Jean 1, 14

Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.

Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité.
Origène
Les paroles qui suivent: "Plein de grâce et de vérité", peuvent s'entendre de deux manières différentes, c'est-à-dire de l'humanité et de la divinité du Verbe incarné. Ainsi la plénitude de la grâce se rapporterait à l'humanité, par laquelle le Christ est le chef de l'Eglise et le premier né de toute créature. En effet, c'est en lui que s'est manifesté le plus grand et le plus merveilleux effet de la grâce, en vertu de laquelle l'homme est devenu dieu sans aucun mérite de sa part. La plénitude de la grâce en Jésus-Christ peut encore s'entendre de l'Esprit saint, dont les sept dons remplirent l'humanité du Sauveur. (Is 11) La plénitude de la vérité se rapporte à la divinité. Si vous aimez mieux appliquer au Nouveau Testament cette plénitude de grâce et de vérité, vous pourriez dire avec beaucoup de vraisemblance que la plénitude de la grâce du Nouveau Testament nous a été donnée par Jésus-Christ, et que la vérité des symboles figuratifs de la loi s'est accomplie en lui.
Saint Jean Chrysostome
Nous avons donc été faits enfants de Dieu et en vertu du mystère du Verbe fait chair; l'Évangéliste nous fait connaître un nouveau bienfait de l'incarnation: «Et nous avons vu sa gloire»; car jamais nous n'aurions pu la voir, si lui-même ne s'était manifesté à nous sous une forme semblable à la nôtre. En effet, si les Hébreux n'ont pu soutenir l'éclat du visage glorifié de Moïse, qu'il fallut couvrir d'un voile, comment, nous, dont l'origine et les instincts sont tout terrestres, pourrions-nous soutenir à découvert la vue de la Divinité, inaccessible même aux vertus supérieures des cieux.

Saint Jean ajoute: «Comme la gloire du Fils unique». C'est, qu'en effet, un grand nombre de prophètes ont été glorifiés, tels que Moïse, Elie, Elisée, et beaucoup d'autres qui ont opéré de grands miracles. Il en est de même des anges qui, en apparaissant aux hommes, ont fait briller à leurs yeux la gloire qui est propre à leur nature; c'est ainsi que les chérubins et les séraphins ont été vus par le prophète, environnés d'une gloire éclatante. L'Évangéliste nous élève bien au-dessus de cette gloire, au-dessus de toute nature et de toute gloire créée, et nous conduit jusqu'au faite de tous les biens. Or voici le sens de ses paroles: La gloire que nous avons vue n'est pas la gloire d'un prophète, d'un homme ordinaire, ni même d'un ange, d'un archange, ou de quelqu'une des puissances supérieures, mais c'est comme la gloire du dominateur lui-même, du roi, du Fils unique par nature.

Ceux qui ont vu un roi dans toute sa gloire et sa majesté, dans l'impuissance où ils sont de rendre comme ils le voudraient l'impression produite sur eux par tant d'éclat et de splendeur, s'expriment ordinairement de la sorte: Pourquoi vous en dirai-je davantage? C'était comme un roi. Saint Jean s'exprime de la même manière: «Nous avons vu sa gloire comme, celle du Fils unique du Père». Lorsque les anges apparaissaient, c'était toujours comme des serviteurs qui exécutent les ordres de leur maître; mais le Fils de Dieu, quoique sous une forme humaine, se révèle comme étant le Seigneur. D'ailleurs, les créatures le reconnaissent comme leur Maître; l'étoile, en appelant les mages à son berceau; les anges, en annonçant sa naissance aux bergers; l'enfant (Jean-Baptiste), en tressaillant dans le sein de sa mère. Le Père lui-même lui a rendu témoignage du haut des cieux, et le Paraclet en descendant sur lui lors de son baptême. Que dis-je, toute la nature a proclamé bien plus haut que la multitude qu'il était le roi des cieux. Il mettait les démons en fuite, il guérissait toutes les maladies, faisait sortir les morts de leurs tombeaux, retirait les âmes de l'abîme du mal pour les conduire au sommet des plus éminentes vertus. Qui pourrait dire la sagesse de ses préceptes, la force de ses lois divines et la belle harmonie de la vie toute angélique qu'il est venu établir parmi les hommes ?
Saint Augustin
Ou bien encore, ces paroles: «Le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous», nous apprennent que le Verbe a fait du mystère de sa naissance comme un collyre pour éclaircir les yeux de notre coeur, et nous permettre de voir sa Majesté à travers son humanité: «Et nous avons vu sa gloire». Personne ne pourrait voir sa gloire, s'il n'était guéri par l'humilité de son incarnation. L'oeil de l'homme était comme obscurci par la poussière soulevée de la terre, il avait les yeux malades, et Dieu lui met comme de la terre sur les yeux pour les guérir. La chair vous avait aveuglé, c'est la chair qui vous guérit. L'âme était devenue charnelle en donnant son consentement aux affections de la chair, et c'est ainsi que l'oeil du coeur avait été aveuglé. Le médecin vous a fait un collyre en venant revêtu d'une chair mortelle pour réprimer les vices de la chair, car le Verbe s'est fait chair, afin que vous puissiez dire: «Nous avons vu sa gloire».
Saint Grégoire le Grand
En effet, dans les saintes Écritures, les particules, de même, comme (sicut, quasi), n'indiquent pas toujours une simple ressemblance, mais quelquefois une parfaite identité, comme dans ces paroles: «Comme du Fils unique du Père».
Saint Théophylacte d'Ohrid
Ou encore, il est plein de grâce, à cause de la grâce de ses paroles, comme le prédit David: "La grâce est répandue sur vos lèvres" (Ps 44); il est plein de vérité, en comparaison de Moïse et des prophètes qui parlaient ou agissaient eu figure, tandis que toutes les paroles comme toutes les actions de Jésus-Christ étaient vérité.
Saint Thomas d'Aquin
165. L’Evangéliste vient de montrer la nécessité et l’avantage qui a résulté pour les hommes de la venue du Verbe dans la chair; il explique maintenant comment s’est réalisée cette venue : ET LE VERBE S’EST FAIT CHAIR, ET IL A HABITE PARMI NOUS.

C’est la suite des paroles précédentes : Il est venu chez Lui , et c’est comme si Jean affirmait : le Verbe de Dieu est venu chez Lui. Mais pour qu’on ne croie pas que cette venue implique un changement de lieu, l’Evangéliste montre comment Il est venu : en se faisant chair; en effet Il est venu de la manière dont Il a été envoyé par le Père, et Il a été envoyé par le Père en étant fait chair — Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme ce qui fait dire à Augustin : "Tel Il a été fait, tel Il a été envoyé".

Pour Jean Chrysostome , ces paroles se relient à celles-ci : A tous ceux qui L’ont reçu, Il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu. En effet, l’Evangéliste a dit : Il leur a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu ; et parce qu’on pourrait se demander d’où vient ce pouvoir, il répond en ajoutant avec raison que LE VERBE S’EST FAIT CHAIR; autrement dit, le fait même que le Verbe se soit fait chair nous a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu — Dieu a envoyé son Fils né d’une femme (...) pour faire de nous ses fils adoptifs.

Cependant, pour Augustin qui les rattache aux paroles précédentes nés de Dieu, ces mots sont comme un argument pour convaincre ceux qui trouveraient dur de croire que les hommes sont nés de Dieu; pour que l’on croie que c’est bien vrai, l’Evangéliste ajoute une autre assertion encore moins vraisemblable : LE VERBE S’EST FAIT CHAIR. Autrement dit : ne t’étonne pas si des hommes sont nés de Dieu, puisque le VERBE S’EST FAIT CHAIR, c’est-à-dire : Dieu s’est fait homme.

