du haut du ciel, dans l'invisible, nous tend une main secourable au milieu du combat. En outre, il nous fait entendre dans l'évangile ces paroles d'encouragement: Celui qui se prononcera pour moi devant let> hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux, cieux. (Mt 10,32).

L'Église du Christ honore, même après leur mort, ceux qui ont vraiment vécu une vie conforme au désir de Dieu. Chaque jour de l'année, elle fait mémoire des saints qui, à la même date, s'en sont allés d'ici et ont quitté cette vie périssable. Elle nous présente, pour notre profit, la vie de chacun d'eux et nous offre leur mort en exemple, qu'ils se soient endormis dans la paix ou qu'ils aient terminé leur existence en martyrs.

Or, aujourd'hui, elle leur adresse une hymne commune, <> car ils sont tous unis les uns aux autres et, selon la prière du Maître, ils sont un. Dans l'évangile, en effet, le Seigneur dit à son Père: Accorde-leur d'être un, comme moi, Père, je suis en toi, et toi en moi, et qu'ils soient un en nous dans la vérité (cf. Jn 17,21). <> Aujourd'hui, pour que sa louange soit complète, l'Église de Dieu nous propose et nous montre, tous rassemblés, les fruits si nombreux et si bons que le Seigneur Jésus Christ, Dieu, notre Sauveur, est venu récolter pour la vie éternelle, avec la puissance de l'Esprit très saint. Elle fait mémoire, en une fois, de tous les saints et leur rend hommage à tous aujourd'hui par une hymne.

Nous aussi, en ces jours de fête, présentons nos corps et nos âmes en offrande agréable à Dieu, afin que, par les prières des saints, nous ayons part à leur allégresse et à leur joie éternelles. Puissions-nous tous y parvenir par la grâce et l'amour de Jésus Christ notre Seigneur. A lui la gloire, à son Père éternel et à l'Esprit très saint, bon et vivifiant, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi survint; il sema de l'ivraie au milieu du blé et s'en alla.

Et le Seigneur ajoute: L'ivraie, ce sont les fils du Mauvais. Puisqu'ils accomplissent les mêmes oeuvres que lui, ils portent, en effet, son empreinte et demeurent ses rejetons et ses fils adoptifs. Et le temps fixé pour la moisson, c'est la fin de ce monde. Car, cette moisson qui a commencé il y a bien longtemps et s'effectue aujourd'hui encore par la mort, parviendra alors à son total achèvement. Et les moissonneurs, ce sont les anges. Ceux-ci, en effet, sont les serviteurs du Roi des cieux, et ils le seront surtout à cette heure-là. De même, dit Jésus, qu'on enlève l'ivraie pour la jeter au feu, ainsi en sera-t-il à la fin de ce monde. Le Fils de l'homme, qui est aussi le Fils du Père, du Très-Haut, enverra donc ses anges et ils enlèveront de son Royaume tous ceux qui font tomber les autres.

Ainsi, les serviteurs du Seigneur, autrement dit les anges de Dieu, s'aperçurent qu'il y avait de l'ivraie dans le champ, c'est-à-dire que les impies et les méchants étaient mêlés aux bons et vivaient avec eux, même dans l'Église du Christ. Ils dirent au Seigneur: Veux-tu que nous allions enlever l'ivraie?, en d'autres termes: "que nous étions ces gens de la terre en les faisant mourir"? Mais le Christ leur répondit: Non, de peur qu'en enlevant l'ivraie, vous n'arrachiez le blé en même temps.

