Saint Léon le Grand

Saint Léon le Grand, également connu sous le nom de Léon Ier, fut pape de 440 à 461 et est l'un des Pères de l'Église les plus éminents. Né dans la région de Toscane, en Italie, il est surtout connu pour son rôle dans le développement de la doctrine chrétienne et l'affirmation de l'autorité papale.

Léon le Grand est particulièrement célèbre pour sa contribution à la théologie chrétienne, notamment en matière de christologie. Son Tome à Flavien, écrit en 449, a joué un rôle crucial dans le Concile de Chalcédoine de 451, qui a défini la nature à la fois divine et humaine de Jésus Christ.

En tant que pape, Léon a renforcé le rôle et l'influence de l'évêque de Rome dans l'Église et a joué un rôle diplomatique significatif, notamment en rencontrant Attila le Hun en 452 et en négociant avec succès pour éviter le sac de Rome.

Ses sermons et lettres, qui abordent des questions théologiques, pastorales et sociales, sont une source importante pour comprendre l'Église et la société au Ve siècle. Ils reflètent sa profonde conviction religieuse et son engagement envers la défense de la foi chrétienne.

Saint Léon le Grand est vénéré comme un saint dans l'Église catholique, l'Église orthodoxe, ainsi que dans les Églises anglicane et luthérienne. Sa fête est célébrée le 10 novembre. Son héritage en tant que leader ecclésiastique et théologien continue d'influencer le christianisme contemporain.

Commentaires de Saint Léon le Grand

Pour nous, nous ne dirons pas que le Christ s'est fait homme en ce sens qu'il lui ait manqué ce qui constitue la nature humaine, soit l'âme, soit l'intelligence ordinaire, soit un corps qui ne serait point né d'une femme, mais qui serait le produit du changement, de la conversion du Verbe dans la chair, trois erreurs qui forment les trois différentes parties de l'hérésie des Apollinaristes.

Eutychès s'empara de la troisième erreur des Apollinaristes, et il nia qu'il y eut en Notre-Seigneur Jésus-Christ la réalité d'une chair humaine et d'une âme semblable à la nôtre, et soutint qu'il n'y avait en lui qu'une seule nature. Dans son système, la substance divine du Verbe serait comme changée en corps et en âme ; et ces différentes actions, être conçu, naître, croître, être nourri, étaient des actions de la nature divine, toutes choses qui ne peuvent lui être attribuées que par son union à une chair véritable ; car la nature du Fils est la même que la nature du Père, que la nature du Saint-Esprit, elle a la même impassibilité et la même éternité. Si cet hérétique parait se séparer de l'erreur perverse d'Apollinaire, pour ne pas être obligé d'admettre que la divinité est passible et mortelle, et que cependant il ne craigne pas de soutenir qu'il n'y a dans le Verbe incarné, c'est-à-dire dans le Verbe et la chair qu'une seule nature, il tombe infailliblement dans l'erreur insensée des Manichéens et de Marcion ; il faut qu'il admette encore que tout en Jésus-Christ a été feint et imaginaire, et que sans avoir un corps véritable il n'a fait qu'en présenter l'apparence aux yeux de ceux qui le voyaient.

Eutychès ayant osé dire devant l'assemblée des évêques qu'il y avait eu en Jésus-Christ deux natures avant l'incarnation, et une seule après, on dut le presser par des questions habilement posées de bien préciser sa foi. Quant à moi, je pense qu'en s'exprimant ainsi il était persuadé que l'âme que le Sauveur s'est unie a séjourné dans les cieux avant de naître de la Vierge Marie. Mais c'est un langage que ni la conscience ni les oreilles des catholiques ne peuvent tolérer, attendu que le Seigneur en descendant des cieux n'en a rien apporté de ce qui est propre à notre nature, ni une âme qui eût préexisté à sa naissance, ni un corps venu d'ailleurs que du sein maternel. Aussi l'erreur condamnée justement dans Origène, qui a soutenu que les âmes, avant d'être unies à des corps, non seulement avaient existé, mais qu'elles avaient agi diversement, doit l'être également dans Eutychès.

