Jean 1, 42
André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kèphas » – ce qui veut dire : Pierre.
André amena son frère à Jésus. Jésus posa son regard sur lui et dit : « Tu es Simon, fils de Jean ; tu t’appelleras Kèphas » – ce qui veut dire : Pierre.
André, le plus illustre des Apôtres, est touché par les paroles du Baptiste. Quittant son maître, il court vers celui qu'il lui désigne: ses paroles lui sont parvenues comme un signal, et il gagne même de vitesse la langue de Jean. Signe évident de son amour, il accourt vers le Seigneur, emmenant avec lui l'évangéliste Jean. Laissant là le flambeau, tous deux s'élancent vers le soleil.
André a été la première plantation du Seigneur. C'est lui qui ouvrit la porte à l'enseignement du Christ. Le premier, il récolta les fruits de la terre cultivée par les prophètes. Le premier, il embrassa celui que tous attendaient, devançant ainsi l'espérance de tous. Le premier, il montra que les commandements de la Loi étaient arrivés à leur terme.
Le premier, il mit un frein à la langue de Moïse, et il ne la laissa plus parler après la venue du Christ. On ne l'en blâma pas, et il ne jeta pas le blâme sur celui qui avait été le guide des Juifs, mais, avant l'envoyé, il honora celui qui l'avait envoyé. Qui plus est, il se montra le premier à honorer Moïse, en étant le premier à reconnaître celui que Moïse avait annoncé: Le Seigneur notre Dieu vous suscitera d'entre vos frères un prophète tel que moi: écoutez-le (Dt 18,15). André, pour obéir à la Loi, l'a rejetée. Il a entendu la parole de Moïse: Ecoutez-le.
Ayant entendu Jean proclamer: Voici l'Agneau de Dieu (Jn 1,37), il va spontanément vers celui qu'il lui désigne. L'ayant trouvé, et ayant reconnu en lui le prophète annoncé, il lui amène son frère. A Pierre, qui ne le connaît pas encore, il révèle le trésor: "Nous avons trouvé le Messie (Jn 1,41), celui dont nous désirions la venue. <> Oh! Nous qui avons veillé durant tant de nuits près des eaux du Jourdain, nous venons de trouver celui que nous désirions."
Dès qu'André a fini de parler, Pierre, son frère, qui l'a écouté attentivement, part en toute hâte, plein d'enthousiasme. En amenant Pierre au Seigneur, André fait de son frère un disciple comme lui. C'est la première bonne chose à mettre à son actif: il a augmenté le nombre des Apôtres, il a présenté Pierre au Christ, si bien que Jésus trouvera en lui le guide de ses disciples.
C'est donc André qui aura semé en Pierre tout le bien qui, par la suite, sera porté au crédit de celui-ci. La louange adressée à l'un rejaillit également sur l'autre, car les vertus de l'un appartiennent aussi à l'autre, et chacun se glorifie des mérites de l'autre.
Vraiment, quelle joie Pierre ne procurera-t-il pas à tous les disciples quand il rompit leur silence embarrassé en répondant sans retard à la question du Seigneur! <> Pierre seul prononça ces paroles: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16)! Il parlait au nom de tous, comme s'il était la langue de ceux dont Jésus attendait une réponse, ou comme si eux tous s'exprimaient par lui. En une seule phrase, il proclama le Sauveur et son plan de salut.
Oh! Que cette proclamation s'accorde bien avec celle d'André! Pour approuver les paroles qu'André avait dites à Pierre lorsqu'il l'avait conduit au Christ, le Père céleste les a aussi inspirées à Pierre.
André a été la première plantation du Seigneur. C'est lui qui ouvrit la porte à l'enseignement du Christ. Le premier, il récolta les fruits de la terre cultivée par les prophètes. Le premier, il embrassa celui que tous attendaient, devançant ainsi l'espérance de tous. Le premier, il montra que les commandements de la Loi étaient arrivés à leur terme.
Le premier, il mit un frein à la langue de Moïse, et il ne la laissa plus parler après la venue du Christ. On ne l'en blâma pas, et il ne jeta pas le blâme sur celui qui avait été le guide des Juifs, mais, avant l'envoyé, il honora celui qui l'avait envoyé. Qui plus est, il se montra le premier à honorer Moïse, en étant le premier à reconnaître celui que Moïse avait annoncé: Le Seigneur notre Dieu vous suscitera d'entre vos frères un prophète tel que moi: écoutez-le (Dt 18,15). André, pour obéir à la Loi, l'a rejetée. Il a entendu la parole de Moïse: Ecoutez-le.
Ayant entendu Jean proclamer: Voici l'Agneau de Dieu (Jn 1,37), il va spontanément vers celui qu'il lui désigne. L'ayant trouvé, et ayant reconnu en lui le prophète annoncé, il lui amène son frère. A Pierre, qui ne le connaît pas encore, il révèle le trésor: "Nous avons trouvé le Messie (Jn 1,41), celui dont nous désirions la venue. <> Oh! Nous qui avons veillé durant tant de nuits près des eaux du Jourdain, nous venons de trouver celui que nous désirions."
Dès qu'André a fini de parler, Pierre, son frère, qui l'a écouté attentivement, part en toute hâte, plein d'enthousiasme. En amenant Pierre au Seigneur, André fait de son frère un disciple comme lui. C'est la première bonne chose à mettre à son actif: il a augmenté le nombre des Apôtres, il a présenté Pierre au Christ, si bien que Jésus trouvera en lui le guide de ses disciples.
C'est donc André qui aura semé en Pierre tout le bien qui, par la suite, sera porté au crédit de celui-ci. La louange adressée à l'un rejaillit également sur l'autre, car les vertus de l'un appartiennent aussi à l'autre, et chacun se glorifie des mérites de l'autre.
Vraiment, quelle joie Pierre ne procurera-t-il pas à tous les disciples quand il rompit leur silence embarrassé en répondant sans retard à la question du Seigneur! <> Pierre seul prononça ces paroles: Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant (Mt 16,16)! Il parlait au nom de tous, comme s'il était la langue de ceux dont Jésus attendait une réponse, ou comme si eux tous s'exprimaient par lui. En une seule phrase, il proclama le Sauveur et son plan de salut.
Oh! Que cette proclamation s'accorde bien avec celle d'André! Pour approuver les paroles qu'André avait dites à Pierre lorsqu'il l'avait conduit au Christ, le Père céleste les a aussi inspirées à Pierre.
280. Plus haut - l’Evangéliste a rap porté le témoignage du Baptiste devant les foules; main tenant il parle de son témoignage devant ses disciples. II commence par exposer le témoignage puis il en montre le fruit .
L’Evangéliste décrit d’abord le témoin, puis mon tre le mode du témoignage et enfin expose le témoignage lui-même .
281. L’Evangéliste décrit ici le témoin. En disant : IL SE TENAIT LA, il souligne trois caractères de Jean. En premier lieu sa manière d’enseigner, qui fut différente de celle du Christ et de ses disciples. Le Christ en effet enseignait en parcourant le pays; aussi Matthieu dit-il : Il parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues . De même les Apôtres enseignaient en parcourant le monde entier, conformément à l’ordre du Seigneur : Allez dans le monde entier, prêchez l’Evangile à toute créature Jean, lui, enseignait en demeurant là — ce que l’Evangéliste souligne en disant que JEAN SE TENAIT LA, dans un seul lieu, au-delà du Jourdain —, et il prêchait le Christ à tous ceux qui venaient à lui. Si le Christ et ses disciples enseignaient en se déplaçant sans cesse, c’est que la prédication du Christ était accréditée par des miracles; ils parcouraient donc divers lieux pour manifester les miracles et la puissance du Christ. La prédication de Jean, elle, ne fut confirmée par aucun miracle — Jean ne fit aucun miracle , comme il sera dit plus loin —, mais elle fut confirmée par le mérite et la sainteté de sa vie. Aussi se tenait-il dans un seul lieu pour que toutes sortes de gens vinssent le trouver et qu’ils fussent conduits au Christ par sa sainteté. Ajoutons que si Jean, sans faire de miracles, avait couru de tous côtés pour annoncer le Christ, il eût rendu son témoignage plus difficile à croire, car il eût semblé agir de manière inopportune et comme de sa propre initiative.
