Saint Jean Chrysostome

Saint Jean Chrysostome, surnommé Chrysostome qui signifie « bouche d'or » en raison de son éloquence, fut un archevêque influent et un des Pères de l'Église. Né à Antioche vers 347, il est reconnu pour son prêche puissant et ses interprétations de la Bible.

Après avoir reçu une éducation en rhétorique et en philosophie, Jean Chrysostome se tourna vers une vie de retraite ascétique avant d'être ordonné prêtre. Il devint célèbre pour ses sermons qui traitaient non seulement de questions théologiques, mais aussi de problèmes sociaux de l'époque.

En 398, Jean fut nommé archevêque de Constantinople. Dans cette position, il continua ses prédications réformistes et ses efforts pour réformer l'Église, souvent en conflict avec l'autorité civile et ecclésiastique. Ses critiques des abus de pouvoir et du luxe excessif menèrent à son exil.

Les écrits de Jean Chrysostome comprennent de nombreux sermons, homélies et commentaires bibliques. Ses interprétations des écritures sont notées pour leur approche pratique et leur pertinence sociale, en plus de leur profondeur théologique.

Ses critiques contre l'abus de pouvoir et son appel à la charité chrétienne ont fait de lui une figure importante dans la lutte pour la justice sociale au sein de l'Église. Jean Chrysostome est vénéré comme un saint dans les Églises orthodoxe, catholique, anglicane et luthérienne. Sa fête est célébrée le 13 septembre dans le calendrier liturgique occidental et le 27 janvier dans le calendrier oriental.

Saint Jean Chrysostome reste l'un des prédicateurs les plus importants de l'histoire chrétienne, et son héritage continue d'inspirer les fidèles à travers les siècles.

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Le Sauveur est entré en Egypte pour supprimer le deuil de l'antique tristesse. Au lieu des plaies il apporta la joie; au lieu des ténèbres et de la nuit, il donna la lumière du salut. Autrefois l'eau du fleuve avait été polluée par le massacre prématuré des petits enfants. Il entra donc en Egypte, celui qui jadis avait rougi cette eau, et il rendit les eaux des fleuves capables d'engendrer le salut, en purifiant par la puissance de l'Esprit ce qui était maudit et souillé en elles. Les Égyptiens avaient été châtiés et, dans leur folie, ils avaient renié le Seigneur. Le Seigneur entra en Egypte, il remplit les âmes religieuses de la connaissance de Dieu, et il donna au fleuve de produire encore plus de martyrs que d'épis de blé.

Que puis-je dire de ce mystère? Je vois un ouvrier, une mangeoire, un enfant, des langes, l'enfantement d'une vierge privée de tout le nécessaire, toutes les marques de l'indigence, tout le fardeau de la pauvreté. Avez-vous jamais vu la richesse dans une telle pénurie? Comment celui qui était riche s'est-il fait pauvre pour nous au point que, privé de berceau et de couvertures, il est étendu dans une dure mangeoire?

O richesse immense, sous les apparences de la pauvreté! Il gît dans une mangeoire et il ébranle l'univers! Serré dans ses langes, il brise les chaînes du péché. Alors qu'il ne peut pas prononcer un mot, il a instruit les mages et les a fait changer d'itinéraire! Encore une fois, le mystère décourage la parole! Voici le bébé enveloppé de langes, couché dans une mangeoire; il y a là aussi Marie, à la fois vierge et mère, il y a encore Joseph qu'on appelle son père. Celui-ci a épousé Marie, mais le Saint-Esprit a couvert Marie de son ombre. C'est pourquoi Joseph était angoissé, ne sachant comment appeler l'enfant.

Dans cette anxiété, un oracle lui fut apporté par un ange: Ne crains pas, Joseph, l'enfant qui est engendré en elle vient de l'Esprit Saint (Mt 1,20). Car c'est lui qui l'a couverte de son ombre. Pourquoi le Sauveur est-il né d'une vierge et a-t-il sauvegardé sa virginité? Parce que jadis Eve, étant vierge, fut trompée par le démon, Gabriel apporta la bonne nouvelle à Marie qui était vierge. Mais tandis qu'Eve, s'étant laissé séduire, enfanta une cause de mort, Marie ayant reçu la bonne nouvelle, enfanta le Verbe incarné qui nous a apporté la vie éternelle.

Nous avons revêtu le Christ une fois pour toutes, et nous sommes devenus dignes de l'avoir comme hôte. Si nous le voulons, nous pourrons donc, sans dire un seul mot, en menant simplement une vie parfaite, révéler à tous la puissance qui habite en nous. <> C'est bien de cela que parle le Christ, quand il dit: Que votre lumière brille devant les hommes: alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux (Mt 5,16). Cette lumière n'atteint pas les sens corporels, mais elle illumine l'âme et l'esprit de ceux qui la voient; elle dissipe les ténèbres du mal et dispose tous ceux qui la reçoivent à briller de leur propre lumière et à prendre la vertu pour modèle.

Que votre lumière brille devant les hommes. Le Christ dit justement devant les hommes. Il veut dire: "Que votre lumière soit si vive qu'elle vous éclaire et brille également devant les hommes, car ils ont besoin de son aide!" La lumière naturelle permet de chasser les ténèbres pour voir le chemin à parcourir et aller droit devant soi sur une route ordinaire. Il en est de même pour la lumière spirituelle provenant d'une conduite exemplaire: elle éclaire ceux qui ont les yeux de leur esprit obscurcis par l'erreur et qui sont incapables d'apercevoir nettement le chemin de la vertu; elle ôte la chassie des yeux de leur intelligence; elle les met sur la bonne voie et leur permet de suivre désormais le chemin de la vertu.

Alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux. Autrement dit: que votre vertu, que la discipline rigoureuse de votre conduite et de votre pratique des bonnes oeuvres éveillent en ceux qui vous voient le désir de glorifier le Maître universel. Que chacun de vous ait à coeur, je vous en prie, de mener une vie si parfaite qu'elle entraîne tous ceux qui la voient à chanter la louange du Maître.

Par votre conduite exemplaire, attirez sur vous la grâce de l'Esprit, si bien que vous deviendrez inexpugnables. Ainsi l'Église se réjouira et exultera de votre progrès; notre Maître à tous sera glorifié et tous nous deviendrons dignes du Royaume des cieux, par la grâce, la miséricorde et l'amour du Fils unique de Dieu, notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles.

Le Christ a donné sa vie pour toi et tu continues à détester celui qui est un serviteur comme toi. Comment peux-tu t'avancer vers la table de la paix? Ton Maître n'a pas hésité à endurer pour toi toutes les souffrances, et tu refuses même de renoncer à ta colère! Qu'est-ce qui te retient, dis-moi? L'amour est la racine, la source et la mère de tous les biens. "Un tel m'a gravement offensé, dis-tu, il a été tant de fois injuste envers moi, il m'a menacé de mort!" Eh bien! Qu'est-ce que cela? Il ne t'a pas encore crucifié comme les Juifs ont crucifié le Seigneur.

Si tu ne pardonnes pas les offenses de ton prochain, ton Père qui est dans les cieux ne te pardonnera pas non plus tes fautes. Que dit ta conscience quand tu prononces ces paroles: Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié (Mt 6,9), et celles qui suivent? Le Christ n'a pas fait la différence. Son sang, il l'a versé aussi pour ceux qui ont versé le sien. Pourrais-tu faire quelque chose de semblable? Lorsque tu refuses de pardonner à ton ennemi, c'est à toi que tu causes du tort, pas à lui. Tu as pu, en effet, le faire souffrir souvent dans la vie présente, mais toi, ce que tu te prépares, c'est un châtiment irrémissible, au jour du jugement. Car personne ne s'attire plus sûrement l'inimitié de Dieu, et ne lui inspire plus d'aversion, que l'homme rancunier, celui qui a le coeur enflé et dont l'âme brûle de colère.

Eh bien! Écoute ce que dit le Seigneur: Lorsque tu vas présenter ton offrande sur l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande (Mt 5,23-24). Mais tu dis: "Vais-je laisser là l'offrande et le sacrifice?" "Certainement, répond-il, puisque le sacrifice est justement offert pour que tu vives en paix avec ton frère."

Si donc le but du sacrifice est la paix avec ton prochain, et que tu ne sauvegardes pas la paix, il ne sert à rien que tu prennes part, même par ta présence, au sacrifice. La première chose que tu aies à faire c'est bien de rétablir la paix, cette paix pour laquelle, je le répète, le sacrifice est offert. De celui-ci, alors, tu tireras un beau profit. Car le Fils de l'homme est venu dans le monde pour réconcilier l'humanité avec son Père. Comme Paul le dit: Maintenant Dieu a réconcilié avec lui toutes choses (Col 1,22), par la croix, en sa personne, il a tué la haine (Ep 2,16). Aussi celui qui est venu faire la paix nous proclame-t-il également bienheureux, si nous suivons son exemple, et il nous donne son nom en partage. Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5,9).

Eh bien! Ce qu'a fait le Christ, le Fils de Dieu, réalise-le aussi autant qu'il est au pouvoir de l'homme. Fais régner la paix chez les autres comme chez toi. Le Christ ne donne-t-il pas le nom de fils de Dieu à l'ami de la paix?

Voilà pourquoi la seule bonne disposition qu'il requiert de nous à l'heure :c'est que nous soyons réconciliés avec nos frères. Il nous montre par là que de toutes vertus la charité est la plus grande.

Si vraiment nous donnons la première place aux réalités spirituelles, nous n'aurons pas à nous préoccuper des biens matériels, car Dieu, dans sa bonté, nous les procurera en abondance. Si, au contraire, nous veillons uniquement à nos intérêts temporels sans prendre soin de notre vie spirituelle, le souci constant des choses terrestres nous conduira à négliger notre âme. Nous perdrons alors les biens spirituels et n'en retirerons aucun avantage matériel.

Ne renversons donc pas, je vous en prie, l'ordre des choses. Connaissant la bonté de notre Maître, nous lui ferons confiance en tout et ne nous laisserons pas accabler par les soucis de cette vie. Sans aucun doute, celui qui, par son amour, nous a amenés du néant à l'être nous fera encore plus sûrement bénéficier à l'avenir de toute sa providence. Votre Père céleste sait que vous avez besoin de tout cela (Mt 6,32) avant même que vous l'ayez demandé (Mt 6,8).

Jésus veut donc que nous soyons libres de tout souci temporel et que nous nous consacrions totalement aux oeuvres spirituelles. "Cherchez donc, nous dit-il, les biens spirituels et je pourvoirai moi-même amplement à tous vos besoins matériels. <> Regardez les oiseaux du ciel, ils ne font ni semailles ni moisson, ils ne font pas de réserves dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit (Mt 6,26).

Autrement dit: "Si je prends un tel soin des oiseaux sans raison et que je leur procure tout ce dont ils ont besoin, sans semailles ni labour, je veillerai d'autant mieux sur vous, qui êtes doués de raison, pourvu que vous choisissiez de préférer le spirituel au charnel. Puisque je les ai créés pour vous, ainsi que tous les autres êtres, et que j'en prends tant de soin, de quelle sollicitude ne vous jugerai-je pas dignes, vous pour qui j'ai fait tout cela?"

Mettons donc notre confiance, je vous en prie, en la promesse de Dieu et dirigeons toutes nos pensées vers les désirs spirituels. Considérons tout le reste comme secondaire par rapport à la jouissance des biens futurs.

Puissions-nous tous les obtenir par la grâce et l'amour de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient, avec le Père et le Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Amen.

