Origène

Origène, une figure emblématique du christianisme primitif, est connu pour son immense contribution à la théologie chrétienne et à l'exégèse biblique. Né aux alentours de l'an 185 à Alexandrie, en Égypte, il fut l'un des premiers et des plus éminents théologiens chrétiens.

Éduqué dans une famille chrétienne, Origène fut profondément influencé par la foi et l'intellectualisme de son époque. Après le martyre de son père, il prit la responsabilité de subvenir aux besoins de sa famille et commença son parcours d'enseignant et d'écrivain chrétien.

Origène est surtout connu pour son approche allégorique de l'interprétation des Écritures. Il a cherché à concilier la foi chrétienne avec la philosophie grecque, affirmant que la Bible contient des vérités cachées qui peuvent être dévoilées par une étude et une réflexion approfondies. Sa méthode d'exégèse a eu une influence durable sur l'interprétation biblique dans la tradition chrétienne.

En plus de son travail d'interprète, Origène fut un théologien prolifique. Ses écrits couvrent un large éventail de sujets, y compris des commentaires sur presque tous les livres de la Bible, des traités théologiques et des ouvrages apologétiques. Parmi ses œuvres les plus influentes figurent "Sur les Principes" et "Contre Celse".

Malgré son influence, certaines des idées d'Origène furent controversées. Après sa mort, il fut même accusé d'hérésie dans certaines cercles ecclésiastiques, bien que ses travaux continuent d'être étudiés et respectés pour leur profondeur intellectuelle et spirituelle.

Origène est décédé vers l'an 253, laissant derrière lui un héritage d'érudition et de dévotion qui continue d'influencer la théologie chrétienne. Sa vie et ses œuvres représentent un pont entre le monde intellectuel de la Grèce antique et la foi chrétienne naissante, faisant de lui un personnage clé dans l'histoire du christianisme.

50 derniers commentaires de Origène

A l'homme qui recherche de belles perles (Mt 13,45), il faut appliquer les paroles suivantes: Cherchez et vous trouverez, et: Celui qui cherche, trouve (Mt 7,7-8). En effet, à quoi peuvent bien se rapporter cherchez et celui qui cherche, trouve"? Disons-le sans hésiter: aux perles, et particulièrement à la perle acquise par l'homme qui a tout donné et tout perdu. A cause de cette perle, Paul dit: J'ai accepté de tout perdre afin de gagner le Christ (Ph 3,8). Par le mot tout il entend les belles perles, et par gagner le Christ l'unique perle de grand prix.

Précieuse, assurément, est la lampe pour ceux qui sont dans les ténèbres (Lc 1,79) et qui en ont besoin (cf. Ap 22,5) jusqu'au lever du soleil. Précieuse aussi la gloire resplendissante sur le visage de Moïse (cf. 2Co 3,7) (et aussi, je crois, sur celui des autres prophètes). Elle est belle à voir, et elle nous aide à progresser jusqu'à ce que nous puissions contempler la gloire du Christ, à laquelle le Père rend témoignage: Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j'ai mis tout mon amour (Mt 3,17). Mais ce qui a été glorieux de cette manière partielle, ne l'est plus, parce qu'il y a maintenant une gloire suréminente (2Co 3,10). Et nous avons besoin en un premier temps d'une gloire susceptible de disparaître devant la gloire suréminente, comme nous avons besoin d'une connaissance partielle qui disparaîtra quand viendra ce qui est parfait (1Co 13,10).

Donc toute âme qui est encore dans l'enfance et chemine vers la perfection (He 6,1) a besoin d'un pédagogue, d'économes et de tuteurs jusqu'à ce que s'instaure en elle la plénitude du temps (Ga 4,4). Ainsi, celui qui d'abord ne diffère en rien d'un esclave, bien qu'il soit maître de tout (Ga 4,1), sera finalement affranchi et recevra de la main du pédagogue, des économes et des tuteurs son patrimoine: celui-ci correspond à la perle de grand prix et à la perfection qui abolit ce qui est partiel (1Co 13,10). Il y parviendra lorsqu'il sera capable d'accéder à la prééminence de la connaissance du Christ (Ph 3,8), après s'y être préparé par les connaissances, s'il convient de les appeler ainsi, qui sont dépassées par la connaissance du Christ. <>

La Loi et les Prophètes parfaitement compris sont les rudiments qui nous conduisent à bien comprendre l'Évangile et tout le sens des actes et des paroles du Christ

S'il nous arrive d'être exposés à des tentations inévitables, rappelons-nous que Jésus nous a obligés à monter dans la barque et qu'il veut que nous le précédions sur l'autre rive (Mt 14,22). A la vérité, il est impossible d'atteindre l'autre rive sans supporter l'épreuve des vagues et du vent contraire. Lorsque nous nous verrons assaillis de nombreuses et graves difficultés, et que nous serons fatigués d'effectuer cette traversée avec des moyens modestes et limités, pensons que notre barque arrivant alors au milieu de la mer est tourmentée par les flots (Mt 14,24), qui veulent que nous fassions naufrage dans la foi (1Tm 1,19) ou dans quelque autre vertu. Mais lorsque nous verrons l'esprit du Mauvais combattre nos entreprises, pensons qu'alors le vent nous est contraire.

Quand donc nous aurons subi ces assauts au long des trois veilles de la nuit, en traversant l'obscurité des tentations, luttant avec tout le courage dont nous sommes capables et prenant garde à ne pas faire naufrage dans la foi ou dans quelque autre vertu, <> croyons alors qu'à la quatrième veille (Mt 14,25), lorsque la nuit sera avancée et que le jour sera tout proche (Rm 13,12), le Fils de Dieu viendra vers nous en marchant sur la mer (Mt 14,25) pour nous la rendre bienveillante. Et lorsque nous verrons le Verbe nous apparaître, nous serons troublés avant de comprendre clairement que c'est le Sauveur, venu habiter parmi nous. Croyant encore voir un fantôme (Mt 14,26), pleins de crainte, nous pousserons des cris. Mais lui nous parlera aussitôt: Confiance, dira-t-il, c'est moi, n'ayez pas peur (Mt 14,27).

Et il peut se trouver parmi nous un Pierre (Mt 14,28) tendant vers la perfection (He 6,1) sans y être encore parvenu, que cette parole d'encouragement remplira d'une ardeur nouvelle. Comme pour échapper à cette tentation qui le tourmente, il descendra de la barque ; voulant aller vers Jésus, il se mettra à marcher sur les eaux (Mt 14,29); mais, avec sa foi encore faible et ses doutes, il verra la violence du vent, il prendra peur et commencera à enfoncer. Pourtant, il ne coulera pas, parce qu'il appellera Jésus d'une voix forte et lui dira: Seigneur, sauve-moi (Mt 14,30)! Puis, à peine ce Pierre aura-t-il fini de parler et de dire: Seigneur, sauve-moi!, que le Verbe étendra la main pour lui porter secours; il le saisira au moment où il commencera à enfoncer et lui reprochera son peu de foi et ses doutes.

Observez toutefois qu'il n'a pas appelé Pierre "incrédule", mais homme de peu de foi, et qu'il lui a dit: Pourquoi as-tu douté? (Mt 14,31), car il avait une certaine foi, mais penchait aussi dans le sens contraire. Après cela, Jésus et Pierre monteront dans la barque, et le vent tombera (Mt 14,32), et ceux qui seront dans la barque, sachant de quels périls ils ont été sauvés, se prosterneront devant lui en disant <>: Vraiment, tu es le Fils de Dieu (Mt 14,33).

Je pense que ce calice devait passer loin de Jésus-Christ, mais avec cette différence, que s'il le buvait, il passait loin de lui, et ensuite loin de tout le genre humain; au contraire, s'il ne le buvait pas, ce calice passait loin de lui, mais ne passait pas loin des hommes. Or, il voulait que ce calice s'éloignât de lui, et qu'il ne fût point obligé d'en goûter l'amertume, si toutefois la justice de Dieu pouvait y consentir; mais si cela n'était pas possible, il aimait mieux épuiser ce calice, et le voir ainsi passer loin de lui et de tout le genre humain, que d'en détourner les lèvres contrairement à la volonté de son Père.

