Saint Bruno de Segni

Saint Bruno de Segni, né au XIe siècle et décédé en 1123, était un évêque et réformateur ecclésiastique italien. Il est célèbre pour son engagement en faveur de la réforme grégorienne et sa défense des principes de la réforme dans l'Église catholique.

Originaire d'Italie, Bruno devint moine à l'abbaye de Monte Cassino et fut plus tard nommé évêque de Segni en 1079. Il était un fidèle disciple du pape Grégoire VII et un ardent défenseur de la réforme grégorienne, qui visait à purifier l'Église des abus cléricaux et à affirmer la liberté de l'Église face aux ingérences séculières.

Bruno participa à plusieurs synodes et conciles où il prit des positions fermes contre la simonie (la vente des offices ecclésiastiques) et le nicolaïsme (le mariage des prêtres). Il a été un acteur clé dans la promotion de la discipline ecclésiastique et la rénovation de la vie monastique.

En plus de son rôle de réformateur, Bruno était un érudit et théologien. Il a écrit plusieurs commentaires sur les Écritures et des traités sur des sujets théologiques. Ses écrits reflètent une profonde connaissance de la doctrine et une capacité à articuler la foi dans le contexte des défis de son époque.

Saint Bruno de Segni est vénéré pour son zèle religieux, son intégrité morale et son impact durable sur l'Église catholique. Il est célébré comme saint dans l'Église catholique, avec sa fête le 18 juillet.

Commentaires de Saint Bruno de Segni

Frères très chers, le dernier verset de la lecture de l'Evangile qui vient de retentir à nos oreilles vise à édifier les fidèles; les mages, guidés par l'étoile, venant d'Orient jusqu'à Bethléem, entrèrent dans la maison où la bienheureuse Vierge Marie demeurait avec l'enfant; ouvrant leurs trésors, ils offrirent trois dons au Seigneur: l'or, l'encens et la myrrhe, par lesquels ils le confessèrent vrai Dieu, vrai homme et vrai roi.

Ce sont bien les dons que la sainte Église ne cesse d'offrir à Dieu son Sauveur. Elle offre l'encens lorsqu'elle le confesse et croit en lui comme étant le véritable Seigneur, créateur de l'univers; elle offre la myrrhe lorsqu'elle affirme qu'il a pris la substance de notre chair, dans laquelle il a voulu souffrir et mourir pour notre salut; elle offre l'or quand elle n'hésite pas à proclamer qu'il règne éternellement avec le Père et l'Esprit Saint.

Cette offrande peut recevoir un autre sens mystique. L'or signifie la sagesse céleste selon Salomon: Le trésor le plus désirable se trouve dans la bouche du sage (Pr 21,20). Et ailleurs: Les lèvres du juste redisent la sagesse (Ps 36,30). L'encens y symbolise la prière pure, selon le Psalmiste: Que ma prière, Seigneur, s'élève devant toi comme un encens (Ps 140,2). Car, si notre prière est pure, elle exhale vers Dieu un parfum plus pur que la fumée de l'encens; et de même que cette fumée monte vers le ciel, ainsi notre prière se dirige vers le Seigneur. La myrrhe symbolise la mortification de notre chair.

Donc nous offrons l'or au Seigneur lorsque nous resplendissons devant lui par la lumière de la sagesse céleste. <> Nous lui offrons de l'encens lorsque nous élevons vers lui une prière pure. Et de la myrrhe lorsque, par l'abstinence, mortifiant notre chair avec ses vices et ses convoitises (Ga 5,24), nous portons la croix à la suite de Jésus.

Cherchez à imiter Dieu, puisque vous êtes ses enfants bien-aimés. Vivez dans l'amour comme le Christ nous a aimés et s'est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire (Ep 5,1).

Notre Seigneur Jésus Christ, par tout ce qu'il a fait et a dit, nous a laissé, frères très chers, un modèle d'humilité et les principes d'une vie vertueuse. Il n'a pas voulu seulement nous enseigner par ses paroles, mais aussi par ses exemples. Aussi est-il écrit de lui que dès le commencement il se mit à agir et à enseigner (Ac 1,1).