En second lieu, l’expression JEAN SE TENAIT sou ligne sa fermeté dans la vérité; car Jean ne fut pas un roseau agité par le vent , mais il fut ferme dans la foi, selon ces paroles : Que celui qui se flatte d’être debout prenne garde de tomber et celles-ci : Je me tiendrai à mon poste de garde .
En troisième lieu, remarquons que, d’une manière figurée, SE TENIR LA implique aussi le sens de s’arrêter et, par le fait même, de disparaître. Ainsi, on lit au Livre des Rois : L’huile s’arrêta , c’est-à-dire cessa de couler. Donc, Jean SE TENAIT LA quand vint le Christ parce que, quand vint la vérité, la figure disparut. Jean SE TIENT LA, c’est-à-dire disparaît, la Loi passe. FIXANT SON REGARD SUR JESUS QUI PASSAIT...
282. En rapportant le mode du témoignage — il se réalise par la vue —, l’Evangéliste en montre la certitude. A ce sujet, il faut savoir que tous les prophètes ont rendu témoignage au Christ, comme le dit saint Pierre : Tous les prophètes rendent de Lui ce témoignage que tout homme qui croit en Lui reçoit par son nom la rémission de ses péchés . Et de même les Apôtres parcourant le monde : Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre . Cependant leur témoignage ne s’appuie pas sur la vue du Christ et il ne se réalise pas en sa présence, mais en son absence. En effet les prophètes ont témoigné de Lui comme de Celui qui devait venir, et les Apôtres comme de Celui qui était déjà venu. Jean, lui, rend témoignage au Christ qui lui est présent et que lui-même voit. C’est pourquoi l’Evangéliste dit : FIXANT SON REGARD SUR JESUS, avec les yeux du corps et ceux de l’esprit, selon la parole du Psaume : Regarde la face de ton Christ; et celle d’Isaïe : Ils verront le Seigneur les yeux dans les yeux
L’Evangéliste ajoute que Jésus PASSAIT, pour signifier le mystère de l’Incarnation, par lequel le Verbe de Dieu assuma une nature sujette au changement, comme Il le dit Lui-même : Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde
283. C’est maintenant le contenu du témoignage du Baptiste qui nous est exposé. Par ces paroles, non seulement il montre le Christ, mais il admire sa puissance. Isaïe avait dit : Il sera appelé l’Admirable . Et vraiment Il est d’une puissance admirable, cet Agneau qui, égorgé , tua le lion, ce lion dont il est dit : Votre adversaire le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer Aussi ce même Agneau a-t-il mérité d’être appelé Lion vainqueur et glorieux — Il a vaincu, le Lion de la tribu de Juda
Jean donne brièvement son témoignage : VOICI L’AGNEAU DE DIEU, soit parce que les disciples à qui il présentait ce témoignage étaient déjà suffisamment informés sur le Christ par tout ce qu’ils avaient entendu de Jean, soit encore parce que cela fait bien comprendre toute l’intention de Jean, qui était uniquement d’amener ses disciples au Christ. Et Jean ne leur dit pas : "Allez à Lui", pour que ses disciples ne paraissent pas faire une grâce au Christ en Le suivant, mais il met en lumière la grâce du Christ comme un bienfait pour eux s’ils Le suivent. C’est pourquoi il dit VOICI L’AGNEAU DE DIEU, c’est-à-dire voici Celui en qui est la grâce, et la puissance purificatrice des péchés. On offrait en effet un agneau en sacrifice pour les péchés, comme le dit l’Ecriture
284. L’Evangéliste rapporte ici le fruit de ce témoignage. Il expose en premier lieu le fruit du témoignage de Jean et de ses disciples, ensuite celui de la prédication du Christ .
Le premier point comporte deux parties. Dans la première, l’Evangéliste expose le fruit du témoignage de Jean, dans la seconde celui de la prédication d’un de ses disciples . Au sujet du fruit provenant du témoignage de Jean, l’Evangéliste indique d’abord sa formation première, puis son achèvement par le Christ .
285. L’Evangéliste dit d’abord : LES DEUX DISCIPLES qui étaient avec Jean L’ENTENDIRENT qui disait : VOICI L’AGNEAU DE DIEU, et ILS SUIVIRENT JESUS — littéralement : ils s’en allèrent avec Lui.
A ce sujet on peut faire, selon Chrysostome , quatre remarques.
Voici la première : Jean parle, le Christ se tait, et c’est à la parole de Jean que ses disciples se rassemblent autour du Christ. Cela correspond à un mystère. Le Christ est en effet l’époux de l’Eglise; Jean, l’ami de l’époux et son paranymphe. Le rôle du paranymphe est de remettre l’épouse à l’époux et, avec les paroles voulues, de livrer la dot. Il revient à l’époux de se taire, comme par réserve, mais, une fois qu’il a reçu l’épouse, de disposer d’elle comme il le veut. Ainsi Jean remet au Christ les disciples qui Lui sont fiancés par la foi. Jean parle, le Christ se tait; mais après les avoir reçus, Il les instruit avec soin.
La seconde remarque est celle-ci : lorsque Jean sou lignait la dignité du Christ en disant : Il existait avant moi, et moi, je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure , personne ne s’est converti. Mais quand il a parlé des abaissements du Christ et du mystère de l’Incarnation, alors ses disciples ont suivi Jésus. Car les abaissements du Christ, ce qu’Il a souffert pour nous, nous émeuvent davantage. En ce sens on lit dans le Cantique des Cantiques : Ton nom est une huile répandue . Il s’agit de la miséricorde avec laquelle Il a procuré le salut des hommes; aussi l’Ecriture ajoute-t-elle aussitôt : Les jeunes filles t’aiment.
La troisième remarque de Chrysostome est la sui vante. La parole de la prédication est comme une semence qui tombe en diverses terres. Dans l’une elle fructifie, dans l’autre, non. Ainsi, lorsque Jean prêche, il ne convertit pas au Christ tous ses disciples mais deux seulement, ceux qui étaient bien disposés. La jalousie, au contraire, anime les autres contre le Christ; aussi soulèvent-ils à son endroit une accusation : Pourquoi, tandis que les Pharisiens et nous, nous jeûnons souvent, tes disciples ne jeûnent-ils pas?
Dernière remarque : ayant entendu son témoignage, les disciples de Jean ne se permirent pas de parler sur-le-champ à Jésus, mais pleins à la fois d’ardeur et de retenue, ils cherchèrent à s’entretenir avec Lui en parti culier dans un endroit retiré — Il y a en effet pour toute chose un temps et un jugement.
286. L’Evangéliste expose maintenant l’achèvement du fruit par le Christ; le Christ, en effet, consomme l’œuvre commencée par Jean, car la Loi n’a amené personne à la perfection .
Pour ce faire, le Christ accomplit deux choses : Il sonde d’abord les disciples en les interrogeant et en écoutant leur réponse, puis Il les instruit.
287. L’Evangéliste dit donc : JESUS SE RETOURNA, LES VIT QUI LE SUIVAIENT ET LEUR DIT : "QUE CHERCHEZ-VOUS?" Au sens littéral, il faut entendre que le Christ marchait devant eux et que ces deux disciples qui Le suivaient ne pouvaient pas voir son visage. Aussi le Christ, pour leur donner confiance, se tourne-t-Il vers eux. Entendons par là que, à tous ceux qui commencent à Le suivre avec un cœur pur, le Christ donne la confiance ou l’espérance en sa miséricorde — La Sagesse prévient ceux qui la désirent Jésus se tourne vers nous pour que nous Le voyions, mais ce sera dans la vision bienheureuse, quand Il nous montrera sa face (selon le Psaume) : Montre-nous ta face et nous serons sauvés En effet, aussi longtemps que nous sommes en ce monde, nous Le voyons de dos, car nous ne parvenons à sa connaissance que par ses effets. C’est pourquoi Dieu dit à Moïse : Tu me verras de dos . Jésus se tourne encore vers nous pour nous dispenser le secours de sa miséricorde — ce que demandait le psalmiste : Reviens, Seigneur, jusques à quand détourneras-tu ton visage? Car tant que le Christ n’a pas dispensé la richesse de sa compassion, Il semble se détourner de nous. Jésus s’est donc retourné vers les disciples de Jean qui Le suivaient, pour leur montrer son visage et répandre en eux sa grâce.