Je pense que c'était moins les yeux de leur corps que ceu x de leur âme qui étaient appesantis; car ils n'avaient pas encore reçu l'Esprit saint, aussi le Sauveur ne leur fait-il point de nouveaux reproches, mais il retourne prier une troisième fois, pour nous enseigner à ne point nous décourager, mais à persévérer dans la prière jusqu'à ce que nous ayons obtenu ce que nous avons commencé à demander. «Et les ayant quittés, il s'en alla de nouveau, et il pria une troisième fois disant les mêmes paroles».

Ou bien, ce sommeil qu'il commande maintenant à ses disciples de prendre, n'est pas le même auquel ils ont succombé précédemment; en effet, lors que Jésus vint les trouver alors, ils dormaient, il est vrai, et avaient leurs yeux appesantis, mais ils ne se reposaient pas; maintenant, au contraire, il leur commande, non plus simplement de dormir, mais de dormir d'un sommeil qui les repose, pour que l'ordre naturel des choses soit observé. C'est ainsi que nous devons d'abord veiller et prier pour ne point tomber dans la ten tation, afin de pouvoir ensuite nous livrer au sommeil et au repos. Ainsi tout homme qui a trouvé une demeure au Seigneur, un tabernacle au Dieu de Jacob peut monter sur le lit de son repos, et accorder le sommeil à ses yeux ( Ps 132,4 ) Peut-être aussi l'âme qui ne peut tou jours supporter la fatigue, accablée qu'elle est sous le poids du travail, obtiendra quelques moments de relâche que l'on compare au sommeil, et qu'elle pourra goûter sans crainte de reproche, afin de pouvoir se lever toute renouvelée après ces quelques instants de repos.

On pourrait dire qu'ils avaient envoyé cette grande troupe pour se saisir de lui, à cause du grand nombre de ceux qui croyaient en lui, et dans la crainte que cette multitude ne vînt à le délivrer de leurs mains. Mais pour moi, je pense que ce fut pour un autre motif, et parce qu'étant per suadés qu'il chassait les démons par Béelzébub, ils s'imaginaient qu'il pourrait, à l'aide de quelques maléfices, s'échapper des mains de ceux qui venaient s'emparer de lui. Il en est en core beaucoup qui combattent contre Jésus, armés de glaives spirituels, c'est-à-dire répandant sur Dieu des erreurs nombreuses et variées. «Or, celui qui le trahit leur avait donné ce si gne: «Celui que je baiserai», etc. il n'est pas inutile de rechercher pourquoi Judas donna un signe pour faire connaître Jésus, alors que sa figure était connue de tous les habitants de la Judée. Or, d'après une tradition qui est parvenue jusqu'à nous, Jésus se manifestait sous deux formes extérieures, l'une sous laquelle tout le monde le voyait; l'autre, sous laquelle il apparut lors de sa transfiguration sur la montagne. De plus, il se manifestait à chacun selon qu'il en était digne, et de même qu'il est écrit de la manne qu'elle avait pour chacun le goût qu'il sou haitait, ainsi le Verbe de Dieu ne se manifeste pas à tous de la même manière. Ce sont ces di verses transfigurations qui rendaient nécessaire un signe pour le faire reconnaître.

Si l'on demande pourquoi Judas a trahi Jésus par un baiser, nous répondons que selon quelques-uns ce fut pour conserver les marques extérieures de respect à l'égard de son maître, sur lequel il n'osait se jeter publiquement; selon d'autres, c'est parce qu'il craignit qu'en se déclarant ouvertement son ennemi, il ne fût cause qu'il ne lui échappât, puisque dans sa pensée le Sauveur pouvait se dérober au danger qui le menaçait et se rendre invisible. Pour moi, je pense que tous ceux qui trahissent la vérité, la trahissent par un baiser et en affectant un amour hypocrite pour elle. Tous les hérétiques disent aussi à Jésus, comme Judas: «Je vous salue, Maître». Or, Jésus lui fait une réponse pleine de douceur: «Et Jésus lui répondit: Mon ami, dans quel dessein êtes-vous venu ?» Il l'appelle «mon ami», pour lui reprocher son hypocrisie, car nous ne voyons dans l'Écriture aucun juste appelé de ce nom ( Ct 5 2Ch 20 Jdt 8 Is 41 ), tandis que le Père de famille dit au convive qui n'avait pas la robe nuptiale: «Mon ami, comment êtes-vous entré ici ?» ( Mt 22,12 ); et ailleurs, à l'un des ouvriers qui murmu raient: «Mon ami, je ne vous fais pas de tort» ( Mt 20,13 )

Car, bien que les Juifs paraissent encore entendre aujourd'hui la loi, ce n'est pas la vérité, mais l'ombre de la tradition de la loi qu'ils entendent de l'oreille gauche. Au contraire, le peuple qui a embrassé la foi parmi les Gentils est ici représenté par Pierre, et par le fait même qu'ils ont cru en Jésus-Christ, ils ont été cause que les Juifs ont cessé d'entendre de l'oreille droite.

Nous voyons par là que de même qu'il existe des légions dans la milice de la terre, il y a aussi, dans la milice du ciel, des légions d'anges pour combattre les légions des démons ( Mc 4 Lc 8 ), car toute milice est formée dans le dessein de l'opposer aux attaques de l'ennemi. Toutefois, s'il s'exprime de la sorte, ce n'est pas qu'il ait besoin du secours des anges, mais c'est pour se conformer à la manière de voir de Pierre, qui voulait lui porter secours, car les anges ont plus besoin du secours du Fils unique de Dieu, qu'il n'a besoin lui-même de leur appui.

Après avoir dit à Pierre: «Remettez votre épée», et nous avoir ainsi montré toute sa patience; après avoir donné une preuve de sa souveraine bonté et de sa puissance toute divine en guérissant l'oreille que Pierre avait coupée, comme le rapporte un autre Évangéliste ( Lc 22,51 ) l'auteur sacré continue son récit «En même temps Jésus dit à cette troupe», etc. Si elle avait perdu le souvenir de ses anciens bienfaits, Jésus voulait lui faire au moins reconnaître ceux dont elle venait d'être témoin «Vous êtes venus ici armés d'épées et de bâtons pour me prendre comme si j'étais un voleur».

Les faux témoignages ne sont possibles que lorsqu'on peut leur donner quelque semblant de vérité. Mais on ne pouvait même pas trouver ces apparences qui seraient venues fortifier les mensonges qu'ils inventaient contre Jésus-Christ, bien qu'il y eût beaucoup de gens qui eussent voulu être agréable en cela aux princes des prêtres. C'est là, du reste, une gloire éclatante pour Jésus, que toutes ses paroles, que toutes ses actions aient été irrépréhensibles jusque là que ces hommes pervers et consommés dans la malice, n'aient pu trouver l'ombre même d'une faute dans sa conduite.

Cet exemple nous apprend à mépriser les calomnies et les faux témoignages, et à ne pas même juger dignes de réponse ceux qui tien nent des discours injustes contre nous, surtout alors qu'il est plus digne de se taire librement et courageusement, que de se défendre sans profit.