Quant à l'humilité, il a dit de lui-même: Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur (Mt 11,29). Oui, alors qu'il est tout-puissant, qu'il est le Seigneur, il a voulu pour nous être pauvre, il a méprisé les honneurs, il a subi volontairement sa passion, il a prié pour ses persécuteurs. Et il a fait tout cela pour qu'en toutes choses, selon les possibilités de notre faiblesse, nous ne négligions pas de le suivre, car autrement nous ne serions pas de vrais chrétiens. Celui qui prétend aimer le Christ doit marcher lui-même dans la voie où lui, Jésus, a marché (1Jn 2,6).

Mais c'est parce qu'il a subi de plein gré la passion et la croix qu'il nous a arrachés par sa mort au pouvoir du démon. Cloué à la croix, il a prié pour les pécheurs. Il nous a donné cet exemple afin que ceux que d'autres font souffrir supportent avec une âme égale les maux que leur infligent leurs semblables. Lui-même les a subis avec tant de douceur de la part des esclaves, alors qu'il est le Seigneur de tous, et de la part des pécheurs, alors qu'il est le Juste.

Quant à nous, frères, quand nous sommes soumis à des épreuves, nous devons redoubler de prières, car il y a deux sortes d'épreuves. Il y a l'épreuve qui nous fait subir des dommages temporels. Et il y a l'épreuve bien plus grave par laquelle nous sommes portés à pécher. Mais il faut prier de telle façon que notre prière ne se transforme pas en péché.

En même temps, nous devons faire l'aumône, et la faire de façon parfaite. L'aumône parfaite consiste en deux choses: donner et pardonner. C'est pourquoi le Seigneur dit dans l'Evangile: Donnez, et vous recevrez une mesure bien pleine; pardonnez, et vous serez pardonnés (Lc 6,37).

Tels sont les moyens de parvenir au Royaume des cieux. Que le Christ, notre Seigneur, nous y conduise, lui qui vit et règne pour les siècles des siècles.

Toutes les actions de notre Sauveur sont remplies de significations symboliques. Ce qu'il faisait en tous lieux avait valeur de signe. Ainsi accomplit-il toujours dans la sainte Église les actions visibles qu'il a faites en ce temps-là dans la bourgade de Béthanie. <> Le Seigneur Jésus entre donc chaque jour dans la bourgade de l'Eglise. Il ne dédaigne pas de la visiter continuellement. Marthe l'y accueille et le fait entrer dans sa maison.

Voyons donc ce que Marthe symbolise, de même que Marie. Chacune d'elles est vraiment le signe de quelque chose d'important, puisqu'à elles deux, elles constituent toute l'Église. <> Marthe symbolise la vie active, Marie la vie contemplative. Voilà pourquoi, d'après ce que dit l'Écriture, c'est Marthe, et non Marie, qui reçut le Christ dans sa maison.

Marie, en effet, n'a pas de maison, car la vie contemplative entraîne le renoncement à tous les biens de ce monde. Le contemplatif ne demande rien d'autre que de s'asseoir aux pieds du Seigneur, et de consacrer tout son temps à lire les Livres saints, à prier et à contempler Dieu. Il lui suffit encore d'écouter sans cesse la parole de Dieu et d'alimenter son âme plutôt que son corps. Telle a été la vie des prophètes, des Apôtres et de beaucoup d'autres: ils ont tout abandonné, ils ont fui le monde et se sont attachés à Dieu, eux qu'on croyait démunis de tout, et qui possédaient tout (2Co 6,10). Il n'y a que les hommes de bien qui mènent ce genre de vie.