288. Cependant Il les sonde en particulier sur leur intention. Car ceux qui suivent le Christ n’ont pas tous la même intention. Certains Le suivent pour des biens temporels, d’autres pour des biens spirituels. Aussi le Seigneur les interroge-t-Il pour connaître leur intention : QUE CHERCHEZ-VOUS? dit-Il, non certes pour l’apprendre, mais pour qu’ils manifestent la droiture de leur intention et que, par là, Il se les rende plus proches et montre qu’ils sont dignes de L’entendre.
289. Il est remarquable que cette parole : QUE CHERCHEZ-VOUS? soit dans cet Evangile la première que prononce le Christ. Cela convient bien, car ce que Dieu réclame en premier lieu de l’homme, c’est la droiture d’intention. Selon Origène, Jean-Baptiste avait prononcé six paroles, et le Christ prononce maintenant la septième. En effet, Jean parla une première fois pour rendre témoignage au Christ; il criait : Voici celui dont j’ai dit : Celui qui vient après moi est passé devant moi, parce qu’avant moi Il était . Une seconde fois, quand il dit : Je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure . La troisième : Moi, je baptise dans l’eau; au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas . La quatrième : Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde. La cinquième : J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe, et Il est demeuré sur Lui (...). C’est Lui le Fils de Dieu . La sixième, lorsqu’il dit de nouveau : Voici l’Agneau de Dieu . Et le Christ prononce la septième parole pour nous faire entendre mystiquement que le repos, marqué parle septième jour, nous viendra par Lui, et qu’en Lui est la plénitude de la grâce septiforme de l’Esprit Saint.
290. Voilà la réponse des disciples. Le Christ a posé une seule question; la réponse des disciples est double. En effet, ils disent d’abord pourquoi ils suivent le Christ : c’est afin de recevoir son enseignement. Cela, ils l’expriment en L’appelant RABBI, c’est-à-dire MAITRE — ce qui revient à dire : nous te cherchons pour que tu nous enseignes. Car ils avaient déjà compris ce que Jésus devait dire plus tard : Vous n’avez qu’un Maître, le Christ .
Ils précisent ensuite ce qu’ils cherchent en Le suivant : OU HABITES-Tu? Certes, au sens littéral, on peut dire qu’ils cherchaient vraiment la demeure du Christ. En effet, ils avaient entendu dire par Jean tant de choses grandes et admirables qu’ils ne voulaient pas interroger Jésus en passant, ni une seule fois, mais souvent et à loisir. Ils voulaient donc connaître sa demeure afin de pouvoir s’y rendre fréquemment, selon le conseil du Sage : Si tu vois un homme sage, va le trouver dès le point du jour et que ton pied use le seuil de sa porte , suivant cette parole de la Sagesse : Heureux qui m’écoute et veille à ma porte chaque jour.
Au sens allégorique, la demeure de Dieu est dans les cieux, selon le Psaume : J’ai levé les yeux vers toi, qui habites dans les cieux . Les deux disciples cherchent donc où habite le Christ, parce que nous devons suivre le Christ pour être conduits par Lui aux cieux, c’est-à-dire à la gloire céleste.
Enfin, au sens moral, ils demandent à Jésus : OU HABITES-TU? comme s’ils voulaient savoir ce que doivent être les hommes pour être dignes que le Christ habite en eux, selon ce que dit l’Apôtre : Vous êtes construits pour être une demeure où Dieu habite [selon la demande de l’épouse du Cantique] : Apprends-moi, toi que mon cœur aime, où tu mènes paître ton troupeau, où tu reposes à midi. . Jean 1, 32.
291. Ces paroles exposent l’instruction que le Christ donne à ses disciples. En premier lieu est décrite l’instruction elle-même; ensuite est mise en lumière l’obéissance des disciples ; enfin est précise le moment de cette instruction .
292. Jésus leur dit en premier lieu : VENEZ ET VOYEZ, c’est-à-dire : où j’habite. Mais ici se pose une question. Puisque le Seigneur dit : Le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête , comment peut-Il dire ici : VENEZ ET VOYEZ où j’habite? Je réponds en disant avec Chrysostome que la parole du Seigneur en saint Matthieu signifie que le Christ n’eut pas de demeure propre; elle ne veut pas dire qu’Il ne pouvait pas demeurer dans la maison d’un autre. C’est cette maison qu’Il invitait les disciples à venir voir en disant VENEZ ET VOYEZ.
Au sens mystique, le Christ dit : VENEZ ET VOYEZ parce que l’habitation de Dieu, celle de la gloire comme celle de la grâce, ne peut être connue que par expérience : en effet, elle ne peut être expliquée. Ainsi lit-on dans l’Apocalypse : Au vainqueur, dit l’Esprit, je donnerai une pierre blanche, et sur cette pierre un nom nouveau se trouve écrit, que nul ne connaît sinon celui qui le reçoit . Voilà pourquoi le Christ dit : VENEZ ET VOYEZ; VENEZ, par la foi et par les œuvres, ET VOYEZ, par l’expérience et la connaissance.
293. Remarquons qu’il y a quatre moyens de par venir à cette connaissance. Le premier est la pratique des œuvres bonnes et c’est pour cela qu’Il dit : VENEZ — Quand viendrai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu? Le second, c’est le repos de l’esprit, ou l’absence de préoccupation — Chassez toute préoccupation et voyez que je suis Dieu . Le troisième, c’est le goût de la douceur divine — Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux . Le dernier, c’est l’appartenance sans réserve à Dieu dans la prière — Elevons nos cœurs avec nos mains, en priant, vers le Seigneur qui est dans les cieux . C’est pourquoi le Seigneur dira : Touchez et voyez qu’un esprit n’a ni chair ni os comme vous voyez que j’en ai .
294. Ici nous est montrée l’obéissance des disciples; car c’est en venant qu’ils virent, et ce qu’ils virent, ils ne l’abandonnèrent pas. ILS DEMEURERENT AUPRES DE LUI CE JOUR-LA. En effet comme Jésus le dira : Quiconque écoute le Père et se laisse instruire vient à moi . Ceux qui abandonnèrent le Christ ne L’ont pas vu encore comme il faut Le voir. Mais ceux qui Le virent en croyant parfaitement DEMEURERENT AUPRES DE LUI CE JOUR-LA. L’écoutant et Le voyant, quel jour bienheureux et quelle nuit bienheureuse ils passèrent! — Heureux tes gens, heureux tes serviteurs, qui se tiennent sans cesse en ta présence . Et donc nous aussi, comme le dit Augustin , bâtissons dans notre cœur et faisons-lui une demeure où Il vienne nous enseigner.
Jean dit : CE JOUR-LA, parce qu’il ne peut y avoir de nuit là où est la lumière du Christ, là où est le Soleil de justice .
295. L’Evangéliste précise ici l’heure de la rencontre. Au sens littéral, cettemention a pour but de faire l’éloge du Christ et des disciples. En effet, la dixième heure est proche de la tombée du jour; c’est à la louange du Christ, qui avait tant de zèle pour enseigner que, malgré l’heure tardive, Il n’a pas différé de les enseigner, mais les a enseignés à LA DIXIEME HEURE — Dès le matin, sème ta semence, et le soir, ne laisse pas reposer ta main .
296. Par là, l’Evangéliste loue encore la sobriété des disciples. En effet, à la dixième heure, les hommes ont ordinairement achevé leur repas et sont alors moins capables de recevoir la sagesse; eux étaient sobres, et donc bien disposés pour écouter la sagesse. A cela rien d’étonnant : ils avaient été disciples de Jean qui avait pour boisson l’eau et pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage.
297. D’après Augustin , cette dixième heure signifie la Loi, qui fut donnée en dix commandements. C’était donc la dixième heure quand les disciples vinrent au Christ, demeurèrent avec Lui et reçurent son enseignement, afin que fût accomplie par le Christ la Loi qui ne pouvait être accomplie par les Juifs. C’est pourquoi encore, à cette heure même, Il fut appelé RABBI, c’est-à-dire MAÎTRE.
298. L’Evangéliste expose ici le fruit produit par le disciple de Jean qui venait de se convertir au Christ. A ce sujet, il fait d’abord connaître ce disciple, puis la formation première du fruit par André , enfin son achèvement par le Christ .
299. L’Evangéliste fait connaître le disciple d’abord par son nom : C’était ANDRE, nom qui signifie "viril" — Agissez virilement et que votre cœur s’affermisse . Il donne son nom pour mettre en lumière son privilège, soit parce qu’il fut le premier à se convertir parfaitement à la foi au Christ, soit encore parce qu’il prêcha le Christ. Ainsi, de même qu’Etienne fut le premier martyr après le Christ, André fut le premier chrétien.
