Saint Ambroise

Saint Ambroise, également connu sous le nom d'Ambroise de Milan, fut l'un des Pères de l'Église les plus influents du IVe siècle. Né vers 340 dans une famille romaine chrétienne, il devint l'évêque de Milan en 374, un poste qu'il occupa jusqu'à sa mort en 397.

Ambroise est célèbre pour son rôle de leader ecclésiastique et de mentor de Saint Augustin, l'un des plus grands théologiens de l'Église chrétienne. Son influence sur Augustin a été cruciale pour la conversion de ce dernier au christianisme.

En tant qu'évêque, Ambroise était connu pour son éloquence, sa force de caractère et son engagement envers l'orthodoxie chrétienne. Il a joué un rôle important dans la lutte contre l'arianisme, une hérésie qui niait la divinité de Jésus Christ, et a défendu la primauté de l'Église sur les affaires de l'État.

Ambroise a également contribué à la liturgie et à la musique de l'Église. Il est crédité de l'introduction de nouveaux styles de chant ecclésiastique, qui ont eu une influence profonde sur la pratique de la musique chrétienne.

Ses écrits comprennent de nombreux traités théologiques, des lettres et des sermons. Ces œuvres offrent un aperçu précieux de la théologie, de la pratique liturgique et de la vie de l'Église au IVe siècle.

Saint Ambroise est vénéré comme un saint dans l'Église catholique, l'Église orthodoxe, ainsi que dans les Églises luthérienne et anglicane. Sa fête est célébrée le 7 décembre. Son héritage perdure comme une figure clé de l'histoire de l'Église et un défenseur de la foi chrétienne.

50 derniers commentaires de Saint Ambroise

Jean Baptiste appela deux de ses disciples et les envoya demander au Seigneur: Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre? Il n'est pas simple de comprendre ces simples paroles, ou bien elles contredisent ce qui précède. Comment, en effet, Jean ignore-t-il maintenant celui que plus haut il a reconnu par révélation de Dieu le Père? Comment a-t-il reconnu alors celui qu'il ignorait jusque-là, et ignore-t-il maintenant celui qu'il connaissait naguère? Je ne le connaissais pas, dit-il, mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit: C'est celui sur lequel tu verras l'Esprit Saint descendre du ciel (Jn 1,33). Et Jean Baptiste crut à cette parole, il reconnut celui qui lui fut montré, il l'a adoré après l'avoir baptisé, et il a prophétisé son avènement. Enfin, dit-il, j'ai vu et je rends ce témoignage: C'est lui le Fils de Dieu (Jn 1,34).

Puisque l'intelligence immédiate de ces paroles présente un sens contradictoire, cherchons leur signification spirituelle. Jean, nous l'avons dit précédemment, représente la Loi qui annonçait le Christ. Or il est exact que la Loi, retenue matériellement captive dans les coeurs rebelles comme dans des prisons obscures, enfermée dans des cachots pourvoyeurs de supplices, derrière des barreaux d'inconscience, ne pourrait pousser jusqu'au bout le témoignage en faveur de l'économie divine de notre salut sans la garantie de l'Évangile.

Jean envoie donc ses disciples au Christ, pour qu'ils obtiennent un supplément d'information, parce que le Christ est la plénitude de la Loi.

Enfin le Seigneur, sachant que sans l'Évangile personne ne peut avoir une foi plénière - car si la foi commence par l'Ancien Testament, c'est dans le Nouveau qu'elle s'accomplit - n'éclaire pas les questions qu'on lui pose sur lui-même par des paroles, mais par des faits. Allez, dit-il, rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu: les aveugles voient, les sourds entendent, les lépreux sont purifiés, les morts ressuscitent, la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres (Lc 7,22).

Pourtant ce ne sont encore là que des exemples mineurs du témoignage apporté par le Christ. Ce qui fonde la plénitude de la foi, c'est la croix du Seigneur, sa mort, son ensevelissement. Et c'est pourquoi, après la réponse que nous avons citée, il dit encore: Heureux celui qui ne tombera pas à cause de moi (Lc 7,23)! En effet, la croix pourrait provoquer la chute des élus eux-mêmes, mais il n'y a pas de témoignage plus grand d'une personne divine, il n'y a rien qui paraisse davantage dépasser les forces humaines que cette offrande d'un seul pour tous: par cela seul, le Seigneur se révèle pleinement. Et enfin c'est ainsi que Jean l'a désigné: Voici l'Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde (Jn 1,29). Ces paroles ne s'adressent pas seulement à ces deux hommes, les disciples de Jean, mais à nous tous, afin que nous croyions au Christ, si les événements confirment cette annonce.

Il ne condamne pas les devoirs de piété filiale qu'un fils doit à sa mère, mais il veut nous apprendre qu'il se doit bien plus aux devoirs mystérieux qui l'attachent à son père, et à l'amour qu'il a pour lui, qu'à son affection pour sa mère; aussi l'Évangéliste ajoute: «Et, étendant la main vers ses disci ples, il dit: Voici ma mère, et voici mes frères».

On peut donc admettre que ce n'est pas la même femme, et ainsi disparaît toute contradiction entre les évangélistes. On peut encore résoudre cette difficulté, en tenant compte de la différence des temps et du mérite de cette femme, pécheresse en premier lieu, et femme vertueuse et parfaite dans la seconde circonstance.

C'est encore pour prévenir tout sentiment d'horreur et de répul sion pour le sang, et nous donner cependant le véritable prix de notre rédemption.