166. Remarquons que certains, comprenant mal cette affirmation LE VERBE S’EST FAIT CHAIR, en prirent prétexte à erreur.

En effet les uns affirmèrent que le Verbe s’était fait chair en ce sens qu’Il s’était changé en chair, Lui ou une partie de son être, tout comme de la farine devient du pain, ou de l’air se change en feu. Ce fut l’erreur d’Eutychès il se fit dans le Christ, disait-il, une combinaison des deux natures, et en Lui la nature de Dieu et celle de l’homme étaient la même. La fausseté de cette opinion est manifeste, car l’Evangéliste dit plus haut : le Verbe était Dieu . Or Dieu est immuable, comme Il le dit Lui-même : Moi je suis Dieu et je ne change point Il ne peut donc en aucune manière être changé en une autre nature. Aussi faut-il dire contre Eutychès LE VERBE S’EST FAIT CHAIR; cela signifie qu’Il a pris la chair, et non que le Verbe Lui-même soit la chair elle-même. C’est comme si nous disions : "L’homme s’est fait blanc"; cela ne signifie rait pas que l’homme soit la blancheur elle-même, mais qu’il a pris la blancheur.

167. D’autres, tout en croyant que le Verbe ne s’est pas changé en chair, mais qu’Il l’a prise, affirmèrent cependant qu’Il avait pris la chair sans âme; car, disaient-ils, s’Il avait pris une chair animée, l’Evangéliste aurait dit : "Le Verbe s’est fait chair animée". Telle fut l’erreur d’Arius il disait que dans le Christ il n’y avait pas d’âme, mais que le Verbe de Dieu en tenait lieu.

La fausseté de cette thèse apparaît dans son opposition à l’Ecriture Sainte qui, en plusieurs endroits, fait mention de l’âme du Christ, par exemple en Matthieu où le Seigneur dit : Mon âme est triste jusqu’à la mort ; de plus elle attribue au Christ des passions de l’âme qui ne peuvent en aucune façon se trouver dans le Verbe de Dieu, ni non plus dans la chair seule : Jésus commença à ressentir tristesse et angoisse De plus, Dieu ne peut être la forme d’un corps : même un ange ne peut être uni à un corps à la manière d’une forme puisque, par nature, il est séparé de tout corps, tandis que l’âme est unie au corps en qualité de forme. Le Verbe de Dieu ne peut donc être la forme d’un corps. D’ailleurs il est certain que la chair ne reçoit son caractère propre de chair que par l’âme; c’est évident car, une fois séparée du corps d’un homme ou d’un bœuf, la chair de l’homme ou du bœuf ne peut être appelée chair que d’une manière équivoque. Si donc le Verbe n’a pas pris une chair animée, il est clair qu’Il n’a pas pris chair. Or LE VERBE S’EST FAIT CHAIR, donc Il a pris une chair animée.

168. D’autres enfin, tenant compte de cet argument, affirmèrent que le Verbe a pris une chair avec une âme, certes, mais une âme seulement sensitive, et non spirituelle; car, pour eux, le Verbe tenait lieu de cette dernière dans le corps du Christ. Ce fut l’erreur d’Apollinaire qui, un certain temps, suivit Arius; mais à cause de l’autorité des textes sacrés cités plus haut, il fut contraint, à la fin, d’admettre dans le Christ une âme capable d’être sujette à ces passions; cependant cette âme, disait-il, fut privée de raison et d’intelligence car le Verbe, dans l’homme-Christ, en tenait lieu.

Cette opinion est manifestement fausse, comme opposée à l’autorité de l’Ecriture, car celle-ci affirme du Christ certaines choses qui ne peuvent se trouver ni dans la divinité, ni dans l’âme sensitive, ni dans la chair. [On y lit par exemple] Entendant les paroles pleines de foi d’un centurion de Capharnaüm, Jésus fut dans l’admiration . Or l’admiration, étant le désir de connaître la cause cachée d’un effet vu, est une passion de l’âme rationnelle et spirituelle. Ainsi, comme la tristesse oblige contre Arius à admettre dans le Christ la partie sensitive de l’âme, de même l’admiration oblige à admettre dans le Christ la partie spirituelle de l’âme.

Le raisonnement le prouve également. De même en effet qu’il n’y a pas de chair sans âme, de même il n’y a pas de vraie chair humaine sans l’âme humaine, qui est une âme spirituelle. Par conséquent, si le Verbe a pris une chair animée d’une âme seulement sensitive, et non rationnelle, Il n’a pas pris une chair humaine et on ne peut pas dire Dieu s’est fait homme.

En outre, si le Verbe a assumé la nature humaine, c’est pour la restaurer. Il a donc restauré ce qu’Il a assumé. Si donc Il n’avait pas assumé l’âme rationnelle, Il ne l’aurait pas restaurée; et dans ce cas, aucun fruit ne nous proviendrait de l’Incarnation du Verbe, ce qui est faux. Donc LE VERBE S’EST FAIT CHAIR, c’est-à-dire Il a pris une chair animée d’une âme rationnelle.

169. Mais peut-être dira-t-on si le Verbe a pris une chair ainsi animée, pourquoi l’Evangéliste ne fait-il pas mention de l’âme rationnelle, mais seulement de la chair, disant LE VERBE S’EST FAIT CHAIR?

Voici la réponse. L’Evangéliste a agi ainsi pour quatre raisons.

D’abord afin de prouver la vérité de l’Incarnation contre les Manichéens. Ceux-ci disaient que le Verbe n’a pas pris une vraie chair, mais seulement une chair imaginaire, car il ne convenait pas que le Verbe du Dieu bon prît un corps, le corps étant pour eux une créature du diable. Aussi, pour empêcher cette erreur, l’Evangéliste a fait spécialement mention de la chair; comme le Christ Lui-même, aux disciples qui Le prenaient pour un fantôme, montra la vérité de sa résurrection en disant : Un esprit n’a ni chair ni os comme vous voyez que j’en ai .

Ensuite l’Evangéliste a écrit : LE VERBE S’EST FAIT CHAIR pour faire connaître la grandeur de la bonté divine envers nous. Il est certain en effet que l’âme rationnelle est plus semblable à Dieu que la chair et certes, c’eût déjà été un grand mystère d’amour si le Verbe n’avait assumé qu’une âme humaine, qui Lui ressemble davantage; mais prendre une chair si éloignée de la simplicité de la nature divine fut le signe d’un bien plus grand amour encore, et même d’un amour inestimable, comme le dit l’Apôtre C’est sans contredit un grand mystère d’amour qui a été manifesté dans la chair Donc, pour montrer cette vérité, l’Evangéliste a fait mention seulement de la chair.

En troisième lieu Jean a voulu montrer la vérité et le caractère unique de cette union dans le Christ. Assurément Dieu s’unit à d’autres hommes saints, mais à leur âme seulement; c’est pourquoi il est écrit : D’âge en âge la Sagesse se répand dans les âmes saintes, elle en fait des amis de Dieu et des prophètes Mais que le Verbe de Dieu se soit uni à la chair, cela est propre au Christ, selon ce passage du Psaume : Pour moi, je suis seul, jusqu’à ce que je passe , et selon cette parole de Job : L’or ne peut lui être comparé C’est le caractère unique de cette union dans le Christ que veut montrer l’Evangéliste en faisant mention seulement de la chair lorsqu’il dit : LE VERBE S’EST FAIT CHAIR.