Si les anges avaient ainsi enlevé l'ivraie, s'ils avaient frappé à mort les méchants pour les séparer des justes, comment auraient-ils donc pu déraciner aussi le blé, c'est-à-dire les bons? Beaucoup d'impies et de pécheurs, vivant avec les gens pieux et les justes, en arrivent avec le temps à se repentir et à se convertir; ils se mettent à l'école de la piété et de la vertu, et cessent d'être de l'ivraie pour devenir du blé. Ainsi les anges risquaient-ils, s'ils saisissaient de force ces hommes avant qu'ils pussent se repentir, de déraciner le blé en enlevant l'ivraie. De plus il s'est trouvé souvent des hommes de bonne volonté parmi les enfants et les descendants des méchants. Voilà pourquoi Celui qui connaît toutes choses avant qu'elles ne soient n'a pas permis d'arracher l'ivraie avant le temps fixé. Au temps de la moisson, a-t-il dit, je dirai aux moissonneurs: Enlevez d'abord l'ivraie, liez-la en bottes pour la brûler; quant au blé, rentrez-le dans mon grenier.

Aussi celui qui veut être sauvé du châtiment sans fin, et veut hériter du Royaume éternel de Dieu, ne doit-il pas être l'ivraie <>, mais le blé. Qu'il s'abstienne de toute parole vaine ou méchante, qu'il exerce les vertus contraires à ces vices et produise les fruits de la pénitence! C'est ainsi, en effet, qu'il deviendra digne du grenier céleste, qu'il sera appelé fils du Père, le Très-Haut, et que, tout joyeux et resplendissant de la gloire divine, il entrera comme héritier dans son Royaume.

Puissions-nous tous y parvenir par la grâce et l'amour de notre Seigneur Jésus Christ. A lui, la gloire avec son Père éternel et l'Esprit très saint, bon et vivifiant, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Le simple peuple, voyant tous les miracles du Christ, crut en lui, non seulement en ayant envers lui une foi silencieuse, mais aussi en proclamant sa divinité en actions et en paroles. Car, après avoir réveillé Lazare d'un sommeil de quatre jours, Jésus prit un âne que ses disciples lui avaient amené, selon la narration de l'évangéliste Matthieu, le monta et entra ainsi à Jérusalem selon la prophétie de Zacharie: Ne crains pas, fille de Sion, voici ton roi qui vient à toi, le juste, le Sauveur; il est humble et monté sur un âne, le petit d'une ânesse (Za 9,9). Par ces paroles le prophète montre que le roi ainsi prédit était ce roi qui seul est appelé à juste titre "roi de Sion". Car il veut dire: Ton roi ne doit pas inspirer la crainte par son aspect, il ne doit être ni sévère ni cruel, il n'a pas de gardes du corps ni d'escorte, il n'entraîne pas derrière lui une foule de fantassins ni de cavaliers. Il n'agit pas avec rapacité, n'exige pas des impôts ni des taxes, ni des services ou des fonctions non moins viles que nuisibles. Mais ses attributs sont l'humilité, la pauvreté, la modestie. Il fait son entrée sur un âne, sans déployer aucune escorte humaine. C'est pourquoi lui seul est le roi juste qui sauve dans l'équité, et qui est doux en même temps, car la douceur est ce qui le caractérise.

Aussi le Seigneur a-t-il dit de lui-même: Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur (Mt 11,29).

Lui donc, qui avait ressuscité Lazare, ce roi trônant sur un âne, fait ainsi son entrée dans Jérusalem. Et toute la foule, presque tous les enfants, les hommes, les vieillards, étendant leurs vêtements et prenant des branches de palmier, qui sont l'insigne de la victoire, sont venus au-devant de lui comme vers l'auteur de la vie et le vainqueur de la mort, devant qui ils se prosternaient, et qu'ils escortaient non seulement au-dehors mais au-dedans des remparts de la ville, chantant d'une seule voix: Hosanna au Fils de David! Hosanna au plus haut des cieux (Mt 21,9)! Cet hosanna est un hymne adressé à Dieu. Il se traduit: "Sauve-nous, Seigneur!" Ce qu'on ajoute: au plus haut des cieux, montre qu'il n'est pas célébré seulement sur terre ni seulement par les hommes, mais dans les cieux et par les choeurs des anges.