Que les mots de conception, d'enfantement ne vous effrayent ni ne vous troublent, car ici la virginité calme toutes les craintes de la pudeur. Et en quoi la pudeur recevrait-elle quelqu'atteinte dans l'union de la divinité avec la pureté qui lui est toujours si chère, dans cette union annoncée par un ange, contractée sons les auspices de la foi et consommée dans la chasteté, dans cette union qui a la vertu pour dot, la conscience pour arbitre, Dieu pour objet, et où nous voyons une conception sans souillure, un enfantement immaculé, une mère vierge ?

Il a été conçu du Saint-Esprit dans le sein de la vierge, sa mère, qui l'enfanta comme elle l'avait conçu sans que sa virginité en eût souffert la plus légère atteinte.

Indépendamment de l'éclat de l'étoile qui frappa leurs yeux, un rayon plus brillant encore de la vérité éclaira et instruisit leurs coeurs, et c'était là une figure de la lumière que la foi répand dans les âmes.

Ce que les Mages avaient cru et ce qu'ils avaient compris pouvait leur suffire, et ils n'avaient pas besoin d'examiner des yeux du corps ce qu'ils avaient vu des yeux de l'âme ; mais ce zèle, cet empressement, cette persévérance qui les conduisirent jusqu'au berceau du Sauveur étaient dans l'intérêt des hommes de notre temps, car de même que l'apôtre saint Thomas, en touchant de sa main les cicatrices des plaies de Notre-Seigneur après sa résurrection, nous a été grandement utile, de même il nous est avantageux que les Mages aient constaté de leurs yeux l'enfance du Sauveur. Ils disent donc : " Nous sommes venus l'adorer. "

Cependant tes craintes sont superflues, ô Hérode, ton palais ne peut contenir le Christ, le maître du monde ne peut être resserré dans les limites étroites de ton royaume ; celui à qui tu veux défendre de régner dans la Judée étend son règne partout.

Hérode dans cette circonstance joue le rôle du démon, et le démon après avoir été son instigateur se montre depuis son infatigable imitateur, car la vocation des Gentils fait son tourment, et son plus grand supplice est de voir tous les jours la destruction de son empire.

Les Mages guidés par un sentiment naturel crurent qu'ils devaient chercher dans la capitale du royaume le roi dont la naissance leur avait été révélée ; mais celui qui avait daigné prendre la forme d'un esclave, et qui était venu pour être jugé, et non pas pour juger, fit choix de Bethléem pour sa naissance et de Jérusalem pour sa passion.

Ils le trouvèrent petit de forme, réduit à avoir besoin du secours d'autrui, incapable de parler, ne différant en rien de la généralité des autres enfants ; car de même que des témoignages incontestables prouvaient qu'en lui se trouvait l'invisible majesté de Dieu, de même il devait être démontré que cette nature éternelle du Fils de Dieu s'était unie à la vérité de la nature humaine.

Les jeûnes qui ne viennent point d'un principe de mortification, mais qui sont le produit de la fourberie, ne sont pas des jeûnes purs aux yeux de Dieu.

Il faut accomplir la loi du jeûne non-seulement par le retranchement des aliments, mais en s'abstenant du vice. Car, quel est le but de cette mortification ? c'est d'éteindre en nous le foyer des désirs charnels ; le genre de tempérance auquel nous devons nous livrer de préférence, c'est d'être sobres de toute volonté coupable, c'est de pratiquer le jeûne à l'égard de toute action criminelle. Cette manière d'accomplir la loi du jeûne convient également à ceux qui sont malades, car un corps languissant peut renfermer une âme saine et robuste.

Le Seigneur découvre sa gloire devant les témoins qu'il a choisis, et il éclaire d'une telle splendeur cette forme corporelle qu'il a en commun avec les autres hommes que son visage a l'éclat du soleil et que ses vêtements sont aussi blancs que la neige.

Par cette transfiguration il voulait avant tout prémunir ses disciples contre le scandale de la croix et, en leur révélant toute la splendeur de sa dignité cachée, empêcher que les abaissements de sa Passion volontaire ne bouleversent leur foi.

