Saint Bernard de Clairvaux

Saint Bernard de Clairvaux, né en 1090 à Fontaine-lès-Dijon, en Bourgogne, et décédé le 20 août 1153, était un moine cistercien français et l'une des figures les plus influentes de l'Église catholique au XIIe siècle. Reconnu pour sa piété, son éloquence et son influence dans les affaires ecclésiastiques et politiques, il est l'un des Pères de l'Église et a été canonisé en 1174.

En 1115, Bernard fut nommé abbé de la jeune abbaye de Clairvaux, qu'il transforma en un centre florissant de spiritualité et de rigueur monastique. Sous sa direction, Clairvaux devint le berceau de nombreuses autres communautés cisterciennes à travers l'Europe.

Outre sa contribution au mouvement monastique, Bernard fut un prédicateur influent, un conseiller de papes et de rois, et un acteur majeur dans les grands événements de son temps, y compris la prédication de la Deuxième Croisade. Ses écrits, comprenant des sermons, des traités et des lettres, abordent des sujets de théologie, de spiritualité et de vie monastique, et restent des références incontournables dans la littérature chrétienne.

Ses enseignements sur l'amour de Dieu, l'humilité et la vie intérieure ont profondément influencé la spiritualité chrétienne. Bernard est particulièrement connu pour ses écrits sur la Vierge Marie et son rôle dans le plan de salut.

Saint Bernard de Clairvaux est vénéré comme un saint dans l'Église catholique, avec une fête célébrée le 20 août. Il est également reconnu comme un Docteur de l'Église pour ses contributions significatives à la théologie et à la spiritualité chrétienne.

Commentaires de Saint Bernard de Clairvaux

C'était la coutume des Juifs que l'épouse soit confiée à la garde de l'époux depuis le jour de leurs fiançailles jusqu'au jour des noces. C'était à lui de veiller d'autant plus attentivement sur la chasteté de sa fiancée qu'il voulait ainsi trouver en elle une épouse plus fidèle. De même donc que Thomas, en doutant et en touchant de ses mains, devint le témoin le plus sûr de la résurrection du Seigneur, de même Joseph, en se fiançant à Marie et en examinant plus attentivement sa manière de vivre pendant le temps où elle était confiée à sa garde, devint le témoin le plus fidèle de sa chasteté. Quel beau rapport il y a entre ces deux faits: le doute de Thomas et les fiançailles de Marie!

Il fallait donc que Marie soit accordée en mariage à Joseph, car c'était le moyen de cacher aux infidèles ce saint mystère, de faire confirmer sa virginité par son époux, de garanti r la pudeur de la Vierge et de prendre soin de sa réputation. Existait-il un moyen plus sage et qui soit plus digne de la divine Providence? En vertu de cette unique disposition, les secrets célestes ont trouvé un témoin, ils ont échappé à la connaissance de l'Ennemi et l'honneur de la Vierge a été préservé. Sans cette assurance, comment un homme juste aurait-il pu épargner une femme adultère?

Mais il est écrit: Joseph, son époux, qui était un homme juste, ne voulait pas la dénoncer publiquement; il décida de la répudier en secret (Mt 1,19). Ainsi, c'est parce qu'il était juste qu'il ne voulut pas la dénoncer publiquement. De même qu'il n'eût pas été un homme juste s'il avait approuvé une fiancée qu'il savait coupable, de même il n'eût pas été juste s'il l'avait condamnée tout en la sachant innocente. Comme il était juste et ne voulait pas la dénoncer publiquement, il décida de la répudier.

Quelqu'un pourrait toutefois en juger autrement et faire l'objection suivante: Joseph, en homme qu'il était, a douté de la fidélité de Marie, et, en homme juste, n'a assurément pas voulu habiter avec Marie en raison de ce doute. Mais comme il était bon, il n'a pas voulu la dénoncer comme suspecte, et a donc décidé de la répudier en secret.

Je réponds en deux mots que, même dans cette hypothèse, le doute de Joseph a été opportun, puisqu'il a dû être levé par une parole divine. Car il est écrit: Il avait formé ce projet, à savoir de la répudier en secret, lorsque l'ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit: Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse: l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint (Mt 1,20).

Telles sont donc les raisons pour lesquelles Marie fut fiancée à Joseph, ou plutôt, comme dit l'évangéliste Luc, à un homme appelé Joseph (Lc 1,27). Il l'a appelé "un homme" non parce qu'il était son mari, mais parce qu'il possédait la vertu qui fait les hommes. Ou plutôt, puisque l'évangéliste Matthieu ne l'a pas désigné comme un homme, mais comme son époux (Mt 1,19), cette dernière appellation signifiait à bon droit comment il fallait qu'on le considère. Il devait donc être appelé son époux puisqu'il fallait qu'il soit tenu pour tel.