Quant à la vie active, les bons et les méchants peuvent la mener. On l'appelle du reste "vie active" parce qu'elle est faite d'activités incessantes, de fatigues et de tâches sans fin, et qu'elle ne laisse presque aucune place à un moment de tranquillité. Mais nous ne parlons pas de cette espèce de vie active qui occupe les malfaiteurs, agite les tyrans, séduit les cupides, tourmente les adultères et incite tous les méchants à commettre de mauvaises actions. Comme nous ne parlons que de cette Marthe, soeur de Marie, nous ne parlons en réalité que de la vie active qui se rapproche le plus de la vie contemplative.

Cette sorte de vie active est pure, exempte de péché et très proche, en effet, de la vie contemplative. Que l'Apôtre prêche, qu'il baptise, qu'il travaille de ses mains pour vivre, qu'il parcoure les villes et qu'il se soucie de toutes les Églises, cela ne relève-t-il pas de la vie active? Ainsi le même évangile dit-il, en parlant de Marthe, qu'elle était accaparée par les multiples occupations du service (Lc 10,40). Du reste, nous voyons encore aujourd'hui des chefs et ministres de l'Église s'affairer à courir partout, se fatiguer, se démener, se donner beaucoup de peine pour subvenir de multiples façons aux besoins de leurs frères, si bien que nous pouvons dire à juste titre qu'eux aussi sont accaparés par les multiples occupations du service.

La vie contemplative est donc meilleure que la vie active, pour la raison qu'elle est exempte de soucis et ne cessera jamais. Cependant la vie active est à ce point nécessaire que, sans elle, la vie contemplative elle-même ne peut exister ici-bas.

Le Seigneur avait été invité à un banquet de noces. En observant les convives, il remarqua que tous choisissaient les premières places et les plus honorables, chacun désirant se placer avant tous les autres et s'élever au-dessus de tous. Il leur raconta cette parabole qui, même prise en son sens littéral, est bien utile et nécessaire à tous ceux qui aiment jouir de la considération des gens et qui ont peur d'être rabaissés. Elle accorde, en effet, des marques de courtoisie aux plus humbles et des signes de respect aux personnes d'un rang élevé.

Mais comme cette histoire est une parabole, elle renferme une signification qui dépasse le sens littéral. Voyons donc quelles sont ces noces et qui sont les invités aux noces. Celles-ci s'accomplissent quotidiennement dans l'Eglise. Chaque jour le Seigneur célèbre des noces, car chaque jour il s'unit les âmes fidèles lors de leur baptême ou de leur passage de ce monde-ci au Royaume céleste.

Eh bien! nous qui avons reçu la foi en Jésus Christ et le sceau du baptême, nous sommes tous invités à ces noces. Une table y est dressée pour nous, dont l'Ecriture dit: Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis (Ps 23,5). Nous y trouvons les pains de l'offrande, le veau gras, l'Agneau qui enlève les péchés du monde. Ici nous sont offerts et le pain vivant descendu du ciel et le calice de l'Alliance nouvelle. Ici nous sont présentés les évangiles et les épîtres des Apôtres, les livres de Moïse et des prophètes, qui sont comme des mets remplis de toutes les délices.

Que pourrions-nous donc désirer de plus? Pourquoi choisirions-nous les premières places? Quelle que soit la place que nous occupions, nous avons tout en abondance et ne manquons de rien. Mais toi qui cherches à avoir la première place, qui que tu sois, va t'asseoir à la dernière place. Ne permets pas que ta science te gonfle d'orgueil, et ne te laisse pas exalter par la renommée. Mais plus tu es grand, plus il faut t'humilier en toute chose et tu trouveras grâce auprès de Dieu (Lc 1,30), si bien qu'au moment favorable il te dira: Mon ami, avance plus haut, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui sont à table avec toi (Lc 14,10).