Jean le fait connaître ensuite par sa parenté : il était FRERE DE SIMON-PIERRE, et son cadet; ce qui est encore à sa louange puisque, second par l’âge, par la foi il devint le premier.
II le fait connaître en troisième lieu par sa qualité de disciple : ANDRE (...) ETAIT L’UN DES DEUX QUI AVAIENT ENTENDU LES PAROLES DE JEAN. S’il mentionne le nom d’André à cause de son privilège, parce que ce fut un homme remarquable, il tait le nom de l’autre disciple parce que cet autre était Jean l’Evangéliste lui-même, qui a l’habitude, quand il s’agit de lui dans son Evangile, de ne pas se nommer, par humilité. Chrysostome suggère une autre raison : c’est parce que cet autre disciple n’eut rien de remarquable et ne fit rien de grand; il n’était donc pas utile de donner son nom, pas plus que Luc ne jugea nécessaire de mentionner les noms des soixante-douze disciples que le Seigneur envoya deux par deux devant Lui , car ce n’étaient pas des personnages officiels et remarquables comme le furent les Apôtres. Alcuin, lui, pense que cet autre disciple était Philippe et, d’après lui, c’est évident, car l'Evangéliste, aussitôt après avoir parlé d’André, mentionne Philippe en ces termes : Le lendemain, Jésus, voulant partir pour la Galilée, trouve Philippe et lui dit : Suis-moi .
En dernier lieu, Jean souligne chez André la ferveur de son appartenance au Christ par ces paroles : IL ETAIT L’UN DES DEUX QUI AVAIENT SUIVI JESUS — J’ai mis mes pas dans la trace des siens .
300. Jean rapporte donc ici la démarche fructueuse d’André; et pour montrer la perfection de la conversion de ce dernier, il commence par dire en qui il a produit du fruit : en son frère.
En effet, comme l’itinéraire de Clément le fait dire à Pierre, un signe évident de la parfaite conversion d’un homme, c’est que, une fois converti, plus quelqu’un lui est proche, plus il se donne de peine pour le convertir au Christ. Et c’est pourquoi André, parfaitement converti, n’a pas gardé pour lui le trésor qu’il avait découvert; il se hâte et court aussitôt à son frère pour lui communiquer les biens qu’il a reçus : André TROUVA D’ABORD SON FRERE SIMON, qu’il cherchait pour en faire son frère par la foi comme il l’était par le sang — Le frère qui est aidé par son frère est comme une ville forte . — Que celui qui écoute dise : Viens .
301. L’Evangéliste rapporte ensuite les paroles d’André à son frère : NOUS AVONS TROUVE LE MESSIE (CE QUI SIGNIFIE LE CHRIST). D’après Chrysostome, André répond tacitement à une question. Lui aurait-on demandé de quoi ils avaient été instruits par le Christ, la réponse est immédiate : Jésus l’avait pleinement amené, par les témoignages des Ecritures, à reconnaître qu’Il était le Christ. C’est pourquoi il dit : NOUS L’AVONS TROUVE. Cette parole marque d’ailleurs qu’il avait longtemps cherché avec désir — Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse .
Le mot hébreu Messiah se traduit en grec par Christos, en latin par Unctus, "Oint". Parce que Jésus a été oint d’une façon unique d’une huile invisible, c’est-à-dire de l’Esprit Saint, André, en employant ce nom, Le manifeste clairement comme tel — Ton Dieu t’a oint d’une huile d’allégresse, de préférence à tes compagnons , c’est-à-dire de préférence à tous les saints. Tous les saints en effet ont reçu l’onction de cette huile; mais le Christ l’a reçue d’une manière qui Lui est propre, comme Il est saint d’une manière unique. Voilà pourquoi, selon Chrysostome , André ne dit pas simplement Messie, mais LE Messie.
302. Enfin Jean rapporte le fruit de la démarche d’André : IL AMENA PIERRE A JESUS. Ces dernières paroles mettent en lumière l’obéissance de Pierre : en effet il accourt aussitôt, sans tarder. Remarquez ici l’appartenance sans réserve d’André au Christ : il amène son frère au Christ et non à soi (il connaissait en effet sa faiblesse). Il le conduit au Christ pour que Celui-ci l’instruise. Par là il enseigne en même temps que tel doit être l’effort et le zèle des prédicateurs, qu’ils ne revendiquent par pour eux-mêmes les fruits de leur prédication, ni ne cherchent à en retirer profit et honneurs personnels, mais qu’ils tendent à tout ramener à Jésus, c’est-à-dire à tout rapporter à sa gloire et à son honneur — ce n’est pas nous-mêmes que nous prêchons, mais le Christ Jésus notre Seigneur .
303. Par ces paroles, l'Evangéliste montre comment le Christ achève le fruit de la prédication d’André. Ici le Christ, voulant élever Pierre jusqu’à la foi en sa divinité, commence à faire les œuvres qui sont celles de Dieu en révélant les choses cachées présentes, passées et à venir. Jésus révèle d’abord ce qui est caché du présent : FIXANT SUR LUI SON REGARD, c’est-à-dire aussitôt qu’Il l’a vu avec la puissance de sa divinité, Il le considère et lui dit son nom : TU ES SIMON. Rien là d’étonnant, car le Seigneur a dit : L’homme ne voit que l’apparence, mais Dieu pénètre le cœur . En effet le nom de Simon s’accorde avec le mystère de sa vocation, car il signifie "obéissant"; il nous fait donc entendre que l’obéissance est nécessaire à qui s’est converti au Christ par la foi — Dieu donne l’Esprit Saint à ceux qui lui obéissent .
304. Jésus révèle ensuite ce qui est caché du passé, en disant FILS DE JEAN, car le père de Simon s’appelait ainsi; ou bien, selon Matthieu SIMON BARJONA, ce qui signifie "Fils de Jonas". Ces deux noms s’accordent l’un et l’autre avec le mystère : Jean, en effet, veut dire "grâce", et cela fait comprendre que c’est par la grâce que les hommes viennent à la foi au Christ — C’est par grâce que vous êtes sauvés et Jonas signifie "colombe", ce qui indique que c’est par l’Esprit Saint, qui nous a été donné, que nous sommes affermis dans l’amour de Dieu — La charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné
305. Enfin Jésus révèle ce qui est caché de l’avenir lorsqu’Il dit : TU T’APPELLERAS CEPHAS. Ce mot, qui en araméen SIGNIFIE "PIERRE", signifie tête en grec "chef" et, de fait, il convient bien au mystère que celui qui doit être le chef des autres et le vicaire du Christ soit fixé dans la fermeté — Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise .
306. A propos de ce passage se pose une question littérale. On peut se demander d’abord pourquoi le Christ a donné à Simon ce nom de "Pierre" au début de sa conversion, et n’a pas voulu qu’il fût appelé de ce nom dès sa naissance. On peut répondre de deux façons.
Selon Chrysostome c’est que les noms donnés par Dieu indiquent quelque grâce spirituelle éminente. Mais parfois Dieu confère une grâce spéciale à quelqu’un dès sa naissance et son nom lui est alors donné de la part de Dieu, comme on le voit bien pour Jean-Baptiste, qui reçut de Dieu son nom avant de naître parce qu’il fut sanctifié dans le sein de sa mère. D’autres fois, Dieu confère à quelqu’un une grâce éminente à un moment donné de sa vie; et à celui-ci Il n’impose pas de nom dès la naissance, mais à ce moment-là de sa vie, comme ce fut le cas pour Abraham et Sara, dont les noms furent changés quand ils reçurent la promesse de la multiplication de leur postérité. De la même façon Pierre reçoit de Dieu ce nom lorsqu’il est appelé à la foi au Christ et à la grâce de l’apostolat.
Pour Augustin , si on avait donné à Simon le nom de "Céphas" dès sa naissance, le mystère n’eût pas apparu. Aussi le Seigneur voulut-Il qu’il eût alors le nom de Simon, afin que le changement de nom fît apparaître le mystère de l’Eglise, qui est fondée sur la confession de sa foi. Le nom de "Pierre", en effet, vient du mot "pierre" et la pierre, c’était le Christ . Le nom de "Pierre" est donc une figure de l'Eglise qui est bâtie sur une pierre ferme, c’est-à-dire sur le Christ.