Mais, il ne prévoyait pas moins de fonder l'espérance de l'Église, en faisant découvrir à tout le Corps du Christ quelle transformation lui serait accordée; ses membres se promettraient de partager l'honneur qui avait resplendi dans leur chef.

Le Seigneur lui-même avait déclaré à ce sujet, lorsqu'il parlait de la majesté de son avènement: Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père (Mt 13,43). Et l'apôtre saint Paul atteste lui aussi: J'estime qu'il n'y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que le Seigneur va bientôt révéler en nous (Rm 8,18). Et encore: Vous êtes morts avec le Christ, et votre vie reste cachée avec lui en Dieu. Quand paraîtra le Christ qui est votre vie, alors, vous aussi vous paraîtrez avec lui en pleine gloire (Col 3,3-4).

Cependant, pour confirmer les Apôtres et les introduire dans une complète connaissance, un autre enseignement s'est ajouté à ce miracle. En effet, Moïse et Élie, c'est-à-dire la Loi et les Prophètes, apparurent en train de s'entretenir avec le Seigneur. Ainsi, par la réunion de ces cinq hommes s'accomplirait de façon certaine la prescription: Toute parole est garantie par la présence de deux ou trois témoins (Dt 19,15).

Qu'y a-t-il donc de mieux établi, de plus solide que cette parole? La trompette de l'Ancien Testament et celle du Nouveau s'accordent à la proclamer; et tout ce qui en a témoigné jadis s'accorde avec l'enseignement de l'Évangile.

Les écrits de l'une et l'autre Alliance, en effet, se garantissent mutuellement; celui que les signes préfiguratifs avaient promis sous le voile des mystères est montré comme manifeste et évident par la splendeur de la gloire présente. Comme l'a dit saint Jean, en effet: Après la Loi communiquée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ (Jn 1,17). En lui s'est accomplie la promesse des figures prophétiques comme la valeur des préceptes de la Loi, puisque sa présence enseigne la vérité de la prophétie, et que sa grâce rend praticables les commandements.

Que la foi de tous s'affermisse avec la prédication de l'Évangile, et que personne n'ait honte de la croix du Christ, par laquelle le monde a été racheté.

Que personne donc ne craigne de souffrir pour la justice, ni ne mette en doute la récompense promise; car c'est par le labeur qu'on parvient au repos, par la mort qu'on parvient à la vie. Puisque le Christ a accepté toute la faiblesse de notre pauvreté, si nous persévérons à le confesser et à l'aimer, nous sommes vainqueurs de ce qu'il a vaincu et nous recevons ce qu'il a promis. Qu'il s'agisse de pratiquer les commandements ou de supporter l'adversité, la voix du Père que nous avons entendue tout à l'heure doit retentir sans cesse à nos oreilles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour; écoutez-le! (Mt 17,5).

Les princes des prêtres prenaient des mesures pour qu'aucun tumulte n'eût lieu dans ce saint jour de fête; mais ce qui les préoccupait, ce n'était pas la solennité du jour, c'était l'exécution de leur crime, et ils redoutaient qu'une sédition ne vint à éclater pendant la principale fête de l'année, non pas dans la crainte que le peuple ne se rendît coupable, mais de peur que Jésus ne vint à leur échapper.

Nous devons reconnaître que c'est par un dessein bien marqué de la providence de Dieu que les princes des Juifs, qui avaient si souvent cherché l'occasion de satisfaire leur fureur contre Jésus-Christ, ne reçurent le pouvoir de l'exercer contre lui qu'à la fête de Pâque. Il fallait en effet que les promesses annoncées depuis si longtemps par des mystères figuratifs eus sent un accomplissement visible et éclatant, que le véritable agneau prît la place de celui qui. l'avait figuré, et qu'un sacrifice unique tint lieu désormais des victimes multipliées de l'ancienne loi. Afin donc que les ombres s'évanouissent devant la réalité, et que les figures dis paraissent en présence de la vérité, une victime succède à une victime, le sang est remplacé par le sang, et la solennité légale reçoit son accomplissement en faisant place à une autre.