Enfin, l'Evangéliste parle de la chair seule pour montrer que l’homme a été restauré de la manière qui convenait le mieux. C’est en effet par la chair que l’homme était rendu infirme; aussi l’Evangéliste, voulant prouver combien la venue du Verbe convenait à notre restauration, a fait mention spécialement de la chair, pour montrer que la chair infirme a été restaurée par la chair du Verbe; et c’est ce que l’Apôtre dit Ce qui était impossible à la Loi, que la chair rendait impuissante, Dieu l’a fait : envoyant pour le péché son propre fils dans une chair semblable à celle du péché et pour le péché, Il a condamné le péché dans la chair .

170. On dira peut-être : si LE VERBE S’EST FAIT CHAIR parce qu’Il a pris chair, pourquoi l’Evangéliste n’a-t-il pas dit : "le Verbe a pris chair", au lieu de LE VERBE S’EST FAIT CHAIR? Je réponds qu’il s’est exprimé ainsi pour écarter l’erreur de Nestorius . Celui ci affirmait qu’il y avait deux personnes dans le Christ, et deux fils, et qu’en Lui, autre était le Fils de Dieu, autre le fils de la Vierge; c’est pourquoi il ne reconnais sait pas que la bienheureuse Vierge fût Mère du Fils de Dieu. Mais d’après cette opinion, ce qu’affirme l’Evangéliste en disant que Dieu s’est fait homme, serait faux, parce que, si deux réalités individuelles sont diverses par leur suppôt il est impossible d’attribuer l’une à l’autre. C’est pourquoi si, dans le Christ, autre est la personne (ou le suppôt) du Verbe et autre la personne (ou le suppôt) de l’homme, la parole de l'Evangéliste LE VERBE S’EST FAIT CHAIR ne sera pas exacte. En effet, c’est pour être que quelque chose se fait; si donc le Verbe n’était pas homme, on ne pourrait pas dire qu’Il s’est fait homme. C’est pourquoi l’Evangéliste a dit expressément du Verbe qu’Il S’EST FAIT et non qu’Il "a assumé" la chair, pour montrer qu’Il ne s’est pas uni à la chair de la même manière qu’Il a pris les Prophètes, qui n’étaient pas assumés dans l’unité de la personne mais seulement en vue de l’acte prophétique. Au contraire, l’union du Verbe à la chair est telle que Dieu, elle Le fait homme et l’homme, elle le fait Dieu; c’est-à-dire qu’elle est telle que Dieu soit homme.

171. Il y en eut d’autres qui, ne comprenant pas le mode de l’Incarnation, admirent que cette assomption se terminait vraiment à la personne, reconnaissant dans le Christ une unique personne à la fois divine et humai ne; et qui cependant disaient qu’il y avait en Lui deux hypostases, ou deux suppôts, l’un de la nature humaine, créé et temporel, l’autre de la nature divine, incréé et éternel. Telle est la première opinion qui est exposée dans les Sentences de Pierre Lombard .

Si l’on est attentif, il faut reconnaître que d’après cette opinion on ne peut pas maintenir que Dieu s’est fait homme et que l’homme s’est fait Dieu. Mais parce qu’on doit le maintenir, le cinquième concile oecuménique a condamné cette opinion comme hérétique en ces termes : "Si quelqu’un dit qu’il y a dans le Seigneur Jésus-Christ une seule personne et deux hypostases, qu’il soit anathème". Aussi l’Evangéliste, pour exclure toute assomption qui ne se terminerait pas à l’unité de la personne, emploie l’expression S’EST FAIT.

172. Mais si l’on cherche comment le Verbe est homme, on doit dire qu’Il est homme comme Socrate est homme, c’est-à-dire en ce sens qu’Il a la nature humaine. Le Verbe n’est pas la nature humaine elle-même; et le fait qu’Il ait été fait homme n’introduit pas de changement dans le Christ du côté du Verbe, mais du côté de la chair assumée à un moment donné du temps dans l’unité de la Personne. On dit en effet que le Verbe s’est fait chair à cause de l’union. Or l’union est une relation, et les relations attribuées nouvellement à Dieu par rapport aux créatures n’impliquent aucun changement du côté de Dieu, mais seulement du côté de la nature ayant avec Dieu un rapport nouveau.

173. On peut comprendre de deux manières en quoi ce que Jean dit ici diffère de ce qui précède. L’Evangéliste nous a d’abord parlé de l’Incarnation du Verbe : LE VERBE S’EST FAIT CHAIR; ici il fait connaître le mode de l’Incarnation : ET IL A HABITE PARMI NOUS. Selon Chrysostome et Hilaire , du fait que l’Evangéliste dit LE VERBE S’EST FAIT CHAIR, on pourrait comprendre que le Verbe s’est changé en chair et qu’il n’y a pas dans le Christ deux natures distinctes, mais une seule nature résultant du mélange des natures divine et humaine; c’est pourquoi l’Evangéliste, écartant cette interprétation, a ajouté ET IL A HABITE PARMI NOUS, c’est-à-dire dans notre nature, tout en demeurant cependant distinct dans la sienne : en effet, ce qui se change en un autre ne demeure pas distinct, et ce qui n’est pas distinct d’un autre n’habite pas en lui. Or le Verbe A HABITE dans notre nature, donc Il est distinct d’elle par sa propre nature. Et c’est pourquoi la nature humaine, en tant qu’elle fut distincte dans le Christ de la nature du Verbe, est dite demeure et temple du Dieu vivant : Mais Lui parlait du temple de son corps.

174. Bien que cela ait été dit par les saints nommés plus haut, il faut éviter de porter contre eux une accusation injuste. En effet, lorsque les anciens docteurs et les saints parlent contre une erreur redoutée, ils renchérissent de telle sorte, par des expressions imprécises, contre l’erreur qu’ils combattent, que d’autres en raison même de ces expressions tombent dans une autre erreur.

Par exemple, les expressions d’Augustin contre les Manichéens qui détruisaient le libre arbitre, expressions renforçant et exaltant la dignité du libre arbitre, ont été pour Pélage l’occasion de tomber dans l’erreur qu’il commet en soutenant que l’homme n’a plus besoin de la grâce de Dieu pour éviter le péché et accomplir des œuvres méritoires.

C’est ainsi que les saints, voulant éviter la confusion des natures dans le Christ, ont affirmé l’inhabitation pour la raison que l’on a dite. Mais cela fut pour Nestorius une occasion d’erreur. Il affirma en effet que le Fils de Dieu est uni à l’homme non de telle manière que de Dieu et de l’homme soit faite une seule personne, mais à cause de l’inhabitation du Fils de Dieu dans le Christ, qui, pour lui, se réalise par la grâce. Et ainsi le Fils de Dieu ne se serait pas FAIT homme.

175. Pour éclairer cela, il faut savoir que dans le Christ on peut considérer deux choses : la nature et la personne.

Il y a dans le Christ distinction de natures, mais non de personnes, parce que la nature humaine en Lui fut assumée dans l’unité de la personne. Donc, l’inhabitation dont parlent les saints docteurs doit être rapportée à la nature, et l’on doit dire : IL A HABITE PARMI NOUS en ce sens que la nature du Verbe a habité notre nature; mais non selon l’hypostase ou la personne, celle-ci dans le Christ étant la même pour les deux natures.

