Saint Irénée

Saint Irénée, né aux alentours de 130 et décédé vers 202, était l'évêque de Lyon et l'un des Pères de l'Église les plus importants du IIe siècle. Né en Asie Mineure, il a joué un rôle crucial dans le développement initial de la théologie chrétienne en Occident.

Irénée est surtout connu pour son ouvrage "Contre les hérésies", dans lequel il a combattu les enseignements gnostiques et autres doctrines considérées comme hérétiques par l'Église primitive. Ce travail représente l'une des premières tentatives systématiques de définir la théologie orthodoxe et a eu une influence durable sur le christianisme.

En tant qu'évêque de Lyon, Irénée a aidé à établir l'Église dans la Gaule romaine, renforçant les communautés chrétiennes et promouvant l'unité face aux défis internes et externes. Il a souligné l'importance de la tradition apostolique et de l'unité de l'Église, luttant contre les divergences doctrinales qui menaçaient la cohésion de la communauté chrétienne.

Ses enseignements sur le rôle de l'Église, les sacrements, et la nature de la rédemption sont fondamentaux pour la théologie chrétienne. Il est également reconnu pour sa vision de l'œuvre salvifique de Jésus Christ, insistant sur l'Incarnation comme élément clé du plan de salut de Dieu pour l'humanité.

Saint Irénée est vénéré comme un saint tant dans l'Église catholique que dans les Églises orthodoxes. Sa fête est célébrée le 28 juin.

Commentaires de Saint Irénée

La tradition des anciens, que les Juifs affectaient d'observer en vertu de la Loi, était contraire à la Loi de Moïse. Voilà pourquoi Isaïe dit: Tes marchands mêlent ton vin avec de l'eau (Is 1,22), montrant par là que les anciens mêlaient à l'austère commandement de Dieu une tradition diluée, c'est-à-dire qu'ils ont instauré une loi altérée et contraire à la Loi. Le Seigneur l'a montré clairement quand il a dit: Pourquoi transgressez-vous le commandement de Dieu au nom de votre tradition (Mt 15,3)? Ils ne se sont pas contentés de violer la Loi de Dieu par leur transgression, en mêlant le vin avec de l'eau, mais ils lui ont aussi opposé leur propre loi, qu'on appelle aujourd'hui encore la loi pharisaïque. Ils y omettent certaines choses, en ajoutent d'autres, et en interprètent d'autres à leur guise, toutes pratiques auxquelles se livrent notamment leurs docteurs.

Résolus à défendre ces traditions, ils ne se sont pas soumis à la Loi de Dieu qui les préparait à la venue du Christ. Ils ont même reproché au Christ de faire des guérisons le jour du sabbat. Cela, avons-nous dit, même la Loi ne l'interdisait pas, puisqu'elle guérissait d'une certaine façon en faisant circoncire l'homme le jour du sabbat. Cependant ils ne se reprochaient pas à eux-mêmes de transgresser le commandement de Dieu par leur tradition et leur loi pharisaïque, alors qu'il leur manquait l'essentiel de la Loi, à savoir l'amour de l'homme pour Dieu.

Cet amour est, en effet, le premier et le plus grand commandement, et l'amour du prochain est le second. Le Seigneur l'a enseigné quand il a dit que toute la Loi et les Prophètes dépendent de ces commandements (cf. Mt 22,36-40). Et lui-même n'est pas venu donner de commandement plus grand que celui-là. Mais il a renouvelé ce même commandement, en ordonnant à ses disciples d'aimer Dieu de tout leur coeur et leur prochain comme eux-mêmes.

Paul dit aussi: La charité est la Loi dans sa plénitude (Rm 13,10) et, quand tout le reste disparaît, la foi, l'espérance et la charité demeurent, mais la plus grande de toutes, c'est la charité (1Co 13,13). Ni la connaissance, ni la compréhension des mystères, ni la foi, ni la prophétie (cf. 1Co 13,2) ne servent à rien sans la charité envers Dieu. Si la charité fait défaut, tout est vain et inutile. C'est la charité qui rend l'homme parfait, et celui qui aime Dieu est parfait dans le monde présent et dans le monde à venir. Car nous ne cesserons jamais d'aimer Dieu, mais plus nous le contemplerons, plus nous l'aimerons.