Vous devez conclure de là que les mystères des chrétiens sont antérieurs à ceux des Juifs, car Melchisédech offrit du pain et du vin, comme étant en tout la figure du Fils de Dieu ( He 7,2-3 ), à qui il est dit: «Vous êtes prêtre pour l'éternité selon l'ordre de Melchisédech» ( Ps 110,4 ), et dont l'Évangéliste dit ici: «Jésus prit du pain», etc.

Ce pain, avant les paroles sacramentelles, n'est que du pain ordinaire; après la consécration, ce pain devient la chair de Jésus-Christ. Or, de quelles paroles se compose la consécration, si ce n'est des paroles du Seigneur Jésus? Car si ces paroles ont une puissance si grande qu'elles font sortir du néant ce qui n'existait pas, à combien plus forte raison pourront-elles changer en une autre substance celles qui existent déjà, tout en leur conservant leur apparence extérieure. Pourquoi, en effet, la parole céleste, qui s'est montrée si efficace dans les autres choses, le serait-elle moins dans les divins sacrements? Le pain devient donc le corps de Jésus-Christ, et le vin devient son sang parla consécration de la parole divine. Vous demandez comment cela se fait? Le voici: N'est-ce pas l'ordinaire que l'homme ne naisse que de l'union de l'homme avec la femme? Et cependant, parce que telle a été la volonté du Seigneur, le Christ est né de l'Esprit saint et de la Vierge.

Nous célébrons ce mystère sous les deux espèces, car ce que nous recevons sert à protéger à la fois notre corps et notre âme.

Mais puisque Melchisédech a offert du pain et du vin ( Gn 14,18 ), que signifie ce mélange d'eau avec le vin? En voici la raison: Moïse frappa la pierre et en fit ainsi jaillir l'eau en abondance ( Ex 17,6 ); or, cette pierre, c'était le Christ ( 1Co 10,4 ); et l'un des soldats perça de sa lance le côté du Christ, et de ce côté sortit du sang et de l'eau: l'eau, pour nous purifier, le sang pour nous racheter.

Ce n'est pas lui qui est triste, mais son âme, car la tristesse ne peut atteindre la sagesse, la nature divine, mais son âme seulement, car il s'est uni mon âme, il s'est uni mon corps.

J'aime mieux que Pierre ait renié le Sauveur que de soutenir que le Sauveur s'est trompé.

Le Seigneur Jésus a voulu que Moïse gravît seul la montagne, mais il fut rejoint par Josué. Dans l'Évangile aussi, c'est à Pierre, Jacques et Jean, seuls de tous les disciples, qu'il révéla la gloire de sa résurrection. Ainsi voulut-il que son mystère demeurât caché, et il les avertissait fréquemment de ne pas annoncer facilement ce qu'ils avaient vu à n'importe qui, pour qu'un auditeur trop faible ne trouvât là un obstacle qui empêcherait son esprit inconstant de recevoir les mystères dans toute leur force. Car enfin Pierre lui-même ne savait pas ce qu'il disait (Lc 9,33), puisqu'il croyait qu'il fallait dresser trois tentes pour le Seigneur et ses acolytes. Ensuite, il n'a pas pu supporter l'éclat de gloire du Seigneur qui se transfigurait, mais il tomba sur le sol, comme tombèrent aussi les fils du tonnerre, Jacques et Jean, quand la nuée les recouvrit, et ils ne purent se relever que lorsque Jésus s'approcha et les toucha, leur ordonna de se lever et de calmer leur crainte.

Ils entrèrent donc dans la nuée pour connaître ce qui est secret et caché, et c'est là qu'ils entendirent la voix de Dieu disant: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j'ai mis tout mon amour: écoutez-le (Mt 17,5). Que signifie: Celui-ci est mon Fils bien-aimé? Cela veut dire - Simon, ne t'y trompe pas! - que tu ne dois pas placer le Fils de Dieu sur le même rang que les serviteurs. "Celui-ci est mon Fils: Moïse n'est pas mon Fils, Élie n'est pas mon Fils, bien que l'un ait ouvert le ciel, et que l'autre ait fermé le ciel." L'un et l'autre, en effet, à la parole du Seigneur, ont vaincu un élément, mais ils n'ont fait que prêter leur ministère à celui qui a affermi les eaux et fermé par la sécheresse le ciel, qu'il a fait fondre en pluie dès qu'il l'a voulu.

Là où le témoignage sur la résurrection est invoqué, on fait appel au ministère des serviteurs, mais là où se montre la gloire du Seigneur qui ressuscite, la gloire des serviteurs tombe dans l'obscurité. Car, en se levant, le soleil obscurcit jusqu'aux globes des étoiles, et toutes leurs lumières disparaissent devant l'éclat du soleil de ce monde. Comment donc, devant l'éternel soleil de justice, pourrait-on voir encore des étoiles de chair? Où sont donc ces lumières qui brillaient à nos yeux par quelque miracle? Toutes sont ténèbres en comparaison de la lumière éternelle. D'autres s'empressent de plaire à Dieu par leurs services, lui seul est la lumière éternelle, en qui le Père se complaît ou en qui, dit-il, "je me suis complu, afin que l'on croie que tout ce qu'il a fait est à moi, et que tout ce que j'ai fait, on croie à bon droit que c'est l'oeuvre du Fils."