176. Quant au blasphème de Nestorius, il est clairement réfuté par l’autorité de l’Ecriture Sainte. En effet, l’Apôtre appelle "anéantissement" l’union de Dieu et de l’homme, en disant du Fils de Dieu : Lui qui était de condition divine, ne se prévalut pas d’être l’égal de Dieu, mais Il s’anéantit Lui-même, prenant la condition d’esclave . L’Apôtre ne dit pas que Dieu s’est "anéanti" en habitant la créature raisonnable par la grâce, car alors le Père et l’Esprit Saint se seraient "anéantis", puisqu’on dit qu’Ils habitent par la grâce dans la créature douée d’intelligence; en effet le Christ dit, en parlant de Lui et du Père : Nous viendrons en lui et nous ferons chez lui notre demeure et l’Apôtre dit de l’Esprit Saint : L’Esprit de Dieu habite en nous .

En outre, si le Christ n’était pas Dieu personnellement, Il eût été extrêmement présomptueux en disant : Moi et le Père nous sommes un et : Avant qu’Abraham fût, je suis . En effet moi et je indiquent la personne qui parle; or celui qui parlait était homme; il n’y a donc qu’une seule et même personne du Fils de Dieu et de l’homme, mais celui-là, un avec le Père, préexistait à Abraham.

177. On peut aussi considérer autrement les paroles ET IL A HABITE PARMI NOUS, par rapport à ce qui précède. Plus haut l’Evangéliste a parlé de l’Incarnation du Verbe; maintenant il exprime la façon de vivre du Verbe incarné : ET IL A HABITE PARMI NOUS, c’est-à-dire Il a vécu familièrement au milieu de nous, les Apôtres, ce à quoi Pierre fait allusion en parlant de tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu au milieu d’eux . Il a été vu sur la terre et Il a conversé avec les hommes .

178. L’Evangéliste a donc ajouté IL A HABITE PAR MI NOUS, d’abord pour montrer la conformité du Christ aux hommes dans la vie qu’Il a menée avec eux. On pourrait en effet croire que le Verbe s’était fait chair de telle sorte que le Christ aurait été différent des autres hommes par sa manière de vivre au milieu d’eux; c’est pourquoi l'Evangéliste dit ET IL A HABITE PARMI NOUS, c’est-à-dire, LE VERBE S’EST FAIT CHAIR de telle sorte qu’Il a vécu au milieu de nous comme un homme parmi les autres. Il s’est anéanti Lui-même, prenant la condition d’esclave et se faisant semblable aux hommes. Il a paru comme un simple homme .

De plus l’Evangéliste a écrit LE VERBE A HABITE PARMI NOUS pour montrer la véracité de son témoignage. En effet, plus haut, il avait révélé certaines des grandeurs du Verbe, et il allait encore en dire de nombreuses autres plus admirables. Pour rendre son témoignage digne de foi, il prit comme preuve de la vérité de ses paroles l’intimité dans laquelle il avait vécu avec le Christ, et écrivit : IL A HABITE PARMI NOUS. Comme s’il disait : Je suis bien placé pour Lui rendre témoignage, car j’ai vécu dans son intimité — Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont palpé du Verbe de vie — car la vie s’est manifestée, et nous l’avons vue (...) et nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui nous fut manifestée — ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi . Et Dieu a donné à son Fils de se manifester, non à tout le peuple, mais aux témoins choisis d’avance par Dieu, c’est-à-dire à nous qui avons mangé et bu avec lui après qu’il se fut levé d’entre les morts .

179. L’Evangéliste, qui vient de parler de l’Incarnation du Verbe, met maintenant en évidence la manifestation du Verbe incarné. Pour cela il en indique les modes, puis les explique cf. n° .

Le Verbe incarné se fit connaître aux Apôtres de deux manières : ils Le connurent en premier lieu par la vue, comme recevant du Verbe Lui-même la connaissance du Verbe, et en second lieu par l’ouïe, en recevant cette fois du témoignage de Jean la connaissance du Verbe. L’Evangéliste nous apprend donc d’abord ce que les Apôtres ont vu du Verbe (c’est l’objet de la présente leçon), puis ce qu’ils ont entendu de la bouche de Jean-Baptiste .

Au sujet du Verbe, Jean affirme trois choses : la manifestation de sa gloire : ET NOUS AVONS VU SA GLOIRE ; le caractère unique de cette gloire : GLOIRE QU’IL TIENT DE SON PERE COMME FILS UNIQUE ; la qualification de cette gloire : PLEIN DE GRÂCE ET DE VERITE .

180. Ces paroles peuvent être la suite naturelle de ce qui précède, de trois manières différentes. Elles peuvent être prises d’abord comme preuve de l’affirmation : LE VERBE S’EST FAIT CHAIR. C’est alors comme si Jean disait : Je sais avec certitude que le Verbe de Dieu s’est incarné, car moi et les autres Apôtres, NOUS AVONS VU SA GLOIRE.

En effet : Nous parlons de ce que nous savons, et nous attestons ce que nous avons vu , et : Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé (...), car la vie s’est manifestée; nous l’avons vue (...) et nous vous annonçons la vie éternelle (...), qui nous fut manifestée; ce que nous avons vu (...) nous vous l’annonçons .

181. Pour Chrysostome , Ies paroles NOUS AVONS VU SA GLOIRE se rattachent aux précédentes, Le Verbe s’est fait chair, pour exprimer que le bienfait est multiple. L’Evangéliste veut dire : L’Incarnation nous a conféré non seulement le bienfait de devenir fils de Dieu, mais encore celui de voir sa gloire. En effet, des yeux faibles et malades ne peuvent par eux-mêmes regarder la lumière du soleil, mais quand il brille dans un nuage ou un corps opaque, alors ils le peuvent. Or, avant l’Incarnation du Verbe, les esprits humains étaient incapables de regarder en elle-même la lumière QUI ILLUMINE TOUT HOMME. Afin donc qu’ils ne fussent pas privés de la joie de sa vision, la lumière elle-même, c’est-à-dire le Verbe de Dieu, a voulu revêtir la chair afin de pouvoir être vue de nous — Ils se tournèrent vers le désert, et ils virent la gloire du Seigneur dans une nuée , c’est-à-dire le Verbe de Dieu dans la chair.

182. Augustin rattache les paroles NOUS AVONS VU SA GLOIRE aux précédentes en les rapportant au bienfait de la grâce. En effet, non seulement à cause de la faiblesse naturelle, mais encore en raison de l’imperfection due au péché, l’œil de l’homme était incapable de contempler la lumière divine. Le feu, celui de la concupiscence, est tombé sur eux et ils n’ont pas vu le soleil, c’est-à-dire le Soleil de justice . Donc, pour que nous puissions voir la lumière divine, le Verbe a guéri les yeux des hommes en faisant de sa chair un collyre salutaire, de sorte que les yeux corrompus par la concupiscence de la chair puissent guérir par sa chair. Voilà pourquoi, aussitôt après avoir dit Le Verbe s’est fait chair, il ajoute ET NOUS AVONS VU SA GLOIRE, comme pour dire : aussitôt appliqué le collyre, nos yeux ont été guéris. C'est pour signifier cela que le Seigneur dit de la boue avec sa salive et la mit sur les yeux de l’aveugle né . La boue vient de la terre, mais la salive vient de la tête. Ainsi dans la personne du Christ, la nature humaine qu’Il a prise vient de la terre; mais le Verbe incarné vient de la tête, c’est-à-dire de Dieu le Père. Aussitôt que cette boue fut appliquée sur nos yeux, NOUS AVONS VU SA GLOIRE.