La loi nous offre quelques exemples d'adjuration ( Gn 24 Gn 50 Ex 13 Nb 5 Jos 17 1S 14 1R 4 2R 11 2Ch 18,34 2Ch 18,36 Esd 10 Is 5 Is 12 Tb 18-19 Ct 2-3 ), mais pour moi, je pense qu'un homme qui veut vivre conformément à l'Évangile, ne doit point en adjurer un autre; car s'il est défendu de jurer, il l'est également d'adjurer. Si l'on objecte que Jésus commandait aux démons, et qu'il donnait à ses disciples le pouvoir de les chasser, nous répondrons que le pouvoir donné par le Sauveur sur les démons, n'est pas une véritable adjuration. Or, le grand-prêtre était grandement coupable de tendre ainsi des piéges à Jésus, et en cela, il imitait son propre père (le démon) qui, dans le doute, avait fait deux fois cette question au Sauveur: «Si vous êtes le Christ, Fils de Dieu» ( Mt 4,3 Mt 4,6 ); et l'on peut en conclure avec raison que douter si le Christ est le Fils de Dieu, c'est faire l'oeuvre du démon. Or, il ne convenait pas que le Seigneur répondit à l'adjuration du grand-prêtre, comme s'il y était forcé. Aussi s'il ne nie pas qu'il fût le Fils de Dieu, il ne le confesse pas non plus ouvertement «Jésus lui répondit: C'est vous qui l'avez dit».Le grand-prêtre n'était pas digne d'entendre les divins enseignements de Jésus-Christ, aussi ne cherche-t-il pas à l'instruire, mais il prend ses propres paroles, et s'en sert pour le convaincre et le condamner. «De plus, je vous le déclare, vous verrez un jour le Fils de l'homme assis»,etc. Cette figure, par laquelle Notre-Seigneur se re présente assis, me paraît signifier une royauté fortement établie; et en effet, c'est par la puis sance de Dieu, qui seul est la véritable puissance, qu'a été fondé le trône de Jésus, qui a reçu de Dieu le Père toute puissance dans le ciel comme sur la terre. Or, il viendra un temps où ses ennemis seront témoins de l'affermissement de son trône, et cette prédiction a reçu un com mencement d'exécution dans le temps même de l'incarnation du Sauveur, alors que ses disci ples le virent ressusciter d'entre les morts, et solidement établi à la droite de la puissance di vine, ou bien, comme en comparaison de cette durée éternelle qui est en Dieu, le temps qui s'écoule depuis le commencement du monde jusqu'à la fin est comme un seul jour, il n'est pas étonnant que le Sauveur emploie cette expression: «tout à l'heure, bientôt», pour montrer la brièveté du temps qui nous sépare de la fin du monde. Or, il ne leur prédit pas seulement qu'ils le verront assis à la droite de la puissance divine, mais encore qu'ils le verront venir sur les nuées du ciel. «Et, venant sur les nuées du ciel». Les nuées sont les prophètes et les Apôtres de Jésus-Christ, auxquels il commande de répandre la pluie lorsqu'elle est nécessaire ( Ps 77 ). Ce sont des nuées qui ne passent pas, car elles portent en elles l'image de l'homme céleste ( 1Co 15,47 ), et elles sont dignes, comme héritières de Dieu et cohéritières du Christ, d'être le siége de Dieu. ( Rm 8,17 )

Quelle erreur monstrueuse que de pro clamer digne de mort la vie par excellence, et malgré des témoignages si imposants de résur rection, de ne pas reconnaître la source même de la vie, d'où elle se répandait sur toue les hommes.

Ou bien, par la première servante, on peut entend re la synagogue des Juifs, qui contraignit souvent les fidèles à renier Jésus-Christ; par la seconde, la réunion des peuples qui ont persé cuté les chrétiens; et par ceux qui se tiennent dans la cour, les ministres des diverses hérésies.

Ils espéraient, par sa mort, anéantir ses enseignements et éteindre la foi dans le coeur de ceux qui avaient cru en lui comme étant le Fils de Dieu. Dans le dessein d'exécuter contre lui ce projet sanguinaire, ils firent charger de chaînes Celui qui brise les chaînes des autres captifs ( Is 61,1 ): «Et l'ayant lié, ils l'emmenèrent et le livrèrent au gouverneur Ponce-Pilate.

Que ceux qui inventent des fables sur les natures essentiellement différentes, nous di sent d'où vient que Judas, après avoir reconnu son crime, s'écrie: «J'ai péché, en livrant le sang innocent», si ce n'est en vertu du bon plant et des semences de vertu que Dieu répand dans toute âme raisonnable, mais que Judas ne prit pas soin de cultiver, ce qui fut cause qu'il commit ce crime affreux. Mais s'il est dans la nature de certains hommes de se perdre, qui plus que Judas appartint à cette nature? Si Judas avait tenu ce langage après la résurrection du Sauveur, on aurait pu dire que c'était la gloire et la puissance de la résurrection qui l'avait porté à se repentir; mais c'est au moment qu'il voit Jésus livré à Pilate qu'il est touché de re pentir. Peut-être se rappelle-t-il alors les prédictions fréquentes que Jésus a faites de sa résur rection; peut-être aussi Satan, qui était entré en lui, ne le quitta point que Jésus ne fût livré à Pilate? Mais, après avoir obtenu ce qu'il voulait, il se retira de lui, et c'est alors que le repentir pût avoir accès dans son âme. Mais comment Judas pût-il savoir la condamnation de Jésus? car Pilate ne l'avait pas encore interrogé. On peut répondre que, le voyant entre les mains de ses ennemis, il vit dans les prévisions de son esprit, quels en seraient les résultats. Il en est qui prétendent que ces paroles: «Judas voyant qu'il était condamné»,se rapportent, non pas à Jésus, mais à Judas lui-même, car c'est alors qu'il mesura toute l'étendue du crime qu'il venait de commettre, et qu'il comprit qu'il était condamné.

Bien qu'il dise: «J'ai péché en livrant le sang innocent», il persévère dans la perfidie de son impié té, en continuant de croire, jusque dans les derniers moments de sa vie, et aux approches de la mort, que Jésus n'était pas le Fils de Dieu, mais seulement un homme d'une condition sembla ble à la nôtre, car il aurait certainement fléchi sa miséricorde, s'il n'avait pas refusé de recon naître sa toute-puissance.

Lorsque le démon se retire d'un homme, il épie le moment favorable pour rentrer, et lorsqu'il a saisi ce moment, et qu'il a entraîné cet infortuné dans un second péché, il étudie avec soin l'occasion de le tromper une troisième fois. C'est ainsi que le Corinthien ( 1Co 5,1-2 2Co 2,7 ), qui abusa de l'épouse de son père, se repentit de ce crime affreux, mais le démon voulut ensuite lui faire porter cette tristesse jusqu'à l'excès pour accabler ce malheureux sous le poids de son chagrin. Il arriva quelque chose de semblable à Judas; car après s'être repenti, il ne sut pas mettre son coeur à l'abri du désespoir, et il y laissa entrer cette tristesse excessive, que le démon lui inspira pour l'accabler entièrement: «Et il se retira, et alla se pendre». S'il eût pris le temps de se repentir et qu'il eût épié le temps favorable pour faire pénitence, il aurait, sans doute, rencontré celui qui a dit: «Je ne veux pas la mort du pécheur». ( Ez 33,11 ). Ou bien, peut-être pensa-t-il à devancer son Maître qui allait mourir, et à se présenter devant lui avec son âme dépouillée par la mort, pour mériter son pardon par ses aveux et par ses prières; et il ne comprit pas que le vrai serviteur de Dieu ne doit point s'ôter à lui-même la vie, mais qu'il doit attendre le jugement de Dieu.

Ils jugèrent que le meilleur emploi qu'ils pussent faire de cet argent était de le consacrer aux morts, parce que c'était le prix du sang. Mais comme il y a différents lieux de sépultures pour les morts, ils employèrent le prix du sang de Jésus pour acheter le champ d'un potier, afin d'y ensevelir les étrangers, qui ne pourraient, suivant leurs désirs, être ensevelis dans les tom beaux de leurs aïeux: «Et ayant délibéré là dessus, ils en achetèrent le champ d'un potier pour la sépulture des étrangers.

Ou bien, nous appelons ici étrangers, ceux qui demeurent séparés de Dieu jusqu'à la fin; car si les justes ont été ensevelis avec Jé sus-Christ dans le sépulcre neuf qui a été taillé dans le roc, ceux qui demeurent jusqu'à la fin étrangers à Dieu, sont ensevelis dans le champ de ce potier qui façonne la boue, champ qui a été acheté avec le prix du sang et qui est appelé pour cela le champ du sang: «C'est pourquoi ce champ est encore aujourd'hui appelé haceldama, c'est-à-dire le champ du sang».

Considérez combien celui que Dieu le Père a établi le juge de toute créature, s'est humilié en consentant à comparaître devant un homme qui était alors un simple juge de la terre de Judée, et à s'entendre adresser une question que Pilate lui fait pour se mo quer de lui, ou sans croire à la vérité qu'elle contient. «Et le gouverneur l'interrogea en ces termes: Êtes-vous le roi des Juifs ?»