307. Une seconde question se pose : ce nouveau nom fut-il donné à Simon au moment dont nous parle Jean, ou bien lorsque Jésus lui dit à Césarée : Tu es Pierre ? A cela Augustin répond que ce nom fut donné à Simon au moment dont parle Jean; en lui disant à Césarée Tu es Pierre, le Seigneur ne lui donne pas son nom, mais Il lui rappelle qu’Il le lui a donné, en utilisant ce nom comme déjà donné.
Cependant, pour d’autres, ce nom fut donné à Simon lorsque le Seigneur lui dit : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. Ici au moment de la vocation de Pierre, Jésus ne lui donne pas ce nom, mais fait seulement connaître à l’avance qu’il lui sera donné par la suite.
308. Une troisième question concerne la vocation de Pierre et d’André. Ici l’Evangéliste dit qu’ils furent appelés par le Christ sur les bords du Jourdain, et qu’ils étaient disciples de Jean. Or Matthieu dit que le Christ les appela sur les bords de la mer de Galilée.
A cela il faut répondre qu’il y eut une triple vocation des Apôtres. La première fut un appel à la connaissance ou à l’intimité du Christ et à la foi : c’est de cet appel qu’il s’agit ici. La seconde leur assigna à l’avance leur ministère c’est l’appel dont parle Luc : Désormais ce sont des hommes que tu prendras . La troisième vocation, celle que rapporte Matthieu, fut un appel à l’apostolat : Et aussitôt, laissant là leurs filets, ils Le suivirent . Cette vocation fut parfaite car, après cela, les Apôtres ne retournèrent pas à ce qui leur était propre.
L’Evangéliste décrit d’abord le témoin, puis mon tre le mode du témoignage et enfin expose le témoignage lui-même .
281. L’Evangéliste décrit ici le témoin. En disant : IL SE TENAIT LA, il souligne trois caractères de Jean. En premier lieu sa manière d’enseigner, qui fut différente de celle du Christ et de ses disciples. Le Christ en effet enseignait en parcourant le pays; aussi Matthieu dit-il : Il parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues . De même les Apôtres enseignaient en parcourant le monde entier, conformément à l’ordre du Seigneur : Allez dans le monde entier, prêchez l’Evangile à toute créature Jean, lui, enseignait en demeurant là — ce que l’Evangéliste souligne en disant que JEAN SE TENAIT LA, dans un seul lieu, au-delà du Jourdain —, et il prêchait le Christ à tous ceux qui venaient à lui. Si le Christ et ses disciples enseignaient en se déplaçant sans cesse, c’est que la prédication du Christ était accréditée par des miracles; ils parcouraient donc divers lieux pour manifester les miracles et la puissance du Christ. La prédication de Jean, elle, ne fut confirmée par aucun miracle — Jean ne fit aucun miracle , comme il sera dit plus loin —, mais elle fut confirmée par le mérite et la sainteté de sa vie. Aussi se tenait-il dans un seul lieu pour que toutes sortes de gens vinssent le trouver et qu’ils fussent conduits au Christ par sa sainteté. Ajoutons que si Jean, sans faire de miracles, avait couru de tous côtés pour annoncer le Christ, il eût rendu son témoignage plus difficile à croire, car il eût semblé agir de manière inopportune et comme de sa propre initiative.
En second lieu, l’expression JEAN SE TENAIT sou ligne sa fermeté dans la vérité; car Jean ne fut pas un roseau agité par le vent , mais il fut ferme dans la foi, selon ces paroles : Que celui qui se flatte d’être debout prenne garde de tomber et celles-ci : Je me tiendrai à mon poste de garde .
En troisième lieu, remarquons que, d’une manière figurée, SE TENIR LA implique aussi le sens de s’arrêter et, par le fait même, de disparaître. Ainsi, on lit au Livre des Rois : L’huile s’arrêta , c’est-à-dire cessa de couler. Donc, Jean SE TENAIT LA quand vint le Christ parce que, quand vint la vérité, la figure disparut. Jean SE TIENT LA, c’est-à-dire disparaît, la Loi passe. FIXANT SON REGARD SUR JESUS QUI PASSAIT...
282. En rapportant le mode du témoignage — il se réalise par la vue —, l’Evangéliste en montre la certitude. A ce sujet, il faut savoir que tous les prophètes ont rendu témoignage au Christ, comme le dit saint Pierre : Tous les prophètes rendent de Lui ce témoignage que tout homme qui croit en Lui reçoit par son nom la rémission de ses péchés . Et de même les Apôtres parcourant le monde : Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre . Cependant leur témoignage ne s’appuie pas sur la vue du Christ et il ne se réalise pas en sa présence, mais en son absence. En effet les prophètes ont témoigné de Lui comme de Celui qui devait venir, et les Apôtres comme de Celui qui était déjà venu. Jean, lui, rend témoignage au Christ qui lui est présent et que lui-même voit. C’est pourquoi l’Evangéliste dit : FIXANT SON REGARD SUR JESUS, avec les yeux du corps et ceux de l’esprit, selon la parole du Psaume : Regarde la face de ton Christ; et celle d’Isaïe : Ils verront le Seigneur les yeux dans les yeux
L’Evangéliste ajoute que Jésus PASSAIT, pour signifier le mystère de l’Incarnation, par lequel le Verbe de Dieu assuma une nature sujette au changement, comme Il le dit Lui-même : Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde
283. C’est maintenant le contenu du témoignage du Baptiste qui nous est exposé. Par ces paroles, non seulement il montre le Christ, mais il admire sa puissance. Isaïe avait dit : Il sera appelé l’Admirable . Et vraiment Il est d’une puissance admirable, cet Agneau qui, égorgé , tua le lion, ce lion dont il est dit : Votre adversaire le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer Aussi ce même Agneau a-t-il mérité d’être appelé Lion vainqueur et glorieux — Il a vaincu, le Lion de la tribu de Juda
Jean donne brièvement son témoignage : VOICI L’AGNEAU DE DIEU, soit parce que les disciples à qui il présentait ce témoignage étaient déjà suffisamment informés sur le Christ par tout ce qu’ils avaient entendu de Jean, soit encore parce que cela fait bien comprendre toute l’intention de Jean, qui était uniquement d’amener ses disciples au Christ. Et Jean ne leur dit pas : "Allez à Lui", pour que ses disciples ne paraissent pas faire une grâce au Christ en Le suivant, mais il met en lumière la grâce du Christ comme un bienfait pour eux s’ils Le suivent. C’est pourquoi il dit VOICI L’AGNEAU DE DIEU, c’est-à-dire voici Celui en qui est la grâce, et la puissance purificatrice des péchés. On offrait en effet un agneau en sacrifice pour les péchés, comme le dit l’Ecriture
284. L’Evangéliste rapporte ici le fruit de ce témoignage. Il expose en premier lieu le fruit du témoignage de Jean et de ses disciples, ensuite celui de la prédication du Christ .
Le premier point comporte deux parties. Dans la première, l’Evangéliste expose le fruit du témoignage de Jean, dans la seconde celui de la prédication d’un de ses disciples . Au sujet du fruit provenant du témoignage de Jean, l’Evangéliste indique d’abord sa formation première, puis son achèvement par le Christ .
285. L’Evangéliste dit d’abord : LES DEUX DISCIPLES qui étaient avec Jean L’ENTENDIRENT qui disait : VOICI L’AGNEAU DE DIEU, et ILS SUIVIRENT JESUS — littéralement : ils s’en allèrent avec Lui.
A ce sujet on peut faire, selon Chrysostome , quatre remarques.
Voici la première : Jean parle, le Christ se tait, et c’est à la parole de Jean que ses disciples se rassemblent autour du Christ. Cela correspond à un mystère. Le Christ est en effet l’époux de l’Eglise; Jean, l’ami de l’époux et son paranymphe. Le rôle du paranymphe est de remettre l’épouse à l’époux et, avec les paroles voulues, de livrer la dot. Il revient à l’époux de se taire, comme par réserve, mais, une fois qu’il a reçu l’épouse, de disposer d’elle comme il le veut. Ainsi Jean remet au Christ les disciples qui Lui sont fiancés par la foi. Jean parle, le Christ se tait; mais après les avoir reçus, Il les instruit avec soin.