183. C’est cette gloire, c’est-à-dire la splendeur du Verbe, que Moïse désira voir quand il dit : Montre-moi ta gloire Mais il ne mérita pas de la voir; bien plus, le Seigneur ne lui a-t-Il pas dit : Tu me verras de dos , c’est-à-dire tu ne verras de moi que des ombres et des figures? Les Apôtres, au contraire, virent sa splendeur même — Nous tous qui, le visage découvert, réfléchis Sons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette même image, allant de splendeur en splendeur

Quant aux Prophètes, ils ont certes vu cette splendeur; cependant ils ne l’ont pas vue à visage découvert mais en figures et en énigmes; voilà pourquoi Jean dit : Isaïe a dit cela, parce qu’il a vu sa gloire . Les Apôtres, eux, la virent à visage découvert, c’est-à-dire sans figures : Bienheureux les yeux qui voient ce que vous voyez. Car je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez, vous, et ils ne l’ont pas vu; entendre ce que vous entendez, et ils ne l’ont pas entendu

184. L’Evangéliste montre ici le caractère unique de cette gloire. On sait en effet de certains hommes qu’ils rayonnèrent de gloire; ainsi l’Exode dit de Moïse : Son visage devint resplendissant , ou selon une autre version : Il jetait des rayons de lumière. Dès lors on pour rait raisonner ainsi : ce n’est pas parce que les Apôtres ont vu le Christ rayonner de gloire qu’on doit conclure que le Verbe s’est fait chair. Mais l’Evangéliste prévient ce raisonnement en disant : GLOIRE QU’IL TIENT DE SON PERE COMME FILS UNIQUE. Comme s’il disait : sa gloire n’est pas comme la gloire d’un ange, de Moïse, d’Elie, d’Elisée, elle est celle du Fils unique; car, dit l’Apôtre, Il a été digne d’une gloire supérieure à celle de Moïse , c’est-à-dire par-dessus tous les saints et les anges, parce que eux sont glorieux par participation, tandis que le Verbe est la gloire elle-même. Qui est semblable à Dieu parmi les fils de Dieu?

185. Selon Grégoire , lorsque l’Evangéliste emploie ici le mot comme, il ne l’emploie pas seulement pour indiquer que nous sommes appelés fils de Dieu en rai son d’une ressemblance avec la filiation divine, mais pour exprimer la vérité; tandis que pour Jean Chrysostome , c’est une manière de parler : si quelqu’un avait vu un roi s’avancer entouré d’une gloire aux aspects multiples et qu’un autre l’interrogeât pour savoir comment s’avançait le roi, le premier, pour aller au plus court et exprimer d’un mot cette gloire aux aspects multiples, dirait qu’il s’avançait comme un roi, c’est-à-dire comme il convenait à un roi. Ainsi fait l’Evangéliste : comme si on lui avait demandé quelle était la gloire du Verbe qu’il avait contemplée, Jean, incapable de l’exprimer parfaitement, dit : cette GLOIRE était celle QU’IL TIENT DE SON PERE COMME FILS UNIQUE, c’est-à-dire une gloire telle qu’elle convient au Fils unique de Dieu.

186. Le caractère unique de la gloire du Verbe s’est manifesté de quatre manières. D’abord dans le témoignage que le Père a rendu au Fils. Jean fut l’un des trois qui virent le Christ transfiguré sur la montagne et entendirent la voix du Père disant : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je me complais ; et de cette gloire il est dit : Il reçut de Dieu e Père honneur et gloire, quand la gloire venue de la splendeur magnifique lui dit : "Celui-ci est mon Fils bien-aimé"

Ensuite dans le service dont s’acquittent les anges à son égard. En effet, avant l’Incarnation du Verbe, les hommes étaient soumis aux anges; mais ensuite les anges, soumis au Christ, Le servirent — Des anges s’approchèrent du Christ et Le servaient .

Puis dans l’obéissance de la nature; parce que, créée par Lui, toute la nature obéissait au Christ et était à ses ordres — Tout a été fait par Lui ; or cela n’a été donné ni aux anges, ni à aucune autre créature, mais au seul Verbe incarné — Quel est celui-ci, disait-on, pour que la mer et les vents Lui obéissent?

Enfin dans la manière d’enseigner et d’agir du Christ. Ce n’est pas de leur propre autorité que Moïse et les autres prophètes donnaient des préceptes et instruisaient les hommes, mais avec l’autorité même de Dieu; aussi disaient-ils : Le Seigneur dit ceci... et : Le Seigneur parla à Moïse... Mais le Christ, Lui, parle en maître et comme ayant autorité, c’est-à-dire avec sa propre puissance; aussi s’exprime-t-Il ainsi : Moi je vous dis... Pour cette raison Matthieu remarque, à la fin du sermon sur la montagne, qu’Il enseignait les foules en homme qui a autorité, et non comme les scribes De même les autres saints opéraient des miracles, mais non par leur propre puissance; le Christ au contraire les accomplissait par sa propre puissance; c’est pour quoi on disait de Lui : Quel est ce nouvel enseignement? Il commande en maître aux esprits impurs et ils Lui obéissent . La gloire du Verbe est donc vraiment unique.

187. L’Ecriture, remarquons-le, appelle le Christ tantôt FILS UNIQUE, comme en ce verset , et plus loin : Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, Lui, L’a fait connaître tantôt au contraire "Premier-né" comme dans l’Epître aux Hébreux : De nouveau, lors qu’Il introduit le Premier-né dans le monde, Dieu dit : "Que tous les anges de Dieu l’adorent" En voici la raison : de même qu’il appartient en propre à toute la Sainte Trinité d’être Dieu, de même c’est le propre du Verbe d’être Dieu engendré. Or, tantôt nous nommons Dieu selon ce qu’Il est en Lui-même, et alors Lui seul, d’une manière unique, est Dieu par son essence; en ce sens, nous disons : il n’y a qu’un seul Dieu, selon ce que dit l'Ecriture : Ecoute Israël, le Seigneur ton Dieu est le seul Dieu tantôt nous attribuons aussi à d’autres, d’une manière dérivée, le nom de la divinité, par suite d’une certaine ressemblance de la divinité communiquée aux hommes. Cette similitude participée nous fait dire, en ce sens, qu’il y a beaucoup de "dieux" : De fait il y a quantité de dieux et quantité de seigneurs.

De la même manière, si nous considérons le caractère propre du Fils, qui est d’être engendré, si nous nous plaçons du point de vue du mode selon lequel cette filiation Lui est assignée, c’est-à-dire selon la nature, nous L’appelons le FILS UNIQUE de Dieu; puisque Lui seul est naturellement engendré par le Père, il n’y a qu’un seul Fils de Dieu. Mais si nous considérons ce Fils en tant qu’Il communique à d’autres, par une certaine ressemblance, la participation à sa filiation, il y a alors beaucoup de fils de Dieu par participation. Et puisque c’est grâce à cette ressemblance qu’on les appelle "fils de Dieu", on L’appelle le "Premier-né" de tous — Ceux qu’il a connus d’avance, Dieu les a prédestinés à reproduire l’image de son Fils, pour qu’il soit le Premier né d’une multitude frères . Le Christ est donc FILS UNIQUE de Dieu par nature; mais on L’appelle "Premier-né" en tant que, de sa filiation naturelle, la filiation est communiquée à beaucoup par une certaine ressemblance et participation.

188. En disant cela, l’Evangéliste précise ce qu’est la gloire du Verbe; comme s’il disait : sa gloire est telle qu’Il est PLEIN DE GRÂCE ET DE VERITE.

Cette affirmation peut se comprendre de trois façons.