Écoutez celui-ci dire de lui-même: Le Père et moi, nous sommes un (Jn 10,30). Il n'a pas dit: "Moïse et moi, nous sommes un." Il n'a pas dit qu'il y a une quelconque communion dans la gloire éternelle entre Élie et lui. Pourquoi préparez-vous trois tentes? Celui-ci n'a pas sa tente sur la terre, mais au ciel.

Le Seigneur Jésus lui-même, dans son Évangile, a déclaré que le berger avait abandonné quatre-vingt-dix-neuf brebis pour chercher la seule qui se soit perdue. La brebis dont on signale le vagabondage est donc la centième. La perfection et la plénitude signifiée par ce chiffre est instructive. Ce n'est pas sans raison que cette brebis est préférée aux autres, parce qu'il est plus difficile de se détourner du vice que de l'avoir presque entièrement ignoré. En effet, quand des âmes sont imprégnées par des vices, leur guérison, leur délivrance de la tyrannie des convoitises, exige non seulement une vertu accomplie, mais encore une grâce céleste. Se corriger dans l'avenir demande une vigilance humaine, mais pardonner les péchés passés est réservé à la puissance divine.

Quand le berger a enfin trouvé sa brebis, il la prend sur ses épaules. Vous reconnaissez là le mystère: comment la brebis épuisée retrouve ses forces. La nature humaine, quand elle est épuisée, ne peut se rétablir que par le sacrement de la passion du Seigneur et du sang de Jésus Christ, car l'insigne du pouvoir est sur ses épaules (Is 9,6). C'est sur la croix, en effet, qu'il a porté nos faiblesses, afin d'y anéantir tous nos péchés. Les anges ont raison de se réjouir, parce que celui qui s'était égaré désormais ne s'égare plus, il a oublié maintenant son égarement.

Je m'égare, brebis perdue: viens chercher ton serviteur. Je n'oublie pas tes volontés (Ps 118,176). <> Viens chercher ton serviteur, parce que le berger doit rechercher la brebis égarée pour la préserver de la mort. <> Celui qui s'est égaré peut être ramené sur la route.

Viens donc, Seigneur Jésus, chercher ton serviteur, viens chercher ta brebis épuisée. Viens, berger, à la recherche de tes brebis, comme Joseph. Ta brebis s'est égarée, pendant que tu tardais en demeurant dans la montagne. Laisse là les quatre-vingt-dix-neuf brebis et va chercher la seule qui se soit égarée. Viens, non avec le bâton, mais avec charité, et dans un esprit de douceur.

Cherche-moi, parce que je te recherche. Cherche-moi, accueille-moi, porte-moi. Tu peux trouver celui que tu recherches; daigne l'accueillir quand tu le trouveras; quand tu l'auras accueilli, mets-le sur tes épaules. Tu ne peux pas trouver fastidieuse cette oeuvre de bonté; tu ne peux pas trouver trop pesant le fardeau de la justice. Viens donc, Seigneur, car, si je me suis égaré, cependant je n'oublie pas tes volontés, je garde l'espérance de guérir. Viens, Seigneur, parce que tu es le seul qui puisse ramener la brebis errante. Et ceux que tu abandonneras ne seront pas attristés, car eux aussi se réjouiront de voir le retour des pécheurs. Viens, pour apporter sur la terre le salut, et dans le ciel la joie.

Viens donc, et maintenant ne cherche pas ta brebis par de pauvres serviteurs ni par des mercenaires, mais par toi-même. Accueille-moi, dans cette chair qui est tombée en la personne d'Adam. Accueille-moi comme un fils, non de Sara, mais de Marie, la vierge très pure, la vierge préservée par la grâce de toute souillure du péché. Porte-moi sur la croix salutaire aux égarés, seule capable de rendre des forces à ceux qui sont fatigués, et qui seule donne la vie à ceux qui meurent.

Or, Pierre a renié Jésus, parce que sa promesse a été présomptueuse. Il ne le renie pas sur la montagne, ni dans le temple, ni dans sa maison, mais dans le prétoire des Juifs, il renie Jésus là où il est enchaîné, là où ne se trouve point la vérité. Il le renie en disant «Je ne le connais point»; il eût été téméraire, en effet, de dire qu'il connaissait celui que l'esprit humain ne peut comprendre: «Car personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père» ( Mt 11, 47). Bientôt il renie Jésus une seconde fois: «Un peu après, un autre le voyant, lui dit: Vous aussi, vous êtes de ces gens là».

Il aime mieux se renier lui-même que de renier Jésus-Christ; ou encore, c'est en niant qu'il soit de la société de Jésus, qu'il se renie lui-même.

La même question est répétée à Pierre une troisième fois: «Une heure environ s'était écoulée, lorsqu'un autre vint dire avec assurance: Certainement cet homme était avec lui».

C'est-à-dire, je ne connais point vos discours sacrilèges. Nous cherchons à excuser Pierre, mais lui-même ne s'excusa point, c'est qu'en effet, ce n'est pas avec une réponse vague que l'on peut confesser Jésus-Christ, il faut une déclaration claire et formelle; aussi ne peut-on dire que Pierre ait eu dessein de répondre dans ce sens, puisque bientôt le. souvenir de son reniement lui fit verser des larmes amères.

Ceux sur lesquels Jésus daigne ainsi jeter un regard, pleurent amèrement leurs fautes: «Et Pierre se ressouvint de la parole que le Seigneur lui avait dite: «Avant que le coq chante, tu me renieras trois fois. Et Pierre étant sorti, pleura amèrement». Quelle fut la cause de ses larmes? la faute qu'il avait commise. Je lis bien que Pierre a pleuré; je ne vois point qu'il ait cherché à s'excuser; ses larmes effacent le crime qu'il avait honte d'avouer. Il avait renié son divin Maître une première et une seconde fois, mais sans verser de larmes, parce que le Seigneur ne l'avait pas encore regardé; il le renie une troisième fois, Jésus le regarde, et il pleure amèrement. Si donc vous voulez mériter votre pardon, vous aussi lavez vos fautes dans vos larmes.