Il montre par là que la conscience du traître lui était connue. Il ne le confond point par un repro che sévère et direct, mais il se contente de lui donner un avertissement indirect et plein de dou ceur, pour amener plus facilement à se repentir de ses criminels desseins celui que le mépris n'aurait pas encore flétri.

Il n'éloigne pas même le traître de ce mystère, afin qu'il fût démontré qu'aucune offense ne motivait la haine de Judas, dont l'impiété toute vo lontaire lui était connue d'avance, et qui devait y persévérer volontairement.

Le Seigneur ne souffre pas que le pieux élan de son zélé disciple aille plus loin: «Alors Jésus lui dit: Remets ton glaive en son lieu».En effet, il eut été contraire au mystère de la rédemption que celui qui venait mourir pour tous les hommes ne consentît pas à se laisser prendre par ses ennemis. Il donna donc à ces furieux le pouvoir d'assouvir leur rage contre lui, pour ne point prolonger, par le retard du glorieux triomphe de la croix, l'empire du démon et la captivité du genre humain.

Le crime des Juifs surpasse de beaucoup la faute de Pilate, mais il ne laisse pas toutefois d'être coupable, lui qui sacrifie ses convictions personnelles pour se rendre complice du crime d'autrui: «Alors il leur accorda la délivrance de Barrabas, et après avoir fait flageller Jésus, il le leur livra pour être crucifié».

Deux voleurs sont crucifiés, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche, pour nous montrer dans ces suppli ces figuratifs le discernement et la séparation que Jésus-Christ doit faire de tous les hommes au jugement dernier. La passion de Jésus-Christ renferme donc le mystère de notre salut, et la puissance du Rédempteur s'est fait un degré, pour monter dans la gloire, de cet instrument, que l'iniquité des Juifs avait préparé pour son supplice.

A quelle source d'erreurs, ô Juifs, avez-vous puisé ces blas phèmes empoisonnés? Quel maître vous a enseigné, quelle doctrine vous a persuadé que vous ne deviez reconnaître pour roi d'Israël et pour Fils de Dieu que celui qui ne permettrait pas qu'on le crucifie, ou qui détacherait son corps des clous qui perçaient ses pieds et ses mains sur la croix? Ce n'est pas ce que vous ont annoncé les oracles prophétiques, car vous y avez vrai ment lu: «Je n'ai point détourné mon visage des crachats ignominieux», et encore: «Ils ont percé mes pieds et mes mains, et ils ont compté tous mes os» ( Ps 22,18 ). Est-ce que vous avez lu quelque part: Le Seigneur est descendu de la croix? N'avez-vous pas lu au contraire: «C'est par le bois que le Seigneur a régné ?»

Le bouleversement subit de tous les éléments est un té moignage rendu à cette auguste passion du Fils de Dieu: «Et la terre trembla, et les pierres se fendirent», etc.

Que toute créature terrestre tremble d'effroi à l'exemple du centurion devant le supplice de son Rédempteur, que les rochers des âmes infidèles se brisent, et que ceux qui étaient comme accablés sous le poids des tombeaux de la mortalité, se hâtent d'en sortir en renversant tous les obstacles qui les arrêtent; qu'ils se montrent aussi dans la cité sainte, c'est-à-dire dans l'Église de Dieu comme preuve de la résur rection future, et qu'on voie dès maintenant s'accomplir dans les coeurs, ce qui, d'après la foi chrétienne, doit un jour s'accomplir dans les corps.

Celui qui monte dans les cieux n'abandonne pas ceux qu'il a adoptés, et il les fortifie en leur inspirant la patience sur la terre, en même temps qu'il les ap pelle à la gloire. Que Jésus-Christ lui-même nous rende participants de cette gloire, lui qui est le Dieu béni dans tous les siècles des siècles.

Le mystère de notre salut, ce salut que le Créateur de l'univers a estimé au prix de son sang, depuis le jour de sa naissance corporelle jusqu'à l'issue de sa Passion, ce mystère s'est accompli selon une dispensation marquée par l'humilité. Et bien que, même à travers la condition de serviteur, les signes de la divinité du Christ aient rayonné, toute l'action de cette période a consisté essenti ellement à démontrer la vérité de l'incarnation.