D’abord du point de vue de l’union, ensuite de la perfection de son âme , enfin de sa dignité de chef . Du point de vue de l’union, car la grâce est donnée à l’homme pour que, par elle, il soit uni à Dieu. Est donc PLEIN DE GRÂCE celui qui est uni à Dieu de la manière la plus parfaite. Les autres sont unis à Dieu en participant à Lui par mode de similitude naturelle : c’est le cas de tous les hommes — Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance parmi eux certains Lui sont en outre unis par la foi — Que le Christ habite dans vos cœurs par la foi et par la charité, parce que celui qui demeure dans la charité, demeure en Dieu . Mais tous ces modes d’union demeurent partiels, car la participation à Dieu par mode de similitude naturelle unit à Dieu de manière imparfaite, et Dieu n’est ni vu par la foi tel qu’Il est, ni aimé par la charité autant qu’Il est aimable, puisque l’infini n’est aimé de la créature douée d’intelligence que d’une manière finie. C’est pourquoi l’union n’est pas plénière, tandis que dans le Christ elle est plénière, puisque la nature humaine est assumée par Dieu de telle sorte que l’homme soit Dieu Lui-même par l’unité de la personne. Il fut donc PLEIN DE GRÂCE, non par quelque don gratuit spécial reçu de Dieu, mais parce qu’Il était Dieu Lui-même. C’est pourquoi Dieu — c’est-à-dire le Père — Lui a donné — c’est-à-dire au Christ — le nom qui est au-dessus de tout nom Il était prédestiné à être Fils de Dieu avec puissance . Il fut encore PLEIN DE VERITE, parce que dans le Christ la nature humaine, par l’union, parvint à la vérité divine elle-même, c’est-à-dire que cet homme était la vérité divine elle-même. Dans les autres hommes, il y a de nombreuses vérités participées, selon que la vérité première brille en leurs esprits par de nombreuses similitudes; mais le Christ est la vérité elle-même; c’est pourquoi il est dit : En Lui sont cachés tous les trésors de la sagesse .

189. On peut encore interpréter les paroles : PLEIN DE GRACE ET DE VERITE de la perfection de l’âme du Christ, parce qu’Il a reçu sans mesure tous les dons de l’Esprit Saint : Dieu Lui a donné l’Esprit sans mesure alors qu’Il l’a donné avec mesure à toutes les créatures douées d’intelligence, aux anges comme aux hommes. En effet, selon Augustin, de même qu’en chaque membre du corps il y a un sens commun à tous, le sens du toucher, mais que dans la tête il y a tous les sens, de même dans le Christ, qui est la tête, toutes les grâces sont en surabondance, tandis que dans les autres saints il y a un unique don gratuit commun à tous, à savoir la charité, et des dons spéciaux différents chez les uns et les autres, parce que les grâces sont diverses ; mais le Christ a eu toute la grâce. C'est bien de la plénitude de la grâce du Christ qu’Isaïe parle en ces termes : Un rejeton sort de la souche de Jessé et une fleur pousse de sa racine; sur Lui reposera l’Esprit du Seigneur : Esprit de sagesse et d’intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de science et de piété; et l’Es prit de crainte du Seigneur le remplit .

Le Christ fut aussi PLEIN DE VERITE, parce que son âme précieuse connut toute vérité, posséda la science de toutes choses. C’est pourquoi Pierre lui dit : Seigneur, Tu sais tout ; Dieu Lui-même avait déclaré par le psalmiste : Ma vérité, c’est-à-dire la connaissance de toute vérité, et ma miséricorde c’est-à-dire la plénitude de toutes les grâces, seront avec Lui .

190. On peut enfin expliquer les paroles PLEIN DE GRÂCE ET DE VERITE en les rapportant à la dignité capitale du Christ, car Il est la tête de l’Eglise et de ce point de vue il Lui appartient de répandre la grâce dans les autres, grâce qu’Il a répandue sur nous par ses gestes et son enseignement, selon ce qui est dit dans les Actes : Jésus commença à agir et à enseigner . Il est donc dit PLEIN DE GRÂCE en tant qu’Il a réalisé la grâce en justifiant. En effet la loi ancienne était impuissante à justifier, mais le Christ, Lui, a justifié : Ce que ne pouvait la Loi, que la chair rendait impuissante, Dieu l’a fait : en envoyant en vue du péché son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché, Il a condamné le péché dans la chair, afin que la justice exigée par la Loi s’accomplît en nous .

De même le Christ réalisa la vérité, en ce sens qu’Il accomplit les figures de l’Ancienne Loi et les promesses faites aux Pères — J’affirme que le Christ Jésus s’est fait ministre de la circoncision pour montrer la véracité de Dieu en accomplissant les promesses faites à nos Pères ; et : Toutes les promesses de Dieu ont leur oui en Lui .

