Saint Paschase Radbert

Saint Paschase Radbert était un moine et théologien du IXe siècle, reconnu pour ses contributions importantes à la théologie médiévale, en particulier concernant l'Eucharistie. Il est né aux alentours de 785 et est décédé vers 865.

Élevé à l'abbaye de Corbie en France, Radbert y prit ses vœux monastiques et plus tard devint l'abbé de cette communauté. Il est surtout connu pour son œuvre "De Corpore et Sanguine Domini" (Sur le Corps et le Sang du Seigneur), dans laquelle il développe une doctrine eucharistique profondément influente, mettant l'accent sur la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie.

Ses enseignements sur la transsubstantiation, bien qu'ils n'aient pas été immédiatement acceptés universellement, ont finalement influencé de manière significative la compréhension catholique de l'Eucharistie. Son approche théologique combinait la réflexion scripturaire avec un intérêt profond pour les questions mystiques et spirituelles.

En plus de ses écrits sur l'Eucharistie, Radbert a rédigé plusieurs autres œuvres théologiques et exégétiques, y compris des commentaires sur les Écritures et des biographies de saints. Il est considéré comme une figure importante de la théologie carolingienne, une période de renouveau intellectuel et religieux dans l'Empire carolingien.

Saint Paschase Radbert est vénéré pour sa profondeur intellectuelle et sa dévotion spirituelle, contribuant de manière significative à la tradition théologique chrétienne.

Commentaires de Saint Paschase Radbert

Qui s'abaissera sera élevé (Mt 23,12). Non seulement le Christ a dit à ses disciples de ne pas se faire appeler maîtres et de ne pas aimer les premières places dans les repas ni aucun autre honneur. Mais il a donné lui-même, en sa personne, l'exemple et le modèle de l'humilité. Alors que le nom de maître lui est donné non par complaisance mais par droit de nature, car tout subsiste par lui (Col 1,17), il nous a communiqué, par son entrée dans la chair, un enseignement qui nous conduit tous à la vie et, parce qu'il est plus grand que nous, il nous a réconciliés avec Dieu (Rm 5,10). Comme s'il nous disait: N'aimez pas les premiers honneurs, ne désirez pas vous faire appeler maîtres (Mt 23,7), de même que ce n'est pas moi qui recherche ma gloire, il y a quelqu'un qui la recherche (Jn 8,50). Tenez aussi vos regards fixés sur moi, car le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie pour la multitude (Mt 20,28).

Assurément, dans ce passage de l'évangile, le Seigneur instruit non seulement ses disciples, mais aussi les chefs des Églises, leur prescrivant à tous de ne pas se laisser entraîner par l'avidité à rechercher les honneurs. Au contraire, que celui qui veut devenir grand soit le premier à se faire comme lui le serviteur de tous (cf. Mt 20,26-27). Si quelqu'un trouve bon de désirer une haute charge (cf. 1Tm 3,1), qu'il désire l'oeuvre que celle-ci permet de réaliser et non le grand honneur qui lui est attaché; qu'il veuille aider et s ervir tous les hommes, plutôt qu'être aidé et servi par tous. Car le désir d'être servi procède de l'orgueil pharisaïque, et le désir de servir naît de la sagesse et de l'enseignement du Christ.

En vérité, ceux qui sollicitent les honneurs et les réclament pour eux-mêmes sont ceux qui s'élèvent. Et ceux qui se réjouissent d'apporter leur aide et de servir sont ceux qui s'abaissent pour que le Seigneur les élève.

Il faut encore remarquer que le Christ n'a pas parlé de celui que le Seigneur élève, mais qu'il a dit: Celui qui s'élève sera abaissé, de toute évidence par le Seigneur. Il n'a pas parlé non plus de celui que le Seigneur abaisse, mais il a dit: Celui qui s'abaisse volontairement sera élevé (Mt 23,12), en retour, par le Seigneur.

Ainsi, à peine le Christ s'est-il réservé tout particulièrement le titre de maître qu'il invoque la règle de sagesse en vertu de laquelle celui qui veut devenir grand doit être le serviteur (Mt 20,26) de tous. <> Cette règle, il l'avait exprimée en termes différents: Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur (Mt 11,29).

Dès lors, quiconque veut être son disciple ne doit pas tarder à apprendre la sagesse dont le Christ affirme qu'il fait lui-même profession, car tout disciple accompli sera comme son maître (Lc 6,40). Au contraire, celui qui aura refusé d'apprendre la sagesse enseignée par le Maître, loin de devenir un maître, ne sera même pas un disciple.