Notre-Seigneur aime mieux prouver qu'il était roi plutôt que de le dire, afin de leur ôter tout motif de le condamner, puisqu'ils étaient forcés d'avouer eux-mêmes ce dont ils lui faisaient un crime: «il répondit: Vous le dites, je le suis».

Devant ces accusations, Notre-Seigneur se tait, parce qu'il n'a pas besoin de défense. Que ceux-là cherchent des défenseurs, qui craignent à bon droit de perdre leur cause. Il ne confirme donc point ces accusations par son silence, mais il les dédaigne comme indignes d'être réfutées. Que craindrait-il d'ailleurs, lui qui ne désire point échapper à la mort qu'on lui prépare? Lui, le Sauveur de tous, abandonne le soin de son propre salut pour ne s'occuper que du salut de tous les hommes.

Jésus se tait et ne fait aucun miracle, parce qu'Hérode n'avait pas la foi qui mérite d'avoir des miracles, et que lui-même fuyait toute ostentation. Peut-être aussi, Hérode est-il la figure de tous les impies, qui ne peuvent voir et comprendre les miracles de Jésus-Christ, racontés dans l'Évangile, qu'à la condition de croire à la loi et aux prophètes.

Ce n'est pas sans un dessein mystérieux que Jésus est revêtu par Hérode d'une robe blanche, le symbole de sa mort innocente et le signe glorieux de l'agneau sans tache, qui devait expier les péchés du monde.

Dans un sens figuré, Hérode et Pilate, qui se réconcilièrent à l'occasion de Jésus-Christ, représentent jusqu'à un certain point le peuple juif et le peuple des Gentils, qui devaient aussi se réconcilier entre eux par la passion du Seigneur, en suivant néanmoins cet ordre que les Gentils recevraient les premiers la parole de Dieu, et feraient ensuite entrer en participation de leur foi et de leur charité, les Juifs qui revêtiraient aussi de gloire et de majesté le corps de Jésus-Christ, objet autrefois de leurs mépris.

Pilate reconnaît judiciairement l'innocence du Sauveur, et il le crucifie par un acte arbitraire de son autorité. Jésus est envoyé à Hérode, qui le renvoie à Pilate: «Je n'ai trouvé en lui aucun des crimes dont vous l'accusez, ni Hérode non plus, car je vous ai renvoyés à lui, et on ne l'a convaincu de rien qui mérite la mort». Ainsi tous deux s'accordent à proclamer son innocence, et cependant, par un lâche sentiment de crainte, Pilate se rend aux désirs sanguinaires d'un peuple cruel.

Il est juste qu'ils sollicitent la grâce d'un homicide, eux qui demandaient avec tant d'instance la mort d'un innocent, telles sont les lois auxquelles obéit l'iniquité, l'affection du crime est acquise à ce que l'innocence a en horreur. Le nom de ce grand criminel a d'ailleurs une signification symbolique: Barabbas veut dire en latin fils du père . Or, ce sont ceux à qui Jésus a dit: «Vous êtes les enfants du démon», que nous voyons donner la préférence au fils de leur père, c'est-à-dire à l'Antéchrist sur le vrai Fils de Dieu.

Jésus portant sa croix, est comme un vainqueur qui porte déjà le trophée de sa victoire; la croix est placée sur ses épaules, soit en effet qu'il l'ait portée lui-même, ou que Simon en ait été chargé, c'est toujours le Christ qui la porte dans l'homme, de même que l'homme la porte dans la personne du Christ. Il n'y a point ici de contradiction dans le récit des évangélistes, puisque la signification mystérieuse est la même. L'ordre de notre progrès dans la perfection demandait que Jésus dressât d'abord lui-même le trophée de sa croix, et qu'il le transmît aux martyrs pour le porter après lui. Or, ce n'est pas un Juif qui porte la croix, mais un étranger et un voyageur, et il ne marche pas devant Jésus, mais se contente de le suivre, selon la parole du Sauveur: «Qu'il porte sa croix, et qu'il me suive».

Mais il importe de considérer dans quel état Jésus monte sur la croix; je le vois entièrement dépouillé de ses vêtements, tel doit être celui qui veut triompher du monde, il ne doit rechercher ni les bien s ni les consolations du siècle. Adam fut vaincu par le démon, et se couvrit de vêtements; Jésus se dépouille de ses vêtements, et triomphe de l'ennemi du salut, il monte sur la croix tel que Dieu a formé l'homme dès l'origine. C'est dans cet état que le premier Adam habita le paradis terrestre, c'est dans le même état que le second Adam entre dans le paradis des cieux. Ce n'est pas sans raison qu'avant de monter sur la croix, il se dépouille de ses vêtements, il voulait nous apprendre que c'est en tant qu'homme qu'il a souffert, et non comme Dieu, bien que le Christ soit l'un et l'autre.