Jean Le dit encore PLEIN DE GRÂCE parce qu’Il l’a répandue en nous par les paroles pleines de grâce de son enseignement. La grâce est répandue sur tes lèvres . Ps 44, 3. Voilà pourquoi Luc dit que dès l’aurore tous venaient à Lui . Luc 21, 38, c’est-à-dire que dès le matin ils cherchaient à se rendre auprès de Lui. Et PLEIN DE VERITE, car Il n’enseignait pas en énigmes et en figures, mais en vérité et ouvertement, sans aucune ruse. Voilà que maintenant Tu parles ouvertement, sans user de paraboles . Jean 16, 29.
Louis-Claude Fillion
Voici le faîte de l’histoire du monde et des divines bontés. - Et le Verbe s’est fait chair. Le Verbe fait chair ! « Saint Jean ne recule pas devant le réalisme de cette expression ». Baunard, L'apôtre s. Jean, p. 392. Il aurait pu dire « il s’est fait homme », comme nous faisons dans le Symbole ; mais il a choisi à dessein le mot le plus énergique et le plus humble, afin de mieux marquer les profonds anéantissements de N.-S. Jésus-Christ. Cf. Phil. 2, 6 et s. Il aurait pu dire aussi : « Le Fils de Dieu s’est fait chair » ; mais, pour un motif semblable au précédent, il a voulu employer de nouveau le nom de Logos, qui nous rappelle les inexprimables grandeurs marquées aux versets 1- 5. Enfin il aurait pu dire : « Le Verbe s’est uni à la chair » ; mais ici encore il a pris l’expression de l’humilité. « Dans tout le reste, (le Verbe) était, et voici qu’il commence à être fait » (Bossuet), à devenir, comme ses propres créatures. Cf. versets 3, 6 12. C’est une phrase unique au monde, et digne du mystère qu’elle représente. 1 Joan. 4, 2, et 2 Joan. 7, nous trouvons la locution analogue « venir dans la chair », également appliquée au Fils de Dieu ; mais elle est loin d’avoir la même vigueur. Du reste, par ce langage expressif, l’apôtre donnait le coup de mort au docétisme, qui niait en Jésus-Christ la réalité de l’Incarnation. Quant aux détails de ces deux sublimes mystères, saint Luc les a plus longuement exposés dans un récit tout virginal, I, 28-38. - Et il a habité parmi nous Le verbe grec (littéralement : il a habité sous la tente) est plus pittoresque. Il rappelle, d’une part, le tabernacle mobile, sous lequel le Seigneur avait daigné habiter au milieu des Juifs durant de longues années, et d’autre part, le caractère transitoire du séjour que le Logos devait faire dans le monde sous la forme humaine. Cf. 16, 28. Saint Jean est seul à l’employer. Cf. Apoc. 7, 15 ; 12, 12 ; 13, 6 , 21, 3. - Et nous avons vu ; en grec : nous avons contemplé, vu à notre aise. Dans sa première épître, qui sert, ainsi qu’on l’admet généralement, d’introduction à son évangile, saint Jean développe lui-même admirablement cette pensée : « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. Oui, la vie s’est manifestée, nous l’avons vue, et nous rendons témoignage : nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père et qui s’est manifestée à nous. Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi, pour que, vous aussi, vous soyez en communion avec nous. » (1 Joan, 1, 1-3). Il y a là un véritable accent de triomphe. L’apôtre se souvient avec émotion du bonheur qu’il a eu de contempler personnellement, avec les autres apôtres et disciples, les merveilles du Verbe fait chair. - Sa gloire. Quoique le Logos, en devenant comme l’un de nous, se fût dépouillé de ses attributs divins, néanmoins des faits nombreux, durant sa vie mortelle, attestèrent son origine et sa nature célestes. Les miracles qu’il multipliait sous ses pas, et spécialement celui de la Transfiguration (Cf. Luc. 9, 32 ; 1 Petr. 1, 17), furent de brillants rayons de sa gloire. - Gloire, répétition solennelle en vue de compléter la pensée. - Comme du Fils unique venu du Père. Saint Jean ne fait usage de l’expression « unique » que pour désigner N.-S. Jésus-Christ. Ici elle différencie le Verbe incarné des nombreux enfants de Dieu signalés plus haut, verset 12. Lui, il possède la filiation divine dans un sens propre et unique. « Comme » dénote çà et là dans les saints Livres, et spécialement dans ce passage, une ressemblance exacte et réelle, une complète identité. Ce n’est pas une comparaison, c’est une assertion. Cf. Matth. 7, 25 ; Luc. 22, 44 etc. La gloire qui se manifestait dans la personne, et les œuvres et les paroles du Verbe incarné était de telle nature, qu’elle ne pouvait appartenir qu’au Fils de Dieu. La traduction littérale serait donc : Comme d’un fils unique (venant) d’auprès d’un père . Mais le contexte indique nettement quel est ce fils, quel est ce père. - Deux idées nous ont été déjà présentées dans ce riche verset : le fait de l’Incarnation, et le témoignage du narrateur en l’honneur de « l’Homme-Dieu ». Un troisième trait révèle brièvement le caractère de l’Homme-Dieu : plein de grâce et de vérité. La construction, un peu singulière, rend encore la pensée plus saillante. Saint Jean s’était un instant interrompu pour chanter en l’honneur du Verbe un court mais sublime cantique ; il achève maintenant sa phrase, en rattachant « plein » à « Verbe ». Deux attributs essentiels, la grâce et la vérité, ont révélé en Jésus-Christ le Fils unique du Père. Rien ne pouvait être plus clair pour un Juif ; car l’Ancien testament associe très souvent ces deux attributs et les signale comme un apanage exclusif du vrai Dieu. Cf. Gen. 24, 27, 49 ; 32, 10 ; Ex. 34, 6 ; Ps. 86, 15 ; 89, 1- 2, etc. Plein de grâce en tant qu’il est la vie, le Verbe est plein de vérité en tant qu’il est la lumière par excellence.
Fulcran Vigouroux
Le Verbe a été fait chair, non que sa substance se soit changée en chair mais parce que le Verbe, en demeurant ce qu’il était, a pris la forme de serviteur (saint Chrysostome).
Concile œcuménique
La Parole de Dieu, qui est une force divine pour le salut de tout croyant (cf. Rm 1, 16), se présente dans les écrits du Nouveau Testament et sa puissance s’y manifeste de façon singulière. Dès que fut venue, en effet, la plénitude des temps (cf. Ga 4, 4), le Verbe de Dieu s’est fait chair, et il a habité parmi nous, plein de grâce et de vérité (cf. Jn 1, 14). Le Christ a instauré le règne de Dieu sur terre ; par ses gestes et ses paroles, il a révélé et son Père et lui-même ; par sa mort, sa résurrection, son ascension glorieuse et par l’envoi de l’Esprit Saint, il a parachevé son œuvre. Élevé de terre, il attire à lui tous les hommes (cf. Jn 12, 32 grec), lui qui seul possède les paroles de la vie éternelle (cf. Jn 6, 68). Mais ce mystère n’a pas été dévoilé aux autres générations comme il l’a été désormais dans l’Esprit Saint à ses saints Apôtres et prophètes (cf. Ep 3, 4-6 grec), afin qu’ils proclament l’Évangile, qu’ils suscitent la foi en Jésus, Christ et Seigneur, et qu’ils rassemblent son Église. De ces réalités, les écrits du Nouveau Testament présentent un témoignage permanent et divin.

Car le Christ Jésus a été envoyé dans le monde comme le véritable médiateur entre Dieu et les hommes. Puisqu’il est Dieu, « toute la plénitude de la divinité habite en lui corporellement » (Col 2, 9) ; dans sa nature humaine, il est le nouvel Adam, il est constitué Tête de l’humanité renouvelée, il est rempli de grâce et de vérité (Jn 1, 14). Aussi par les voies d’une incarnation véritable, le Fils de Dieu est-il venu pour faire participer les hommes à la nature divine ; il s’est fait pauvre alors qu’il était riche afin de nous enrichir par sa pauvreté (2 Co 8, 9). Le Fils de l’Homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir lui-même et donner sa vie en rançon pour beaucoup, c’est-à-dire pour tous (cf. Mc 10, 45). Les saints Pères proclament sans cesse que n’est pas guéri ce qui n’a pas été assumé par le Christ. Mais il a assumé la nature humaine dans toute sa réalité, telle qu’on la trouve chez nous, malheureux et pauvres, mais elle est chez lui sans péché (cf. He 4, 15 ; 9, 28). Parlant de lui-même, le Christ, que le Père a consacré et envoyé dans le monde (cf. Jn 10, 36), a dit ces paroles : « L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par son onction ; il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue » (Lc 4, 18) ; et encore : « Le Fils de l’Homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu » (Lc 19, 10).
Catéchisme de l'Église catholique
C’est après sa Résurrection que sa filiation divine apparaît dans la puissance de son humanité glorifiée : " Selon l’Esprit qui sanctifie, par sa Résurrection d’entre les morts, il a été établi comme Fils de Dieu dans sa puissance " (Rm 1, 4 ; cf. Ac 13, 33). Les apôtres pourront confesser : " Nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité " (Jn 1, 14).

En Jésus-Christ, la vérité de Dieu s’est manifestée tout entière. " Plein de grâce et de vérité " (Jn 1, 14), il est la " lumière du monde " (Jn 8, 12), il est la Vérité (cf. Jn 14, 6). " Quiconque croit en lui, ne demeure pas dans les ténèbres " (Jn 12, 46). Le disciple de Jésus, " demeure dans sa parole " afin de connaître " la vérité qui rend libre " (Jn 8, 32) et qui sanctifie (cf. Jn 17, 17). Suivre Jésus, c’est vivre de " l’Esprit de vérité " (Jn 14, 17) que le Père envoie en son nom (cf. Jn 14, 26) et qui conduit " à la vérité tout entière " (Jn 14, 17 ; 16, 13). A ses disciples Jésus enseigne l’amour inconditionnel de la vérité : " Que votre langage soit : ‘Oui ? oui’, ‘Non ? non’ " (Mt 5, 37).

Le nom de Fils de Dieu signifie la relation unique et éternelle de Jésus-Christ à Dieu son Père : Il est le Fils unique du Père (cf. Jn 1, 14. 18 ; 3, 16. 18) et Dieu lui-même (cf. Jn 1, 1). Croire que Jésus-Christ est le Fils de Dieu est nécessaire pour être chrétien (cf. Ac 8, 37 ; 1 Jn 2, 23).

