Saint Cyprien

Saint Cyprien, également connu sous le nom de Cyprien de Carthage, était un évêque et théologien chrétien du IIIe siècle. Né vers 200 à Carthage, dans l'actuelle Tunisie, il est l'un des Pères de l'Église latine les plus importants et un martyr chrétien.

Avant sa conversion au christianisme vers l'âge de 35 ans, Cyprien était un rhéteur et un enseignant de la haute société de Carthage. Après sa conversion, il fut rapidement ordonné prêtre puis élu évêque de Carthage en 249.

Son épiscopat fut marqué par des controverses et des persécutions contre les chrétiens. Cyprien joua un rôle crucial dans la gestion de l'Église durant ces périodes difficiles, notamment lors de la peste de Cyprien et des persécutions de l'empereur Dèce.

Ses écrits, y compris des traités sur la discipline ecclésiastique, l'unité de l'Église, et le comportement en temps de persécution, sont hautement estimés pour leur éloquence et leur perspicacité théologique. Sa correspondance offre également une vue précieuse sur la vie et les défis de l'Église primitive.

Cyprien fut exécuté en 258 en tant que martyr. Sa vie et son œuvre ont eu un impact durable sur l'Église chrétienne, et il est vénéré comme saint dans l'Église catholique, l'Église orthodoxe, et les Églises anglicane et luthérienne.

Commentaires de Saint Cyprien

Revêtir le nom du Christ sans suivre la voie du Christ, n'est-ce point trahir le nom divin et abandonner le chemin du salut? Car le Seigneur lui-même enseigne et déclare que l'homme qui garde ses commandements entrera dans la vie, que celui qui écoute ses paroles et les met en pratique est un sage et que celui qui les enseigne et y conforme ses actes sera appelé "maître le plus grand" dans le Royaume des cieux. Toute prédication bonne et salutaire, affirme-t-il, ne profitera au prédicateur que si la parole qui sort de sa bouche se traduit ensuite en actes.

Or, y a-t-il un commandement que le Seigneur ait enseigné plus souvent à ses disciples que celui de nous aimer les uns les autres du même amour dont il a lui-même aimé ses disciples? Trouvera-t-on, parmi ses conseils salutaires et ses divins préceptes, un commandement plus important à garder et à observer? Mais comment celui que la jalousie a rendu incapable d'agir en homme de paix et de coeur pourra-t-il garder la paix ou la charité du Seigneur?

Voilà pourquoi l'Apôtre Paul a publié aussi les mérites de la paix et de la charité. Il a affirmé avec force et enseigné que ni la foi ni les aumônes, ni même les souffranc es du confesseur de la foi et du martyr ne lui serviraient de rien, s'il ne respectait pas intégralement et scrupuleusement les liens de la charité. Et il a ajouté: La charité est magnanime, la charité est serviable, la charité ne jalouse pas (1Co 13,4). Il nous apprend et nous fait voir ainsi que seul l'homme magnanime et bienveillant, sur qui la jalousie et l'envie, n'ont pas de prise, peut garder la charité.

De même, à un autre endroit, l'Apôtre a exhorté quiconque est déjà rempli du Saint-Esprit et devenu fils de Dieu par la naissance d'en-haut, à ne rechercher que les réalités spirituelles et divines. Puis il déclare: Pour moi, frères, je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des êtres de chair, comme à de petits enfants dans le Christ. C'est du lait que je vous ai donné à boire, non une nourriture solide; vous ne pouviez encore la supporter. Mais vous ne le pouvez pas davantage maintenant, car vous êtes encore charnels. Du moment qu'il y a parmi vous jalousie, querelle et discorde, n'êtes: vous pas charnels et votre conduite n'est-elle pas tout humaine (1Co 3,1-3)?

Nous ne pouvons, en effet, revêtir l'image de l'homme céleste que si nous manifestons notre ressemblance au Christ à travers l'existence dans laquelle nous venons d'entrer maintenant. Ce qui équivaut, en vérité, à devenir différents de ce que nous étions, et à commencer d'être ce que nous n'étions pas. Ainsi notre divine naissance brillera en nous, notre conduite divine de Dieu nous rendra semblables à Dieu le Père, notre vie entourée d'honneur et de louange fera resplendir Dieu en l'homme. Dieu même nous y exhorte et nous y engage en promettant à ceux qui lui rendent gloire qu'ils seront glorifiés en retour. Car j'honorerai, dit-il, ceux qui m'honorent, et ceux qui me dédaignent tomberont dans le mépris (1S 2,30).