Tous les travaux de l'agriculteur aboutissent naturellement à la moisson. Comment donc, dis-moi, le Christ a-t-il appelé une oeuvre qui en était encore à ses débuts une moisson? L'idolâtrie régnait sur toute la terre. Partout, la fornication, l'adultère, la débauche, la cupidité, le vol, les guerres. <> La terre était emplie de tant de maux! Aucune semence n'y avait encore été jetée. Les épines, les chardons et les mauvaises herbes, qui recouvraient le sol, n'avaient pas encore été arrachés. Aucune charrue n'avait encore été tirée, aucun sillon tracé.

Comment donc Jésus peut-il dire que la moisson est abondante? Oui, comment donne-t-il ce nom à l'Évangile dans de telles circonstances juste avant d'envoyer ses Apôtres partout dans ce monde? Ils sont probablement bouleversés et déconcertés, ils doivent se faire ces réflexions: "Comment pourrons-nous même ouvrir la bouche, nous tenir debout, discuter, paraître devant tant de milliers d'hommes? Nous, les Onze, comment corrigerons-nous tous les habitants de la terre? Saurons-nous, ignorants, aborder des savants; nous, qui sommes dépouillés, des hommes armés; nous, des subordonnés, des autorités? Nous qui ne connaissons qu'une langue, arriverons-nous à discuter dans tant de dialectes, avec les peuples barbares qui parlent des langues étrangères? Qui nous supportera sans même comprendre notre langue?"

Jésus ne veut pas que de pareils raisonnements les plongent dans le désarroi. Aussi appelle-t-il l'Évangile une moisson. C'est comme s'il leur disait: "Tout est préparé, toutes les dispositions ont été prises. Je vous envoie récolter le grain mûr, vous pourrez semer et moissonner le même jour. "

Quand l'agriculteur sort de chez lui pour aller faire la moisson, il déborde de joie et resplendit de bonheur. Il n'envisage ni les peines ni les difficultés qu'il pourra rencontrer. Ayant en tête la moisson qui va lui revenir, il court, se hâte de faire la récolte annuelle. Absolument rien ne peut le retenir, l'empêcher ou le faire douter de l'avenir: ni pluie, ni grêle, ni sécheresse, ni légions de sauterelles malfaisantes. Ceux qui s'apprêtent à moissonner ne connaissent pas ces inquiétudes, si bien qu'ils se mettent au travail en dansant et en bondissant de joie.

Vous devez être comme eux et aller par toute la terre avec une joie beaucoup plus grande encore. C'est la moisson qui l'emporte. La moisson que vous avez à faire est très facile, elle vous attend sur des champs tout préparés. Le seul effort qui vous est demandé est de parler. Prêtez-moi votre langue, dit le Christ, et vous verrez le grain mûr entrer dans les greniers du roi. Aussi les envoie-t-il ensuite en leur disant: Moi, je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde (Mt 28,20).

Le Christ est pour nous, aujourd'hui encore, un maître plein de douceur et d'amour. Il ne cesse jamais de prendre soin de notre salut. Il le déclare nettement dans l'Évangile, comme nous venons de le lire: Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur (Mt 11,28-29). Qu'elle est grande, la bienveillance du Créateur! Comment la créature n'est-elle pas saisie de stupeur? Venez à moi, devenez mes disciples, le Maître est venu consoler ses serviteurs déchus.

Voyez comme il agit. Il se montre compatissant pour le pécheur qui mérite pourtant ses rigueurs. La race de ceux qui déchaînent sa colère devrait être anéantie, mais il adresse aux hommes coupables des paroles pleines de douceur: Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur. Dieu est humble, l'homme, orgueilleux. Le juge se montre clément, le criminel, arrogant. L'artisan fait entendre des paroles d'humilité, l'argile discourt à la manière d'un roi. Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur. Il n'apporte pas le fouet pour frapper, mais le remède pour guérir.

Songez donc à son ineffable bonté. Allez-vous refuser votre amour au Maître qui jamais ne frappe et votre admiration au juge qui implore pour le coupable? Ses paroles si simples ne peuvent vous laisser insensibles: Je suis le Créateur et j'aime mon oeuvre. Je suis le statuaire et je prends soin de celui que j'ai formé. Si je ne voulais me soucier que de ma dignité, je ne relèverais pas l'homme déchu. Si je ne traitais pas sa maladie incurable avec des remèdes appropriés, jamais il ne pourrait recouvrer la santé. Si je ne le réconfortais pas, il mourrait. Si je ne faisais que le menacer, il périrait. Il gît sur le sol, mais je vais lui administrer les onguents de la bonté. Plein de compassion, je m'incline profondément pour le relever de sa chute. Celui qui se tient debout ne saurait relever un homme couché par terre sans se pencher pour lui tendre la main. Venez à moi, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de coeur.

Je ne fais point étalage de paroles, vous pouvez m'examiner sur mes oeuvres. Vous serez persuadés que je suis doux et humble de coeur, si vous pensez à mon origine. Voyez quelle est ma nature. Songez à ma dignité. Adorez ma bienveillance pour vous. Comparez le séjour d'où je suis venu avec le lieu où je vous parle. Le ciel est mon trône, et je m'entretiens avec vous sur la terre! On me glorifie dans les hauteurs célestes, mais ma longue patience retient ma colère, car je suis doux et humble de coeur.

Une Cananéenne s'approcha de Jésus et se mit à le supplier à grands cris pour sa fille qui était possédée par le démon. Elle lui disait: Aie pitié de moi, Seigneur, ma fille est tourmentée par un démon (Mt 15,22). Cette femme, une étrangère, une barbare, sans aucun lien avec la communauté juive, qu'était-elle sinon une chienne indigne d'obtenir ce qu'elle demandait? Il n'est pas bien, dit Jésus, de prendre le pain des enfants pour le donner aux chiens (Mt 15,26)! Pourtant, sa persévérance lui a mérité d'être exaucée. Celle qui n'était qu'une chienne, Jésus l'a élevée à la noblesse des petits enfants; bien plus, û l'a comblée d'éloges. Il lui dit en la renvoyant: Femme, ta foi est grande, que tout se fasse pour toi comme tu le veux (Mt 15,28)! Quand on entend le Christ dire: Ta foi est grande, on n'a pas à chercher d'autre preuve de la grandeur d'âme de cette femme. Vois comme elle a effacé son indignité par sa persévérance. Remarque également que nous obtenons davantage du Seigneur par notre prière que par la prière des autres.

Comme la femme poussait des cris, les disciples s'approchèrent de Jésus et lui dirent: Donne-lui satisfaction, car elle nous poursuit de ses cris (Mt 15,23)! Mais il leur répondit: Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues d'Israël (Mt 15,24). Alors la Cananéenne elle-même s'avança et lui cria encore: C'est vrai, Seigneur, mais justement les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres (Mt 15,27). Alors le Seigneur lui accorda aussitôt la faveur qu'elle désirait, en disant: Que tout se fasse pour toi comme tu le veux (Mt 15,28)!

Observe qu'après avoir opposé un refus aux disciples, le Seigneur accorde sa grâce à cette femme qui la lui demandait elle-même. <> D'abord elle n'avait obtenu aucune réponse à sa requête. Il a fallu qu'elle s'approche une, deux et trois fois, pour qu'il lui accorde la grâce désirée. A la fin, il a exaucé sa prière. Il nous a fait comprendre ainsi qu'en la faisant attendre, il n'avait pas l'intention de rejeter la Cananéenne, mais voulait nous donner à tous sa patience en exemple. <>

Forts désormais de tous ces enseignements du Seigneur, ne nous abandonnons pas au désespoir! Quand bien même nos péchés nous rendraient indignes d'obtenir sa grâce, sachons que nous pourrons la mériter par notre persévérance.

Pierre devait recevoir les clés de l'Église, plus encore les clés des cieux, et le gouvernement d'un peuple nombreux devait lui être confié. Le Seigneur lui avait dit: Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux (Mt 16,19). Si Pierre, avec sa tendance à la sévérité, était resté sans péché, comment aurait-il pu faire preuve de miséricorde pour ses disciples? Or, par une disposition de la grâce divine, il est tombé dans le péché, si bien qu'après avoir fait lui-même l'expérience de sa misère, il a pu se montrer bon envers les autres.

Rends-toi compte: celui qui a cédé au péché, c'est bien Pierre, le coryphée des Apôtres, le fondement solide, le rocher indestructible, le guide de l'Église, le port imprenable, la tour inébranlable, lui qui avait dit au Christ: Même si je dois mourir avec toi, je ne te renierai pas (Mt 26,35); lui qui, par une divine révélation, avait confessé la vérité: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16).

Or, l'évangile rapporte que, la nuit même où le Christ fut livré, Pierre vint s'approcher du feu pour se chauffer. Une jeune fille lui dit alors: Toi aussi, hier, tu étais avec cet homme, et Pierre lui répondit: Je ne connais pas cet homme (cf. Mt 26,69-72).

Tu viens de dire: Même si je dois mourir avec toi, et maintenant tu nies en disant: Je ne connais pas cet homme. Pierre, est-ce bien cela que tu avais promis? On ne t'a encore fait subir aucune torture, infligé aucun coup de fouet, mais il a suffi qu'une fille t'adresse la parole pour que tu te mettes à nier!

Une deuxième fois, la fille lui dit: Toi aussi, hier, tu étais avec lui. Et Pierre répondit: Je ne connais pas l'homme en question.

Quelle est la personne qui te parle pour que tu nies ainsi? Une femme sans influence, une portière, une étrangère, une esclave, qui n'a droit à aucune considération, te parle et tu lui réponds en niant. Que c'est étonnant! Une fille vient vers Pierre, une femme de mauvaise vie bouleverse la foi de Pierre. Lui, la colonne, le rempart, se dérobe devant les soupçons d'une femme. Ce n'étaient que des mots, mais ils ont ébranlé la colonne, ils ont fait trembler le rempart lui-même. <>

On lui dit une troisième fois: Toi aussi, hier tu étais avec cet homme, mais il le nia une troisième fois.

Finalement, Jésus fixa sur lui son regard pour lui rappeler ce qu'il lui avait dit. Pierre comprit, se repentit de sa faute et se mit à pleurer. Mais alors le Seigneur miséricordieux lui accorda son pardon, car il savait que Pierre, étant un homme, était sujet à la faiblesse humaine.

Comme je l'ai déjà dit, Dieu en a disposé ainsi et a permis que Pierre commette un péché, parce qu'un peuple nombreux allait lui être confié: car il ne fallait pas que, sévère parce que sans péché, il soit incapable de pardonner à ses frères. Il a été soumis au péché pour que la conscience de sa faute et du pardon reçu du Seigneur, le conduise à pardonner aux autres par amour. Il accomplissait ainsi une disposition providentielle conforme à la manière d'agir de Dieu.

Il a fallu que Pierre, lui à qui l'Église devait être confiée, la colonne des Églises, le port de la foi, le docteur du monde, se montre faible et pécheur. C'était, en vérité, pour qu'il puisse trouver dans sa faiblesse une raison d'exercer sa bonté envers les autres hommes.

Écoute cette exhortation de l'Apôtre: Tout ce que vous faites: manger, boire ou n'importe quoi d'autre, faites-le pour la gloire de Dieu (1Co 10,31). Oui vraiment, tout ce que tu feras servira à la gloire de Dieu, si tu t'emploies, dès que tu auras quitté ce lieu, au salut de tes frères. Tu leur adresseras non seulement des reproches et des blâmes, mais aussi des conseils et des encouragements, pour les avertir du tort q ue leur causent les divertissements profanes, et tu leur montreras le profit et l'utilité qu'ils peuvent retirer de notre enseignement. Tu te ménageras ainsi un double salaire, en travaillant d'une part très efficacement à ton propre salut, et en cherchant d'autre part à guérir celui qui est avec toi membre du Corps du Christ. La fierté de l'Église, le commandement du Sauveur, c'est que tu ne penses pas uniquement à toi, mais aussi à ton prochain.