A ces nouvelles accusations, Jésus ne répond pas plus qu'il n'a fait à la première; car la parole de Dieu ne devait plus se faire entendre aux Juifs comme elle s'était autrefois ré vélée par le moyen des prophètes. D'ailleurs, Pilate lui-même n'était pas digne de réponse, lui qui n'avait point d'opinion constante et arrêtée sur la personne de Jésus-Christ, mais qui se laissait entraîner aux idées les plus opposées. «Alors Pilate lui dit: Vous n'entendez pas de combien de choses ils vous accusent».

Or, le gouverneur s'étonne de la constance de Jésus, lui qui savait, peut-être, qu'il avait le pouvoir de le condamner à mort, et qui le voyait tranquille, calme dans la sagesse, et d'une dignité que rien ne pouvait troubler. Voilà ce qui l'étonne grandement, car il regardait comme un prodige surprenant que Jésus, sous le coup d'une sentence capitale, fût sans crainte et sans trouble devant la mort, qui inspire à tous les hommes une si grande terreur.

C'est ainsi que les gouvernements accordent quelques grâces aux nations qu'ils ont conquises, jusqu'à ce qu'ils les aient complètement assujetties à leur joug. Cependant cette coutume existait autrefois chez les Juifs; car nous voyons Saül acquiescer è la demande qui lui est faite par tout le peuple, de ne pas faire mettre à mort son fils Jonathas.

Voyons donc mainte nant comment le peuple juif se laisse persuader par les anciens et par les docteurs de la loi, et entraîner à concourir à la mort de Jésus.

Or, la foule, comme une troupe de bêtes féroces qui suivent la voie large, demanda. qu'on lui délivrât Bar rabas: «Et ils répondirent: Barrabas». Voilà pourquoi cette nation est déchirée par des séditions, des homicides, des brigandages, crimes que plusieurs de ses enfants commettent exté rieurement, et dont tous se rendent coupables dans leur âme. Car là où Jésus n'est pas, il n'y a que disputes et combats; là, au contraire, où il est, se trouvent tous les biens et la paix. Tous ceux encore qui sont semblables aux Juifs, ou dans leur croyance ou dans leur vie, veulent la délivrance de Barrabas; car tout homme qui fait le mal, délivre en lui-même Barrabas, et y tient Jésus captif; celui au contraire qui fait le bien, a dans son âme Jésus-Christ libre de tout lien, et y tient Barrabas enchaîné. Pilate, cependant, voulut leur inspirer la honte d'une si fla grante injustice: «Et il leur dit: Que ferai-je donc de Jésus qui est appelé Christ ?» Ce n'est pas pour ce seul motif qu'il leur fait cette question, mais pour voir jusqu'où irait leur cruelle impiété. Or, ils ne rougissent pas d'entendre Pilate proclamer que Jésus est le Christ, et ils ne mettent plus de bornes à leur sacrilège: «Ils s'écrièrent tous: Qu'il soit crucifié». Ils comblent ainsi la mesure de leurs crimes, non-seulement en demandant la vie d'un homicide, mais encore en demandant la mort d'un juste et la mort ignominieuse de la croix ( Sg 2,20 ).

Le grand prêtre devait, d'après le texte de la loi, porter écrit sur son front le saint nom de Dieu ( Ex 28,36 ); mais le véritable prince des prêtres et le vrai roi Jésus porte écrit au haut de sa croix: «Celui-ci est le roi des Juifs». En montant vers son Père, au lieu des let tres dont se compose ce nom, et du nom qui lui est donné, il a son Père lui-même.

Le larron qui a été sauvé est encore le symbole de ceux qui, après une vie pleine d'iniquités, ont embrassé la foi en Jésus-Christ.

Il en est qui argumentent de ce texte pour attaquer la vérité de l'Évangile; car depuis le commencem ent du monde, les éclipses de soleil ont toujours eu lieu dans les temps prévus et marqués. Or, ces phénomènes qui arrivent périodiquement à des époques prévues d'avance, n'ont jamais lieu que lorsque le soleil se rencontre avec la lune, et que la lune, s'interposant entre le soleil et la terre, empêche ses rayons de parvenir jusqu'à nous. Or, à l'époque de l'année où la passion de Jésus-Christ eut lieu, il est évident qu'il ne pouvait y avoir de conjonction du soleil et de la lune, puisqu'on était au temps de Pâque, qui se célèbre à l'époque de la pleine lune. Des chré tiens, pour résoudre cette difficulté, ont avancé que cet obscurcissement du soleil avait été un miracle, comme tant d'autres faits qui se produisirent alors en dehors des lois ordinaires de la nature.

Mais les enfants du siècle nous font cette objection: Comment se fait-il qu'aucun écri vain grec ou étranger n'ait rapporté un fait aussi étonnant, alors qu'ils nous ont transmis a vec soin le souvenir de tous les événements extraordinaires dont ils ont été témoins? Il est vrai que Phlégon, dans ses chroniques, rapporte qu'une éclipse eut lieu sous l'empire de Tibère César, mais il ne dit pas que ce fut à l'époque de la pleine lune. C'est ce qui me porte à croire que ce prodige, aussi bien que tous les autres qui eurent lieu pendant la passion du Sauveur, tels que le tremblement de terre et le voile du temple déchiré, furent restreints à la ville de Jéru salem. Ou si l'on veut l'étendre à toute la Judée, il faudra donner à ces paroles le sens qu'elles ont dans ce passage du livre des Rois, où Abdias dit à Elie: «Vive le Seigneur votre Dieu, il n'y à point de nation ni de royaume où mon Seigneur n'ait envoyé vous chercher» (), c'est-à-dire qu'il l'avait cherché dans les contrées voisines de la Judée. Nous devons donc admettre que d'épaisses et profondes ténèbres s'étendirent sur toute la ville de Jérusalem et sur toute la terre de Judée. La terre fut couverte d'épaisses ténèbres depuis la sixième heure jusqu'à la neuvième heure. Car nous lisons que deux espèces différentes d'êtres ont été créés le sixième jour, les animaux avant la sixième heure, et l'homme à cette heure là même. Il convenait donc que celui qui mourait pour le salut du genre humain fût attaché sur la croix à la sixième heure, et que par suite, les ténèbres se répandissent sur toute la terre de la sixième heure à la neuvième. Lorsque Moïse leva ses mains vers le ciel ( Ex 10,22 ), les ténèbres se répandirent sur les Egyptiens qui tenaient le peuple de Dieu en servitude; de même à la sixième heure, alors que le Christ étendait ses mains sur la croix et les levait vers le ciel, les ténèbres enveloppèrent ce peuple qui avait crié: «Crucifiez-le», et il se trouva privé de toute lumière, en signe des ténèbres qui devaient envelopper toute la nation juive. Sous Moïse encore, les ténèbres couvri rent pendant trois jours toute la terre d'Egypte, tandis que tous les enfants d'Israël étaient dans la plus vive lumière; c'est ainsi que pendant la passion de Jésus-Christ, les ténèbres se répandi rent pendant trois heures sur toute la Judée, parce qu'elle était privée, en punition de ses pé chés, de la lumière de Dieu le Père, de la splendeur du Christ, et de la clarté de l'Esprit saint, tandis que la lumière éclairait tout le reste de la terre, figure de cette lumière qui éclaire dans tous les lieux l'Église de Dieu en Jésus-Christ. Et si les ténèbres couvrirent toute la Judée, jus qu'à la neuvième heure, il s'ensuit que la lumière a dû de nouveau briller à leurs yeux: «Car lorsque la plénitude des nations sera entrée, alors tout Israël sera sauvé». ( Rm 11,25 )

Examinons pourquoi Jésus-Christ a été abandonné de Dieu. Quelques-uns, dans l'impossibilité d'expliquer comment le Christ peut être délaissé de Dieu, disent que c'est par humilité qu'il s'est ainsi exprimé; mais vous pourrez comprendre facilement le sens de ces paroles, en comparant la gloire dont le Fils de Dieu jouit dans le sein de son Père avec la honte et l'ignominie qu'il méprise en souffrant la mort de la croix.