Pour nous éduquer à lui rendre cette gloire et nous y préparer, le Seigneur et Fils de Dieu a enseigné dans son Évangile ce qu'est la ressemblance avec Dieu le Père en ces termes: Vous avez appris qu'il a été dit: Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien moi, je vous dis: Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin que vous soyez semblables à votre Père qui est dans les cieux (Mt 5,43-45).

D'ailleurs il est plus convenable pour notre foi de prier dans les lieux retirés, nous comprenons mieux alors que Dieu est présent partout et qu'il pénètre les endroits les plus secrets de la plénitude de sa majesté. 

Mais quelle est cette négligence qui vous laisse prendre et entraîner lorsque vous priez Dieu, par des pensées aussi ridicules que profanes ? Quelle pensée donc doit vous occuper davantage que celle-ci ; c'est à Dieu que je parle. Comment exiger que Dieu vous écoute, alors que vous ne vous écoutez pas vous-mêmes ? C'est vraiment là ne pas vous mettre en garde contre votre ennemi, c'est offenser Dieu par la négligence et la froideur de votre prière. 

Celui qui nous a donné la vie nous a enseigné aussi à prier, afin qu'en adressant au Père la prière que le Fils nous a lui même apprise, nous soyons plus facilement exaucés. C'est prier Dieu en ami et avec une espèce de familiarité que de se servir de ses propres paroles. Que le Père donc reconnaisse les paroles de son Fils dans nos prières, et puisque ce divin Fils est près du Père l'avocat qui intercède pour nos péchés, lorsque nous venons demander le pardon de nos péchés, empruntons le langage même de notre avocat. Ce ne sont pas cependant les seules paroles dont nous puissions nous servir pour prier ; il en est d'autres qui ont le même sens et qui peuvent également enflammer notre coeur.

Nous ne disons pas : « Mon Père, » mais « Notre Père ; » parce que le Maître de la paix et de l'unité ne veut pas de ces prières individuelles et privées, qui omit pour objet exclusif l'intérêt de celui qui prie. Notre prière a nous doit être publique et commune ; lorsque nous prions, ce n'est pas pour un seul, c'est pour tout le peuple chrétien, car nous ne formons tous qu'un seul peuple, et Dieu a voulu qu'un seul priât pour tous comme il nous a lui-même portés tous en un seul. 

Ou bien encore : Nous ne formons pas le souhait que Dieu soit sanctifié par nos prières, mais que son nom soit sanctifié en nous-mêmes. C'est lui qui nous a dit : « Soyez saint comme je suis saint ; » nous le supplions donc, lui qui nous a sanctifiés dans le baptême, de nous faire persévérer dans la sainteté que nous avons reçue.

C'est tous les jours que nous demandons que son nom soit sanctifié, car nous avons besoin de cette sanctification continuelle pour expier les offenses que nous commettons chaque jour de notre vie.

Ou bien nous demandons l'avènement de ce royaume que Dieu nous a promis, que Jésus-Christ nous a mérité par son sang, afin qu'après l'avoir servi sur la terre nous puissions régner avec lui dans le ciel.

On peut encore entendre le royaume de Dieu de Jésus-Christ lui-même, dont l'avènement fait tous les jours l'objet de nos désirs les plus ardents. Car, de même qu'il est la résurrection (Jn 11, 25), parce que c'est en lui que nous ressusciterons, on peut aussi le prendre pour le royaume de Dieu, parce que c'est en lui que nous règnerons. C'est avec dessein que le Sauveur nous fait demander le royaume de Dieu, c'est-à-dire celui qui est dans les cieux, car il y a aussi un royaume terrestre ; mais celui qui a renoncé au monde est supérieur à ses honneurs et à son royaume. Celui donc qui s'est consacré à Dieu et à Jésus-Christ ne désire plus les royaumes de la terre, mais le royaume du ciel.

Ainsi nous ne demandons pas que Dieu fasse ce qu'il veut, mais que, quant à nous, nous puissions faire ce que Dieu veut. Or, il n'y a que la volonté divine qui puisse nous en rendre capables, c'est-à-dire sa protection et le secours qu'il nous donne, car personne n'est fort de ses propres forces et la miséricorde divine fait seule toute notre sûreté.