La seconde remarque est celle-ci : lorsque Jean sou lignait la dignité du Christ en disant : Il existait avant moi, et moi, je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure , personne ne s’est converti. Mais quand il a parlé des abaissements du Christ et du mystère de l’Incarnation, alors ses disciples ont suivi Jésus. Car les abaissements du Christ, ce qu’Il a souffert pour nous, nous émeuvent davantage. En ce sens on lit dans le Cantique des Cantiques : Ton nom est une huile répandue . Il s’agit de la miséricorde avec laquelle Il a procuré le salut des hommes; aussi l’Ecriture ajoute-t-elle aussitôt : Les jeunes filles t’aiment.
La troisième remarque de Chrysostome est la sui vante. La parole de la prédication est comme une semence qui tombe en diverses terres. Dans l’une elle fructifie, dans l’autre, non. Ainsi, lorsque Jean prêche, il ne convertit pas au Christ tous ses disciples mais deux seulement, ceux qui étaient bien disposés. La jalousie, au contraire, anime les autres contre le Christ; aussi soulèvent-ils à son endroit une accusation : Pourquoi, tandis que les Pharisiens et nous, nous jeûnons souvent, tes disciples ne jeûnent-ils pas?
Dernière remarque : ayant entendu son témoignage, les disciples de Jean ne se permirent pas de parler sur-le-champ à Jésus, mais pleins à la fois d’ardeur et de retenue, ils cherchèrent à s’entretenir avec Lui en parti culier dans un endroit retiré — Il y a en effet pour toute chose un temps et un jugement.
286. L’Evangéliste expose maintenant l’achèvement du fruit par le Christ; le Christ, en effet, consomme l’œuvre commencée par Jean, car la Loi n’a amené personne à la perfection .
Pour ce faire, le Christ accomplit deux choses : Il sonde d’abord les disciples en les interrogeant et en écoutant leur réponse, puis Il les instruit.
287. L’Evangéliste dit donc : JESUS SE RETOURNA, LES VIT QUI LE SUIVAIENT ET LEUR DIT : "QUE CHERCHEZ-VOUS?" Au sens littéral, il faut entendre que le Christ marchait devant eux et que ces deux disciples qui Le suivaient ne pouvaient pas voir son visage. Aussi le Christ, pour leur donner confiance, se tourne-t-Il vers eux. Entendons par là que, à tous ceux qui commencent à Le suivre avec un cœur pur, le Christ donne la confiance ou l’espérance en sa miséricorde — La Sagesse prévient ceux qui la désirent Jésus se tourne vers nous pour que nous Le voyions, mais ce sera dans la vision bienheureuse, quand Il nous montrera sa face (selon le Psaume) : Montre-nous ta face et nous serons sauvés En effet, aussi longtemps que nous sommes en ce monde, nous Le voyons de dos, car nous ne parvenons à sa connaissance que par ses effets. C’est pourquoi Dieu dit à Moïse : Tu me verras de dos . Jésus se tourne encore vers nous pour nous dispenser le secours de sa miséricorde — ce que demandait le psalmiste : Reviens, Seigneur, jusques à quand détourneras-tu ton visage? Car tant que le Christ n’a pas dispensé la richesse de sa compassion, Il semble se détourner de nous. Jésus s’est donc retourné vers les disciples de Jean qui Le suivaient, pour leur montrer son visage et répandre en eux sa grâce.
288. Cependant Il les sonde en particulier sur leur intention. Car ceux qui suivent le Christ n’ont pas tous la même intention. Certains Le suivent pour des biens temporels, d’autres pour des biens spirituels. Aussi le Seigneur les interroge-t-Il pour connaître leur intention : QUE CHERCHEZ-VOUS? dit-Il, non certes pour l’apprendre, mais pour qu’ils manifestent la droiture de leur intention et que, par là, Il se les rende plus proches et montre qu’ils sont dignes de L’entendre.
289. Il est remarquable que cette parole : QUE CHERCHEZ-VOUS? soit dans cet Evangile la première que prononce le Christ. Cela convient bien, car ce que Dieu réclame en premier lieu de l’homme, c’est la droiture d’intention. Selon Origène, Jean-Baptiste avait prononcé six paroles, et le Christ prononce maintenant la septième. En effet, Jean parla une première fois pour rendre témoignage au Christ; il criait : Voici celui dont j’ai dit : Celui qui vient après moi est passé devant moi, parce qu’avant moi Il était . Une seconde fois, quand il dit : Je ne suis pas digne de délier la courroie de sa chaussure . La troisième : Moi, je baptise dans l’eau; au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas . La quatrième : Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde. La cinquième : J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe, et Il est demeuré sur Lui (...). C’est Lui le Fils de Dieu . La sixième, lorsqu’il dit de nouveau : Voici l’Agneau de Dieu . Et le Christ prononce la septième parole pour nous faire entendre mystiquement que le repos, marqué parle septième jour, nous viendra par Lui, et qu’en Lui est la plénitude de la grâce septiforme de l’Esprit Saint.
290. Voilà la réponse des disciples. Le Christ a posé une seule question; la réponse des disciples est double. En effet, ils disent d’abord pourquoi ils suivent le Christ : c’est afin de recevoir son enseignement. Cela, ils l’expriment en L’appelant RABBI, c’est-à-dire MAITRE — ce qui revient à dire : nous te cherchons pour que tu nous enseignes. Car ils avaient déjà compris ce que Jésus devait dire plus tard : Vous n’avez qu’un Maître, le Christ .
Ils précisent ensuite ce qu’ils cherchent en Le suivant : OU HABITES-Tu? Certes, au sens littéral, on peut dire qu’ils cherchaient vraiment la demeure du Christ. En effet, ils avaient entendu dire par Jean tant de choses grandes et admirables qu’ils ne voulaient pas interroger Jésus en passant, ni une seule fois, mais souvent et à loisir. Ils voulaient donc connaître sa demeure afin de pouvoir s’y rendre fréquemment, selon le conseil du Sage : Si tu vois un homme sage, va le trouver dès le point du jour et que ton pied use le seuil de sa porte , suivant cette parole de la Sagesse : Heureux qui m’écoute et veille à ma porte chaque jour.
Au sens allégorique, la demeure de Dieu est dans les cieux, selon le Psaume : J’ai levé les yeux vers toi, qui habites dans les cieux . Les deux disciples cherchent donc où habite le Christ, parce que nous devons suivre le Christ pour être conduits par Lui aux cieux, c’est-à-dire à la gloire céleste.
Enfin, au sens moral, ils demandent à Jésus : OU HABITES-TU? comme s’ils voulaient savoir ce que doivent être les hommes pour être dignes que le Christ habite en eux, selon ce que dit l’Apôtre : Vous êtes construits pour être une demeure où Dieu habite [selon la demande de l’épouse du Cantique] : Apprends-moi, toi que mon cœur aime, où tu mènes paître ton troupeau, où tu reposes à midi. . Jean 1, 32.
291. Ces paroles exposent l’instruction que le Christ donne à ses disciples. En premier lieu est décrite l’instruction elle-même; ensuite est mise en lumière l’obéissance des disciples ; enfin est précise le moment de cette instruction .
292. Jésus leur dit en premier lieu : VENEZ ET VOYEZ, c’est-à-dire : où j’habite. Mais ici se pose une question. Puisque le Seigneur dit : Le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête , comment peut-Il dire ici : VENEZ ET VOYEZ où j’habite? Je réponds en disant avec Chrysostome que la parole du Seigneur en saint Matthieu signifie que le Christ n’eut pas de demeure propre; elle ne veut pas dire qu’Il ne pouvait pas demeurer dans la maison d’un autre. C’est cette maison qu’Il invitait les disciples à venir voir en disant VENEZ ET VOYEZ.
Au sens mystique, le Christ dit : VENEZ ET VOYEZ parce que l’habitation de Dieu, celle de la gloire comme celle de la grâce, ne peut être connue que par expérience : en effet, elle ne peut être expliquée. Ainsi lit-on dans l’Apocalypse : Au vainqueur, dit l’Esprit, je donnerai une pierre blanche, et sur cette pierre un nom nouveau se trouve écrit, que nul ne connaît sinon celui qui le reçoit . Voilà pourquoi le Christ dit : VENEZ ET VOYEZ; VENEZ, par la foi et par les œuvres, ET VOYEZ, par l’expérience et la connaissance.