De même, il a mérité aussi, non pas d'être le père du Sauveur, mais d'être appelé de ce nom, afin qu'on le tienne pour tel, d'après ce que dit l'évangéliste Luc: Au moment de ce début, Jésus avait environ trente ans; il était considéré comme fils de Joseph (Lc 3,23). Il n'était donc ni l'époux de la mère, ni le père du fils, et cepend ant, par une disposition sûre et nécessaire de la Providence, comme je l'ai déjà dit, il reçut pendant un temps le nom d'époux et de père, et fut tenu pour tel.

Mais pense à l'estime dont il a mérité de jouir auprès de Dieu en recevant le nom, même purement formel, de père de Dieu, et en étant tenu pour tel. Pense en outre à son nom propre, que tu ne peux hésiter à considérer comme un honneur supplémentaire, et tu te feras une idée de l'homme extraordinaire que Joseph a été.

Nul ne peut douter que Joseph ait été un homme bon et fidèle, lui qui a eu pour épouse la mère du Sauveur. Il fut le serviteur fidèle et sage que le Sauveur a placé près de Marie pour être le consolateur de sa mère, le père nourricier de son corps et, en un mot, l'unique coopérateur très fidèle de sa grande oeuvre sur la terre.

En montant aujourd'hui dans les cieux, la Vierge glorieuse a certainement beaucoup ajouté à la joie des citoyens du ciel et les a remplis d'allégresse. C'est elle, en effet, qui par sa salutation fit tressaillir de joie un enfant encore enfermé dans le sein de sa mère. L'âme d'un enfant qui n'était pas encore né s'est fondue de bonheur à la voix de Marie. Comment, dès lors, pourrions-nous imaginer ce que fut la jubilation des bienheureux quand ils eurent le bonheur d'entendre sa voix, de contempler son visage et de jouir de sa présence bénie?

Et pour nous, mes bien-aimés, à quelle fête son assomption ne donne-t-elle pas lieu? Quelle joie et quel bonheur ne nous procure-t-elle pas? La présence de Marie a fait resplendir la terre entière, si bien que maintenant la patrie céleste elle-même, illuminée des rayons de cette lampe virginale, brille d'un éclat plus vif. C'est donc avec raison que les actions de grâce et les chants de louange (Is 51,3) retentissent dans les cieux. Ne pensez-vous pas pourtant que nous avons plus de motifs de gémir que d'applaudir? Car nous ne pouvons manquer ici-bas de pleurer le départ de Marie dans la mesure même où le ciel se réjouit de sa présence.

Cessons toutefois de nous lamenter puisque la cité que nous avons ici-bas n'est pas définitive (He 13,14) et que nous aspirons au contraire à celle où la bienheureuse Marie fait aujourd'hui son entrée. Si nous devons un jour être comptés parmi ses habitants, il est vraiment juste que, même dans notre exil, même au bord des fleuves de Babylone, nous nous souvenions (Ps 136,1) de la cité céleste, nous prenions part à sa joie et participions à son allégresse. Nous aspirons surtout à rejoindre celle qui remplit aujourd'hui de sa joie, comme d'un torrent, la ville de Dieu (cf. ps 45,5), au point que nous en recevions quelques gouttes tombant sur la terre.

Oui, notre Reine nous a précédés et le glorieux accueil qui lui est fait nous engage, nous, ses serviteurs confiants, à suivre Notre Dame en nous écriant: Entraîne-nous après toi, courons: tes parfums ont une odeur suave (Ct 1,3-4)! Notre exil a envoyé en avant une avocate qui, en sa qualité de Mère de notre juge et de Mère de la miséricorde, consacrera ses prières efficaces à la cause de notre salut.

Aujourd'hui notre terre a envoyé un don précieux au ciel pour que d'heureux liens d'amitié unissent les hommes à Dieu, la terre au ciel, la petitesse à la

grandeur, grâce aux présents échangés. Car c'est au ciel que le fruit sublime de la terre est monté, au ciel d'où descendent les dons excellents, les dons parfaits (cf. Jc 1,17). La Vierge bénie, élevée dans les hauteurs, dispensera donc à son tour des dons aux hommes (cf. Ep 4,8). Pourquoi ne le ferait-elle pas, puisque le pouvoir ne lui en fera pas défaut, ni la volonté? Elle est la reine des cieux, une reine compatissante, pour tout dire, elle est la Mère du Fils unique de Dieu. Il n'y a rien, en effet, qui puisse mieux nous faire comprendre l'étendue de sa puissance et de sa bonté, à moins que l'on ne croie pas que le Fils de Dieu honore sa Mère. Pourrait-on d'ailleurs douter vraiment que les entrailles de Marie se soient remplies de sentiments de charité, alors que la Charité même, venue de Dieu, y est demeurée corporellement pendant neuf mois?