Considère à quel point celui qui se préoccupe du salut de son frère mérite d'être honoré. En faisant cela, il imite Dieu autant qu'il est au pouvoir de l'homme. Écoute donc ce que le Seigneur dit par son prophète: Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est méprisable, tu seras comme ma propre bouche (Jr 15,19), ce qui revient à dire: "Celui qui s'efforce de sauver son frère négligent et de l'arracher à la dent du diable, m'imite moi-même, autant qu'il est au pouvoir de l'homme." Qu'est-ce qui pourrait bien égaler une pareille action? C'est la plus grande de toutes les bonnes oeuvres et le couronnement de toute vie vertueuse.

C'est aussi ce qu'il te convient vraiment de faire, puisque le Christ a versé son sang pour notre salut. Quand Paul parle des fauteurs de scandales, qui blessent la conscience de ceux qui les voient faire, il s'écrie: La connaissance que tu as va faire périr le faible, ce frère pour qui le Christ est mort (1Co 8,11). Ton Maître a donc versé son sang pour cet homme. Aussi bien, ceux qui, par leur mollesse, sont tombés dans les filets du diable, peuvent à juste titre attendre de chaque chrétien qu'il leur apporte au moins l'encouragement de sa parole et leur tende une main secourable.

Vous le ferez, j'en suis sûr, à cause de la grande affection que vous éprouvez pour ceux qui sont avec vous membres du Corps du Christ, et vous n'épargnerez aucun effort pour ramener vos frères à notre mère commune, car vous êtes capables, avec la grâce de Dieu, de donner aux autres des avertissements pleins de sagesse.

Dans la parabole des talents, Jésus nous raconte l'histoire d'un homme qui partit en voyage après avoir confié son argent à ses serviteurs. Il veut ainsi nous révéler la patience de notre Maître, mais, à mon avis, il y fait aussi allusion à la résurrection. Par ailleurs, Jésus ne parle ni d'agriculteurs ni de vignerons, mais d'ouvriers en général. La raison en est qu'il veut s'adresser non seulement aux chefs du peuple ou aux Juifs, mais à tout le monde.

Tout d'abord les serviteurs qui rendent l'argent avec les intérêts déclarent sans tergiverser ce qui vient d'eux et ce qui vient de leur maître. Le premier dit: Seigneur, tu m'as confié cinq talents (Mt 25,20), et le deuxième: Seigneur, tu m'as confié deux talents (Mt 25,22). Ils reconnaissent ainsi que leur Maître leur a donné les moyens de réaliser une opération avantageuse. Ils lui en savent gré et portent à son crédit la totalité de la somme qui est en leur possession.

Que répond alors le maître? Très bien, serviteur bon et fidèle (car on reconnaît l'homme bon à sa sollicitude pour le prochain), tu as été fidèle pour peu de choses, je t'en confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître (Mt 25,23).

Mais il n'en va pas de même pour le mauvais serviteur: Je savais, dit-il, que tu es un homme dur: tu moissonnes là où tu n'as pas semé, tu ramasses là où tu n'as pas répandu le grain. J'ai eu peur, et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t'appartient (Mt 25,24-25).

Quelle est donc la réponse du maître? Il fallait placer mon argent à la banque (Mt 25,27), c'est-à-dire qu'il fallait parler, exhorter, conseiller. "Mais, réplique l'autre, les gens ne m'écouteront pas." A quoi le maître répond: "Cela n'est pas ton affaire. <> Tu aurais pu au moins mettre cet argent en dépôt et me laisser le soin de le redemander, et je l'aurais réclamé avec les intérêts - entendant par là les oeuvres qui procèdent de l'écoute de la Parole -. Tu avais seulement à fournir la part la plus facile du travail et à me laisser la plus difficile" (cf. Mt 25,27).

Voilà comment ce serviteur a manqué à sa tâche. Aussi, ajoute le maître, enlevez-lui son talent et donnez-le à celui qui en a dix. Car celui qui a recevra encore, et il sera dans l'abondance. Mais celui qui n'a rien se fera enlever même ce qu'il a (Mt 25,28-29).

Qu'est-ce à dire? Celui qui a reçu pour le bien d'autrui la grâce de la parole et de l'enseignement, et n'en fait pas usage, se fera enlever cette grâce. Quant au serviteur zélé, il attirera sur lui une grâce plus abondante, tout comme l'autre perdra celle qu'il a reçue.

Mais, au contraire, c'est justement parce qu'il est le Fils de Dieu qu'il ne descend pas de la croix, car il n'est venu sur la terre qu'afin d'être crucifié pour notre salut.

Écoutez cette voix des enfants, quelle fidèle imitation de celle du Père. Le démon disait: «Jettes-toi en bas, si tu es le Fils de Dieu», et les Juifs: «Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix».

O hommes profondément corrompus, est-ce que les prophètes et les justes avaient cessé d'être prophètes et justes, parce que Dieu ne les a pas délivrés du danger? Or, si les épreuves et les souffrances, que vous avez accumulées sur leur tête, n'on t pu en rien obscurcir leur gloire, combien moins les souffrances de cet homme devaient-elles vous scandaliser, car toutes ses paroles tendaient à éloigner ces doutes de votre esprit. «Il a dit: Je suis le Fils de Dieu». Ils veulent persuader par là qu'il a été condamné pour avoir voulu séduire et tromper, et comme un homme plein d'orgueil qui se glorifie dans ses vaines préten tions. Or, non-seulement les Juifs et les soldats, qui étaient au bas de la croix, en faisaient l'objet de leurs risées, mais aussi, à ses côtés, les voleurs qui étaient crucifiés avec lui: «Les voleurs qui étaient crucifiés avec lui lui faisaient les mêmes reproches».

Et ne pensez pas que tout cela soit l'effet d'un arrangement concerté à l'avance, et qu e celui qui passait pour un voleur ne le fût pas en effet; les outrages dont il ne craint pas de couvrir Jésus-Christ prouvent que, jusque sur la croix, il avait les sentiments d'un voleur et d'un ennemi de Jésus-Christ, et cependant il fut changé en un seul instant.

La créature ne pouvait supporter la vue des outrages faits au Créateur; aussi le soleil retira-t-il ses rayons pour ne pas être témoin des forfaits de ces im pies: «Depuis la sixième heure, les ténèbres couvrirent toute la terre».

Les ténèbres durèrent trois heures, tandis qu'une éclipse de soleil ne dure qu'un instant, et n'a point de temps d'arrêt, comme le savent les astronomes.

Il jette un grand cri pour montrer qu'il agit ici en vertu de sa puissance, et en criant ainsi d'une voix forte au moment où il expire, il prouve de la manière la plus évidente, qu'il est le Dieu véritable, puisque les hommes, prêts de rendre le dernier soupir, peuvent à peine faire entendre un souffle de voix.

Ou bien suivant une autre explication, ce qu'il y avait d'admirable, c'est que ces ténèbres étaient répandues sur toute la face de la terre, ce qui n'était jamais arrivé au paravant. Car les ténèbres ne couvrirent que l'Egypte seule, au moment de la célébration de la Pâque, ténèbres qui étaient la figure de celles qui eurent lieu à la mort de Jésus-Christ. Et re marquez que ces ténèbres se répandent au milieu du jour, au moment où la lumière inonde toute la terre de sa clarté, afin que tous les habitants de la terre en fussent témoins. C'est là ce signe que Jésus promettait de donner aux Juifs qui lui en faisaient la demande, lorsqu'il disait: «Cette génération adultère et perverse demande un signe, et il ne lui en sera pas donné d'autre que celui du prophète Jonas»,figure de sa croix et de sa résurrection; car il était bien plus étonnant qu'il opérât ce prodige, étant attaché sur la croix, que pendant le cours de sa vie. Ce miracle suffisait certainement pour les convertir, non seulement par la grandeur du fait consi déré en lui-même, mais encore parce que le Sauveur l'opéra après qu'ils eurent épuisé contre lui toutes les insultes, tous les outrages que la haine put leur suggérer. Mais comment purent-ils se défendre d'un sentiment d'admiration, et reconnaître qu'il était Dieu? C'est que le genre humain tout entier était livré à une malice prodigieuse, et plongé dans une torpeur inexprima ble; que ce miracle fut de courte durée et qu'ils en ignoraient la cause. Aussi Jésus fait enten dre ensuite sa voix, pour leur montrer qu'il est encore vivant et qu'il est l'auteur de ce miracle: «Et sur la neuvième heure, Jésus jeta un grand cri en disant: Eli ! Eli ! lamma sabacthani ?»c'est-à-dire «Mon Dieu ! mon Dieu ! pourquoi m'avez-vous abandonné ?»

Or, Jésus cite ces paroles du p rophète, pour rendre hommage jus qu'au dernier moment, à l'Ancien Testament, et pour faire voir qu'il honore son Père, et ne lui est pas opposé, et il prononce ces paroles en hébreu, pour être compris des Juifs qui l'entendent.

Les signes de la résurrection du Seigneur sont clairs: la ruse a cessé, la jalousie a été bannie, la querelle a été foulée aux pieds, la paix est en honneur et la guerre a pris fin. Nous ne pleurons plus sur Adam, lui qui fut formé le premier (1Tm 2,13), mais nous glorifions le second Adam (1Co 15,47). Nous ne blâmons plus Ève, la désobéissante (Gn 3,6), mais nous disons bienheureuse Marie, la mère de Dieu. Nous ne nous détournons plus de l'arbre, mais nous portons la croix (Lc 14,27) du Seigneur. Nous ne redoutons plus le serpent (Gn 3,1), mais nous révérons l'Esprit Saint. Nous ne descendons plus en terre, mais nous remontons aux cieux. Nous ne sommes plus exilés du Paradis (Gn 3,23-24), mais nous vivons auprès d'Abraham (Lc 16,22). Nous n'entendons plus dire comme les Juifs: J'ai rendu ton jour semblable à la nuit (Os 4,5), mais nous chantons, dans un sens spirituel: Voici le jour que fit le Seigneur, qu'il soit pour nous jour de fête et de joie (Ps 117,24)!

Pourquoi ce chant? Parce que le soleil n'est plus obscurci (Mt 27,45), mais que tout s'illumine. Parce que le voile du Temple n'est plus déchiré (Mt 27,51), mais que l'Église est reconnue. Parce que nous ne tenons plus des rameaux de palmier (Jn 12,13), mais que nous portons les "nouveaux illuminés."

Voici le jour que fit le Seigneur, qu'il soit pour nous jour de fête et de joie. Voici le jour, celui-ci et non un autre, car il n'y a qu'une reine et une multitude de princesses 1. Voici le jour, le jour du Seigneur, jour triomphal, consacré par la coutume à la résurrection. C'est le jour où nous sommes parés de grâce et partageons l'agneau (Ex 12,8-11) spirituel, où l'on donne du lait (1Co 3,2 1P 2,2) à ceux qui viennent de renaître, où le plan divin s'accomplit pour les pauvres.

Qu'il soit pour nous jour de fête et de joie, sans que nous courions dans les tavernes, mais en nous hâtant vers les sanctuaires, sans que nous honorions l'ivresse, mais en aimant la tempérance <>, sans que nous nous amusions sur les places, mais en chantant des psaumes dans nos maisons. Ce jour est celui de la résurrection, non des excès. Personne ne monte au ciel en dansant. Personne en état d'ivresse ne se tient auprès d'un roi. Que personne donc parmi nous ne déshonore ce jour!