Défiguré par le péché et par la mort, l’homme demeure " à l’image de Dieu ", à l’image du Fils, mais il est " privé de la Gloire de Dieu " (Rm 3, 23), privé de la " ressemblance ". La promesse faite à Abraham inaugure l’économie du salut au terme de laquelle le Fils lui-même assumera " l’image " (cf. Jn 1, 14 ; Ph 2, 7) et la restaurera dans " la ressemblance " avec le Père en lui redonnant la Gloire, l’Esprit " qui donne la Vie ".
Pape Saint Jean-Paul II
Le Concile Vatican I enseigne donc que la vérité atteinte par la voie de la réflexion philosophique et la vérité de la Révélation ne se confondent pas, et que l'une ne rend pas l'autre superflue: « Il existe deux ordres de connaissance, distincts non seulement par leur principe mais aussi par leur objet. Par leur principe, puisque dans l'un c'est par la raison naturelle et dans l'autre par la foi divine que nous connaissons. Par leur objet, parce que, outre les vérités que la raison naturelle peut atteindre, nous sont proposés à croire les mystères cachés en Dieu, qui ne peuvent être connus s'ils ne sont divinement révélés ». La foi, qui est fondée sur le témoignage de Dieu et bénéficie de l'aide surnaturelle de la grâce, est effectivement d'un ordre différent de celui de la connaissance philosophique. Celle-ci, en effet, s'appuie sur la perception des sens, sur l'expérience, et elle se développe à la lumière de la seule intelligence. La philosophie et les sciences évoluent dans l'ordre de la raison naturelle, tandis que la foi, éclairée et guidée par l'Esprit, reconnaît dans le message du salut la « plénitude de grâce et de vérité » (cf. Jn 1, 14) que Dieu a voulu révéler dans l'histoire et de manière définitive par son Fils Jésus Christ (cf. 1 Jn 5, 9; Jn 5, 31-32).

3. En vertu du mystère du Verbe de Dieu qui s'est fait chair (cf. Jn 1, 14), tout homme est confié à la sollicitude maternelle de l'Eglise. Aussi toute menace contre la dignité de l'homme et contre sa vie ne peut-elle que toucher le cœur même de l'Eglise; elle ne peut que l'atteindre au centre de sa foi en l'Incarnation rédemptrice du Fils de Dieu et dans sa mission d'annoncer l'Evangile de la vie dans le monde entier et à toute créature (cf. Mc 16, 15).

La lumière de la face de Dieu brille de tout son éclat sur le visage de Jésus Christ, « image du Dieu invisible » (Col 1, 15), « resplendissement de sa gloire » (He 1, 3), « plein de grâce et de vérité » (Jn 1, 14) : il est « le chemin, la vérité et la vie » (Jn 14, 6). De ce fait, la réponse décisive à toute interrogation de l'homme, en particulier à ses interrogations religieuses et morales, est donnée par Jésus Christ ; bien plus, c'est Jésus Christ lui-même, comme le rappelle le deuxième Concile du Vatican : « En réalité, le mystère de l'homme ne s'éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. Adam, en effet, le premier homme, était la figure de Celui qui devait venir, le Christ Seigneur. Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation »

Cette plénitude détermine le moment fixé de toute éternité où le Père envoya son Fils «afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3, 16). Elle désigne l'heureux moment où «le Verbe qui était avec Dieu, ... s'est fait chair et a habité parmi nous» (Jn 1, 1. 14), se faisant notre frère. Elle marque le moment où l'Esprit, qui avait déjà répandu en Marie de Nazareth la plénitude de la grâce, forma en son sein virginal la nature humaine du Christ. Elle indique le moment où, par l'entrée de l'éternité dans le temps, le temps lui-même est sauvé et, pénétré par le mystère du Christ, devient définitivement le «temps du salut». Enfin, elle désigne le début secret du cheminement de l'Eglise. Dans la liturgie, en effet, l'Eglise acclame Marie de Nazareth comme son commencement 3 parce que, dans l'événement de la conception immaculée, elle voit s'appliquer, par anticipation dans le plus noble de ses membres, la grâce salvifique de la Pâque, et surtout parce que dans l'événement de l'Incarnation elle trouve le Christ et Marie indissolublement associés: celui qui est son Seigneur et sa Tête et celle qui, en prononçant le premier fiat de la Nouvelle Alliance, préfigure sa condition d'épouse et de mère.

Par ces paroles, se trouve mis en lumière au milieu de la foule, au moins un instant, l'évangile de l'enfance de Jésus. C'est l'évangile où Marie est présente comme la mère qui conçoit Jésus dans son sein, le met au monde et l'allaite maternellement: la mère et nourrice à laquelle fait allusion cette femme au milieu du peuple. Grâce à cette maternité, Jésus -le Fils du Très-Haut (cf. Lc 1, 32)- est un véritable fils de l'homme. Il est «chair» comme tout homme: il est «le Verbe [qui] s'est fait chair» (cf. Jn 1, 14). Il est chair et sang de Marie.
Pape Benoît XVI
Par une hymne du VIIe -IXe siècle, donc depuis plus de mille ans, l'Église salue Marie, Mère de Dieu, comme « étoile de la mer »: Ave maris stella. La vie humaine est un chemin. Vers quelle fin? Comment en trouvons-nous la route? La vie est comme un voyage sur la mer de l'histoire, souvent obscur et dans l'orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières d'espérance. Certes, Jésus Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l'histoire. Mais pour arriver jusqu'à Lui nous avons besoin aussi de lumières proches – de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée. Et quelle personne pourrait plus que Marie être pour nous l'étoile de l'espérance – elle qui par son « oui » ouvrit à Dieu lui-même la porte de notre monde; elle qui devint la vivante Arche de l'Alliance, dans laquelle Dieu se fit chair, devint l'un de nous, planta sa tente au milieu de nous (cf. Jn 1, 14)? C'est ainsi que nous nous adressons à elle:
Pape Francois
Pour la compréhension chrétienne de la réalité, le destin de toute la création passe par le mystère du Christ, qui est présent depuis l’origine de toutes choses : « Tout est créé par lui et pour lui » (Col 1, 16). Le Prologue de l’Évangile de Jean (1, 1-18) montre l’activité créatrice du Christ comme Parole divine (Logos). Mais ce prologue surprend en affirmant que cette Parole « s’est faite chair » (Jn 1, 14). Une Personne de la Trinité s’est insérée dans le cosmos créé, en y liant son sort jusqu’à la croix. Dès le commencement du monde, mais de manière particulière depuis l’Incarnation, le mystère du Christ opère secrètement dans l’ensemble de la réalité naturelle, sans pour autant en affecter l’autonomie.

Comment arrive-t-on à cette synthèse entre l’écoute et la vision ? Cela devient possible à partir de la personne concrète de Jésus, que l’on voit et que l’on écoute. Il est la Parole faite chair, dont nous avons contemplé la gloire (cf. Jn 1, 14). La lumière de la foi est celle d’un Visage sur lequel on voit le Père. En effet, la vérité qu’accueille la foi est, dans le quatrième Évangile, la manifestation du Père dans le Fils, dans sa chair et dans ses œuvres terrestres, vérité qu’on peut définir comme la « vie lumineuse » de Jésus. Cela signifie que la connaissance de la foi ne nous invite pas à regarder une vérité purement intérieure. La vérité à laquelle la foi nous ouvre est une vérité centrée sur la rencontre avec le Christ, sur la contemplation de sa vie, sur la perception de sa présence. En ce sens, saint Thomas d’Aquin parle de l’oculata fides des Apôtres — une foi qui voit ! — face à la vision corporelle du Ressuscité. Ils ont vu Jésus ressuscité avec leurs yeux et ils ont cru, c’est-à-dire ils ont pu pénétrer dans la profondeur de ce qu’ils voyaient pour confesser le Fils de Dieu, assis à la droite du Père.