293. Remarquons qu’il y a quatre moyens de par venir à cette connaissance. Le premier est la pratique des œuvres bonnes et c’est pour cela qu’Il dit : VENEZ — Quand viendrai-je et paraîtrai-je devant la face de Dieu? Le second, c’est le repos de l’esprit, ou l’absence de préoccupation — Chassez toute préoccupation et voyez que je suis Dieu . Le troisième, c’est le goût de la douceur divine — Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux . Le dernier, c’est l’appartenance sans réserve à Dieu dans la prière — Elevons nos cœurs avec nos mains, en priant, vers le Seigneur qui est dans les cieux . C’est pourquoi le Seigneur dira : Touchez et voyez qu’un esprit n’a ni chair ni os comme vous voyez que j’en ai .
294. Ici nous est montrée l’obéissance des disciples; car c’est en venant qu’ils virent, et ce qu’ils virent, ils ne l’abandonnèrent pas. ILS DEMEURERENT AUPRES DE LUI CE JOUR-LA. En effet comme Jésus le dira : Quiconque écoute le Père et se laisse instruire vient à moi . Ceux qui abandonnèrent le Christ ne L’ont pas vu encore comme il faut Le voir. Mais ceux qui Le virent en croyant parfaitement DEMEURERENT AUPRES DE LUI CE JOUR-LA. L’écoutant et Le voyant, quel jour bienheureux et quelle nuit bienheureuse ils passèrent! — Heureux tes gens, heureux tes serviteurs, qui se tiennent sans cesse en ta présence . Et donc nous aussi, comme le dit Augustin , bâtissons dans notre cœur et faisons-lui une demeure où Il vienne nous enseigner.
Jean dit : CE JOUR-LA, parce qu’il ne peut y avoir de nuit là où est la lumière du Christ, là où est le Soleil de justice .
295. L’Evangéliste précise ici l’heure de la rencontre. Au sens littéral, cettemention a pour but de faire l’éloge du Christ et des disciples. En effet, la dixième heure est proche de la tombée du jour; c’est à la louange du Christ, qui avait tant de zèle pour enseigner que, malgré l’heure tardive, Il n’a pas différé de les enseigner, mais les a enseignés à LA DIXIEME HEURE — Dès le matin, sème ta semence, et le soir, ne laisse pas reposer ta main .
296. Par là, l’Evangéliste loue encore la sobriété des disciples. En effet, à la dixième heure, les hommes ont ordinairement achevé leur repas et sont alors moins capables de recevoir la sagesse; eux étaient sobres, et donc bien disposés pour écouter la sagesse. A cela rien d’étonnant : ils avaient été disciples de Jean qui avait pour boisson l’eau et pour nourriture des sauterelles et du miel sauvage.
297. D’après Augustin , cette dixième heure signifie la Loi, qui fut donnée en dix commandements. C’était donc la dixième heure quand les disciples vinrent au Christ, demeurèrent avec Lui et reçurent son enseignement, afin que fût accomplie par le Christ la Loi qui ne pouvait être accomplie par les Juifs. C’est pourquoi encore, à cette heure même, Il fut appelé RABBI, c’est-à-dire MAÎTRE.
298. L’Evangéliste expose ici le fruit produit par le disciple de Jean qui venait de se convertir au Christ. A ce sujet, il fait d’abord connaître ce disciple, puis la formation première du fruit par André , enfin son achèvement par le Christ .
299. L’Evangéliste fait connaître le disciple d’abord par son nom : C’était ANDRE, nom qui signifie "viril" — Agissez virilement et que votre cœur s’affermisse . Il donne son nom pour mettre en lumière son privilège, soit parce qu’il fut le premier à se convertir parfaitement à la foi au Christ, soit encore parce qu’il prêcha le Christ. Ainsi, de même qu’Etienne fut le premier martyr après le Christ, André fut le premier chrétien.
Jean le fait connaître ensuite par sa parenté : il était FRERE DE SIMON-PIERRE, et son cadet; ce qui est encore à sa louange puisque, second par l’âge, par la foi il devint le premier.
II le fait connaître en troisième lieu par sa qualité de disciple : ANDRE (...) ETAIT L’UN DES DEUX QUI AVAIENT ENTENDU LES PAROLES DE JEAN. S’il mentionne le nom d’André à cause de son privilège, parce que ce fut un homme remarquable, il tait le nom de l’autre disciple parce que cet autre était Jean l’Evangéliste lui-même, qui a l’habitude, quand il s’agit de lui dans son Evangile, de ne pas se nommer, par humilité. Chrysostome suggère une autre raison : c’est parce que cet autre disciple n’eut rien de remarquable et ne fit rien de grand; il n’était donc pas utile de donner son nom, pas plus que Luc ne jugea nécessaire de mentionner les noms des soixante-douze disciples que le Seigneur envoya deux par deux devant Lui , car ce n’étaient pas des personnages officiels et remarquables comme le furent les Apôtres. Alcuin, lui, pense que cet autre disciple était Philippe et, d’après lui, c’est évident, car l'Evangéliste, aussitôt après avoir parlé d’André, mentionne Philippe en ces termes : Le lendemain, Jésus, voulant partir pour la Galilée, trouve Philippe et lui dit : Suis-moi .
En dernier lieu, Jean souligne chez André la ferveur de son appartenance au Christ par ces paroles : IL ETAIT L’UN DES DEUX QUI AVAIENT SUIVI JESUS — J’ai mis mes pas dans la trace des siens .
300. Jean rapporte donc ici la démarche fructueuse d’André; et pour montrer la perfection de la conversion de ce dernier, il commence par dire en qui il a produit du fruit : en son frère.
En effet, comme l’itinéraire de Clément le fait dire à Pierre, un signe évident de la parfaite conversion d’un homme, c’est que, une fois converti, plus quelqu’un lui est proche, plus il se donne de peine pour le convertir au Christ. Et c’est pourquoi André, parfaitement converti, n’a pas gardé pour lui le trésor qu’il avait découvert; il se hâte et court aussitôt à son frère pour lui communiquer les biens qu’il a reçus : André TROUVA D’ABORD SON FRERE SIMON, qu’il cherchait pour en faire son frère par la foi comme il l’était par le sang — Le frère qui est aidé par son frère est comme une ville forte . — Que celui qui écoute dise : Viens .
301. L’Evangéliste rapporte ensuite les paroles d’André à son frère : NOUS AVONS TROUVE LE MESSIE (CE QUI SIGNIFIE LE CHRIST). D’après Chrysostome, André répond tacitement à une question. Lui aurait-on demandé de quoi ils avaient été instruits par le Christ, la réponse est immédiate : Jésus l’avait pleinement amené, par les témoignages des Ecritures, à reconnaître qu’Il était le Christ. C’est pourquoi il dit : NOUS L’AVONS TROUVE. Cette parole marque d’ailleurs qu’il avait longtemps cherché avec désir — Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse .
Le mot hébreu Messiah se traduit en grec par Christos, en latin par Unctus, "Oint". Parce que Jésus a été oint d’une façon unique d’une huile invisible, c’est-à-dire de l’Esprit Saint, André, en employant ce nom, Le manifeste clairement comme tel — Ton Dieu t’a oint d’une huile d’allégresse, de préférence à tes compagnons , c’est-à-dire de préférence à tous les saints. Tous les saints en effet ont reçu l’onction de cette huile; mais le Christ l’a reçue d’une manière qui Lui est propre, comme Il est saint d’une manière unique. Voilà pourquoi, selon Chrysostome , André ne dit pas simplement Messie, mais LE Messie.
302. Enfin Jean rapporte le fruit de la démarche d’André : IL AMENA PIERRE A JESUS. Ces dernières paroles mettent en lumière l’obéissance de Pierre : en effet il accourt aussitôt, sans tarder. Remarquez ici l’appartenance sans réserve d’André au Christ : il amène son frère au Christ et non à soi (il connaissait en effet sa faiblesse). Il le conduit au Christ pour que Celui-ci l’instruise. Par là il enseigne en même temps que tel doit être l’effort et le zèle des prédicateurs, qu’ils ne revendiquent par pour eux-mêmes les fruits de leur prédication, ni ne cherchent à en retirer profit et honneurs personnels, mais qu’ils tendent à tout ramener à Jésus, c’est-à-dire à tout rapporter à sa gloire et à son honneur — ce n’est pas nous-mêmes que nous prêchons, mais le Christ Jésus notre Seigneur .