Ceux qui professent la foi droite en notre Seigneur Jésus Christ et en témoignent dans leurs actions, ceux qui restent vigilants ou, s'ils ont péché, se purifient de leurs souillures par la confession et le repentir, ceux qui combattent les vices en exerçant les vertus de tempérance, de chasteté, de charité, de miséricorde, de justice et de sincérité, tous ceux-là entendront à la résurrection le Roi des cieux en personne leur dire: Venez les bénis de mon Père, recevez en héritage le royaume préparé pour vous depuis la création du monde (Mt 25,34). Héritiers d'un royaume céleste, inébranlable, ils régneront ainsi avec le Christ. Ils vivront pour toujours dans la lumière ineffable et sans déclin qu'aucune nuit jamais n'interrompt. Ils demeureront avec les saints d es temps anciens dans des délices inexprimables, auprès d'Abraham, là où il n'y a plus aucune douleur, aucune peine ni aucun gémissement.

Il existe une moisson pour les épis de blé matériels et une autre pour les épis doués de raison, c'est-à-dire le genre humain. Celle-ci, avons-nous dit, s'effectue chez les infidèles et rassemble dans la foi ceux qui accueillent l'annonce de l'évangile. Les ouvriers de cette moisson sont les Apôtres du Christ, puis leurs successeurs, puis, au cours du temps, les docteurs de l'Église. Le Christ a dit à leur sujet ces paroles, que nous avons déjà citées: Le moissonneur reçoit son salaire: il récolte du fruit pour la vie éternelle (Jn 4,36). En effet, les docteurs de la foi obtiendront aussi de Dieu une pareille récompense, parce qu'ils rassemblent pour la vie éternelle ceux qui obéissent.

Et il y a encore une autre moisson: c'est le passage de cette vie à la vie future qui, pour chacun de nous, s'opère par la mort. Les ouvriers de cette moisson-là ne sont pas les Apôtres, mais les anges. Ils ont une plus grande responsabilité que les Apôtres, car ils font le tri qui suit la moisson et ils séparent les méchants des bons, comme on le fait avec l'ivraie et le grain. Ils envoient d'abord les bons dans le Royaume des cieux, puis précipitent Les méchants dans la géhenne de feu.

Nous sommes aujourd'hui le peuple choisi de Dieu, la race sainte, l'Église du Dieu vivant, mise à part de tous les impies et infidèles. Puissions-nous être séparés de l'ivraie de la même manière dans le siècle futur, et agrégés à la foule de ceux qui sont sauvés dans le Christ, notre Seigneur, qui est béni dans les siècles. Amen.

Si la mort des saints mérite d'être honorée, et si la mémoire des justes se célèbre par des louanges, combien plus devons-nous entourer d'éloges le souvenir de Jean, qui occupe la place la plus éminente parmi les saints et les justes! Il a tressailli de joie avant de naître, il a marché devant le Verbe de Dieu incarné pour nous et a proclamé sa présence. Le Verbe, à son tour, a glorifié Jean et a attesté qu'il était plus grand que les prophètes, les saints et les justes depuis le commencement du monde.

Toute la vie, en effet, du plus grand parmi tous les enfants des femmes, est le miracle des miracles. Outre la vie entière de Jean, prophète dès avant sa naissance et le plus grand des prophètes, c'est aussi tout ce qui a rapport avec lui bien avant sa naissance et après sa mort, qui surpasse tous les miracles. En effet, les divines prédictions que des prophètes inspirés par Dieu ont faites à son sujet, le décrivent non comme un homme mais comme un ange, comme un flambeau étincelant, comme l'étoile du matin diffusant la lumière divine - car il précède le soleil de justice -, et comme la voix du Verbe de Dieu lui-même. Or qu'y a-t-il de plus proche du Verbe de Dieu, et qui s'apparente plus à lui que la voix de Dieu?