Mais après la Passion, une fois rompus les liens de la mort qui, en s'attaquant à celui qui n'avait pas connu le péché, avait perdu toute sa virulence, la faiblesse se changea en force, la mortalité en éternité, et l'opprobre en cette gloire que le Seigneur Jésus fit voir à beaucoup, par des preuves nombreuses et manifestes, jusqu'à ce qu'il conduisît aux cieux ce triomphe de la victoire qu'il avait rapportée du séjour des morts.

Dans la solennité pascale, la résurrection du Seigneur était la cause de notre joie; de même sa montée au ciel nous donne lieu de nous réjouir, puisque nous commémorons et vénérons ce grand jour où notre pauvre nature, en la personne du Christ, a été élevée plus haut que toute l'armée des cieux, plus haut que tous les choeurs des anges, plus haut que toutes les puissances du ciel, jusqu'à s'asseoir auprès de Dieu le Père. C'est sur cette disposition des oeuvres divines que nous sommes fondés et construits. La grâce de Dieu devient en effet plus admirable lorsque, les hommes ayant vu disparaître ce qui leur inspirait de l'adoration, leur foi n'a pas connu le doute, leur espérance n'a pas été ébranlée, leur charité ne s'est pas refroidie.

Voilà en quoi consiste la force des grands esprits, telle est la lumière des âmes pleines de foi: croire sans hésitation ce que les yeux du corps ne voient pas, fixer son désir là où le regard ne parvient pas. Mais comment une telle piété pourrait-elle naître en nos coeurs, comment pourrait-on être justifié par la foi, si notre salut ne consistait qu'en des réalités offertes à nos yeux? C'est ce qui explique la parole de Dieu à cet homme que l'on voyait douter de sa résurrection s'il n'explorait pas, par la vue et le toucher, les marques laissées dans sa chair par la Passion: Parce que tu m'as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu (Jn 20,29).

Pour que nous puissions, mes bien-aimés, être capables de cette béatitude, notre Seigneur Jésus Christ, après avoir accompli tout ce qui correspond à la prédication évangélique et aux mystères du Nouveau Testament, le quarantième jour après sa résurrection, en présence de ses disciples, s'est élevé au ciel et a mis un terme à sa présence corporelle pour demeurer à la droite du Père. Il y demeurera jusqu'à ce que soient accomplis les temps prévus pour que se multiplient les fils de l'Église, et pour que lui-même vienne juger les vivants et les morts, dans cette même chair avec laquelle il est monté au ciel.

C'est pourquoi ce qui était visible chez notre Rédempteur est passé dans les mystères sacramentels. Et pour rendre la foi plus pure et plus ferme, la vue a été remplacée par l'enseignement: c'est à l'autorité de celui-ci que devaient obéir les coeurs des croyants, éclairés par les rayons du ciel.

Caïphe, pour faire éclater l'envie que lui inspirent les paroles qu'il vient d'entendre, déchire ses vêtements, et sans savoir ce que signifie cet acte de folie, il se dépouille de l'honneur du sacerdoce, oubliant ce précepte de la loi au grand-prêtre: «Il n'ôtera point la tiare de son front et il ne déchirera point ses vêtements». ( Lv 21, 10) «Aussitôt le grand-prêtre, déchirant ses vêtements, leur dit: Qu'avons-nous encore besoin de témoins? Vous avez entendu le blasphème», etc.

La majesté du Fils de Dieu n'avait pas dédaigné l'état d'enfance; mais l'enfant a grandi avec l'âge jusqu'à la stature de l'homme parfait; puis, lorsqu'il a pleinement accompli le triomphe de sa passion et de sa résurrection, toutes les actions de la condition humiliée qu'il avait adoptée pour l'amour de nous sont devenues du passé. Pourtant, la fête d'aujourd'hui renouvelle pour nous les premiers instants de Jésus, né de la Vierge Marie. Et lorsque nous adorons la naissance de notre Sauveur, il se trouve que nous célébrons notre propre origine.