Lorsqu'il vit les ténèbres couvrir toute la terre de Judée, Jésus prononça ces paroles dont voici le sens: Vous m'avez abandonné, mon Père, c'est-à-dire vous m'avez livré comme anéanti sous le poids de telles calamités, afin que ce peuple que vous avez comblé d'honneur, reçoive le châtiment de tout ce qu'il a osé entreprendre contre moi, et qu'il soit privé de la lumière de vos regards. Vous m'avez aussi abandonné pour le salut des nations. Mais quel si grand bien ont pu faire les hommes qui ont embrassé la foi parmi les Gentils, pour mériter d'être racheté de l'enfer par tout mon sang répandu sur la croix? Ou comment les hommes pourront-ils reconnaître dignement les supplices que je souffre pour eux? Peut-être que jetant les regards sur les péchés des hommes qu'il expiait sur la croix, il dit à Dieu: «Pourquoi m'avez-vous abandonné ?» Pour que je devinsse comme celui qui ramasse les épis qui restent après la moisson et les grains échappés à la main du vendangeur. ( Mi 7,1 ) Ne pensez pas cependant que ce soit sous l'impression d'un sentiment purement humain et comme vaincu par la douleur, qu'il endure sur la croix que le Sauveur s'exprime de la sorte; si vous l'entendiez ainsi, vous ne comprendriez pas ce grand cri qu'il jette, et qui nous annonce un grand mystère caché.

Peut-être aussi peut-on dire que tous ceux qui ont la science de la doctrine ecclésiastique, mais dont la vie est mauvaise, donnent à boire à Jésus-Christ du vin mélangé de fiel. Ceux, au contraire, qui appliquent à Jésus-Christ des maximes qui sont opposées la vérité, comme s'il en était l'auteur, ceux-là placent au bout du roseau de l'Écriture une éponge remplie de vinaigre, et la présentent aux lèvres du Sauveur.

De grands événements suivirent ce grand cri jeté par Jésus: «Et voici que le voile du temple se déchira en deux»,etc.

Il y avait deux voiles, l'un qui fermait le Saint des Saints ( Ex 26,14 Nb 4,4 1R 3,50 1R 8,6 ), et l'autre, à l'extérieur, devant le temple, ou devant le tabernacle. Au moment où le Sauveur expira, ce voile extérieur fut déchiré de haut en bas, pour signifier que les mystères qui avaient été cachés selon les desseins de la sagesse de Dieu depuis le commencement du monde, jusqu'à l'avènement du Sauveur, allaient être révélés d'une extrémité de la terre à l'autre. Mais lorsque viendra l'état parfait, alors le second voile sera également déchiré, pour que nous puissions voir ce qui est caché à l'intérieur, c'est-à-dire l'arche véritable du Testament, et les chérubins et les autres merveilles du ciel dans leur propre nature.

Tous les jours, ces grands prodiges se renouvellent sous nos yeux; car tous les jours le voile du temple se déchire devant les saints pour leur révéler les secrets mystérieux qu'il ren ferme; la terre, c'est-à-dire toute chair est ébranlée en entendant la parole nouvelle et les nou veaux mystères que contient le Nouveau Testament; les rochers se fendent, parce qu'ils sont la figure des prophètes, pour nous laisser voir à découvert les mystères qui s'y trouvent cachés. Les sépulcres des morts sont les corps des âmes pécheresses, et qui sont mortes aux yeux de Dieu, mais lorsque ces âmes sont ressuscitées par la grâce de Dieu, leurs cor ps, qui auparavant étaient des tombeaux de morts, deviennent les corps des saints, et ces âmes paraissent sortir d'elles-mêmes, elles suivent celui qui est ressuscité, et elles marchent avec lui dans une sainte nouveauté de vie, et ceux qui sont dignes de la vie du ciel, entrent dans la cité sainte, chacun en son temps, et ils apparaissent aux yeux d'un grand nombre qui sont témoins de leurs bonnes oeuvres.

«Le centurion et ceux qui avec lui guidaient Jésus, voyant le tremblement de terre, et tout ce qui se passait, furent épouvantés, et ils dirent: «Cet homme était vraiment le Fils de Dieu».

Dans saint Marc, la troisième est appelée Salomé.

Ce n'est point par hasard qu'il est écrit que Joseph enveloppe le corps dans un linceul blanc, qu'il le dépose dans un sépulcre neuf, et qu'il roule une grande pierre à l'entrée, car tout ce qui approche le corps de Jésus doit avoir pour caractère la pureté, la nouveauté, la grandeur.

Nous ne lisons pas dans l'Évangile que la mère des enfants de Zébédée fut elle-même assise près du sépulcre, peut-être n'avait-elle été que jusqu'au pied de la croix; mais les autres femmes, animées d'une charité plus grande, voulurent être témoins de tout ce qui devait suivre.

Examinons comment l'avènement du Christ est proclamé, et d'abord ce qui est écrit au sujet de Jean: A travers le désert une voix crie: Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. Ce qui suit concerne en propre le Seigneur notre Sauveur, car ce n'est pas par Jean Baptiste que tout ravin sera comblé, mais par le Seigneur notre Sauveur. Que chacun se considère soi-même, ce qu'il était avant de croire, et il découvrira qu'il a été une vallée basse, une vallée en pente rapide, plongeant vers les bas-fonds. Mais le Seigneur Jésus a envoyé l'Esprit Saint, son remplaçant. Alors toute vallée a été comblée, par les bonnes oeuvres et les fruits de l'Esprit Saint.

La charité ne laisse pas subsister en vous de vallée, si bien que, si vous possédez la paix, la patience et la bonté, non seulement vous cesserez d'être vallée, mais vous commencerez à être montagne de Dieu. Nous voyons se produire et s'accomplir chaque jour pour les païens cette parole: Tout ravin sera comblé, et pour le peuple d'Israël, qui est tombé de si haut: Toute colline et toute montagne seront abaissées (Lc 3,4-5).

C'est à la faute des fils d'Israël que les païens doivent le salut: Dieu voulait les rendre jaloux (Rm 11,11). Si vous dites que ces montagnes et ces collines qui ont été abattues sont les puissances ennemies qui se dressaient contre les hommes, vous ne vous tromperez pas. En effet, pour que les vallées en question soient comblées, il faut que les puissances ennemies, montagnes et collines, soient abaissées.

Mais voyons si une autre prophétie s'est accomplie à l'avènement du Christ. Car le texte poursuit: Les passages tortueux deviennent droits. Chacun de nous était tortueux, du moins s'il l'était et ne le reste plus aujourd'hui, car, par l'avènement du Christ qui s'est réalisé pour notre âme, tout ce qui était tortueux a été redressé. A quoi peut-il nous se rvir en effet, que le Christ soit venu jadis dans la chair, s'il n'est pas venu aussi jusqu'à notre âme? Prions pour que son avènement s'accomplisse chaque jour en nous, et que nous puissions dire: Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20).

Donc Jésus mon Seigneur est venu; il a égalisé nos aspérités et converti en routes unies tout ce qui était chaotique, pour faire de nous un chemin sans danger de chute, un chemin facile et très pur, pour que Dieu le Père puisse progresser en nous et que le Seigneur Jésus Christ fasse en nous sa demeure et dise: Mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. (Jn 14,23).

A chacun des croyants le Christ a accordé la mort de son propre péché comme un bienfait de la foi, qui vient de sa propre mort. Il s'agit de ceux qui, par la foi, sont morts, crucifiés et ensevelis avec lui; de ce fait le péché ne peut agir sur eux, pas plus que sur des morts, et c'est ainsi qu'on les déclare morts au péché. C'est pourquoi il dit: Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui (cf. Rm 6,8). Il ne dit pas: "nous avons vécu", comme il a dit: "nous sommes morts", mais il dit: "nous vivrons", pour montrer que la mort est à l'oeuvre dans le présent, et la vie dans le futur, c'est-à-dire lorsque paraîtra le Christ, qui est notre vie cachée en Dieu (cf. Col 3,3-4). Maintenant, enseigne saint Paul, c'est la mort qui fait son oeuvre en nous (2Co 4,12). Mais cette mort elle-même, qui fait son oeuvre en nous, me semble comporter différentes étapes.