Qui pourra raconter la génération (cf. Is 53,8) du Christ et l'assomption de Marie? Elle est comblée dans les cieux d'une gloire d'autant plus singulière qu'elle a obtenu sur la terre une grâce plus insigne que toutes les autres femmes. Si personne n'a vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, si le coeur de l'homme n'a pas imaginé ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment (1Co 2,9), qui pourra dire ce qu'il a préparé pour celle qui l'a engendré et qui l'aime, c'est certain, plus que tous?

Pleinement heureuse, mille fois heureuse est Marie, soit qu'elle reçoive le Sauveur, soit qu'il la reçoive. Dans l'un et l'autre cas, la dignité et la virginité de cette Mère sont admirables, et la faveur dont la majesté divine l'honore mérite nos louanges.

Il va de soi, mes frères, que vous devez célébrer de toute votre dévotion l'avènement du Seigneur, étant charmés par une telle consolation, stupéfaits par une telle commisération, enflammés par une telle dilection! Mais ne pensez pas seulement à l'avènement où le Seigneur est venu chercher et sauver ce qui était perdu (Lc 19,10); pensez à celui où il viendra pour nous prendre avec lui. Puissiez-vous consacrer à ces deux avènements une méditation prolongée, en ruminant dans vos coeurs ce qu'il a donné dans le premier, ce qu'il a promis dans le second!

Car voici le temps du jugement: il va commencer par la famille de Dieu. Mais comment finiront-ils, ceux qui refusent d'obéir à l'Évangile de Dieu (1P 4,17)? Que sera le jugement final pour ceux qui ne se relèvent pas de ce jugement-ci? Tous ceux qui se dérobent au jugement qui a lieu maintenant, où le prince de ce monde est jeté dehors, qu'ils attendent, ou plutôt qu'ils redoutent ce juge par lequel eux-mêmes seront jetés dehors avec leur prince. Mais nous, si nous sommes pleinement jugés maintenant, attendons en sécurité comme Sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux (Ph 3,20-21). Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père (Mt 13,43).

Lorsque le Seigneur reviendra, il transfigurera notre corps de misère à la ressemblance de son corps de gloire, mais seulement si notre coeur a été auparavant transfiguré en devenant conforme à l'humilité de son coeur. C'est pourquoi il disait: Devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur (Mt 11,29).

Découvrez dans ce texte qu'il y a deux sortes d'humilité: l'une de connaissance, l'autre d'amour, appelée ici l'humilité du coeur. La première nous enseigne que nous ne sommes rien, et nous en sommes instruits par nous-mêmes, par notre propre faiblesse. Avec la seconde, nous piétinons la gloire du monde, et nous en sommes instruits par celui qui s'est anéanti, en prenant la condition de serviteur; appelé au trône, il s'est enfui; mais appelé à tous les outrages et à l'ignominieux supplice de la croix, il s'y est offert lui-même de son plein gré.

Le Père et moi, disait le Fils, nous viendrons chez lui, c'est-à-dire chez l'homme qui est saint, nous irons demeurer auprès de lui (Jn 14,23). Et je pense que le prophète n'a pas parlé d'un autre ciel, lorsqu'il a dit: Tu habites chez les saints, toi la gloire d'Israël (cf. ps 21,4)! Et l'Apôtre dit clairement: Par la foi, le Christ habite en nos coeurs (Ep 3,17).

Il n'est donc pas surprenant que le Christ se plaise à habiter ce ciel-là. Alors que pour créer le ciel visible il lui a suffi de parler, il a lutté pour acquérir celui-là, il est mort pour le racheter. C'est pourquoi, après tous ses travaux, ayant réalisé son désir, il dit: Voici le lieu de mon repos à tout jamais, c'est là le séjour que j'avais choisi (Ps 131,14). Et bienheureuse celle à qui il est dit: Viens, mon épouse choisie (Ct 2,10-13), je mettrai mon trône en toi.