Voici le jour où Adam a été libéré, où Ève a été délivrée de son affliction (Gn 3,16). Voici le jour où la mort féroce a frémi, où la résistance des blocs de pierre (Mt 27,51) a été brisée et anéantie, les verrous des tombeaux (Mt 27,52) mis en pièces et enlevés. Voici le jour où les corps (Mt 27,53) de ceux qui étaient morts depuis longtemps ont été rendus à leur vie antérieure, où les lois sévères des puissances souterraines, jusqu'alors immuables, ont été abolies, où les cieux se sont ouverts (Mt 3,16) quand le Christ notre Seigneur est ressuscité. Voici le jour où l'arbre verdoyant et fertile de la résurrection a étendu ses branches sur le monde entier pour le bien de la race humaine, comme dans un jardin où les lis des nouveaux illuminés ont grandi, où les ruisseaux des pécheurs se sont desséchés. Voici le jour où la force du diable a été paralysée, où les armées des démons ont été balayées.

Voici donc ce jour que fit le Seigneur, qu'il soit pour nous jour de fête et de joie, avec la grâce du Christ illuminant par sa résurrection le monde entier qui habitait les ténèbres et l'ombre de la mort (Lc 1,79). A lui, au Père et au Saint-Esprit, gloire et adoration pour les siècles des siècles. Amen.

Les ennemis du Sauveur insultaient et se moquaient de lui, parce qu'il ne descendait pas de la croix: «Il a sauvé les autres, disent-ils, et il ne peut se sau ver lui-même».Mais ce qu'il n'a point voulu faire en lui-même, il l'a fait, bien au delà, dans les corps de ses serviteurs; car si ce fut un prodige surprenant de voir Lazare sortir du tom beau quatre jours après sa mort, combien fut-il plus extraordinaire de voir tout d'un coup ap paraître pleins de vie ceux qui s'étaient endormis depuis si longtemps du sommeil de la mort, ce qui était un présage de la résurrection dernière. Et afin qu'on ne vînt à penser que ces apparitions n'étaient qu'imaginaires, l'Évangéliste ajoute: «Et sortant de leurs tombeaux, ils vin rent dans la ville sainte et apparurent à plusieurs.

Ces femmes considéraient ce qui se passait, conduites par un profond sentiment de compassion. Elles le suivaient pour le servir, pendant son ministère public, lorsqu'il parcourait la Judée et la Galilée pour les évangéliser, car, à cette heure, elles ne pouvaient que compatir à ses souffrances. Et voyez jusqu'où va leur constance; elles suivaient Jésus, pour avoir soin de son entretien; elles l'accompagnèrent jusqu'au milieu des dangers, et firent ainsi preuve du plus grand courage, en restant avec lui alors que tous les disciples avaient pris la fuite.

Considérez le courage de cet homme: il s'expose à perdre la vie, en atti rant sur lui la haine de tous les ennemis de Jésus, par l'affection qu'il ne craint pas de lui té moigner, et non-seulement il ose demander le corps de Jésus, mais encore l'ensevelir: «Et Joseph, ayant reçu le corps, l'enveloppa dans un linceul blanc».

Pilate ne voulut pas que le sceau fût mis sur le sépulcre par les soldats seulement, car les Juifs auraient pu dire alors que les soldats avaient laissé les disciples enlever le corps du Seigneur, et détruire ainsi la foi en sa résurrection; mais ils n'oseraient maintenant l'avancer, puisqu'ils ont eux-mêmes scellé le sépulcre.

Voyez encore comment, sans le vouloir, ils concourent à la démonstration de la vérité, car cette mesure qu'ils firent prendre devint une preuve péremptoire de la résur rection: car, puisque le tombeau fut gardé, aucune fraude n'a été possible, et s'il n'y a pas eu de fraude, il est donc certain et incontestable que le Seigneur est ressuscité. Or, voici ce que leur répond Pilate: «Pilate leur dit: Vous avez des gardes, allez, gardez-le comme vous l'entendrez».

Ou bien, ce tremblement de terre eut lieu pour tirer les saintes femmes de leur sommeil; car elles étaient venues pour embaumer le corps, et comme il était nuit, il est probable que quel ques-unes d'entre elles s'étaient endormies.

L'ange semble leur dire: Si vous ne voulez pas me croire, souvenez-vous de ses paroles. Il leur donne ensuite une autre preuve en ajoutant: «Venez et voyez le lieu où avait été mu le Seigneur».

Comment vous expliquerai-je les choses cachées? Comment proclamerai-je ce qui surpasse tout langage et toute intelligence? Comment ferai-je connaître le mystère de la résurrection du Seigneur? Sa croix aussi est un mystère, et sa mort pendant trois jours, et tout ce qui est arrivé à notre Sauveur est mystère. De même, en effet, qu'il est né du sein inviolé de la Vierge, de même il est ressuscité du tombeau fermé. De même que le Fils unique de Dieu est devenu premier-né en naissant d'une mère, de même il est devenu le premier-né d'entre les morts par sa résurrection. De même, assurément, que sa naissance n'a pas fait perdre à la Vierge mère sa virginité, de même sa résurrection n'a pas brisé les sceaux du sépulcre. Je ne puis donc pas définir par des mots sa naissance ni comprendre sa sortie du sépulcre.

Venez voir l'endroit où reposait le Seigneur (Mt 28,6). Venez voir l'endroit où fut rédigé l'acte garantissant votre résurrection. Venez voir l'endroit où la mort fut ensevelie. Venez voir l'endroit où un corps, grain non semé par l'homme, a produit une multitude d'épis d'immortalité. Allez annoncer à mes disciples, allez annoncer à mes frères qu'ils doivent se rendre en Galilée: c'est là qu'ils me verront (Mt 28,10). Annoncez à mes disciples les mystères que vous avez contemplés."

Voilà ce que le Seigneur a dit aux femmes. Et maintenant encore, au bord de la piscine baptismale, il se tient invisible auprès des croyants, il embrasse les nouveaux baptisés comme des amis et des frères, il remplit leurs coeurs et leurs âmes d'allégresse et de joie. Il lave leurs souillures dans les fontaines de sa grâce. Il oint du parfum de l'Esprit ceux qui ont été régénérés. Le Seigneur devient celui qui les nourrit et il devient leur nourriture. Il procure à ses serviteurs leur part de nourriture spirituelle. Il dit à tous les fidèles: "Prenez, mangez le pain du ciel, recevez la source qui jaillit de mon côté, celle où l'on puise toujours sans que jamais elle se tarisse. Vous qui avez faim, rassasiez-vous; vous qui avez soif, enivrez-vous d'un vin sobre et salutaire."

O Christ, notre Dieu, toi seul es vraiment le seul Seigneur, plein de bonté et d'amour pour les hommes. Avec ton Père exempt de toute souillure et avec l'Esprit vivifiant, à toi reviennent la gloire et la puissance, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles.

Car comment des hommes pauvres, sans esprit, et qui n'osaient se montrer, auraient-ils osé enlever le corps de leur maître? Si, lorsqu'ils vivaient encore, ils se sont tous enfui, comment, après sa mort, n'auraient-ils pas craint cette multitude de gens armés? Et encore, est-ce qu'ils pou vaient renverser la pierre du sépulcre qui ne pouvait être soulevée que par plusieurs bras? Est-ce que le sceau public n'y avait pas été apposé? Pourquoi d'ailleurs ne l'ont-ils pas dérobé la première nuit, lorsqu'il n'y avait aucune garde au tombeau? car ce n'est que le jour du sabbat qu'ils demandèrent une garde à Pilate. Que signifient encore ces suaires que Pierre vit placés dans le sépulcre? Si les disciples avaient voulu dérober le corps, ils ne l'eussent pas enlevé dépouillé de son linceul, non-seulement par respect, mais encore pour ne pas être retardés par cette opération et donner aux soldats les moyens de s'emparer d'eux, d'autant plus que la myrrhe était tellem ent gluante et collée au corps et au linceul qu'il était fort difficile de le déta cher du corps. Tout ce qu'on a dit sur ce vol prétendu n'a donc aucune vraisemblance, et tout ce que les Juifs ont amassé pour obscurcir le fait de la résurrection n'a servi qu'à le rendre plus éclatant, car, en publiant que les disciples ont enlevé le corps de Jésus, ils avouent que le corps n'était plus dans le sépulcre. Or, la crainte dont les Apôtres étaient remplis, et le soin avec le quel les soldats gardaient le tombeau démontrent l'impossibilité de cet enlèvement.

Voyez comme la corruption est générale: Pilate s'est laissé gagner, le peuple juif soulever et les soldats corrompre. «Et les soldats ayant reçu l'argent firent ce qu'on leur avait dit». Puisque l'argent n, une telle force sur l'esprit d'un disciple que de lui faire trahir son divin Maître, ne soyez pas surpris de voir des soldats gagnés eux-mêmes à prix d'argent.

Comme il vient de leur faire des commandements d'une haute importance, il relève leur cou rage en ajoutant: «Et voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles», paroles dont voici la signification: Ne dites pas que les commandement s que je vous fais sont difficiles, car je suis avec vous, moi qui rend toutes choses légères. Et il leur promet d'être, non seulement avec eux, mais encore avec tous ceux qui croiront après eux, car les Apôtres ne devaient pas vivre jusqu'à la fin des siècles, et le Sauveur s'adresse à tous les fidèles comme à un seul corps.

Il leur rappelle la fin de toutes choses, pour les attirer plus fortement à lui, et leur faire jeter les yeux, non pas seulement sur les biens du temps, mais sur les biens futurs, qui doivent durer éternellement, et il semble leur dire: Les épreuves que vous aurez à suppor ter passeront avec cette vie, et le monde tout entier passera lui-même et sera détruit, tandis que les biens dont vous serez comblés dureront éternellement.

Dieu et les hommes sont devenus une seule race. Voilà pourquoi saint Paul a dit: Nous sommes de la race de Dieu (Ac 17,29). Il dit encore ailleurs: Nous sommes le corps du Christ et, chacun pour sa part, les membres de sa chair (1Co 12,27). C'est-à-dire: Nous sommes devenus sa parenté, par la chair qu'il a assumée. Nous avons donc, grâce à lui, une garantie au ciel: la chair qu'il a prise de nous, et ici-bas: l'Esprit Saint qui demeure en nous.

Comment vous étonnez-vous que l'Esprit Saint est à la fois avec nous et au ciel, quand le corps du Christ est en même temps au ciel et avec nous? Le ciel a possédé ce corps sacré, et la terre a reçu l'Esprit Saint. Le Christ vint et apporta le Saint-Esprit, puis il monta au ciel et y emmena notre corps.

Quel plan divin redoutable et étonnant! O grand roi, magnifique en toute chose! Comme disait le prophète: O Seigneur, notre Dieu, qu'il est grand ton nom par toute la terre (Ps 8,2)!

La divinité fut élevée. Exactement il est dit: Ils le virent s'élever (Ac 1,9), lui qui est grand en tout, le grand Dieu, le grand Seigneur, qui est aussi le grand roi sur toute la terre (Ac 1,9)! Grand prophète, grand prêtre, grande lumière, il est grand en toute chose. Et non seulement il est grand par sa divinité, mais aussi selon la chair, car il est grand prêtre et grand prophète. Comment cela? Écoutez saint Paul: En lui nous avons le grand prêtre par excellence, celui qui a pénétré au-delà des cieux. Demeurons fermes dans la foi (He 4,14). Car, s'il est grand prêtre et grand prophète, il est bien vrai que Dieu a visité son peuple, et qu'il a suscité un grand prophète en Israël. S'il est un grand prêtre, un grand prophète, un grand roi, il est aussi une grande lumière: La Galilée des nations, le peuple qui marchait dans les ténèbres, a vu une grande lumière (Is 9,1-2).

Nous avons donc le gage de notre vie dans le ciel, où nous sommes montés avec le Christ. Nous serons donc emportés sur les nuées, si nous sommes dignes d'aller à sa rencontre. Car le coupable ne va pas au-devant de son juge: il comparaît seulement devant lui.