Chez le Christ, il y eut le temps de la mort dont on dit: Poussant un grand cri, il rendit l'esprit (Mt 27,50). Ensuite il y eut le temps où, mis au tombeau, il gisait, la porte fermée. Puis on vint le chercher au tombeau, et on ne le trouva pas, parce qu'il était déjà ressuscité, résurrection dont aucun homme n'a pu voir le commencement.

De même chez nous, qui croyons en lui, on doit trouver ce triple niveau de mort. Premièrement par la confession en parole, la mort du Christ doit être montrée en nous, lorsque celui qui croit du fond de son coeur devient juste, et celui qui, de bouche, affirme sa foi parvient au salut (cf. Rm 10,10). Deuxièmement, en faisant mourir en nous ce qui appartient encore à la terre (cf. Col 3,5), puisque partout nous subissons dans notre corps la mort de Jésus (2Co 4,10), et c'est en ce sens que, pour saint Paul, la mort fait son oeuvre en nous. Troisièmement, lorsque nous ressuscitons d'entre les morts et que nous menons une vie nouvelle (Rm 6,4). Et, pour nous expliquer plus brièvement et plus clairement, le premier jour de la mort, c'est de renoncer au monde; le deuxième, c'est d'avoir renoncé en outre aux vices de la chair; et lorsqu'on atteint la plénitude de la perfection, dans la lumière de la sagesse, c'est le troisième jour de la résurrection. Cependant ces différentes étapes, en chacun des croyants, et ces progrès successifs, seul peut les connaître et les discerner celui-là qui lit dans le secret des coeurs.

C'est encore ainsi que le Christ s'est anéanti lui-même, a pris la condition de serviteur et a souffert la domination du tyran, s'étant fait obéissant jusqu'à la mort (cf. Ph 2,7). Par cette mort, il a détruit celui qui détenait l'empire de la mort, c'est-à-dire le démon, afin qu'il libère ceux qui étaient captifs de la mort. Le Christ, après avoir ligoté l'homme fort et avoir triomphé de lui sur la croix, pénétra dans sa demeure, la demeure de la mort, l'enfer, et il en arracha ses biens, c'est-à-dire qu'il en délivra les âmes qu'il retenait. Et c'est ce dont lui-même parle d'une façon énigmatique dans l'Évangile: Peut-on entrer dans la maison de l'homme fort et piller ses biens, sans avoir d'abord ligoté cet homme fort (Mt 12,29)?

Il a donc commencé par le lier sur la croix, et c'est ainsi qu'il a pénétré dans sa maison, c'est-à-dire l'enfer, et de là, montant vers les hauteurs, il a emmené captive la captivité (cf. Ep 4,8), c'est-à-dire ceux qui ressusciteront avec lui, et ils entrèrent dans la cité sainte, la Jérusalem céleste (cf. Mt 27,52-53). Aussi l'Apôtre dit-il, dans ce passage que nous étudions: Sur lui la mort n'a plus aucun pouvoir (Rm 6,9).

Considérez comment tout a été disposé à l'avance pour que Syméon mérite de tenir le Fils de Dieu dans ses bras. D'abord, il avait été averti par l'Esprit Saint qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Christ du Seigneur. Ensuite, ce n'est pas par hasard ni sans raison qu'il est entré dans le Temple, mais il est venu au Temple poussé par l'Esprit (Lc 2,26-27). En effet, tous ceux qui se laissent conduire par l'Esprit sont fils de Dieu (Rm 8,14).

Toi aussi, si tu veux tenir Jésus et le serrer dans tes mains, <> fais tous tes efforts pour te laisser guider par l'Esprit et pour venir au temple de Dieu. Voici que tu te tiens maintenant dans le temple du Seigneur Jésus, c'est-à-dire dans son Église, temple construit de pierres vivantes (1P 2,5). Or tu te tiens dans le temple du Seigneur quand ta vie et ta conduite méritent vraiment d'être appelées d'Église.

Si tu es venu au Temple, poussé par l'Esprit, tu trouveras l'enfant Jésus, tu relèveras dans tes bras, et tu diras: Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix selon ta parole (Lc 2,29). Remarque en même temps que la paix est associée à la mort et au départ, car lorsque Syméon a dit: "Je veux m'en aller", il n'a pas manqué d'ajouter: dans la paix.

Or, le bienheureux Abraham a reçu aussi la même promesse: Toi, tu t'en iras en paix vers tes pères après avoir vécu une heureuse vieillesse (Gn 15,15).

Qui meurt dans la paix? Celui-là seul à qui appartient la paix de Dieu qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer, et garde le coeur (Ph 4,7) de celui qui la possède. Qui part de ce monde dans la paix? Celui-là seul qui comprend que Dieu est dans le Christ se réconciliant le monde (2Co 5,19). C'est celui qui n'entretient aucune inimitié ni opposition à l'égard de Dieu, celui qui a atteint la plénitude de la paix et de la concorde par ses bonnes oeuvres, et à qui il est ainsi permis d'aller retrouver les saints patriarches qu'Abraham aussi a rejoints.

Mais pourquoi parler des patriarches? Il s'agit plutôt d'aller rejoindre Jésus lui-même, le prince et le Seigneur des patriarches, qui a fait dire à saint Paul: Je voudrais bien partir pour être avec le Christ, car c'est bien cela le meilleur (Ph 1,23). Il possède Jésus, celui qui ose dire: Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20).

Alors que, debout dans le Temple, nous tenons le Fils de Dieu et l'embrassons, prions donc le Seigneur tout-puissant et l'enfant Jésus lui-même pour mériter d'être délivrés et de partir vers des réalités meilleures, nous qui aspirons à lui parler en le tenant dans nos bras. A lui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen (1P 4,11).

Comme il avait douze ans, il demeure à Jérusalem. Ne sachant où il est, ses parents le cherchent avec inquiétude et ne le trouvent pas. Ils le cherchent parmi leurs parents, ils le cherchent parmi leurs compagnons de route, ils le cherchent parmi leurs connaissances (Lc 2,44), et ils ne le trouvent pas. Jésus est donc recherché par ses parents, par son père nourricier qui l'avait accompagné dans sa descente en Égypte, et pourtant ils ne le trouvent pas aussitôt qu'ils le cherchent. Car on ne trouve pas Jésus parmi les parents et parmi les proches selon la chair, parmi ceux qui lui sont unis par le corps. Mon Jésus ne peut être trouvé dans la foule.

Apprenez-donc où l'ont découvert ceux qui le cherchaient, afin que vous aussi, en le cherchant avec Marie et Joseph, vous puissiez le découvrir. A force de le chercher, dit l'évangéliste, ils le trouvèrent dans le Temple (Lc 2,46). Non pas n'importe où, mais dans le Temple, et là, en outre, au milieu des docteurs de la Loi qu'il écoutait et interrogeait (Lc 2,46-47). Vous aussi, cherchez Jésus dans le Temple de Dieu, cherchez-le dans l'Église, cherchez-le auprès des maîtres qui sont dans le Temple et n'en sortent jamais. Si vous cherchez ainsi, vous le trouverez. Mais si quelqu'un se dit un maître, et ne possède pas Jésus, il n'est maître que de nom, et on ne peut trouver auprès de lui Jésus, qui est le Verbe et la Sagesse de Dieu.

Ils le trouvent assis au milieu des docteurs, et non seulement assis, mais les interrogeant et les écoutant. Maintenant encore Jésus est ici: il nous interroge et il nous écoute parler. Et tous étaient dans l'admiration (Lc 2,48). A propos de quoi? Non de ses interrogations, bien qu'elles fussent admirables, mais de ses réponses (Lc 2,47).