Pourquoi, maintenant, te désoler, ô mon âme, et gémir sur moi (Ps 41,6)? Penses-tu trouver en toi aussi une place pour le Seigneur? Et quelle place en nous est digne d'une telle gloire, et suffit-elle à recevoir sa Majesté? Puisse-je seulement l'adorer aux lieux où se sont arrêtés ses pas? Qui m'accordera de pouvoir au moins suivre les traces d'une âme sainte qu'il s'est choisie pour son domaine (Ps 32,12)? Cependant puisse-t-il aussi daigner répandre en mon âme l'onction de sa miséricorde, si bien que je sois capable de dire, moi aussi: Je cours dans la voie de tes volontés, car tu mets mon coeur au large (Ps 118,32). Je pourrai peut-être, moi aussi, montrer en moi, sinon une grande salle toute prête, où il puisse manger avec ses disciples (Mc 14,15), du moins un endroit où il puisse reposer sa tête (Mt 8,20).

Il est nécessaire que l'âme grandisse et s'élargisse pour être capable de Dieu. Or, sa largeur, c'est son amour, comme dit l'Apôtre: Élargissez-vous dans la charité (2Co 6,13). Car, bien que l'âme n'ait aucune quantité corporelle puisqu'elle est esprit, la grâce lui confère ce que sa nature exclut. Oui, elle grandit et elle s'étend, mais de façon spirituelle. Elle grandit et elle progresse vers l'état de l'homme parfait, à la plénitude de la stature du Christ (Ep 4,13). Elle grandit aussi pour devenir un temple saint dans le Seigneur (Ep 2,21). La grandeur de chaque âme est donc à la mesure de sa charité. Si bien que celle qui a beaucoup de charité est grande, celle qui en a peu est petite, celle qui n'a rien est néant. Saint Paul affirme en effet: Si je n'ai pas l'amour, je ne suis rien (1Co 13,12).

Nous célébrons aujourd'hui la naissance dans les cieux de notre glorieux maître, saint Benoît. <> Soyez comblés de joie, et entourez d'affection et d'honneur son nom très aimable, car il est notre chef, notre maître et notre législateur. Que sa sainteté, sa justice, sa piété vous rendent vigueur!

Saint Benoît fut un arbre grand et fertile, comme un arbre planté près d'un ruisseau. Et planté près d'un ruisseau, ce saint confesseur du Seigneur a donné du fruit en son temps (Ps 1,3). <>

Ce fruit, ce sont les trois vertus dont j'ai parlé plus haut: sa sainteté, sa justice, sa piété. La sainteté se reconnaît dans les miracles, la piété dans la doctrine, la justice dans la vie.

Mais comment vais-je te présenter ses miracles? Est-ce de telle sorte que tu veuilles en faire? Absolument pas, mais c'est pour que tu t'appuies sur ses miracles, ce qui veut dire que tu éprouves confiance et joie à la pensée d'être placé sous un tel pasteur, de pouvoir te réclamer d'un si grand patron. Car celui qui fut si puissant sur terre est certainement très puissant au ciel.

Il nous instruit aussi par sa doctrine et il conduit nos pas au chemin de la paix (Lc 1,79). De plus, par la justice de sa vie, il nous remplit de force et de courage. Aussi sommes-nous d'autant plus désireux de nous conformer à ses enseignements que nous savons qu'il n'a rien enseigné qu'il n'ait fait lui-même. L'exemple est vraiment une exhortation vivante et efficace; en montrant qu'un conseil est praticable, il le rend extrêmement persuasif.

C'est donc ainsi que la sainteté nous fortifie, la piété nous instruit, la justice nous affermit. Quelle ne fut pas, en effet, la piété de celui qui non seulement fut utile à ses contemporains, mais se soucia aussi de ceux qui viendraient après lui! Cet arbre n'a pas uniquement porté du fruit pour les hommes de son temps, mais son fruit demeure et augmente chaque jour.

Il est très aimé de Dieu et des hommes (Si 45,1). Car non seulement sa présence a été en bénédiction, comme ce fut le cas pour beaucoup d'hommes aimés de Dieu seul, parce que désormais connus de Dieu seul. Mais c'est aussi sa mémoire qui, aujourd'hui encore, est en béné diction (Si 45,1). Jusqu'à ce jour, en effet, dans la triple confession de son amour pour le Seigneur, Benoît nourrit le troupeau du Seigneur des trois fruits que voici: il le nourrit de sa vie, il le nourrit de sa doctrine, il le nourrit de son intercession.

Vous aussi, mes bien-aimés, qui bénéficiez sans cesse de son aide, donnez du fruit, car vous avez été établis afin que vous partiez et que vous donniez du fruit (Jn 15,16).