Lorsque le moment de sa conception approche, ce n'est pas un homme mais un ange qui descend du ciel pour mettre fin à la stérilité de Zacharie et d'Elisabeth: il promet que ceux qui ont été inféconds depuis leur jeunesse donneront naissance, dans leur extrême vieillesse, à un enfant; il prédit que la naissance de cet enfant sera la cause d'une grande joie, car elle annoncera le salut de tous les hommes.

Car il sera grand, dit-il, devant le Seigneur. Il ne boira pas de vin ni de boissons fermentées, et il sera rempli de l'Esprit Saint dès avant sa naissance; il fera revenir de nombreux fils d'Israël au Seigneur leur Dieu, il marchera avec l'esprit et la puissance d'Elie (Lc 1,15-17). Jean, en effet, sera vierge comme lui, et il habitera au désert plus que lui, et il reprendra les rois et les reines qui agiront à l'encontre de la loi. Mais il l'emportera sur Elie, surtout pour la raison qu'il sera le précurseur de Dieu car, est-il dit, il marchera devant le Seigneur.

Comme le monde n'était pas digne de lui, Jean a vécu continuellement dans les déserts depuis son plus jeune âge, y menant une vie privée de confort, exempte de soucis et toute de simplicité. <> Il vivait pour Dieu seul, attentif à Dieu seul, trouvant sa joie en Dieu. Il vivait donc en un endroit écarté sur la terre, comme il est dit: Il alla vivre au désert jusqu'au jour où il devait être manifesté à Israël (Lc, 1,80).

De même donc qu'en ce temps-là, le Seigneur, mû par son ineffable amour envers nous, descendit du ciel pour nous qui étions tous impies, de même, à cette époque, Jean sortit du désert pour nous, afin d'aider à la réalisation de ce dessein d'amour. Car, pour servir le Dieu de bonté dans son abaissement extraordinaire vers les hommes qui étaient alors plongés dans l'abîme du mal, il fallait un homme d'une vertu insurpassable comme lui. C'est ainsi, en effet, qu'il attirerait à lui ceux qui le verraient, comme de fait il les a attirés, et qu'il les entraînerait merveilleusement à la suite de l'homme remarquable qu'il était, en manifestant par sa façon de vivre sa supériorité sur tous. Le message qu'il proclamait était en accord avec la vie qu'il menait, car il promettait le Royaume des cieux, il brandissait la menace du feu qui ne s'éteint pas et enseignait que le Christ est le Roi des cieux.

Lorsque Dieu voulut manifester et exposer clairement son dessein, qui dépasse toute expression, il envoya du désert Jean, appelé le Précurseur. Celui-ci baptise ceux qui se présentent et les exhorte à croire en celui qui doit venir. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint (Mt 3,11), dit-il. Il leur enseigne que celui-là est supérieur à lui-même autant que l'Esprit Saint est supérieur à l'eau. Il témoigne, en effet, que celui qui vient est le Maître, le Créateur de l'univers, qui a autorité sur les anges et sur les hommes. Tous les hommes constituent sa moisson spirituelle et il tient la pelle à vanner dans sa main (Mt 3,12), c'est-à-dire évidemment les puissances temporelles.

Sur lui-même, Jean atteste qu'il est seulement le Précurseur de celui qui vient; il désigne également Isaïe comme étant le héraut du Seigneur. Quant à lui, il se proclame le serviteur envoyé pour annoncer à l'avance l'avènement de son maître, et pour préparer les fidèles à l'accueillir, car il dit: Je suis la voix qui crie à travers le désert: Aplanissez le chemin du Seigneur (Jn 1,23).

Jésus vient au baptême pour obéir à celui qui envoya Jean, comme lui-même l'a dit: C'est de cette façon que nous devons accomplir parfaitement tout ce qui est juste (Mt 3,15). Car son baptême devait le manifester à Israël. Puisqu'il venait pour ouvrir le chemin du salut et assurer aux baptisés qui le suivraient ce que lui-même a montré et révélé: que l'Esprit Saint leur est donné et que, par lui-même, il instituerait le baptême comme un remède pour purifier les souillures provenant de notre origine et de notre vie esclave des sens.