303. Par ces paroles, l'Evangéliste montre comment le Christ achève le fruit de la prédication d’André. Ici le Christ, voulant élever Pierre jusqu’à la foi en sa divinité, commence à faire les œuvres qui sont celles de Dieu en révélant les choses cachées présentes, passées et à venir. Jésus révèle d’abord ce qui est caché du présent : FIXANT SUR LUI SON REGARD, c’est-à-dire aussitôt qu’Il l’a vu avec la puissance de sa divinité, Il le considère et lui dit son nom : TU ES SIMON. Rien là d’étonnant, car le Seigneur a dit : L’homme ne voit que l’apparence, mais Dieu pénètre le cœur . En effet le nom de Simon s’accorde avec le mystère de sa vocation, car il signifie "obéissant"; il nous fait donc entendre que l’obéissance est nécessaire à qui s’est converti au Christ par la foi — Dieu donne l’Esprit Saint à ceux qui lui obéissent .
304. Jésus révèle ensuite ce qui est caché du passé, en disant FILS DE JEAN, car le père de Simon s’appelait ainsi; ou bien, selon Matthieu SIMON BARJONA, ce qui signifie "Fils de Jonas". Ces deux noms s’accordent l’un et l’autre avec le mystère : Jean, en effet, veut dire "grâce", et cela fait comprendre que c’est par la grâce que les hommes viennent à la foi au Christ — C’est par grâce que vous êtes sauvés et Jonas signifie "colombe", ce qui indique que c’est par l’Esprit Saint, qui nous a été donné, que nous sommes affermis dans l’amour de Dieu — La charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné
305. Enfin Jésus révèle ce qui est caché de l’avenir lorsqu’Il dit : TU T’APPELLERAS CEPHAS. Ce mot, qui en araméen SIGNIFIE "PIERRE", signifie tête en grec "chef" et, de fait, il convient bien au mystère que celui qui doit être le chef des autres et le vicaire du Christ soit fixé dans la fermeté — Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise .
306. A propos de ce passage se pose une question littérale. On peut se demander d’abord pourquoi le Christ a donné à Simon ce nom de "Pierre" au début de sa conversion, et n’a pas voulu qu’il fût appelé de ce nom dès sa naissance. On peut répondre de deux façons.
Selon Chrysostome c’est que les noms donnés par Dieu indiquent quelque grâce spirituelle éminente. Mais parfois Dieu confère une grâce spéciale à quelqu’un dès sa naissance et son nom lui est alors donné de la part de Dieu, comme on le voit bien pour Jean-Baptiste, qui reçut de Dieu son nom avant de naître parce qu’il fut sanctifié dans le sein de sa mère. D’autres fois, Dieu confère à quelqu’un une grâce éminente à un moment donné de sa vie; et à celui-ci Il n’impose pas de nom dès la naissance, mais à ce moment-là de sa vie, comme ce fut le cas pour Abraham et Sara, dont les noms furent changés quand ils reçurent la promesse de la multiplication de leur postérité. De la même façon Pierre reçoit de Dieu ce nom lorsqu’il est appelé à la foi au Christ et à la grâce de l’apostolat.
Pour Augustin , si on avait donné à Simon le nom de "Céphas" dès sa naissance, le mystère n’eût pas apparu. Aussi le Seigneur voulut-Il qu’il eût alors le nom de Simon, afin que le changement de nom fît apparaître le mystère de l’Eglise, qui est fondée sur la confession de sa foi. Le nom de "Pierre", en effet, vient du mot "pierre" et la pierre, c’était le Christ . Le nom de "Pierre" est donc une figure de l'Eglise qui est bâtie sur une pierre ferme, c’est-à-dire sur le Christ.
307. Une seconde question se pose : ce nouveau nom fut-il donné à Simon au moment dont nous parle Jean, ou bien lorsque Jésus lui dit à Césarée : Tu es Pierre ? A cela Augustin répond que ce nom fut donné à Simon au moment dont parle Jean; en lui disant à Césarée Tu es Pierre, le Seigneur ne lui donne pas son nom, mais Il lui rappelle qu’Il le lui a donné, en utilisant ce nom comme déjà donné.
Cependant, pour d’autres, ce nom fut donné à Simon lorsque le Seigneur lui dit : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. Ici au moment de la vocation de Pierre, Jésus ne lui donne pas ce nom, mais fait seulement connaître à l’avance qu’il lui sera donné par la suite.
308. Une troisième question concerne la vocation de Pierre et d’André. Ici l’Evangéliste dit qu’ils furent appelés par le Christ sur les bords du Jourdain, et qu’ils étaient disciples de Jean. Or Matthieu dit que le Christ les appela sur les bords de la mer de Galilée.
A cela il faut répondre qu’il y eut une triple vocation des Apôtres. La première fut un appel à la connaissance ou à l’intimité du Christ et à la foi : c’est de cet appel qu’il s’agit ici. La seconde leur assigna à l’avance leur ministère c’est l’appel dont parle Luc : Désormais ce sont des hommes que tu prendras . La troisième vocation, celle que rapporte Matthieu, fut un appel à l’apostolat : Et aussitôt, laissant là leurs filets, ils Le suivirent . Cette vocation fut parfaite car, après cela, les Apôtres ne retournèrent pas à ce qui leur était propre.
Et il l’amena. Au verset 41, le narrateur avait mis les verbes
au présent ; il se sert maintenant du passé simple. Ce changement de temps donne beaucoup de vie au récit. A
trois reprises, nous voyons S. André jouer dans le quatrième évangile le beau rôle d’introducteur auprès de
N.-S. Jésus-Christ. Cf. 6, 8 ; 12, 22. Les écrits du Nouveau Testament ne nous racontent pas autre chose à
son sujet. Selon toute vraisemblance, l’entrevue décrite au verset 42 eut lieu le même soir que celle des
versets 37 et ss. - Jésus l’ayant regardé : La même expression qu’au verset 36. Peu d’heures avant sa mort,
Jésus jettera sur S. Pierre un autre regard pénétrant, mais en de tristes circonstances. Cf. Luc. 22, 61.
Actuellement, par une intuition toute divine (Cf. 2, 2), le Fils du l’homme voit le caractère intime du futur
prince des apôtres, et il le signale au moyen d’une antithèse remarquable. - Tu es Simon, fils de Jona. C’est-à-
dire : Jusqu’ici tu n’as été qu’un homme ordinaire, comme tous les autres fils d’Adam. Mais, à l’avenir, il
n’en sera plus ainsi. Tu cesseras d’être simplement le Juif Simon, fils de Jonas ; tu seras appelé Céphas. Cette
transformation de nom présageait pour Pierre, comme autrefois pour Abraham, Gen. 17, 5, et pour Jacob,
Gen. 31, 28, une transformation de nature et de rôle. Képha, forme araméenne de l’hébreu Keph (Cf. Job 30,
6 ; Jer. 4, 29), signifie pierre, rocher, comme l’ajoute l’évangéliste dans une note explicative : (ce qui est
interprété : Pierre, le masculin de « Petra »). C’est là un jeu de mots à la façon orientale, pour dire que Pierre
sera un jour le roc inébranlable sur lequel sera bâtie l’Église du sauveur. « Magnifique surnom, qui fait de
Simon le principal personnage après Jésus » ! Il nous est agréable de recueillir ce précieux aveu dans un
commentaire protestant. Les synoptiques ne font jamais usage du mot Céphas, qu’il remplacent par son
équivalent grec. S. Jean lui-même ne le cite qu’en cet endroit. Mais on le rencontre assez fréquemment dans
les épîtres de saint Paul. Cf. 1 Cor. 1, 12 ; 3, 22 ; 9, 55 ; 15, 5 ; Gal. 1, 18 ; 2, 9, 11, 14. - Les rationalistes ont
prétendu qu’il existe une contradiction entre ce récit et Matth. 16, 17, 18, où Notre-Seigneur, environ deux
ans plus tard, dit encore à Simon : « Heureux es-tu, Simon fils de Yonas ... Et moi, je te le déclare : Tu es
Pierre ». Mais où est l’antilogie ? La seconde scène ne suppose-t-elle pas au contraire la première, comme
H. W. Meyer lui-même le reconnaît ? Ici le nom est simplement promis, là il est donné d’une manière
définitive ; voilà pourquoi nous avons ici le langage de la prophétie, « tu sera appelé », là celui de
l’accomplissement, « tu es Pierre ». Simon ne devint Pierre qu’en récompense de sa glorieuse confession
(Matth. 16, 16).