Prions, mes bien-aimés, et demandons de nous trouver dans le petit nombre de ceux qui se porteront au-devant du Christ. Tous n'ont pas vécu de la même manière. Chacun recevra son salaire selon la peine qu'il se sera donnée (1Co 3,8). Que jamais la parole de Dieu ne soit donc arrêtée, mais qu'en vérité nous soyons tous pleins d'assurance dans l'amour du Christ, pour nourrir son peuple et prendre soin des âmes. <> On peut tromper les hommes par des paroles mensongères, mais aux yeux de Dieu nous paraîtrons tels que nous sommes. <> Celui qui sait tout, est témoin que nous désirons la paix, que nous la hâtons, la convoitons. <> Aucun de ceux qui attendent de Dieu leur récompense ne fait injure au tribunal en défendant sa cause. Mais Dieu a le pouvoir de donner la paix, d'assurer la paix, de répartir la paix entre ceux qui proclament la foi et leurs auditeurs, entre les enseignants et les enseignés, afin qu'après avoir commencé par la paix et continué par la paix, nous persévérions tous dans la paix, et que nous rendions tous gloire au Dieu de paix, au Père, au Fils et au Saint-Esprit, maintenant et toujours, et pour les siècles des siècles.

Considérez Jésus Christ, apôtre et grand prêtre pour notre confession de foi, lui qui est digne de confiance pour celui qui l'a institué, tout comme Moïse, sur toute sa maison (He 3,1-2). Que signifie: Il est digne de confiance pour celui qui l'a institué! Cela veut dire qu'il dirige par sa providence les êtres qui lui appartiennent, et ne les laisse pas périr par sa négligence.

Comme Moïse qui fut digne de confiance dans toute sa maison ; c'est-à-dire: apprenez qui est votre grand prêtre, apprenez son origine, et vous n'aurez pas besoin d'autres encouragements ni consolations. Le Christ est appelé apôtre parce qu'il a été envoyé. Il est appelé aussi grand prêtre pour notre confession, c'est-à-dire notre confession de foi. Jésus est comparé, ajuste titre, à Moïse puisqu'il a été chargé comme Moïse de gouverner un peuple, mais un peuple plus nombreux et chargé d'une mission plus importante. Moïse avait gouverné à titre de serviteur, le Christ gouverne en sa qualité de Fils. Ceux dont Moïse avait la charge n'étaient pas à lui, ceux que guide Jésus lui appartiennent.

Pour attester ce qui allait être dit (He 3,5). Que dis-tu là? Est-il possible que Dieu accepte un témoignage humain? Oui, sans aucun doute, car il appelle le ciel, la terre et les collines à être ses témoins. Voici ce qu'il dit par son prophète: cieux, écoutez; terre, prête l'oreille, car le Seigneur parle (Is 1,2). Et encore: Écoutez, vous aussi, fondements inébranlables de la terre (Mi 6,2), c'est le procès du Seigneur avec son peuple. A plus forte raison prend-il des hommes à témoin.

Que signifie: Pour attester! Pour que les hommes attestent, même quand ils agissent impudemment, que le Christ nous parle vraiment en sa qualité de Fils, car ceux dont Moïse avait la charge n'étaient pas à lui, mais ceux que guide Jésus lui appartiennent.

Les Juifs professaient que Dieu seul peut remettre les péchés. Jésus, avant même de remettre les péchés, a révélé les secrets des coeurs, montrant par là qu'il possédait aussi cet autre pouvoir réservé à Dieu. Évidemment, les scribes se gardaient bien de dévoiler leurs pensées. Or, quelques scribes se disaient: Cet homme blasphème. Mais Jésus, connaissant leurs pensées, leur dit: Pourquoi avez-vous en vous-mêmes des pensées mauvaises (Mt 9,3-4)?

Aussi bien, il ne revient à personne d'autre qu'à Dieu de connaître les secrets des coeurs. C'est ce que dit le prophète: Toi seul, tu connais les secrets des humains (2Ch 6,30). Il est encore écrit: Dieu, toi qui scrutes les coeurs et les reins (Ps 7,10). <> Jésus révèle donc sa divinité et son égalité avec le Père en dévoilant aux Juifs le fond de leur coeur, et en divulguant des pensées qu'ils n'osent pas déclarer ouvertement par crainte de la foule. Et il fait cela avec beaucoup de douceur, en posant la question: Pourquoi avez-vous en vous-mêmes des pensées mauvaises?

A tout prendre, si quelqu'un avait lieu de ne pas être satisfait, c'était bien le paralytique. Il aurait pu manifester sa déception au Christ en lui disant: "Soit! Tu es venu pour soigner une autre maladie et guérir un autre mal. Mais quelle preuve aurai-je que mes péchés sont pardonnes?" Or, il ne dit rien de tel, mais il se confie à celui qui a le pouvoir de le guérir.

Alors les Juifs, terriblement jaloux, se mettent à comploter contre le bien des autres. C'est pourquoi Jésus les réprimande, mais avec une extrême douceur: "Si donc, veut-il dire, vous refusez d'ajouter foi à ce que je viens de dire et que vous taxiez mes paroles d'orgueil, voici que je les confirme en dévoilant vos secrets. Et je vous apporte encore une autre preuve: Voyez, je vais montrer mon pouvoir sur ce corps paralysé! "

Par ailleurs, dans les premières paroles qu'il adresse au paralytique, Jésus n'affirme pas clairement qu'il agit de sa propre autorité. Il ne dit pas: "Je te pardonne tes péchés", mais: Tes péchés sont pardonnes (Mt 9,2). Ensuite, lorsque les scribes l'y contraignent, il déclare sans ambiguïté que ce pouvoir lui appartient: Pour que vous sachiez, dit-il, que le Fils de l'homme a le pouvoir, sur terre, de pardonner les péchés... (Mt 9,6).

D'ailleurs, avant même de guérir l'infirme, il avait posé cette question aux scribes: Qu'est-ce qui est le plus facile? De dire: Tes péchés sont pardonnes, ou bien de dire: Prends ta civière et rentre chez toi (Mt 9,5-6)? Autrement dit: "Qu'est-ce qui vous semble le plus facile? De montrer son pouvoir sur un corps inerte, ou de pardonner à une âme ses fautes?" C'est évidemment de guérir un corps, car le pardon des péchés dépasse cette guérison autant que l'âme est supérieure au corps. Mais puisque l'une de ces oeuvres est visible, et l'autre pas, je vais accomplir également l'oeuvre qui est visible et moindre, pour prouver celle qui est plus grande et invisible.

A ce moment-là, Jésus a témoigné par ses oeuvres qu'il est, comme l'a dit Jean Baptiste, celui qui enlève les péchés du monde (cf. Jn 1,29).

Qu'y a-t-il de plus grand que le Royaume des cieux et de plus petit qu'un grain de moutarde? Comment Jésus peut-il comparer ce Royaume infini à un minuscule grain de moutarde, qui occupe une si petite place? Pourtant, quand nous examinons attentivement le Royaume des cieux et le grain de moutarde, nous découvrons combien la comparaison est juste et naturelle.

Le Royaume des cieux n'est évidemment rien d'autre que le Christ, puisque celui-ci dit de lui-même: Voilà que le règne de Dieu est au milieu de vous (Lc 17,21). Or, rien n'est plus grand que le Christ dans sa divinité, comme la parole du prophète peut nous l'apprendre: C'est lui qui est notre Dieu: aucun autre ne lui est comparable. Il a découvert les chemins de la connaissance, et il les a confiés à Jacob, son serviteur, à Israël, son bien-aimé. Ainsi la Sagesse est apparue sur la terre, elle a vécu parmi les hommes (Ba 3,36-38).

Par ailleurs, qu'y a-t-il de plus petit que le Christ dans son incarnation, puisqu'il est devenu moindre que les anges et que les hommes? Apprends-le de la bouche de David: Qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui, le fils d'un homme, que tu en prennes souci? Tu l'as voulu un peu moindre que les anges (Ps 8,5-6). L'interprétation qu'en donne Paul montre qu'il s'agit bien du Christ: Nous voyons Jésus abaissé un peu en-dessous des anges à cause de sa passion et de sa mort (He 2,9).

Comment se fait-il que le Christ soit en même temps le Royaume des cieux et le grain, qu'il soit à la fois grand et petit par rapport au Royaume? Voici: sa miséricorde pour ceux qu'il a créés est si grande qu'il s'est fait tout à tous pour les gagner tous. Du fait de sa nature, il était Dieu comme il l'est encore et le sera toujours. Il est devenu homme en vue de notre salut. Quelle profondeur dans la richesse, la sagesse et la science de Dieu! Ses décisions sont insondables, ses chemins sont impénétrables (Rm 11,33)!

O grain, par lequel le monde a été fait, les ténèbres dispersées, l'Église renouvelée! Qu'elle est grande la force de ce grain suspendu à la croix! Alors qu'il y était cloué, il a, par une simple parole, détaché du bois le larron pour le plonger dans les délices du paradis. De son flanc percé par la lance, ce grain a laissé couler une boisson d'immortalité pour les assoiffés. Ce grain, après qu'on l'eut descendu du bois et planté dans le jardin, a couvert toute la terre de ses branches. Ce grain, semé dans le jardin, a plongé ses racines jusqu'aux enfers. Il en a fait sortir les âmes et, en trois jours, les a emmenées au ciel. <> Le Royaume des cieux est comparable à un grain de moutarde qu'un homme a semé dans son champ (Mt 13,31). Sème ce grain de moutarde dans le jardin de ton âme <> et la parole du prophète vaudra aussi pour toi: Tu seras comme un jardin bien irrigué, comme une source où les eaux ne manquent jamais (Is 58,11).

En réponse à la question que lui posait un homme riche, Jésus avait révélé comment on peut parvenir à la vie éternelle. Mais l'idée d'avoir à abandonner ses richesses rendit cet homme tout triste, et il s'éloigna. Alors Jésus déclara: Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu (Mc 10,25).

A son tour, Pierre s'approche de Jésus. Lui qui s'est dépouillé de tout en renonçant à son métier et à sa barque, ne possède même plus un hameçon. Et il pose cette question à Jésus: Mais alors, qui peut être sauvé (Mc 10,26)?

Remarque la réserve et le zèle du disciple. Il n'a pas dit: "Tu ordonnes l'impossible, ce commandement est trop difficile, cette loi est trop exigeante." Il n'est pas non plus resté silencieux. Mais, sans manquer au respect qu'un disciple doit à son Maître, il a dit: Mais alors, qui peut être sauvé? montrant par là combien il était attentif aux autres. C'est qu'avant même d'être le pasteur, il en avait l'âme. Avant d'être investi de l'autorité, il possédait le zèle qui convient à un chef, puisqu'il se préoccupait de la terre entière.

Un homme riche, propriétaire d'une fortune considérable, aurait probablement demandé cela par intérêt, par souci de sa situation personnelle et sans penser aux autres. Mais Pierre, qui était pauvre, ne peut être soupçonné d'avoir posé sa question pour de pareils motifs. C'est le signe qu'il se préoccupait du salut des autres, et qu'il désirait apprendre de son Maître comment on y parvient. D'où la réponse encourageante du Christ: Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu (Mc 10,27). Il veut dire: "Ne pensez pas que je vous laisse à l'abandon. Moi-même, je vous assisterai dans une affaire aussi importante, et je rendrai facile et aisé ce qui est difficile."

Voyant que Jacques et Jean s'étaient écartés de leur groupe et intriguaient pour obtenir les honneurs les plus élevés, les dix autres disciples donnèrent libre cours à leur colère. C'est alors que Jésus entreprit de corriger les passions déréglées des uns et des autres. Il les appela donc et leur dit: Les chefs des nations païennes commandent en maîtres. Les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Celui qui veut être le premier sera le dernier de tous (Mc 10,42-44).