Lui-même, en tant qu'homme, n'avait pas besoin de purification, étant né d'une Vierge sans tache, et toute sa vie étant exempte de péché. Mais, parce que c'est pour nous qu'il est né, c'est aussi pour nous qu'il est purifié. Donc il est baptisé par Jean et, comme il sort de l'eau, les cieux s'ouvrent pour lui, et voici qu'on entend, venant d'en haut, la voix du Père: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en lui j'ai mis tout mon amour (Mt 3,17). Et, pareil à une colombe, l'Esprit de Dieu descend sur lui pour montrer quel est celui qui reçoit ce témoignage du ciel.

Prenant avec lui uniquement Pierre, Jacques et Jean, Jésus les emmena à l'écart, sur une haute montagne, et il fut transfiguré devant eux (Mt 17,1-2), c'est-à-dire sous leurs yeux. "Que signifie: 'Il fut transfiguré"?", demande Chrysostome, le théologien. Cela veut dire qu'il laissa entrevoir, comme il le jugea bon, un peu de sa divinité, et qu'il montra à ses disciples Dieu habitant en lui. Pendant qu'il priait, dit saint Luc, son aspect changea (Lc 9,29), tandis que saint Matthieu écrit: Il devint brillant comme le soleil (Mt 17,2).

Il dit comme le soleil, non pour que nous concevions cette lumière comme une chose sensible <>, mais il veut nous faire comprendre ceci: ce que le soleil est pour ceux qui vivent selon les sens, et qui voient par les sens, le Christ l'est, dans sa nature divine, pour ceux qui vivent selon l'Esprit et voient dans l'Esprit. Dans la vision divine, ceux qui sont semblables à Dieu n'ont nul besoin d'une autre lumière que lui, car, pour ceux qui sont dans l'éternité, il n'est pas d'autre lumière que lui. Pourquoi, en effet, auraient-ils besoin d'une deuxième lumière, alors qu'ils ont la lumière primordiale?

Or, pendant qu'il priait, il resplendit ainsi et révéla, d'une manière indescriptible, en présence des prophètes les plus éminents, cette lumière mystérieuse aux disciples qu'il avait choisis. Il nous montre ainsi que cette vision bienheureuse est le fruit de la prière. Et il nous apprend que ceux qui sont proches de Dieu par la vertu et lui sont unis en esprit parviennent à la vision de cette splendeur. Celle-ci s'offre aux regards de tous ceux qui tendent sans cesse vers Dieu, par la pratique exacte des bonnes oeuvres et la prière sincère. Car, comme le dit saint Jean Chrysostome , "seul celui dont l'esprit a été purifié peut contempler la beauté véritable et très désirable qui entoure la bienheureuse nature divine. " En contemplant ses rayons et ses beautés, il en reçoit une part, pour ainsi dire un rayon de lumière éclatante, qui fait briller son propre regard.

C'est pourquoi le visage de Moïse fut aussi glorifié pendant qu'il s'entretenait avec Dieu (cf. Ex 34,29). Pensez-y: Moïse ne fut-il pas aussi transfiguré, une fois monté sur la montagne, et n'est-ce pas qu'il vit la gloire du Seigneur? Mais il subit la transfiguration et n'en fut pas l'auteur.

Notre Seigneur Jésus Christ, lui, possédait cette splendeur par nature. Dès lors, il n'avait même pas besoin de prier pour faire resplendir son corps de lumière divine. Mais il a indiqué aux saints par quel moyen ils recevraient la splendeur de Dieu et comment ils en auraient la vision. Car dans le Royaume de leur Père les justes resplendiront comme le soleil (Mt 13,43). Ainsi, devenus tout entiers lumière divine, et en tant qu'enfants de la lumière divine, ils verront le Christ éminemment rayonnant de lumière ineffable et divine. La gloire qui émane naturellement de sa divinité s'est manifestée sur le Thabor, également partagée par son corps, à cause de l'unité de sa personne. C'est donc aussi par une telle lumière que son visage devint brillant comme le soleil (Mt 17,2).