Assurément, pour autant que cela dépendait de lui, Moïse occupait la dernière place. Lorsque le Seigneur voulut l'envoyer vers les fils d'Israël et l'invita à accéder à un rang plus élevé, il lui répondit: Je t'en prie, Seigneur, envoie qui tu voudras envoyer car je n'ai pas la parole facile (Ex 4,13). C'est comme s'il avait dit: "Je ne suis pas digne d'une fonction aussi haute." Saûl aussi se considérait comme un homme d'humble condition, quand le Seigneur fit de lui un roi. Et de même Jérémie, craignant de monter à la première place, disait: Oh! Seigneur mon Dieu! Vois donc: je ne sais pas parler, je ne suis qu'un enfant (Jr 1,6)!

C'est donc par l'humilité, non par l'orgueil, par les vertus, non par l'argent, que nous devons chercher à occuper la première place, le premier rang dans l'Église.

Jésus, marchant vers Jérusalem, traversait la Samarie. Comme il entrait dans un village, dix lépreux vinrent à sa rencontre (Lc 17,11-12). Que représentent les dix lépreux sinon l'ensemble des pécheurs? <> Lorsque vint le Christ notre Seigneur, tous les hommes souffraient de la lèpre de l'âme, même s'ils n'étaient pas tous atteints de celle du corps. Or la lèpre de l'âme est bien pire que celle du corps. Mais voyons la suite. Ils s'arrêtèrent à distance et lui crièrent: Jésus, maître, prends pitié de nous (Lc 17,13). Ces hommes se tenaient à distance car ils n'osaient pas, étant donné leur état, s'avancer plus près de lui. Il en va de même pour nous: tant que nous demeurons dans nos péchés, nous nous tenons à l'écart. Donc, pour recouvrer la santé et guérir de la lèpre de nos péchés, supplions d'une voix forte et disons: Jésus, maître, prends pitié de nous. Cette supplication ne doit toutefois pas venir de notre bouche, mais de notre coeur, car le coeur parle d'une voix plus forte. La prière du coeur pénètre dans les cieux et s'élève très haut, jusqu'au trône de Dieu.

En les voyant, Jésus leur dit: Allez vous montrer aux prêtres (Lc 17,14). En vérité, lorsque Dieu regarde, il prend pitié. Il voit donc les lépreux, et aussitôt, saisi de pitié, il leur prescrit d'aller trouver les prêtres, non pour que les prêtres les purifient, mais pour qu'ils les déclarent purs.

En cours de route, ils furent purifiés (Lc 17,15). Il faut que les pécheurs entendent cette parole et fassent l'effort de la comprendre. Il est facile au Seigneur de remettre les péchés. Souvent, en effet, le pécheur est pardonné avant de venir trouver le prêtre. En réalité, il est guéri à l'instant même où il se repent. Quel que soit, en effet, le moment où il se convertit, il passe de la mort à la vie. <> Qu'il se rappelle cependant de quelle conversion il s'agit. Qu'il écoute ce que dit le Seigneur: Revenez à moi de tout votre coeur, dans le jeûne, les larmes et le deuil! Déchirez vos coeurs et non pas vos vêtements (Jl 2,12) Toute conversion doit donc s'opérer dans le coeur, au-dedans. Car Dieu ne repousse pas un coeur brisé et broyé (Ps 50,19).

L'un d'eux, voyant qu'il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix. Il se jeta la face contre terre aux pieds de Jésus, en lui rendant grâce. Or, c'était un Samaritain (Lc 17,15-16). En réalité, cet homme représente tous ceux qui ont été purifiés dans l'eau du baptême ou guéris par le sacrement de pénitence. Ils ne suivent plus le démon, mais imitent le Christ, ils marchent à sa suite en le glorifiant et en lui rendant grâce, et ils n'abandonnent pas son service.

Jésus lui dit: Relève-toi et va: ta foi t'a sauvé (Lc 17,19). Grande est donc la puissance de la foi, car sans elle, selon la parole de l'Apôtre, il est impossible d'être agréable à Dieu (He 11,6). Abraham eut foi en Dieu, et, de ce fait, Dieu estima qu'il était juste (Rm 4,3). C'est donc la foi qui sauve, la foi qui justifie, la foi qui guérit l'homme dans son âme et dans son corps.