Veillez, car vous ne savez ni le jour ni l'heure (Mt 25,13). Bien que le Seigneur parle ainsi pour tous, il s'adresse uniquement à ses contemporains, comme dans beaucoup d'autres de ses discours qu'on lit dans l'Écriture. Pourtant, ces paroles concernent tous les hommes parce que, pour chacun d'eux, le dernier jour arrivera ainsi que la fin du monde, quand il devra quitter cette vie. Il est donc nécessaire que chacun en sorte comme s'il devait être jugé ce jour-là. C'est pourquoi tout homme doit veiller à ne pas se laisser égarer, mais à rester vigilant, afin que le jour du Seigneur, quand il viendra, ne le prenne pas au dépourvu. Car celui que le dernier jour de sa vie trouvera sans préparation, serait encore trouvé sans préparation au dernier jour du monde. Je ne pense donc nullement que les Apôtres aient cru que le Seigneur viendrait juger le monde pendant leur vie; et pourtant, qui douterait qu'ils aient été attentifs à ne pas se laisser égarer, à veiller et à observer tous les conseils, donnés à tous, pour qu'ils soient trouvés préparés?

C'est pourquoi il faut toujours tenir compte d'un double avènement du Christ: l'un quand il viendra, et que nous devrons rendre compte de tout ce que nous aurons fait; l'autre, quotidien, quand il visite sans cesse notre conscience, et qu'il vient à nous afin de nous trouver prêts lors de son avènement. A quoi me sert, en effet, de connaître le jour du jugement, lorsque je suis conscient de tant de péchés? De savoir si le Seigneur vient, et s'il ne vient pas d'abord dans mon coeur et ne revient pas dans mon esprit, si le Christ ne vit pas et ne parle pas en moi?

Alors, oui, il m'est bon que le Christ vienne à moi, si avant tout il vit en moi et moi en lui. Alors pour moi, c'est comme si le second avènement s'était déjà produit, puisque la disparition du monde s'est réalisée en moi, parce que je puis dire d'une certaine manière: Le monde est crucifié pour moi et moi pour le monde (Ga 6,14).

Réfléchissez encore à cette parole de Jésus: Beaucoup viendront en mon nom (Mt 24,5). Seul l'Antéchrist s'empare de ce nom, bien que ce soit mensonger; de même il présente son corps, mais sans le Verbe de vérité, et sans en avoir la sagesse. Dans aucun passage de l'Écriture, vous ne trouverez que le Seigneur ait déclaré: "Moi, je suis le Christ". Car il lui suffisait de montrer qu'il l'était, par ses enseignements et ses miracles, parce que l'oeuvre du Père était en lui. L'enseignement de sa parole et sa puissance criaient: "Moi, je suis le Christ", plus fort que si des milliers de voix l'avaient crié.

Je ne sais donc pas si vous pourrez trouver qu'il l'a dit en paroles, mais il l'a montré en accomplissant les oeuvres du Père (Jn 5,36) et en donnant un enseignement imprégné de piété filiale. Les faux messies en étant dépourvus, ils ne pouvaient employer que leurs discours pour soutenir leurs prétentions mensongères.

Le Seigneur guérit chaque jour l'âme de tout homme qui l'implore, l'adore pieusement et proclame avec foi ces paroles: Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier (Mt 8,2), et cela quel que soit le nombre de ses fautes. Car celui qui croit du fond du coeur devient juste (Rm 10,10). Il nous faut donc adresser à Dieu nos demandes en toute confiance, sans mettre nullement en doute sa puissance.

Et si nous prions avec une foi pleine d'amour, nous bénéficions certainement, pour parvenir au salut, du concours de la volonté divine qui agit en proportion de sa puissance et qui est capable de produire son effet. C'est la raison pour laquelle le Seigneur répond aussitôt au lépreux qui le supplie: Je le veux (Mt 8,3). Car, à peine le pécheur commence-t-il à prier avec foi, que la main du Seigneur se met à soigner la lèpre de son âme.

Ce lépreux nous donne un conseil excellent sur la façon de prier. Ainsi ne met-il pas en doute la volonté du Seigneur, comme s'il refusait de croire en sa bonté. Mais, conscient de la gravité de ses fautes, il ne veut pas présumer de cette volonté. Quand il dit que le Seigneur, s'il le veut, peut le purifier, il fait bien d'affirmer ainsi le pouvoir qui appartient au Seigneur, de même que sa foi inébranlable. Car, pour obtenir une grâce, la foi pure et vraie est à bon droit requise tout autant que la mise en oeuvre de la puissance et de la bonté du Créateur.