Cet être spirituel qui est le premier auteur du mal et qui s'ingénie à le répandre, se montre très habile à détruire par le désespoir et l'infidélité les fondements de la vertu dans l'instant même où ils ont été posés dans une âme. Ensuite, lorsque se dressent les murs de ce que j'appellerai la maison de la vertu, il se sert aussi très astucieusement du découragement et de la négligence pour leur donner l'assaut. Même quand le toit des bonnes oeuvres vient d'être construit, il l'abat encore avec l'arrogance et la présomption.

Restez fermes pourtant, ne vous effrayez pas, car l'homme zélé pour le bien est plus habile que lui. Et la vertu possède, pour résister au mal, une force plus grande que la sienne. Elle bénéficie, en effet, de l'assistance et du secours envoyés d'en haut par Celui qui peut tout. Dans sa bonté, il rend forts tous ceux qui aiment la vertu.

De la sorte, celle-ci restera inébranlable face aux multiples et funestes machinations ourdies par l'Adversaire. Elle pourra en outre relever et rétablir ceux qui sont tombés dans l'abîme des maux, et les conduire facilement à Dieu par le repentir et l'humilité.

La parabole nous le fait comprendre suffisamment. Le publicain, bien qu'il soit publicain et passe sa vie dans ce que j'appellerai l'abîme du péché, s'unit par une simple prière à ceux qui mènent une vie conforme à la vertu. Grâce à cette courte prière il se sent léger, il s'élève, il triomphe de tout mal, il est agrégé au choeur des justes et justifié par le Juge impartial. Le pharisien, lui, est condamné sur ce qu'il dit, bien qu'il soit pharisien et se considère comme quelqu'un d'important. Car il n'est pas vraiment juste, et de sa bouche sortent beaucoup de paroles d'orgueil qui, toutes, provoquent la colère de Dieu.

Pourquoi l'humilité élève-t-elle l'homme à la hauteur de la sainteté, tandis que la présomption le précipite dans le gouffre du péché? Voici. Celui qui se prend pour quelqu'un d'important devant Dieu est à juste titre abandonné par Dieu, puisqu'il pense ne pas avoir besoin de son secours. L'autre reconnaît son néant et, de ce fait, se tourne vers la miséricorde divine. Il trouve à juste raison la compassion, l'assistance et la grâce de Dieu. L'Écriture dit en effet: le Seigneur résiste aux orgueilleux, mais il accorde aux humbles sa grâce (cf. Pr 3,34 grec; Jc 4,6 1P 5,5).

Selon la parole du Seigneur, quand ce dernier rentra chez lui, c'est lui qui était devenu juste et non pas l'autre. Qui s'élève sera abaissé; qui s'abaisse sera élevé (Lc 18,14). Du fait que le diable est l'orgueil même, et l'arrogance son vice propre, ce mal conquiert puis entraîne avec lui toute vertu humaine à laquelle il se mêle. Pareillement, s'abaisser devant Dieu est la vertu des bons anges: elle triomphe également de tous les vices humains dont sont affligés les pécheurs. Car l'humilité est le char qui nous emmène vers Dieu, sur ces nuées qui doivent emporter jusqu'à lui ceux qui lui seront unis dans les siècles sans fin, selon la prophétie de l'Apôtre: Nous serons emportés, dit-il, sur les nuées du ciel à la rencontre du Seigneur. Ainsi, nous serons pour toujours avec le Seigneur (1Th 4,17). Car l'humilité est semblable à une nuée: elle prend corps dans le repentir, elle fait jaillir des yeux un torrent de larmes, elle rend dignes les indignes, elle conduit et unit à Dieu ceux qui, en raison de leur volonté droite, sont justifiés par la grâce.