Manifestement, en convoitant ainsi les premières places, les plus hautes charges et les honneurs les plus élevés, les deux frères voulaient, à mon avis, avoir autorité sur les autres. Aussi Jésus s'oppose-t-il à leur prétention. Il met à nu leurs pensées secrètes en leur disant: Celui qui veut être le premier sera le serviteur de tous (Mc 10,44). Autrement dit: "Si vous ambitionnez le premier rang et les plus grands honneurs, recherchez le dernier rang, appliquez-vous à devenir les plus simples, les plus humbles et les plus petits de tous. Mettez-vous après les autres. Telle est la vertu qui vous procurera l'honneur auquel vous aspirez. Vous en avez près de vous un exemple éclatant, puisque le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude (Mc 10,45). Voilà comment vous obtiendrez gloire et célébrité. Voyez ce qui m'arrive: je ne recherche ni honneur ni gloire, et pourtant le bien que je réalise ainsi est infini."

Nous le savons: avant l'Incarnation du Christ et son abaissement, tout était perdu, tout était corrompu; mais, après qu'il se fût humilié, il a tout relevé. Il a aboli la malédiction, détruit la mort, ouvert le paradis, mis à mort le péché, déverrouillé les portes du ciel pour y ramener les prémices de notre humanité. Il a propagé la foi partout dans le monde. Il a chassé l'erreur et rétabli la vérité. Il a fait monter sur un trône royal les prémices de notre nature.

Le Christ est l'auteur de biens infiniment nombreux, que ni ma parole, ni aucune parole humaine ne saurait décrire. Avant son abaissement, il n'était connu que des anges, mais, depuis qu'il s'est humilié, la race humaine tout entière l'a reconnu.

Pendant le repas, Jésus prit le pain et le rompit (Mt 26,26 passim). Pourquoi célèbre-t-il ce mystère au moment de la Pâque? Afin de vous montrer de toute façon qu'il est le législateur de l'Ancien Testament et que tous les événements de ce jour y étaient préfigurés. Il remplace le symbole figuratif par la vérité. Que cela se soit passé le soir, signifiait la plénitude des temps et la fin prochaine de ce qui concernait le Christ.

Pourquoi rend-il grâce? Pour nous enseigner comment il faut accomplir ce mystère. Pour nous montrer qu'il ne va pas à la Passion malgré lui. Et il nous formait à supporter avec action de grâce ce que nous avons à souffrir, en y puisant même de grandes espérances.

Si le signe figuratif a obtenu la délivrance de l'esclavage, combien plus encore la vérité affranchira-t-elle l'univers et nous sera-t-elle accordée pour le plus grand bien de notre nature! C'est donc pour cela que le Christ ne nous livre pas plus tôt ce mystère, mais seulement lorsque doivent cesser les observances légales. Il abolit alors la principale des fêtes juives, il invite ses disciples à une autre table, autrement digne de crainte. Et il leur dit: Prenez, mangez, ceci est mon corps, rompu pour vous (cf. 1Co 16,24).

Comment n'ont-ils pas été troublés en entendant cela? Parce qu'il leur avait déjà donné de grands et magnifiques enseignements. C'est pourquoi maintenant il n'insiste pas, car ils ont été assez instruits. Mais il leur dit le motif de sa Passion, qui est d'enlever les péchés. Le sang de la nouvelle alliance signifiait le gage de cette Loi nouvelle qu'il avait annoncée. Il avait promis longtemps auparavant que la nouvelle alliance devait être ratifiée par son sang. De même que l'Ancien Testament avait les sacrifices des brebis et des taureaux, de même le Nouveau Testament a le sang du Seigneur. Par là Jésus montre encore qu'il doit mourir. C'est pourquoi il parle de Testament en rappelant le premier, car celui-ci avait été consacré par le sang. Et il parle encore de la cause de sa mort: Ce sang sera répandu pour beaucoup en rémission des péchés. Puis il ajoute: Quand vous ferez cela, vous le ferez en mémoire de moi.

Il parle ainsi pour montrer que sa passion et sa croix sont un mystère, et, par là, consoler encore ses disciples. Comme Moïse disait: Ceci sera pour vous un mémorial éternel (cf. Ex 3,15), Jésus dit de même: en mémoire de moi, jusqu'à ce que je vienne (cf. 1Co 11,26). C'est pourquoi il disait aussi: J'ai ardemment désiré manger cette Pâque (Lc 22,15), pour vous donner ces institutions nouvelles et vous laisser une Pâque qui ferait de vous des hommes animés par l'Esprit.

Recourons tous à la Vierge sainte, Mère de Dieu, pour recevoir ses bienfaits. Autant qu'il y a de vierges parmi vous, consacrez-vous à la Mère du Seigneur. Car elle est votre protectrice pour vous procurer ce privilège magnifique et incorruptible.

Réellement, cette Vierge est une grande merveille! Car pourra-t-on jamais trouver un être plus grand que tout ce qui existe? Or, elle seule est apparue plus vaste que la terre et le ciel. Car qui donc est plus saint qu'elle? Ni nos ancêtres, ni les prophètes, ni les Apôtres, ni les martyrs, ni les patriarches, ni les pères, ni les anges, ni les Trônes, les Dominations, ni les Séraphins et les Chérubins, on ne peut trouver aucun être, visible ou invisible, dans toute la création, qui la dépasse. Elle est la servante et la Théotokos, la Vierge et la Mère. Et personne ne doit en douter en demandant: Comment peut-elle être la servante et la Théotokos? Ou comment peut-elle être la Vierge et la Mère?

Accepte avec foi, ô homme, et ne mets pas en doute des doctrines qui ont été examinées et approuvées par les Pères. Demeure dans la crainte et crois sans discussion, sans trop de curiosité. Si tu mesures ta foi à tes pensées, vois quel danger tu cours! Mais si tu crois la parole qui a été proclamée, ce n'est plus à toi de te défendre, mais au chef de la communauté.

Crois donc ce qui nous a été dit de la Vierge, et n'hésite pas à confesser qu'elle est en même temps servante et Théotokos, Vierge et Mère. En effet, elle est servante comme la créature de celui qui est né d'elle; elle est Théotokos en tant que par elle Dieu a été enfanté dans une chair d'homme. Elle est Vierge parce qu'elle n'a pas conçu à partir d'une semence humaine. Elle est mère parce qu'elle a donné la vie à celui qui, de toute éternité, était engendré par le Père.

Elle est donc la mère du Seigneur des anges et des hommes. C'est en elle que le Fils de Dieu s'est incarné afin de pouvoir être crucifié. Et voulez-vous savoir comment la Vierge surpasse les puissances du ciel? Écoutez: celles-ci volent dans la crainte et le tremblement en voilant leurs regards, tandis que la Vierge offre à Dieu la race des hommes et que nous recevons par elle celui qui remet les péchés. C'est elle qui le portait quand les anges le glorifiaient en chantant à sa naissance: Gloire à Dieu au plus haut des cieux, paix sur la terre, bienveillance aux hommes (cf. Lc 2,14)!

Réjouissez-vous donc, la mère de l'enfant et le ciel, la jeune fille et la nuée, la Vierge et la Mère, orgueil et fondement de notre Église. Priez pour nous sans relâche, afin que nous puissions atteindre le bonheur préparé pour ceux qui aiment Dieu, par la grâce et l'amour de notre Seigneur Jésus Christ envers les hommes. A lui, en même temps qu'au Père et à l'Esprit Saint, gloire, puissance, honneur, maintenant et touj ours et pour les siècles des siècles. Amen.

Alors Jésus fut conduit au désert par l'Esprit pour être tenté par le démon (Mt 4,1). Que signifie cet "alors"? Après la descente de L'Esprit Saint, après la voix venue d'en-haut et qui disait: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en lui j'ai mis tout mon amour (Mt 3,17). Le plus surprenant est cette affirmation de l'évangéliste: c'est le Saint-Esprit qui le conduisit en ce lieu! En effet, tout ce que Jésus a fait et enduré était destiné à nous instruire. Il a donc voulu être conduit en ce lieu pour lutter avec le démon, afin que nul parmi les baptisés ne soit troublé s'il subit après son baptême de plus grandes tentations, comme si c'était extraordinaire; mais il doit supporter tout cela comme étant dans l'ordre des choses. C'est pour cela que vous avez reçu des armes: non pour rester oisifs, mais pour combattre.

Voici pour quels motifs Dieu n'empêche pas les tentations qui vous surviennent. D'abord pour vous apprendre que vous êtes devenus beaucoup plus forts; puis, afin que vous gardiez la mesure, au lieu de vous enorgueillir des grands dons que vous avez reçus, car les tentations ont le pouvoir de vous humilier. En outre, vous serez tentés afin que ce génie du mal, se demandant encore si vous avez vraiment renoncé à lui, soit convaincu, par l'expérience des tentations, que vous l'avez totalement abandonné. Quatrièmement, vous êtes tentés pour être entraînés à être plus forts et plus solides que l'acier. Cinquièmement, afin que vous ayez la certitude absolue que des trésors vous ont été confiés. Car le démon ne vous aurait pas assaillis, s'il n'avait pas vu que vous receviez un plus grand honneur.

Et remarquez en quel lieu l'Esprit Saint a conduit Jésus: non pas en ville, ni sur la place publique, mais au désert. Car, puisqu'il voulait attirer le démon, il a donné prise à celui-ci non seulement en ayant faim, mais aussi en venant en ce lieu. Le démon s'attaque surtout à ceux qu'il voit seuls et à l'écart. <> Lorsqu'il voit des gens rassemblés, il n'a plus la même audace, il perd confiance. Aussi faut-il surtout que nous soyons toujours ensemble, pour ne pas offrir une proie facile au démon. Celui-ci trouve donc Jésus dans le désert, et un désert inaccessible.

Voyez avec quelle ruse et quelle perversité le démon s'approche, et comme il saisit le bon moment! Il n'aborde pas celui qui jeûne, mais celui qui a faim. Apprenez ainsi comme le jeûne est un grand bien, et l'arme la plus puissante contre le démon; sachez qu'après le baptême il ne faut pas se livrer au luxe, à l'ivrognerie, aux repas plantureux, mais s'adonner au jeûne. C'est pour cela que Jésus lui-même a jeûné, non pas qu'il en eût besoin, mais afin de nous instruire.

Seuls les chrétiens estiment les choses à leur vraie valeur, et ils n'ont pas les mêmes motifs de se réjouir et de s'attrister que le reste des hommes. A la vue d'un athlète blessé, portant sur la tête la couronne du vainqueur, celui qui n'a jamais pratiqué aucun sport considère seulement les blessures qui font souffrir cet homme. Il n'imagine pas le bonheur que lui procure sa couronne.

Ainsi font les gens dont nous parlons. Ils savent que nous subissons des épreuves, mais ignorent pourquoi nous les supportons. Ils ne considèrent que nos souffrances! Ils voient les luttes dans lesquelles nous sommes engagés et les dangers qui nous menacent. Mais les récompenses et les couronnes leur restent cachées, non moins que la raison de nos combats.

Que voulait dire Paul en affirmant: On nous croit démunis de tout, et nous possédons tout (2Co 6,10)? Il entendait par là les biens terrestres et spirituels. Lorsque les villes le recevaient comme un ange, que les gens se seraient fait arracher les yeux pour les lui donner et qu'ils se seraient laissé couper la tête pour lui, n'avait-il pas toutes leurs richesses à sa disposition?

Et si tu veux considérer les biens spirituels, tu reconnaîtras qu'il les possédait aussi en abondance. Aimé du Roi de l'univers, du Maître des anges, au point de partager ses secrets, il était le plus riche de tous, et tout lui appartenait. Aucun démon n'était capable de résister à son autorité, aucune souffrance ni maladie ne pouvait lui imposer sa loi.