Dans la sainte Écriture, "répondre" ne désigne pas un simple dialogue, mais un enseignement. Que la loi divine te l'apprenne: Moïse parlait, et Dieu lui répondait par sa voix (cf. Ex 19,19). Tantôt Jésus interroge, tantôt il répond et, nous l'avons dit, bien que son interrogation soit admirable, sa réponse l'est bien davantage. Pour que nous puissions l'entendre, nous aussi, et qu'il nous propose des questions qu'il résoudra lui-même, supplions-le et cherchons-le avec beaucoup d'efforts et de douleur, et alors nous pourrons trouver celui que nous cherchons. Ce n'est pas pour rien qu'il est écrit: Moi et ton père, nous te cherchions tout affligés (cf. Lc 2,49). Celui qui cherche Jésus ne doit pas chercher avec négligence, mollement, par intermittence, ainsi que certains le cherchent et qui, à cause de cela, ne peuvent le trouver. Quant à nous, disons: Nous te cherchons tout affligés.

Et quand nous lui aurons parlé ainsi, il répondra à notre âme qui se fatigue à le chercher dans la douleur: Ne le saviez-vous pas? C'est chez mon Père que je dois être (Lc 2,49-50).

Le nom de "Jourdain" signifie: "celui qui descend." Le fleuve de Dieu "qui descend" avec la puissance d'un flot abondant, c'est le Sauveur, notre Seigneur, en qui nous sommes baptisés dans l'eau véritable, dans l'eau du salut.

Jean Baptiste prêche un baptême pour le pardon des péchés (Lc 3,4): "Venez, catéchumènes, faites pénitence afin de recevoir le baptême pour le pardon des péchés. Il reçoit ce baptême pour le pardon des péchés, celui qui cesse d'en commettre. Mais celui qui vient au baptême en demeurant dans le péché, ses péchés ne lui sont pas pardonnes. Ainsi, je vous en conjure, ne venez pas au baptême sans réflexion et examen attentif: donnez d'abord des fruits qui expriment votre conversion (Lc 3,8). Ayez pendant quelque temps une conduite honorable, gardez-vous purs de toutes les souillures et de tous les vices, et vous recevrez le pardon de vos péchés quand vous aurez commencé vous-mêmes à mépriser vos propres péchés. Quittez ces fautes, et l'on vous en tiendra quittes.

La citation de l'Ancien Testament, qui est alléguée ensuite, se lit chez le prophète Isaïe: Voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers (cf. Is 40,3). Quel chemin allons-nous préparer pour le Seigneur? Un chemin matériel? Mais la Parole de Dieu suit-elle un pareil chemin? Ou faut-il préparer au Seigneur une route intérieure, et ménager dans notre coeur des sentiers droits et unis? Tel est le chemin par lequel est entré le Verbe de Dieu qui s'installe dans le coeur humain, capable de l'accueillir.

Il est grand le coeur de l'homme, il est spacieux et hospitalier, pourvu qu'il soit pur. Voulez-vous connaître son ampleur et sa largeur? Voyez quelle abondance de connaissances divines il peut embrasser! Il le dit lui-même: Il m'a donné une connaissance exacte du réel. Il m'a appris la structure de l'univers et l'activité des éléments, le commencement, la fin et le milieu des temps, les alternances des solstices et les changements de saisons, les cycles de l'année et les positions des astres, les natures des animaux et les humeurs des bêtes sauvages, les impulsions violentes des esprits et les pensées des hommes, les variétés des plantes et les vertus des racines (Sg 7,17-23). Vous voyez qu'il n'est pas petit, le coeur de s hommes, pour embrasser tant de choses! Entendez cette grandeur non de ses dimensions physiques, mais de la puissance de sa pensée, capable d'embrasser une aussi grande connaissance de la vérité.

Pour amener tous les gens simples à reconnaître la grandeur du coeur humain, j'apporterai quelques exemples familiers. Toutes les villes que nous avons traversées, nous les gardons dans notre esprit: leurs caractéristiques, la situation des places, des remparts et des édifices demeurent dans notre coeur. Le chemin que nous avons parcouru, nous le conservons dessiné et inscrit dans notre mémoire; la mer où nous avons navigué, nous la contenons dans notre pensée silencieuse. Je le répète, il n'est pas petit le coeur qui peut embrasser tant de choses! Et s'il n'est pas petit pour embrasser tant de choses, on peut bien y préparer le chemin du Seigneur et rendre droit son sentier, pour que puisse y marcher celui qui est la Parole et la Sagesse. Préparez le chemin du Seigneur par une conduite honorable, par des oeuvres excellentes; aplanissez le sentier afin que le Verbe de Dieu marche en vous sans rencontrer d'obstacle et vous donne la connaissance de ses mystères et de son avènement, lui à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen (1P 4,11).

Le baptême par lequel Jésus baptise est dans l'Esprit Saint et dans le feu (Lc 3,17). Si tu es saint, tu seras baptisé dans l'Esprit Saint; si tu es pécheur, tu seras plongé dans le feu. Le même baptême deviendra condamnation et feu pour les pécheurs indignes; mais les saints, ceux qui se convertissent au Seigneur avec une foi entière, recevront la grâce du Saint-Esprit et le salut.

Donc, celui qui est dit baptiser dans l'Esprit Saint et dans le feu tient la pelle à vanner et va nettoyer son aire à battre le blé; il amassera le grain dans son grenier; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s'éteint pas (Lc 3,17-18). Je voudrais découvrir pour quel motif notre Seigneur tient la pelle à vanner, et par q uel souffle la paille légère est emportée ça et là, tandis que le blé, plus lourd, s'accumule en un seul lieu, car, si le vent ne souffle pas, on ne peut séparer le blé de la paille.

Je crois que le vent doit s'entendre des tentations qui, dans la masse mélangée des croyants, révèlent que les uns sont de la paille, les autres, du froment. Car, lorsque votre âme a été dominée par une tentation, ce n'est pas la tentation qui l'a changée en paille, mais c'est parce que vous étiez de la paille, c'est-à-dire des hommes légers et sans foi, que la tentation a dévoilé votre nature cachée. En revanche, quand vous affrontez courageusement les tentations, ce n'est pas la tentation qui vous rend fidèles et constants; elle révèle seulement les vertus de constance et de courage qui étaient en vous, mais de façon cachée. Penses-tu, dit le Seigneur, que j'avais un autre but, en parlant ainsi, que de faire apparaître ta justice (Jb 40,3 LXX)? Et il dit ailleurs: Je t'ai affligé et je t'ai fait sentir la faim pour manifester ce que tu avais dans le coeur (Dt 8,3-5).

De la même manière, la tempête ne rend pas solide l'édifice bâti sur le sable (Mt, 7,24-25). Mais, si tu veux bâtir, que ce soit sur la pierre. Alors, quand la tempête se lèvera, elle ne renversera pas ce qui est fondé sur la pierre; mais pour ce qui vacille sur le sable, elle montre aussitôt que ses fondations ne valent rien. Aussi, avant que s'élève la tempête, que se déchaînent les rafales de vent, que débordent les torrents, tandis que tout demeure encore en silence, tournons toute notre attention sur le fondement de l'édifice, construisons notre demeure avec les pierres variées et solides des commandements de Dieu; quand la persécution se déchaînera et qu'une cruelle tourmente s'élèvera contre les chrétiens, nous pourrons montrer que notre édifice est fondé sur la pierre, le Christ Jésus.

Mais si quelqu'un le renie - que ce malheur nous soit épargné! - qu'il le sache bien: ce n'est pas au moment où son reniement est devenu visible qu'il a renié le Christ; i l portait en lui des semences et des racines de reniement déjà anciennes; mais c'est plus tard qu'on a découvert ce qu'il portait et qui, alors, devenait public.

Aussi, prions le Seigneur pour que nous soyons un édifice solide, qu'aucune tempête ne peut renverser, parce que fondé sur la pierre, sur notre Seigneur Jésus Christ, à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.

La vie des mortels est pleine de pièges dangereux, pleine de lacets trompeurs, tendus contre le genre humain par celui qui est appelé le chasseur géant: Nemrod, dressé contre le Seigneur. Qui est ce géant, sinon le démon, qui se révolte contre Dieu même?

Et parce que l'ennemi avait tendu partout ses lacets, et qu'il y avait capturé presque toute l'humanité, il fallait que se dressât quelqu'un de plus fort et de plus digne, qui les déchirerait afin de frayer le chemin à ceux qui marcheraient à sa suite. C'est pourquoi le Sauveur lui-même, avant qu'il se fût uni en mariage avec l'Église, est tenté par le démon, si bien que, triomphant des pièges de la tentation, il découvre son épouse à travers eux, et il l'appelle à lui pour lui enseigner et lui montrer à l'évidence que ce n'est pas à travers l'oisiveté et les plaisirs, mais à t ravers beaucoup de détresses et de tentations qu'il lui faudra rejoindre le Christ.