Quel exemple plus puissant pour nous exciter à revenir à Dieu, que l'exemple de ce voleur qui obtient si facilement son pardon? Le Seigneur pardonne promptement, mais la conversion a été prompte aussi; la grâce est plus abondante et s'étend bien plus loin que la prière, car Dieu accorde toujours plus qu'on ne demande, le larron le prie de se souvenir de lui, et Jésus lui répond: «En vérité, je vous le dis, vous serez avec moi dans le paradis», car la vie, c'est d'être avec Jésus-Christ, et là où est Jésus-Christ, là aussi est le royaume.

Une autre difficulté se présente: les autres évangélistes, saint Matthieu et saint Marc, rapportent que les deux voleurs insultaient le Sauveur; d'après saint Luc, au contraire, l'un deux insultait Jésus, et l'autre s'opposait à ces outrages. Nous répondons qu'ils ont pu tous deux commencer par l'insulter, et que l'un d'eux ne tarda pas à changer de sentiments et de langage. On peut encore dire que les deux premiers évangélistes ont employé ici le pluriel pour le singulier comme dans ce passage: «Ils ont mené une vie errante, couverts de peaux de chèvres», et dans cet autre: «Ils ont été sciés», bien qu'Élie seul fût vêtu de cette manière, et que le seul prophète Isaïe ait souffert le supplice de la scie. Dans le sens figuré, ces deux larrons sont le symbole des deux peuples pécheurs qui devaient être crucifiés par le baptême avec Jésus-Christ, et leur conduite si opposée représente la conduite si différente de ceux qui ont embrassé la foi.

Le soleil se voile aux yeux de ces sacrilèges, pour ne pas éclairer le triste spectacle de ce crime affreux, et les ténèbres se répandent sur les yeux de ces perfides pour rendre plus éclatante la lumière de la foi.

Dès que Jésus eut bu le vinaigre qu'on lui présentait, tous les mystères de sa vie mortelle furent accomplis et l'immortalité seule demeura: «Alors Jésus s'écria d'une voix forte: Mon Père, je remets mon âme entre vos mains».

Le corps du Sauveur ne meurt que pour ressusciter, et il remet son esprit à son Père, afin que toutes les créatures qui habitent les cieux soient affranchies des liens de l'iniquité, et que la paix commence par le ciel pour servir de modèle à celle qui doit se faire sur la terre.

Il recommande son âme à son Père, mais tout en étant dans le ciel, il éclaire les enfers (les limbes) et étend à toute créature les effets de la rédemption, car le Christ est en toutes choses, et toutes choses subsistent en lui. ( Col 1, 17).

Paroles dont voici le sens: Il rendit l'âme, il ne perdit point la vie malgré lui, car ce qu'on rend est volontaire, mais ce qu'on perd est forcé,

O coeurs des Juifs plus durs que les rochers ! Celui qu'ils ont pris pour juge les condamne, le centurion est forcé de croire, le traître disciple désavoue son crime par sa mort, les éléments se troublent, la terre est ébranlée, les sépulcres s'ouvrent, et cependant la dureté des Juifs demeure inflexible au milieu du bouleversement de l'univers.

Dans le sens figuré, remarquons que c'est un juste qui ensevelit le corps de Jésus-Christ; car la fraude et l'iniquité ne doivent prendre aucune part à la sépulture du Sauveur. Ce n'est pas sans raison que saint Matthieu nous fait observer que Joseph, qui se charge d'ensevelir le corps de Jésus-Christ, était riche; car en portant lui-même le corps d'un riche, il ne connut point la pauvreté de la fo i. Il enveloppa le corps de Jésus-Christ dans un linceul; et vous aussi revêtez le corps du Seigneur de sa gloire, si vous voulez être juste, et bien que vous croyiez, qu'il a souffert la mort, couvrez-le de la plénitude de la divinité. L'Église elle-même se revêt aussi de la grâce de l'innocence.

Ce n'est pas sans raison non plus qu'un évangéliste rapporte que le tombeau était neuf, et un autre que c'était le tombeau de Joseph. En effet, c'est à ceux qui sont soumis à la loi de la mort qu'on prépare un tombeau, mais le vainqueur de la mort n'a pas besoin d'avoir son sépulcre; car quel rapport peut-il y avoir entre Dieu et un tombeau. Il est mis seul dans ce sépulcre, parce que bien que la mort de Jésus-Christ lui soit commune avec nous, à ne considérer que la nature de son corps, elle est exceptionnelle à raison de sa puissance. Jésus-Christ est enseveli dans le sépulcre d'un juste, pour nous apprendre qu'il pren d volontiers son repos dans la demeure de la justice. Le juste a creusé ce sépulcre à l'aide de la parole pénétrante dans la pierre dure du coeur des Gentils, pour faire éclater parmi les nations la puissance de Jésus-Christ; c'est aussi dans un dessein mystérieux qu'on roule une grande pierre à l'entrée du sépulcre. Celui qui a donné à Jésus-Christ une sépulture convenable dans son coeur, doit le garder avec soin pour ne pas s'exposer à le perdre et ne pas donner entrée dans son âme à l'incrédulité.

Mais comment se fait-il que saint Matthieu et saint Marc ne parlent que d'un jeune homme assis et vêtu de blanc, tandis que d'après saint Luc et saint Jean les saintes femmes virent deux anges revêtus de robes blanches?