Par ailleurs, si la foi est faible, elle doit d'abord être fortifiée. C'est alors seulement qu'elle révélera toute sa puissance pour obtenir la guérison de l'âme et du corps. L'apôtre Pierre parle sans aucun doute de cette foi quand il dit: Il a purifié leurs coeurs par la foi (Ac 15,9). Si le coeur des croyants est purifié par la foi, nous devons entendre par là la force de la foi, car, comme le dit l'apôtre Jacques, celui qui doute ressemble au flot de la mer (Jc 1,6).

Mais la foi pure, vécue dans l'amour, maintenue par la persévérance, patiente dans l'attente, humble dans son affirmation, ferme dans sa confiance, pleine de respect dans sa prière et de sagesse dans ce qu'elle demande, est certaine d'entendre en toute circonstance cette parole du Seigneur: Je le veux.

En ayant présente à l'esprit cette réponse admirable, nous devons regrouper les mots selon leur sens. Aussi bien le lépreux a-t-il dit pour commencer: Seigneur, si tu le veux, et le Seigneur: Je le veux. Le lépreux ayant ajouté: Tu peux me purifier, le Seigneur ordonna avec la puissance de sa parole: Sois purifié (Mt 8,2-3). Vraiment, tout ce que le pécheur a proclamé dans une vraie confession de foi, la bonté et la puissance divine l'ont aussitôt accompli par grâce.

Un autre évangéliste précise que l'homme qui recouvra la santé était tout couvert de lèpre (Lc 5,12), afin que personne ne perde confiance en raison de la gravité de ses fautes. Car tous les hommes sont pécheurs, ils sont tous privés de la gloire de Dieu (Rm 3,23).

C'est pourquoi, si nous croyons à bon droit que la puissance de Dieu est à l'oeuvre partout, nous devons le croire également de sa volonté. Il veut, en effet, que tous les hommes soient sauvés et arrivent à connaître pleinement la vérité (1Tm 2,4).

Une union si étrange et extraordinaire a eu lieu lorsque le Verbe s'est fait chair dans le sein de la Vierge et a ainsi habité parmi nous (Jn 1,14). De même que tous les élus sont ressuscites dans le Christ lorsqu'il est ressuscité, de même ces noces ont été célébrées en lui, et l'Église a été unie à l'Époux par les liens du mariage quand l'Homme-Dieu a reçu en plénitude les dons de l'Esprit Saint et que toute la divinité est venue habiter dans son corps.

En vertu de cette alliance, l'Épouse, comme je l'ai dit, a vraiment reçu en cadeau les arrhes de ces dons de l'Esprit Saint qui a demeuré tout entier dans le Christ. Celui-ci est devenu homme par l'Esprit Saint et, en sa qualité d'Époux, il est sorti du sein de la Vierge, qui fut en effet sa chambre nuptiale. Mais l'Église, en renaissant de l'eau dans le même Esprit, devient un seul corps dans le Christ, si bien que les deux ne font plus qu'une seule chair (Mt 19,5), ce qui, par rapport au Christ et à l'Église, est un grand mystère (Ep 5,31).

Et ce mariage dure depuis le début de l'Incarnation du Christ jusqu'au moment où le Christ lui-même reviendra, en sorte que tous les rites de l'union nuptiale soient accomplis. Alors, ceux qui seront prêts, et qui auront rempli comme il le faut les conditions d'une si grande union, feront, pleins de respect, leur entrée avec lui dans la salle des noces éternelles.

En attendant, l'Épouse promise au Christ est amenée à son Époux, et elle fait alliance avec lui, chaque jour, dans la foi et la tendresse, jusqu'à ce que lui-même revienne. Voilà pourquoi Paul disait: Je vous ai fiancés, en effet, à un Époux unique, comme une vierge pure à présenter au Christ (2Co 11,2). Ainsi, une seule épouse et femme, promise au Christ, s'attachera-t-elle à lui lorsque l'Église, venue des Juifs aussi bien que des Gentils, sera rassemblée dans l'unité. Car tous les saints de l'Ancien Testament qui ont vécu depuis le commencement du monde, et qui ont tous cru que le Christ viendrait dans la chair pour sauver l'humanité, ont part à ces noces qu'ils avaient vues par la foi, fût-ce de loin. Voilà pourquoi l'Écriture dit: Il envoya ses serviteurs pour appeler les invités à la noce (Mt 22,3). Car le Christ avait déjà invité tous ceux qu'il a appelés, puisque tous, depuis Abel le juste, avaient été inspirés par Dieu et attendaient la venue du Christ.