En effet, lorsque le Christ vient au monde, le peuple chrétien commence; l'anniversaire de la tête, c'est l'anniversaire du corps.

Sans doute, chacun de ceux qui sont appelés le sont à leur tour, et les fils de l'Église apparaissent à des époques différentes. Pourtant, puisque les fidèles dans leur totalité, nés de la source du baptême, ont été crucifiés avec le Christ dans sa passion, ressuscités dans sa résurrection, établis à la droite du Père dans son ascension, ils sont nés avec lui en cette Nativité.

Tout croyant, de n'importe quelle partie du monde, qui renaît dans le Christ, après avoir abandonné le chemin du péché qu'il tenait de son origine, devient un homme nouveau par sa seconde naissance. Il n'appartient plus à la descendance de son père selon la chair, mais à la race du Sauveur, car celui-ci est devenu Fils de l'homme pour que nous puissions être fils de Dieu.

Car si lui-même, par son abaissement, n'était pas descendu jusqu'à nous, personne n'aurait pu, par ses propres mérites, parvenir jusqu'à lui.

Un si grand bienfait appelle de notre part une reconnaissance digne de sa splendeur. En effet, comme nous l'enseigne saint Paul, l'Esprit que nous avons reçu, ce n'est pas celui du monde, c'est celui qui vient de Dieu, et ainsi nous avons conscience des dons que Dieu nous a faits (1Co 2,12). On ne peut l'honorer avec assez de piété qu'en lui offrant ce que lui-même nous a donné.

Or, dans les trésors de la générosité divine, que pouvons-nous trouver qui soit aussi bien accordé à la dignité de la fête présente, que cette paix proclamée par le cantique des anges lors de la nativité du Seigneur?

Car c'est la paix qui engendre les fils de Dieu (Ep 4,3), qui favorise l'amour, qui enfante l'unité, qui est le repos des bienheureux, la demeure de l'éternité. Son ouvrage propre, son bienfait particulier, c'est d'unir à Dieu ceux qu'elle sépare du monde.

Donc, ceux qui ne sont pas nés de la chair et du sang, ni d'une volonté chamelle, ni d'une volonté d'homme, mais qui sont nés de Dieu (Jn 1,13), doivent offrir au Père la volonté unanime des artisans de paix. Tous ceux qui sont devenus par adoption les membres du Christ, doivent accourir pour rejoindre ensemble le premier-né de la nouvelle création, celui qui est venu faire non pas sa volonté, mais la volonté de celui qui l'envoie (Jn 6,38). Les héritiers que la grâce du Père adopte ne sont pas des héritiers divisés ou disparates; ils ont les mêmes sentiments et le même amour. Ceux qui sont recréés selon l'Image unique doivent avoir une âme qui lui ressemble.

La naissance du Seigneur Jésus, c'est la naissance de la paix. Comme le dit saint Paul: C'est lui, le Christ, qui est notre paix (Ep 2,14). Que nous soyons d'origine juive ou païenne, c'est par lui que nous avons accès auprès du Père, dans un seul Esprit (Ep 2,18).

La solennité de ce jour, mes bien-aimés, doit être vénérée parmi les fêtes principales, tous les coeurs catholiques le savent. Nous devons assurément le plus grand respect à ce jour que l'Esprit Saint a consacré par le prodige suprême du don de lui-même.

Ce jour est en effet le dixième après celui où le Seigneur a dépassé toute la hauteur des cieux pour s'asseoir à la droite de Dieu son Père. Il est le cinquantième jour à briller pour nous depuis sa résurrection, en Jésus par qui le jour a commencé. Ce jour contient en lui-même de grands mystères, ceux de l'économie ancienne et ceux de la nouvelle. Il y est en effet clairement montré que la grâce avait été annoncée d'avance par la Loi, et que la Loi a été accomplie par la grâce.

En effet, c'est cinquante jours après l'immolation de l'agneau que jadis le peuple hébreu, libéré des Égyptiens, reçut la Loi sur la montagne du Sinaï. De même, le cinquantième jour après la passion du Christ, qui fut l'immolation du véritable agneau de Dieu, cinquante jours après sa résurrection, l'Esprit Saint fondit sur les Apôtres et sur le peuple des croyants. Le chrétien attentif reconnaîtra donc facilement que les débuts de l'Ancien Testament étaient au service des débuts de l'Évangile, et que la seconde alliance fut constituée par le même Esprit qui avait fondé la première.