Quand notre Seigneur et Maître répondit aux sadducéens qui niaient la résurrection et, à cause de cela, méprisaient Dieu et ridiculisaient la Loi, il a tout à la fois prouvé la résurrection et fait connaître Dieu: Au sujet de la résurrection des morts, n'avez-vous pas lu ce que Dieu vous a dit: Moi, je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob (Mt 22,31-32)? Et il ajoute: Il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants (Mt 22,32 Lc 20,38). Par là il a fait connaître clairement que celui qui, du sein du buisson, parla à Moïse et déclara être le Dieu des pères, c'est lui le Dieu des vivants. Or qui donc serait le Dieu des vivants, sinon le vrai Dieu, au-dessus duquel il n'y a pas d'autre Dieu? C'est lui qu'avait annoncé le prophète Daniel. A Cyrus, le roi des Perses, qui lui demandait: Pourquoi n'adores-tu pas Bel?, celui-ci répondait: Parce que je ne vénère pas des idoles faites de main d'homme, mais le Dieu vivant qui a créé le ciel et la terre et qui a pouvoir sur toute chair (Da 14,5). Il disait encore: J'adorerai le Seigneur, mon Dieu, parce que c'est lui le Dieu vivant (Da 14,25).

Ainsi le Dieu qu'adoraient les prophètes, le Dieu vivant, c'est lui le Dieu des vivants, ainsi que son Verbe, qui a parlé à Moïse, qui a aussi confondu les sadducéens et accordé la résurrection; à partir de la Loi, il a démontré à ces aveugles deux choses: la résurrection et Dieu. Car s'il n'est pas le Dieu des morts, mais des vivants, et si lui-même est appelé le Dieu des pères qui se sont endormis, sans aucun doute ils sont vivants pour Dieu et n'ont pas péri, puisqu'ils sont fils de la résurrection (Lc 20,36).

Or la résurrection, c'est notre Seigneur en personne, ainsi qu'il le dit lui-même: Je suis la résurrection et la vie (Jn 11,25). Et les pères sont ses fils, car il a été dit par le prophète: Au lieu de pères qu'ils étaient, ils sont devenus tes fils (d'après Ps 44,17). Le Christ lui-même est donc bien, avec le Père, le Dieu des vivants qui a parlé à Moïse et qui s'est manifesté aux pères.

C'est précisément ce qu'il enseignait, lorsqu'il disait aux Juifs: Abraham votre père a tressailli d'allégresse dans l'espoir de voir mon Jour. Il l'a vu, et il a été dans la joie (Jn 8,56). Qu'est-ce à dire? Abraham eut foi en Dieu, et de ce fait, Dieu estima qu'il était juste (Rm 4,3 Ga 3,6; cf. Gn 15,6). Il crut, en premier lieu, que c'était lui l'Auteur du ciel et de la terre, le seul Dieu (cf. Gn 14,22); ensuite, qu'il rendrait sa postérité pareille aux étoiles du ciel (cf. Gn 15,5). C'est le mot même de Paul: Vous brillez comme des astres dans l'univers (Ph 2,15).

C'est donc à juste titre que, laissant là toute sa parenté terrestre, il suivait le Verbe de Dieu, se faisant étranger avec le Verbe afin de devenir concitoyen du Verbe (cf. Gn 12,1-5). C'est à juste titre aussi que les Apôtres, ces descendants d'Abraham, laissant là leur barque et leur père, suivaient le Verbe (cf. Mt 4,22). C'est à juste titre enfin que nous, qui avons la même foi qu'Abraham, prenant notre croix comme Isaac prit le bois (cf. Gn 22,6), nous suivons ce même Verbe. Car, en Abraham, l'homme avait appris par avance et s'était accoutumé à suivre le Verbe de Dieu.