Le disciple de Jésus-Christ doit donc demander la nourriture divine, et sa prière ne doit pas embrasser un trop long espace de temps, car il y a contradiction et répugnance à demander tout à la fois le prompt avènement du royaume des cieux et une longue vie sur la terre.

Après avoir demandé le secours de la nourriture le chrétien demande le pardon de ses péchés, afin que nourri de la main de Dieu, il puisse vivre tout en Dieu et pourvoir ainsi aux besoins non-seulement de la vie présente, mais encore de la vie éternelle, dont l'entrée lui est ouverte par la rémission des péchés que le Seigneur désigne sous le nom de dettes. « Remettez-nous nos dettes, » comme dans cet autre endroit : « Je vous ai remis toute votre dette, parce que vous m'en avez prié, » La doctrine qui nous rappelle que nous sommes pécheurs, en nous obligeant de prier tous les jours pour nos péchés est aussi salutaire qu'elle est nécessaire. Nous aurions pu nous complaire dans notre innocence prétendue, et rendre notre chute plus lourde par une fausse idée d'élévation ; le commandement qui nous est fait de prier chaque jour pour nos péchés, prévient ce danger en nous rappelant que nous tombons tous les jours dans de nouveaux péchés.

Celui qui nous a fait un devoir de prier pour nos péchés nous a fait espérer par là même la miséricorde de son Père. Mais à ce précepte se trouve jointe une autre loi, une condition rigoureuse. Nous demandons qu'on nous remette nos dettes, mais selon la mesure du pardon que nous accordons nous-mêmes a nos débiteurs ; c'est la condition exprimée dans ces paroles : « Comme nous les remettons à ceux qui nous doivent. »

Cette vérité nous apprend que notre ennemi ne peut rien contre nous, à moins que Dieu ne le permette, et c'est ce qui doit nous faire placer en Dieu toute notre crainte comme toute notre affection.

Dieu nous rappelle ainsi notre faiblesse, notre infirmité et nous prémunit contre les prétentions arrogantes de l'orgueil ; et sa bonté exauce volontiers une prière qui est précédée d'un aveu humble et modeste qui reconnaît que tout vient de lui.

Après tout ce qui précède la prière se termine par une demande qui renferme toutes les autres dans sa concise brièveté. En effet que pourrons-nous encore demander après avoir imploré la protection de Dieu contre le mal qui nous menace ? Après avoir obtenu cette protection nous sommes en sûreté contre toutes les entreprises du monde et du démon. Que peut-on craindre en effet du monde, quand on a Dieu pour défenseur contre le monde ?

Qu'y a-t-il d'étonnant que la prière que Dieu lui-même nous a enseignée soit si excellente, alors que par un effet de sa divine sagesse, il a voulu qu'elle renfermât tout ce que nous pouvons demander, dans quelques phrases aussi riches que concises. C'est ce qu'Isaïe avait prédit en ces termes : « Le Seigneur a fait un discours abrégé sur la terre. » (Is 10, 22.) Notre-Seigneur Jésus-Christ est venu pour tous les hommes pour réunir en un seul corps les savants et les ignorants, il a donné aux personnes de tout sexe et de tout âge les préceptes qui doivent les conduire au ciel ; il en a donc fait un abrégé remarquable pour ne pas fatiguer la mémoire de ceux qui voudraient apprendre cette morale céleste et il leur offre les moyens de s'instruire rapidement de ce qui est nécessaire à la simplicité de la foi.

Vous n'aurez aucune excuse à présenter au jour du jugement, car vous serez jugé d'après vos propres principes, et vous ne subirez que ce que vous aurez fait éprouver aux autres.

Le Verbe de Dieu, le Seigneur Jésus étant venu pour tous les hommes, a résumé comme dans un admirable abrégé tous ses commandements dans ces paroles : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux. » C'est pour cela qu'il ajoute : « Car c'est la loi et les prophètes. »

Le calice du Seigneur ne contient pas de l'eau seule ou du vin seul, mais l'un et l'autre mêlés ensemble, de même que ce qui doit être changé au corps du Seigneur n'est pas de la farine seule ou de l'eau seule, mais ces deux substances unies et mélangées.