Car, au témoignage de l'histoire apostolique, quand arriva la Pentecôte, ils se trouvaient tous réunis ensemble. Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent: toute la maison où ils se trouvaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d'eux. Alors ils furent tous remplis de l'Esprit Saint. Ils se mirent à parler en d'autres langues, et chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit (Ac 2,1-4).

Comme elle est rapide, cette parole de sagesse, et lorsque Dieu est le maître, comme on apprend vite ce qu'il enseigne! On n'a pas eu besoin de traduction pour comprendre, d'exercice pour pratiquer, ni de temps pour étudier. Mais, l'Esprit de vérité soufflant où il veut (Jn 3,8), les mots qui étaient propres à chacune des nations devinrent communs à tous dans la bouche de l'Église.

A partir de ce jour, la trompette de la prédication évangélique se mit à retentir. Dès ce moment, les ondées de charismes, les flots de bénédictions arrosèrent tout désert et toute terre aride parce que, pour renouveler la face de la terre (Ps 103,30), l'Esprit de Dieu était porté sur les eaux (Gn 1,2). Pour chasser les anciennes ténèbres, une lumière nouvelle jetait des éclairs. De l'éclat des lampes étincelantes naissaient et le Verbe du Seigneur qui illumine, et la parole enflammée qui, pour créer l'intelligence et consumer le péché, a le pouvoir d'illuminer et la force de brûler.

Nous avons entendu dans l'Évangile le Seigneur dire à ses disciples: Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi (Jn 14,28). Mais nous avons aussi entendu souvent ces autres paroles: Le Père et moi, nous sommes UN (Jn 10,30), ou bien encore: Celui qui me voit voit aussi le Père (Jn 14,9). Aussi nous comprendrons le premier passage sans mettre une différence dans la divinité, dans cette essence que nous avons toujours reconnue comme coéternelle et consubstantielle avec le Père.

Donc, ce que le Christ souligne, même pour les Apôtres, c'est l'élévation procurée à l'homme par l'incarnation du Verbe. Alors qu'ils étaient troublés par l'annonce du départ du Seigneur, celui-ci vient les élever jusqu'aux joies éternelles en leur montrant l'accroissement de sa gloire: Si vous m'aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père. C'est-à-dire, vous seriez dans la joie si vous pouviez voir, par une connaissance parfaite, quelle gloire vous apporte le fait que, engendré par le Père, je suis engendré aussi d'une mère appartenant à l'humanité: Oui, moi-même, Seigneur de l'éternité, j'ai voulu être l'un des mortels; invisible par nature, je me suis rendu visible; étant éternellement dans la condition de Dieu, j'ai pris la condition de serviteur (Ph 2,7). Vraiment, en voyant tout cela, vous devriez être dans la joie puisque je pars vers le Père.

En effet, cette ascension vous est avantageuse, et c'est votre bassesse qui, en ma personne, doit être établie au-dessus de tous les cieux, à la droite du Père. Quant à moi, qui suis avec le Père ce que le Père est lui-même, je demeure inséparable de celui qui m'engendre. Et ainsi, en venant vers vous, je ne m'éloigne pas de lui, de même qu'en venant vers lui je ne vous abandonne pas.

Soyez donc dans la joie puisque je pars vers le Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous ai unis à moi, en effet, et je suis devenu fils d'homme pour que vous puissiez être fils de Dieu. Aussi, bien que je sois le même dans l'un et l'autre de ces états, du fait que je me rends semblable à vous, je suis inférieur au Père. Mais du fait que je ne me sépare pas de lui, je suis encore supérieur à moi-même.

Que la nature qui est inférieure au Père aille donc vers le Père, afin que la chair soit toujours là où est le Verbe. Et que l'unique foi de l'Église catholique, sans refuser qu'il soit inférieur au Père par son humanité, croie fermement qu'il lui est égal par sa divinité.