Pour ce qui nous regarde, quand nous sommes soumis à l'épreuve à cause du Christ, supportons-la vaillamment, bien plus, avec joie. Si nous jeûnons, bondissons de joie comme si nous étions dans les délices. Si l'on nous outrage, dansons allègrement comme si nous étions comblés d'éloges. Si nous subissons un dommage, considérons-le comme un gain. Si nous donnons au pauvre, persuadons-nous que nous recevons. Celui qui ne donne pas de cette manière, ne donne pas de bon coeur.

Aussi bien, quand tu veux faire un don à quelqu'un, ne considère pas seulement ce que cela te coûte. Songe plutôt que tu en retires un profit plus important, car ceci l'emporte sur cela. En faisant l'aumône, comme en pratiquant n'importe quelle vertu, pense à la douceur de la récompense, plutôt qu'à la dureté du sacrifice.

Avant tout, rappelle-toi que tu combats pour le Seigneur Jésus. Alors tu entreras de bon coeur dans la lutte et tu vivras toujours dans la joie, car rien ne nous rend si heureux qu'une bonne conscience.

Le Christ, pour nous attirer à l'aimer davantage, nous a donné sa chair en nourriture. Allons donc à lui avec beaucoup d'amour et de ferveur, afin de ne pas nous exposer au châtiment. Dans la mesure où nous avons reçu de plus grands bienfaits, nous serons punis plus durement, parce que nous nous serons montrés indignes de tant de bonté.

Ce corps, les mages l'ont adoré quand il était couché dans une mangeoire. Ces païens, ces étrangers, quittèrent leur patrie et leur maison, entreprirent un long voyage pour l'adorer avec crainte et tremblement. Imitons au moins ces étrangers, nous qui sommes citoyens des cieux. Car ceux-là, voyant l'enfant, le Christ, dans une mangeoire, sous un pauvre toit, ne voyant rien de ce que vous voyez, s'avancèrent avec un très grand respect.

Vous-mêmes, vous ne le voyez plus dans une mangeoire, mais sur l'autel. Vous ne voyez plus une femme qui le tient dans ses bras, mais le prêtre qui l'offre, et l'Esprit de Dieu, avec toute sa générosité, plane au-dessus des offrandes. Non seulement vous voyez le même corps que voyaient les mages, mais en outre vous connaissez sa puissance et sa sagesse, et vous n'ignorez rien de ce qu'il a accompli, après toute l'initiation aux mystères qui vous a été donnée avec exactitude. Réveillons-nous donc, et réveillons en nous la crainte de Dieu. Montrons beaucoup plus de piété que ces étrangers, afin de ne pas avancer n'importe comment vers l'autel et de ne pas attirer le feu sur nos têtes.

Je ne dis pas cela pour vous détourner d'avancer vers l'autel, mais pour vous empêcher de le faire inconsciemment. Car, de même qu'il est dangereux d'avancer n'importe comment, de même ne pas communier au repas sacramentel, c'est se condamner à la famine et à la mort. Cette table fortifie notre âme, rassemble notre pensée, soutient notre assurance; elle est notre espérance, notre salut, notre lumière, notre vie. Si nous quittons la terre après ce sacrifice, nous entrerons avec une parfaite assurance dans les parvis sacrés, comme si nous étions protégés de tous côtés par une armure d'or.

Mais pourquoi parler du futur? Dès ce monde, le sacrement transforme la terre en ciel. Ouvrez donc les portes du ciel, ou plutôt les portes des cieux les plus sublimes, et alors vous verrez ce que je viens de dire. Ce qu'il y a de plus précieux au ciel, je vous le montrerai sur la terre. Ce que je vous montre, ce n'est ni les anges, ni les archanges, ni les cieux des cieux, mais celui qui est leur maître. Vous voyez ainsi d'une certaine façon sur la terre ce qu'il y a de plus précieux. Et non seulement vous le voyez, mais vous le touchez, mais vous le mangez et vous l'emportez chez vous. Purifiez donc votre âme, préparez votre esprit à la réception de ces mystères.

Dieu se contente d'obtenir de nous un regret facile pour nous faire grâce de nos nombreux péchés. Voici une parabole à l'appui de cette affirmation. Il y avait deux frères. Après le partage de leur patrimoine, l'un d'eux resta à la maison et l'autre, après avoir dévoré toute sa part, se condamna à l'exil, ne pouvant supporter la honte de sa misère. J'ai choisi de vous raconter cette parabole pour vous enseigner qu'il y a un pardon pour les fautes postérieures au baptême, si nous le voulons vraiment. Je ne dis pas cela pour vous porter à l'insouciance, mais pour vous préserver du désespoir, car celui-ci nous fait plus de mal que l'indolence.

Donc, ce fils exilé offre l'image de ceux qui sont tombés après le baptême. Il est évident qu'il les représente, puisqu'il est appelé "fils". Car nul ne peut être appelé ainsi lorsqu'il n'est pas baptisé. En outre, il avait habité la maison de son père, qui lui avait donné une part de ses biens. Or, avant le baptême, on ne peut participer aux biens du Père, ni recevoir son héritage. Ainsi tous ces traits marquent la condition des fidèles. En outre, le prodigue était le frère d'un homme très estimable, et personne n'est un "frère" s'il n'a pas reçu la seconde naissance, celle que donne le Saint-Esprit.

Or, que dit le prodigue tombé dans la pire misère? Je vais retourner chez mon père (Lc 15,18). La raison pour laquelle son père l'a laissé s'éloigner et ne l'a pas empêché de partir à l'étranger, c'était qu'il découvrirait clairement par expérience de quel bienfait l'on jouit en restant à la maison. Souvent Dieu, lorsque ces paroles ne peuvent nous persuader, permet à l'expérience des faits de nous apporter ses leçons.

Après s'être éloigné dans un pays étranger, le prodigue, ayant appris par ses propres déboires dans quelle misère on tombe en quittant la maison paternelle, s'en revint donc vers son père. Celui-ci ne lui garda pas rancune, mais le reçut à bras ouverts. Et pourquoi donc? Parce qu'il était un père, non un juge. Et ce furent des danses, un festin, des réjouissances, bref toute la maisonnée rayonnait de joie.

Alors vous dites: "Est-ce ainsi que l'on récompense l'inconduite?" On ne fête pas son inconduite, mais son retour; ni son péché, mais sa conversion; ni sa méchanceté, mais sa transformation. Bien plus, quand le fils aîné s'est indigné de toute cette joie, le père l'a calmé avec douceur en lui disant: Toi, tu vis toujours avec moi. Mais lui était perdu, et il est retrouvé; il était mort, et il est revenu à la vie (cf. Lc 15,31.32). Lorsqu'il faut sauver celui qui se perd, ce n'est pas le moment de rendre des sentences, ni de faire une enquête minutieuse, mais uniquement celui de la miséricorde et du pardon.

A propos de cette parabole, il convient de nous demander pourquoi le riche voit Lazare dans le sein d'Abraham plutôt qu'en compagnie d'un autre juste. C'est qu'Abraham s'est montré hospitalier. Il apparaît donc à côté de Lazare pour accuser le riche d'avoir été inhospitalier. En effet, le patriarche cherchait à retenir même les simples passants pour les faire entrer sous sa tente. Le riche, au contraire, n'avait eu que dédain pour celui qui logeait dans sa propre maison. Or, il avait les moyens, avec tout l'argent dont il disposait, d'assurer la sécurité du pauvre. Mais il a continué, jour après jour, à l'ignorer et il a négligé de lui donner l'aide dont il avait besoin.

Le patriarche n'a pas agi de cette façon, bien au contraire! Assis à l'entrée de sa tente, il mettait la main sur tous ceux qui passaient, à la manière dont un pêcheur jette son filet dans la mer pour y prendre du poisson, et souvent même de l'or et des pierres précieuses. Ainsi, en ramenant des hommes dans son filet, il est arrivé qu'Abraham prenne des anges et, chose étonnante, sans même le deviner!

Paul lui-même en a été tout émerveillé, ce qui nous a valu cette exhortation: N'oubliez pas l'hospitalité. Elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges (He 13,2). Paul a raison de dire: sans le savoir. Si Abraham avait su que ceux qu'il accueillait avec tant de bienveillance étaient des anges, il n'aurait rien fait d'extraordinaire ni d'admirable. Il reçoit donc cet éloge uniquement parce qu'il ignorait l'identité des passants. En effet, ces voyageurs qu'il invitait si généreusement chez lui, il les prenait pour des hommes ordinaires.

Tu sais bien, toi aussi, te montrer plein d'empressement pour recevoir un personnage célèbre, mais cela ne vaut pas que l'on s'en émerveille. Car il arrive souvent qu'un homme, même inhospitalier, dès qu'il est obligé de recevoir une personne de qualité, y mette toute sa bonne volonté. En revanche, il est très remarquable et vraiment admirable de réserver un accueil plein de bonté aux premiers venus, aux gens inconnus et ordinaires. Ceux qui pratiquent cet accueil, le Christ les reçoit avec ces paroles: Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait (Mt 25,40). Il leur dit aussi: Ainsi, votre Père ne veut pas qu'un seul de ces petits soit perdu (Mt 18,14). Et encore: Celui qui entraînera la chute d'un seul de ces petits, il est préférable pour lui qu'on lui accroche au cou une de ces meules que tournent les ânes et qu'on l'engloutisse en pleine mer (Mt 18,6). Dans tout son enseignement, d'ailleurs, le Christ fait une grande place aux petits et aux humbles.

Abraham était également animé de la même conviction quand il s'interdisait d'interroger les passants pour connaître leur identité ou leur origine, comme nous le faisons en pareilles circonstances. Il accueillait simplement tous les passants. Car celui qui veut faire du bien à quelqu'un n'a pas à lui demander des comptes sur sa vie, mais à soulager sa pauvreté et à remédier à son indigence. <> C'est ce que le Christ nous a ordonné de faire en disant: Imitez votre Père qui est dans les cieux; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes (Mt 5,45).

Seigneur, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne (Lc 23,42). Le larron n'a pas osé faire cette prière avant d'avoir déposé par son aveu le fardeau de ses péchés. Tu vois, chrétien, quelle est la puissance de la confession! Il a avoué ses péchés et le paradis s'est ouvert. Il a avoué ses péchés et il a eu assez d'assurance pour demander le Royaume après ses brigandages.

Songes-tu à tous les bienfaits que la croix nous procure? Tu veux connaître le Royaume? Dis-moi: Que vois-tu donc ici qui y ressemble? Tu as sous les yeux les clous et une croix, mais cette croix même, disait Jésus, est bien le signe du Royaume. Et moi, en le voyant sur la croix, je le proclame roi. Ne revient-il pas à un roi de mourir pour ses sujets? Lui-même l'a dit: Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis (Jn 10,11). C'est également vrai pour un bon roi: lui aussi donne sa vie pour ses sujets. Je le proclamerai donc roi à cause du don qu'il a fait de sa vie. Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton Royaume.

Comprends-tu maintenant comment la croix est le signe du Royaume? Si tu le veux, voici encore une autre preuve. Le Christ n'a pas laissé sa croix sur la terre, mais il l'a soulevée et emportée avec lui dans le ciel. Nous le savons parce qu'il l'aura près de lui quand il reviendra dans la gloire. Tout cela pour t'apprendre combien est vénérable la croix qu'il a appelée sa gloire.

Lorsque le Fils de l'homme viendra, le soleil s'obscurcira et la lune perdra son éclat (Mt 24,29). Il régnera alors une clarté si vive que même les étoiles les plus brillantes seront éclipsées. Les étoiles tomberont du ciel. Alors paraîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme (Mt 24,29-30).