Toutefois, le récit des évangélistes présente ici une assez grande difficulté; saint Luc dit que les saintes femmes sont venues de grand matin au sépulcre; saint Matthieu, qu'elles sont venues le soir du sabbat. Mais cette divergence de temps disparaît, en admettant que des femmes différentes vinrent au sépulcre à plusieurs reprises, et qu'il y eut aussi plusieurs apparitions distinctes. Quant à ces paroles de saint Matthieu: «Le soir ou la nuit du sabbat, à la première lueur du jour qui suit le sabbat», eut lieu la résurrection du Seigneur, il ne faut pas les entendre dans ce sens que le Sauveur soit ressuscité le matin du dimanche, qui est le premier jour après le sabbat, ni le jour même du sabbat; car où seraient dans cette dernière hypothèse les trois jours qui devaient s'écouler jusqu'à la résurrection? Ce n'est donc pas au déclin du jour, mais au déclin de la nuit, qu'il est ressuscité. D'ailleurs, le texte grec de l'Évangile selon saint Matthieu porte ïöå, en latin sero, qui veut dire tard. Or, ce mot signifie le déclin du jour, et aussi tout ce qui vient tard, comme lorsque l'on dit: Cela m'a été suggéré trop tard. Cette expression signifie donc que la nuit était profonde, ce qui permit aux saintes femmes d'approcher du sépulcre pendant le sommeil des gardes. Une nouvelle preuve que la résurrection eut lieu pendant la nuit, c'est que parmi ces saintes femmes les unes en étaient instruites, c'étaient celles qui ont veillé le jour et la nuit; les autres l'ignoraient, parce qu'elles s'étaient retirées. Saint Jean parle d'une Marie Madeleine qui ne savait où on avait mis le corps du Seigneur; saint Matthieu, d'une autre Madeleine qui le savait; car la même personne n'a pu le savoir d'abord, et l'ignorer ensuite. Si donc il y a plusieurs Maries, on peut admettre aussi plusieurs Maries Madeleines, le premier nom étant celui de la personne, et le second celui de son pays.

Nous pouvons très-bien admettre que les saintes femmes ne virent qu'un seul ange lorsqu'elles entrèrent dans le sépulcre, c'est-à-dire dans une espèce d'enceinte qui entourait le sépulcre taillé dans le roc, et était fermée d'une muraille; c'est là qu'elles virent assis à droite l'ange dont parle saint Marc. Elles avancèrent ensuite pour regarder dans l'intérieur du sépulcre, où le corps du Seigneur avait été déposé, et c'est alors que d'après le récit de saint Luc, elles virent ces deux autres anges qui raniment leur courage et fortifient leur foi: «Et comme dans leur frayeur, elles tenaient leur visage abaissé vers la terre», etc.

Il n'est point permis aux femmes d'enseigner dans l'Église (1Co 14). C'est pour cela que la femme est envoyée à ceux qui sont de la famille de Jésus. L'Évangéliste nous fait connaître le nom de ces femmes: «Ce fut Marie Madeleine».

Le Sauveur se manifeste sur le soir et séparément à ces deux disciples nommés Ammaon et Cléophas, comme il se manifesta plus tard séparément aux onze Apôtres.

L'opinion qui me paraît la plus probable est que Notre-Seigneur avait annoncé en effet à ses disciples qu'ils le verraient en Galilée, mais qu'il crut ensuite devoir leur apparaîtra dans le cénacle, où la crainte les tenait renfermés. Le Sauveur ne manque pas ici à sa promesse, mais au contraire, il se hâte de l'accomplir par un sentiment de bonté pour ses disciples encore faibles et pusillanimes.

Lorsqu'il eut ainsi ranimé leur courage, les onze Apôtres se rendirent en Galilée. Rien n'empêche encore de dire qu'ils étaient peu nombreux dans le cénacle, tandis qu'ils furent en très-grand nombre sur la montagne de Galilée.

Nous ne pouvons concevoir que saint Pierre et saint Jean aient pu douter de la résurrection après les faits prodigieux dont ils avaient été les témoins. Pourquoi donc saint Luc nous dit-il qu'ils furent troublés? premièrement, parce qu'il confond leurs sentiments particuliers avec ceux du plus grand nombre; secondement, parce que Pierre, tout certain qu'il était de la résurrection du Sauveur, a pu néanmoins être troublé, en le voyant tout à coup traverser avec son corps les portes qui étaient fermées.

Examinons maintenant comment d'après saint Jean, les Apôtres crurent et furent dans la joie, tandis que d'après saint Luc, le Sauveur leur reproche leur incrédulité. Saint Jean, en sa qualité d'apôtre, me paraît n'avoir voulu traiter que les vérités les plus importantes et les plus élevées, tandis que saint Luc suit les évènements en se maintenant dans une sphère plus rapprochée de nous; l'un s'est attaché à l'ordre historique, l'autre a voulu abréger. On ne peut douter de la véracité du témoignage de celui qui raconte ce qu'il a vu de ses yeux. La conclusion est donc que le récit des deux Évangélistes est vrai, car bien que saint Luc fasse observer qu'ils ne crurent point tout d'abord, il déclare positivement qu'ils finirent par croire.

Notre-Seigneur s'exprime de la sorte pour nous donner une image de la résurrection; en effet, ce qui peut se toucher, est nécessairement un corps, nous ressusciterons donc dans notre corps, la seule différence est qu'il sera subtil, tandis qu'il est maintenant épais et grossier, parce qu'il est composé d'éléments infirmes et terrestres. Ce n'est donc point en vertu de sa nature incorporelle et divine, mais par suite des propriétés de son corps ressuscité, que Jésus-Christ a pénétré dans le cénacle, les portes demeurant fermées.