Car personne d'autre ne s'est montré capable de vaincre tous ces pièges. En effet, il est écrit: Tous les hommes sont pécheurs (Rm 3,23). Et aussi: Car aucun homme n'est assez juste sur terre pour faire le bien sans pécher (Qo 7,20). Et encore: Nul n'est exempt de souillure, n'aurait-il vécu qu'un seul jour (cf. ps 50,7; Jb 15,14). Donc, notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ est le seul qui n'a pas fait de péché; mais le Père l'a pour nous identifié au péché (2Co 5,21) afin que, dans cette ressemblance de la chair du péché, il condamnât le péché au moyen du péché. Le Sauveur est donc entré dans ces filets, mais il est le seul qui n'ait pu y être capturé. Au contraire, en les ayant rompus et déchirés, il donne à l'Église l'assurance d'oser rompre les filets, de traverser les pièges et de dire avec allégresse: Comme un oiseau, nous avons échappé au filet du chasseur; le filet s'est rompu: nous avons échappé (Ps 123,7).

Mais qui a rompu les filets, sinon celui-là seul qu'ils n'ont pu retenir? Pourtant il s'est livré à la mort volontairement, et non pas, comme nous, sous la contrainte du péché. Et parce qu'il fut libre entre les morts (cf. ps 77,6), après avoir vaincu celui qui détenait l'empire de la mort, il a supprimé la captivité qui contraignait à la mort. Et non seulement il s'est ressuscité lui-même d'entre les morts, mais en même temps il a éveillé ceux qui étaient captifs de la mort et il les a fait asseoir aussitôt dans les cieux. En effet, montant dans les hauteurs, il a emmené captive la captivité (cf. Ep 4,8), non seulement en entraînant les âmes, mais aussi en ressuscitant leurs corps. L'Évangile atteste en effet que les corps de nombreux saints qui étaient morts ressuscitèrent et entrèrent dans la ville sainte (Mt 27,52-53) du Dieu vivant, Jérusalem.

Quand vous lisez: Il enseignait dans leurs synagogues, et tout le monde faisait son éloge, gardez-vous de n'estimer heureux que ces gens-là, et de vous croire privés de son enseignement. Si les Écritures sont vraies, le Seigneur n'a pas seulement parlé en ce temps-là, dans les assemblées juives, mais il parle également aujourd'hui dans notre assemblée. Et Jésus enseigne non seulement dans la nôtre, mais dans d'autres encore, et dans le monde entier. Et il cherche des instruments pour répandre ses enseignements. Priez pour qu'il me trouve, moi aussi, disposé et apte à le chanter.

Il vint ensuite à Nazareth, où il avait grandi. Comme il en avait l'habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui présenta le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit: L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction (Lc 4,16-18, citant Is 61,1).

Ce n'est pas par hasard, mais par une disposition de la divine Providence que Jésus ouvrit le livre et trouva un passage de l'Écriture qui prophétisait à son sujet. Il est écrit, en effet, qu'un moineau ne tombe pas dans le filet sans la volonté du Père (Mt 10,29), et que les cheveux de la tête des Apôtres sont tous comptés (Lc 12,7). Ne serait-ce pas aussi en vertu de sa providence que le livre d'Isaïe fut choisi plutôt qu'un autre, ainsi que ce passage précis qui parle du mystère du Christ: L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction (Is 61,1)?

Après avoir lu ces paroles, Jésus referma le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui (Lc 4,20). En ce moment aussi, dans notre synagogue, c'est-à-dire dans notre assemblée, vous pouvez, si vous le voulez, fixer les yeux sur le Sauveur. Car, lorsque vous tenez le regard le plus profond de votre coeur attaché à la contemplation de la sagesse, de la vérité et du Fils unique de Dieu, vos yeux sont fixés sur Jésus. Bienheureuse assemblée dont l'Écriture atteste que tous avaient les yeux fixés sur lui! Comme je voudrais que cette assemblée mérite un témoignage semblable, que tous, catéchumènes, fidèles, femmes, hommes et enfants, regardent Jésus avec les yeux non du corps, mais de l'âme! Lorsque, en effet, vous tournerez vers lui votre regard, sa lumière et sa contemplation rendront vos visages plus lumineux, et vous pourrez dire: Sur nous, Seigneur, la lumière de ton visage a laissé ton empreinte (cf. ps 4,7), toi à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen (1P 4,11).

D'après un ancien qui voulait interpréter la parabole du bon Samaritain, l'homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho représente Adam, Jérusalem le paradis, Jéricho le monde, les brigands les forces hostiles, le prêtre la Loi, le lévite les prophètes, le Samaritain le Christ.

Par ailleurs, les blessures symbolisent la désobéissance, la monture le corps du Seigneur, et le "pandochium", c'est-à-dire l'auberge accueillant tous ceux qui veulent y entrer, est l'image de l'Église. En outre, les deux deniers représentent le Père et le Fils, l'aubergiste le chef de l'Église qui a charge de l'administrer. Et la promesse de revenir, faite par le Samaritain, figure, selon cet interprète, le second avènement du Seigneur.

Le Samaritain avait de l'huile dont l'Écriture dit: Que l'huile fasse briller le visage (Ps 103,15), le visage de celui dont il avait pris soin, assurément. Pour calmer l'inflammation des plaies, il les nettoya avec de l'huile et aussi avec du vin mêlé de quelque substance amère. Puis il chargea le blessé sur sa monture, c'est-à-dire sur son propre corps, puisqu'il a daigné assumer la condition de l'homme.

Ce Samaritain porte nos péchés (Mt 8,17) et souffre pour nous. Il porte le moribond et le conduit dans une auberge, c'est-à-dire dans l'Église. Celle-ci est ouverte à tous, elle ne refuse son secours à personne et tous y sont invités par Jésus: Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous procurerai le repos (Mt 11,28).

Après y avoir conduit le blessé, le Samaritain ne part pas aussitôt, mais demeure toute la journée dans l'hôtellerie auprès du moribond. Il soigne ses blessures non seulement le jour, mais encore la nuit, l'entourant de toute sa sollicitude empressée.

Voulant partir le matin, il prélève sur son argent deux pièces d'argent (Lc 10,35) et en gratifie l'aubergiste, qui est certainement l'ange de l'Eglise. Puis il commande de soigner avec diligence et de ramener à la santé celui à qui il a lui-même prodigué aussi ses soins pendant un temps trop court.

Les deux deniers représentent, à mon avis, la connaissance du Père et du Fils et la connaissance du mystère que voici: le Père est dans le Fils et le Fils est dans le Père. C'est là le salaire donné à l'ange pour qu'il soigne avec un plus grand empressement l'homme qui lui a été confié. L'aubergiste reçoit en outre la promesse que tout ce qu'il dépensera de son bien pour la guérison du blessé lui sera aussitôt remboursé.

Vraiment ce gardien des âmes s'est montré plus proche des hommes que la Loi et les Prophètes en faisant preuve de bonté (Lc 10,37) envers celui qui était tombé dans les mains des bandits et il s'est montré son prochain (Lc 10,36) moins en paroles qu'en actes.

Il nous est donc possible, en suivant cette parole: Soyez mes imitateurs comme je le suis moi-même du Christ (1Co 11,1), d'imiter le Christ et d'avoir pitié de ceux qui sont tombés dans les mains des bandits, de nous approcher d'eux, de verser de l'huile et du vin sur leurs plaies et de les ban der, de les charger sur notre propre monture et de porter leurs fardeaux. Aussi, pour nous y exhorter, le Fils de Dieu a-t-il dit en s'adressant à nous tous, plus encore qu'au docteur de la Loi: Va, et toi aussi, fais de même (Lc 10,37). Et si nous le faisons, nous obtiendrons la vie éternelle dans le Christ Jésus, à qui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen (1P 4,11).