Tu vois quelle est la puissance du signe de la croix! <> Quand un roi entre dans une ville, les soldats prennent les étendards, les hissent sur leurs épaules et marchent devant lui pour annoncer son arrivée. C'est ainsi que des légions d'anges et d'archanges précéderont le Christ, lorsqu'il descendra du ciel. Ils porteront sur leurs épaules ce signe annonciateur de la venue de notre Roi.

Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique: ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle (Jn 3,16).

Vous voyez la cause de l'avènement du Fils de Dieu: il est venu pour que tous ceux qui devaient périr trouvent, par la foi en lui, l'accès au salut. Qui aurait pu imaginer une générosité pareille, au-delà de tout éloge? Par le don du baptême, Dieu accorde à notre nature le pardon de tous nos péchés! Non seulement ici la pensée est impuissante, mais la parole est incapable de dénombrer les autres bienfaits de Dieu. Si nombreux qu'ils soient, je suis obligé d'en omettre encore davantage. Que serait-ce donc, si l'on songeait encore à ce chemin de la conversion que Dieu, dans son indicible amour des hommes, a donné au genre humain, ainsi qu'à ses prescriptions merveilleuses grâce auxquelles, si nous le voulons, même après le bienfait du baptême, nous pourrons attirer la grâce d'en haut!

Vous voyez, mes enfants, l'abîme des bienfaits de Dieu! Vous voyez combien leur énumération est longue, bien que nous n'en ayons encore rappelé qu'une faible partie! Comment, en effet, le langage humain pourrait-il dénombrer tout ce que Dieu a fait pour nous? Mais si grands et si nombreux que soient ces bienfaits, ils sont plus ineffables et plus grands encore, ceux qu'il a promis pour la vie future à ceux qui marchent sur le chemin de la vertu. Et, pour nous montrer en peu de mots l'excès de leur grandeur, saint Paul nous dit: Ce que personne n'avait vu de ses yeux ni entendu de ses oreilles, ce que le coeur de l'homme n'avait pas imaginé, ce qui avait été préparé pour ceux qui aiment Dieu (1Co 2,9).

Voyez-vous l'excellence de ces bienfaits? Voyez-vous comme ils sont au-dessus de toutes les idées de l'homme? Ce que le coeur de l'homme n'avait pas imaginé, c'est l'expression de saint Paul. Si nous voulons récapituler toutes ces merveilles, si nous voulons en rendre grâce selon nos forces, nous pourrons attirer sur nous encore plus de grâces divines et grandir en vertu. Le souvenir des bienfaits de Dieu nous aide à affronter les labeurs de la vertu, à mépriser les biens terrestres, pour nous ouvrir à l'auteur de tous ces dons et augmenter, de jour en jour, l'amour que nous lui témoignons.

Lorsque nous célébrons notre maître commun pour toutes sortes de raisons diverses, est-ce que nous ne le célébrons pas surtout en lui rendant gloire à cause de la stupeur qui nous saisit devant la croix, devant cette mort maudite? Saint Paul, à tout propos, ne nous montre-t-il pas la mort du Christ comme le signe de son amour pour nous? La mort qu'il a subie pour les hommes tels qu'ils sont? A tout propos, il rappelle tout ce que le Christ a fait pour nous secourir et nous soulager, et il revient à la croix en disant: Voici comment Dieu a prouvé son amour pour nous: alors que nous étions pécheurs, le Christ est mort pour nous (Rm 5,8). Et par là, il nous fait entrevoir les plus belles espérances en disant: Si, alors que nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à plus forte raison, une fois réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie (Rm 5,10). Et n'est-ce pas pour cela surtout que lui-même triomphe, s'exalte, bondit et s'envole de joie, en écrivant aux Galates: Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil (Ga 6,14). Pourquoi vous étonner pour cela, si Paul bondit, s'élance et triomphe? Le Christ lui-même, lui qui a supporté ces souffrances, appelle le supplice sa "gloire". Père, dit-il, l'heure est venue, glorifie ton Fils (Jn 17,1). Et le disciple qui a écrit cela disait: L'Esprit Saint n'avait pas encore été donné parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié (Jn 7,39). Ce qu'il appelle "gloire", c'est sa croix. Mais, lorsqu'il voulut nous montrer son amour, de quoi parle-t-il? De ses miracles, de ses merveilles, de ses prodiges? Pas du tout. Ce qu'il met en valeur, c'est la croix, lorsqu'il dit: Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique: ainsi tout homme qui croit en lui ne périra pas, mais il obtiendra la vie éternelle (Jn 3,16). Et Paul dit encore: Il n'a pas refusé son propre Fils, il l'a livré pour nous tous: comment pourrait-il avec lui ne pas nous donner tout (Rm 8,32)? Et lorsqu'il nous invite à l'humilité, c'est de là qu'il tire son exhortation: Ayez entre vous les dispositions que l'on doit avoir dans le Christ Jésus: lui qui était dans la condition de Dieu, n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix (Ph 2,5-8).

Une autre fois, en exhortant à la charité, il revient sur ce sujet: Vivez dans l'amour comme le Christ nous a aimés, et s'est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire (Ep 5,2).

Et le Christ lui-même a voulu montrer combien la croix était sa plus ardente préoccupation, combien il chérissait la souffrance: écoutez comment il a appelé le premier des Douze, le fondement de l'Église, le coryphée du choeur des Apôtres. Celui-ci lui avait dit, dans son ignorance: Dieu t'en garde, Seigneur! Cela ne t'arrivera pas! Jésus répliqua: Passe derrière moi, Satan, tu es un obstacle sur ma route (Mt 16,22-23). Par l'excès de l'injure et de la réprimande, il montrait l'importance majeure qu'il attachait à la croix.

Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements (Jn 14,15-18). Je vous ai donné ce commandement de vous aimer les uns les autres, de pratiquer entre vous ce que moi-même ai fait pour vous. C'est cela l'amour: obéir à ces commandements, et ressembler à celui que vous aimez. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur. Nouvelle parole, pleine de délicatesse. Parce que les disciples ne connaissaient pas encore le Christ d'une manière parfaite, on pouvait penser qu'ils regretteraient vivement sa société, ses entretiens, sa présence selon la chair, et que rien ne pourrait les consoler de son départ. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur, c'est-à-dire: un autre tel que moi.

C'est quand le Christ les eut purifiés par son sacrifice que l'Esprit Saint descendit en eux. pourquoi n'est-il pas venu pendant que Jésus était avec eux? Parce que le sacrifice n'avait pas été offert. C'est seulement lorsque le péché eut été enlevé et que les disciples furent envoyés affronter les périls du combat, qu'il leur fallut un entraîneur. Mais alors, pourquoi l'Esprit n'est-il pas venu aussitôt après la résurrection? Afin qu'ayant un plus vif désir de le recevoir, ils l'accueillent avec une plus grande reconnaissance. Tandis que le Christ était avec eux, ils n'étaient pas affligés; lorsqu'il fut parti, leur solitude les plongea dans une crainte profonde; ils allaient donc accueillir l'Esprit avec beaucoup d'ardeur.

Il sera pour toujours avec vous. Cela signifie clairement qu/il ne vous quittera jamais. Il ne fallait pas qu'en entendant parler d'un Défenseur, ils imaginent une seconde incarnation et espèrent la voir de leurs yeux. Il rectifie donc leur pensée en disant: Le monde est incapable de le recevoir parce qu'il ne le voit pas. Car il ne sera pas avec vous de la même manière que moi, mais c'est dans vos âmes qu'il habitera, comme le signifient ces paroles: Il est en vous. Et il l'appelle l'Esprit de vérité parce qu'il leur fera connaître le vrai sens des préfigurations de la Loi ancienne.

Il sera pour toujours avec vous. Qu'est-ce que cela veut dire? Ce qu'il dit de lui-même: Voici que je suis avec vous. Mais d'une façon différente, et il insinue que le Défenseur ne souffrira pas comme le Christ, et que lui ne vous quittera pas. Le monde est incapable de le recevoir parce qu'il ne le voit pas. Quoi donc? Serait-il visible pour les autres? Nullement. Il parle ici de la connaissance par l'esprit, puisqu'il ajoute aussitôt: Et ne le connaît pas. Nous savons qu'il emploie le mot "voir" au sens de connaissance très claire. Par "le monde" il entend ici les méchants, et c'est là un réconfort pour les disciples, que leur soit accordé un don de choix.

Il annonce un Défenseur autre que lui; il affirme que ce Défenseur ne les quittera pas; il ajoute qu'il viendra uniquement pour eux, comme le Christ lui-même est venu. Il déclare enfin qu'il va demeurer e n eux, mais ce n'est pas ainsi qu'il dissipe leur chagrin, car c'est lui qu'ils veulent, c'est sa compagnie. Et il dit pour les apaiser: Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous.

Ne craignez pas, dit-il. Si j'ai promis d'envoyer un autre Défenseur, ce n'est pas que je veuille vous abandonner pour toujours. En disant: Pour qu'il soit toujours avec vous, ce n'est pas en ce sens que je ne vous verrai plus. Car, moi aussi, je reviens vers vous, je ne vous laisserai pas orphelins.

A l'approche de sa mort, le Sauveur s'écriait: Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils (Jn 17,1). Or, sa gloire, c'est la croix. Comment donc pourrait-il avoir cherché à éviter ce qu'il sollicite à un autre moment? Que sa gloire soit la croix, l'Évangile nous l'enseigne en disant: L'Esprit Saint n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié (Jn 7,39). Voici le sens de cette parole: la grâce n'avait pas encore été donnée, parce que le Christ n'était pas encore monté sur la croix pour mettre fin à l'hostilité entre Dieu et les hommes. En effet, c'est la croix qui a réconcilié les hommes avec Dieu, qui a fait de la terre un ciel, qui a réuni les hommes aux anges. Elle a renversé la citadelle de la mort, détruit la puissance du démon, délivré la terre de l'erreur, posé les fondements de l'Église. La croix, c'est la volonté du Père, la gloire du Fils, la jubilation de l'Esprit Saint. Elle est l'orgueil de saint Paul: Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil (Ga 6,14)!

La croix est plus éclatante que le soleil, plus brillante que ses rayons. Car, lorsque le soleil s'obscurcit, c'est alors que la croix étincelle; et le soleil s'obscurcit non en ce sens qu'il serait anéanti, mais qu'il est vaincu par la splendeur de la croix. La croix a déchiré l'acte de notre condamnation, elle a brisé les chaînes de la mort. La croix est la manifestation de l'amour de Dieu: Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas (Jn 3,16).

La croix a ouvert le paradis, elle y a introduit le malfaiteur et elle a ramené au Royaume des cieux le genre humain voué à la mort, devenu indigne de la terre elle-même.

Puisque tous ces biens nous sont venus et nous viennent encore par la croix, comment le Sauveur aurait-il pu la refuser? Et s'il ne l'avait pas voulue, qui aurait pu l'y forcer? Pourquoi aurait-il envoyé des prophètes annoncer qu'il serait crucifié, si cela ne devait pas se faire, et qu'il ne l'eût pas voulu? Pour quel motif désignait-il la croix par le mot de "coupe", s'il ne voulait pas être crucifié? C'est ainsi qu'il montre combien il la désirait. De même que boire une coupe est doux aux assoiffés, de même pour lui être mis en croix. C'est pourquoi il a déclaré: J'ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous (Lc 22,15), quand il savait qu'il serait crucifié le lendemain.

Lui qui appelle ce sacrifice "sa gloire", qui réprimande le disciple qui veut l'en détourner, qui se fait reconnaître pour le Bon Pasteur à ce qu'il donne sa vie pour ses brebis, lui qui affirme désirer ardemment l'heure de sa Passion et qui s'y présente de son plein gré, comment demanderait-il qu'elle n'ait pas lieu?