Mais comment se fait-il que d'après saint Jean ( Jn 20,23 ), les Apôtres avaient déjà reçu alors l'Esprit saint, tandis qu'ici nous voyons le Sauveur leur commander de demeurer dans la ville, jusqu'à ce qu'ils soient revêtus de la force d'en haut? Peut-être soufflait-il d'abord sur les onze Apôtres pour leur donner l'Esprit Saint, comme étant plus parfaits, et promet-il ici de le donner ensuite aux autres. Ou bien, c'est aux mêmes qu'il le donne d'un côté et qu'il le promet de l'autre. Et il n'y a en cela aucune contradiction, puisque les grâces sont différentes; ainsi le Sauveur donne, d'après saint Jean, la grâce d'une opération divine, et en promet une autre d'après saint Luc. En effet, la première fois il donne à ses Apôtres le pouvoir de remettre les. péchés (pouvoir qui est moins étendu), et Jésus-Christ le leur donne en soufflant sur eux, afin que vous croyiez que l'Esprit saint est l'esprit de Jésus-Christ, et que c'est le même que l'esprit de Dieu, car Dieu seul peut remettre les péchés. Saint Luc, au contraire, veut parler du don des langues que l'Esprit saint communiqua aux Apôtres.

Une femme coupable d'adultère fut amenée par les scribes et les pharisiens devant le Seigneur Jésus. Et ils formulèrent leur accusation avec perfidie, de telle sorte que, si Jésus l'absolvait, il semblerait enfreindre la Loi, mais que, s'il la condamnait, il semblerait avoir changé le motif de sa venue, car il était venu afin de pardonner le péché de tous. Ils dirent en la lui présentant: Cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère. Or dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu (Jn 8,4-5)?

Pendant qu'ils parlaient, Jésus, la tête baissée, écrivait avec son doigt sur le sol. Comme ils attendaient, il leva la tête et dit: Celui d'entre vous qui est sans péché, qu'il soit le premier à lui jeter la pierre (Jn 8,7). Y a-t-il rien de plus divin que cette sentence: qu'il punisse le péché, celui qui est sans péché? Comment, en effet, pourrait-on tolérer qu'un homme condamne le péché d'un autre, quand il excuse son propre péché? Celui-là ne se condamne-t-il pas davantage, en condamnant chez autrui ce qu'il commet lui-même?

Jésus parla ainsi, et il écrivait sur le sol. Pourquoi? C'est comme s'il disait: Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'oeil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton oeil, tu ne la remarques pas (Lc 6,41)? Il écrivait sur le sol, du doigt dont il avait écrit la Loi (Ex 31,18). Les pécheurs seront inscrits sur la terre, et les justes dans le ciel, comme Jésus dit aux disciples: Réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux (Lc 10,20).

En entendant Jésus, les pharisiens sortaient l'un après l'autre, en commençant par les plus âgés, puis ils s'assirent pour délibérer entre eux. Et Jésus resta seul avec la femme qui était debout, là au milieu. L'évangéliste a raison de dire qu'ils sortirent, ceux qui ne voulaient pas être avec le Christ. Ce qui est à l'extérieur du Temple, c'est la lettre; ce qui est au-dedans, ce sont les mystères. Car ce qu'ils recherchaient dans les enseignements divins, c'étaient les feuilles et non les fruits des arbres; ils vivaient dans l'ombre de la Loi et ne pouvaient pas voir le soleil de justice.

Quand ils furent tous partis, Jésus resta seul avec la femme debout au milieu. Jésus, qui va pardonner le péché, demeure seul, comme lui-même l'a dit: L'heure vient et même elle est venue, où vous serez dispersés chacun de son côté, et vous me laisserez seul (Jn 16,32). Car ce n'est ni un ambassadeur ni un messager qui a sauvé son peuple, mais le Seigneur en personne. Il reste seul parce qu'aucun des hommes ne peut avoir en commun avec le Christ le pouvoir de pardonner les péchés. Cela revient au Christ seul, lui qui enlève le péché du monde. Et la femme méritait d'être pardonnée, elle qui, après le départ des Juifs, demeure seule avec Jésus.

Relevant la tête, Jésus dit à la femme: Où sont-ils, ceux qui t'accusaient? Est-ce que personne ne t'a lapidée? Et elle répondit: Personne, Seigneur, Alors Jésus lui dit: Moi non plus, je ne te condamnerai pas. Va, et désormais, veille à ne plus pécher. Voilà, lecteur, les mystères divins, et la clémence du Christ. Quand la femme est accusée, le Christ baisse la tête, mais il la relève quand il n'y a plus d'accusateur, si bien qu'il veut ne condamner personne, mais pardonner à tous. <>

Que signifie donc: Va, et désormais veille à ne plus pécher! Cela veut dire: Puisque le Christ t'a rachetée, que la grâce te corrige, tandis qu'un châtiment aurait bien pu te frapper, mais non te corriger.

ous avez entendu la lecture d'Évangile (Jn 9,1 sv.), où l'on rapporte que le Seigneur Jésus vit sur son passage un aveugle de naissance. Si le Seigneur, après l'avoir vu, n'a pas poursuivi sa route, nous non plus nous ne devons pas poursuivre notre chemin quand le Seigneur n'a pas voulu le faire; d'autant plus qu'il s'agissait d'un aveugle de naissance, ce qui n'a pas été signalé pour rien.

Il y a en effet une cécité qui vient souvent d'une maladie nuisible à la vue, et qui s'atténue avec le temps. Il y a une cécité qui est engendrée par la sécrétion de certaines humeurs. Celle-là aussi, quand sa cause est supprimée, est généralement chassée par l'art médical. Cela doit vous faire comprendre que si cet homme, aveugle de naissance, est guéri, ce n'est pas un effet de l'art, mais d'une puissance souveraine.

En effet, ce qui est un défaut de la nature, c'est au Créateur de le corriger, car il est l'auteur de la nature. Ce qui lui a fait dire: Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde (Jn 9,5), c'est-à-dire que tous ceux qui sont aveugles peuvent voir, s'ils me cherchent, moi, la lumière. Approchez-vous et vous serez dans la lumière (Ps 33,6), afin que vous puissiez voir.

Ensuite, que veut dire le fait suivant? Jésus rendait la vie par son commandement, il donnait le salut par un précepte en disant au mort: Viens dehors, et Lazare sortit de son sépulcre (Jn 11,43). Ou encore, il avait dit au paralytique: Lève-toi, emporte ton grabat (Mc 2,11-12), et le paralytique se leva et se mit à emporter son grabat, qui servait à le transporter à cause du relâchement de tous ses membres. Alors, pourquoi, ici, Jésus a-t-il craché, fait de la boue dont il a enduit les yeux de l'aveugle, en lui disant: Va, et lave-toi dans la fontaine de Siloé, dont le nom signifie Envoyé. Et il y alla, il se lava, et il se mit à voir (Jn 9,7)? Quelle est la raison de cette différence? Elle est importante, si je ne me trompe; c'est qu'il voit davantage, celui que Jésus touche.

Remarquez tout à la fois sa divinité et sa vertu sanctifiante. Étant la lumière, il a touché l'aveugle et il l'a éclairé. Étant prêtre, il a réalisé, sous le signe du baptême, les mystères de la grâce spirituelle.

Qu'il ait fait de la boue et qu'il en ait enduit les yeux de l'aveugle, cela ne signifie rien d'autre que ceci: avec la boue qu'il lui applique, il a rendu à la santé ce même homme qu'il avait façonné avec de la boue (cf. Gn 2,7). Cela signifie aussi que notre chair tirée de la boue reçoit la lumière de la vie éternelle par les mystères du baptême. Toi aussi, approche-toi de Siloé, c'est-à-dire de celui qui est l'Envoyé du Père, puisque tu connais cette parole: Ma doctrine n'est pas la mienne, mais la doctrine de celui qui m'a envoyé (Jn 7,17). Que le Christ te lave, pour que tu voies. Viens au baptême, c'est justement l'époque; viens vite, afin de pouvoir dire, toi aussi: Je suis allé, je me suis lavé, et j'ai vu ; et pour que tu dises, toi aussi: J'étais aveugle et j'ai vu ; pour que tu dises, toi aussi, comme celui qui vient d'être inondé par la lumière: La nuit est finie, le jour est tout proche (Rm 13,12).

Avançons hardiment vers notre Rédempteur Jésus, rejoignons hardiment l'assemblée des saints, le concile des justes. Car nous irons vers ceux qui sont nos frères, vers ceux qui nous ont instruits dans la foi. Ainsi, même si nos oeuvres sont insuffisantes, que la foi vienne à notre secours et préserve notre héritage.

Le Seigneur sera la lumière de tous, et cette vraie lumière qui éclaire tout homme (Jn 1,9) brillera pour tous. Nous irons là où le Seigneur Jésus a préparé des demeures pour ses serviteurs, afin que là où il est, nous soyons nous aussi, car telle est sa volonté. Quelles sont ces demeures? Écoutons-le en parler: Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures. Et il nous dit ce qu'il veut: Je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez vous aussi (Jn 14,2-3).

Mais, me direz-vous, il ne parlait ainsi qu'à ses disciples, c'est à eux seuls qu'il promettait ces nombreuses demeures; et où voyez-vous qu'on viendra de partout prendre part au banquet dans le royaume de Dieu?

Comment pouvez-vous mettre en doute l'efficacité de la parole divine? Pour le Christ, vouloir, c'est réaliser. Enfin il a montré le lieu et le chemin, quand il a dit: Où je vais, vous le savez, et vous savez le chemin (Jn 14,4). Le lieu, c'est chez le Père; le chemin, c'est le Christ, comme il l'a dit lui-même: Moi je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi (Jn 14,7).

Entrons dans ce chemin, attachons-nous à la vérité, suivons la vie. Le chemin est ce qui conduit, la vérité est ce qui affermit, la vie est ce qui se donne de soi-même. Et pour que nous comprenions bien ce qu'il veut, il ajoutera plus loin: Père, ceux que tu m'as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, pour qu'ils contemplent ma gloire, Père (cf. Jn 17,24). Il est beau de voir que ce qu'il avait promis auparavant, maintenant il le demande. En effet, parce qu'il avait promis d'abord et qu'il demande maintenant, et non pas le contraire, on voit qu'il a promis d'abord comme étant maître du don, conscient de sa puissance; ensuite il a demandé au Père, comme étant l'interprète de la piété filiale. Il a promis d'abord, pour que vous reconnaissiez son pouvoir. Il a demandé ensuite, pour que vous compreniez sa piété envers le Père.

Nous te suivons, Seigneur Jésus. Mais pour que nous te suivions, appelle-nous, parce que, sans toi, nul ne montera vers toi. Car tu es le chemin, la vérité, la vie. Tu es aussi notre secours, notre foi, notre récompense. Ceux qui sont à toi, accueille-les, toi qui es le chemin; fortifie-les, toi qui es la vérité; vivifie-les, toi qui es la vie.