Jean 10, 18
Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »
Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, j’ai aussi le pouvoir de la recevoir de nouveau : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »
Dans la lecture de ce jour, le Christ a proclamé: Je suis le Bon Pasteur, le vrai berger. Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis (Jn 10,11). Il nous a indiqué ainsi que sa venue sur la terre comme pasteur des nations serait un bienfait pour nous. Aussi, lui qui est le maître, cherche-t-il des collaborateurs, des assistants pour le monde entier, lorsqu'il dit (dans le psaume): Acclamez le Seigneur, terre entière (Ps 99,1).
Au moment de retourner au ciel, il confie donc à Pierre le soin de paître ses brebis à sa place. Pierre, m'aimes-tu? dit-il, Sois le Pasteur de mes brebis. Et pour que Pierre ne commence pas par contraindre de façon autoritaire les plus petits du troupeau, mais les porte avec douceur, il répète sa question: Pierre, m'aimes-tu? Sois le Pasteur de mes agneaux. Il confie à Pierre les brebis avec leurs petits, parce qu'il est le Pasteur qui prévoit déjà la future fécondité de son troupeau.
Pierre m'aimes-tu? Sois le Pasteur de mes agneaux (Jn 21,15-17). C'est à ces agneaux que saint Paul, collègue de Pierre le Pasteur, offrait le lait d'une nourriture spirituelle. Le saint roi David l'avait compris, et il s'écrie, comme s'il était lui-même une brebis: Le Seigneur est mon berger: je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre (Ps 22,1-2).
Le verset suivant de notre psaume annonce aux croyants qui reviennent aux pâturages de la paix évangélique la joie qui succède aux gémissements causés par les guerres, à une triste vie ensanglantée, à la servitude. Car l'homme était esclave du péché, captif de la mort, enchaîné par ses crimes. Quand n'est-il pas désespéré par ses vices?
Et c'est pourquoi l'homme poussait de profonds soupirs, quand il devait supporter continuellement des maîtres aussi cruels. Le roi prophète, nous voyant libérés de ces calamités et ramenés au culte du Créateur, à la grâce du Père, à la liberté au service d'un bon maître, s'exclame à juste titre: Servez le Seigneur dans l'allégresse, venez à lui avec des chants de joie (Ps 99,2). Car ceux que leur culpabilité avait rejetés, ceux que leur mauvaise conscience avait chassés, voici que la grâce les ramène, l'innocence les réconcilie. Nous sommes à lui, nous, son peuple et son troupeau (Ps 99,3). On nous a montré, en langage de parabole, que le Pasteur est venu du ciel et qu'il ramènerait aux pâturages vivifiants, dans une allégresse céleste, les brebis errantes et empoisonnées par des nourritures mortelles.
Venez dans sa maison lui rendre grâce, dans sa demeure chanter ses louanges (Ps 99,4). Seule la proclamation de sa louange nous fait entrer dans sa demeure par la porte de la foi. <> Rendez-lui grâce et bénissez son nom (Ps 99,4). Ce nom par lequel nous avons été sauvés, ce nom qui fait fléchir le genou à toute créature au ciel, sur terre, aux enfers, et par lequel la création chérit infiniment Dieu, son Seigneur. Oui, le Seigneur est doux, éternel est son amour (cf. Ps 99,5). Il est vraiment doux en raison de sa miséricorde, c'est par elle seule qu'il a daigné retirer la sentence amère qui condamnait le monde entier. Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29).
Au moment de retourner au ciel, il confie donc à Pierre le soin de paître ses brebis à sa place. Pierre, m'aimes-tu? dit-il, Sois le Pasteur de mes brebis. Et pour que Pierre ne commence pas par contraindre de façon autoritaire les plus petits du troupeau, mais les porte avec douceur, il répète sa question: Pierre, m'aimes-tu? Sois le Pasteur de mes agneaux. Il confie à Pierre les brebis avec leurs petits, parce qu'il est le Pasteur qui prévoit déjà la future fécondité de son troupeau.
Pierre m'aimes-tu? Sois le Pasteur de mes agneaux (Jn 21,15-17). C'est à ces agneaux que saint Paul, collègue de Pierre le Pasteur, offrait le lait d'une nourriture spirituelle. Le saint roi David l'avait compris, et il s'écrie, comme s'il était lui-même une brebis: Le Seigneur est mon berger: je ne manque de rien. Sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre (Ps 22,1-2).
Le verset suivant de notre psaume annonce aux croyants qui reviennent aux pâturages de la paix évangélique la joie qui succède aux gémissements causés par les guerres, à une triste vie ensanglantée, à la servitude. Car l'homme était esclave du péché, captif de la mort, enchaîné par ses crimes. Quand n'est-il pas désespéré par ses vices?
Et c'est pourquoi l'homme poussait de profonds soupirs, quand il devait supporter continuellement des maîtres aussi cruels. Le roi prophète, nous voyant libérés de ces calamités et ramenés au culte du Créateur, à la grâce du Père, à la liberté au service d'un bon maître, s'exclame à juste titre: Servez le Seigneur dans l'allégresse, venez à lui avec des chants de joie (Ps 99,2). Car ceux que leur culpabilité avait rejetés, ceux que leur mauvaise conscience avait chassés, voici que la grâce les ramène, l'innocence les réconcilie. Nous sommes à lui, nous, son peuple et son troupeau (Ps 99,3). On nous a montré, en langage de parabole, que le Pasteur est venu du ciel et qu'il ramènerait aux pâturages vivifiants, dans une allégresse céleste, les brebis errantes et empoisonnées par des nourritures mortelles.
Venez dans sa maison lui rendre grâce, dans sa demeure chanter ses louanges (Ps 99,4). Seule la proclamation de sa louange nous fait entrer dans sa demeure par la porte de la foi. <> Rendez-lui grâce et bénissez son nom (Ps 99,4). Ce nom par lequel nous avons été sauvés, ce nom qui fait fléchir le genou à toute créature au ciel, sur terre, aux enfers, et par lequel la création chérit infiniment Dieu, son Seigneur. Oui, le Seigneur est doux, éternel est son amour (cf. Ps 99,5). Il est vraiment doux en raison de sa miséricorde, c'est par elle seule qu'il a daigné retirer la sentence amère qui condamnait le monde entier. Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29).
Le Pasteur se fait égorger pour son troupeau, comme s'il était une brebis. Il n'a pas refusé la mort, il n'a pas anéanti ses bourreaux comme il en avait le pouvoir, car sa Passion ne lui a pas été imposée. C'est en toute liberté qu'il a donné sa vie pour ses brebis. J'ai le pouvoir de donner ma vie, et le pouvoir de la reprendre (Jn 10,18). Par sa passion il expiait nos passions mauvaises; par sa mort il guérissait notre mort; par son tombeau il anéantit le tombeau; par les clous de sa croix il ruinait jusqu'aux fondements de l'enfer.
La mort a gardé son empire jusqu'à la mort du Christ. Les tombeaux sont restés écrasants, notre prison indestructible, jusqu'à ce que le Pasteur y descende pour annoncer aux brebis qui s'y trouvaient enfermées la joyeuse nouvelle de leur libération. Son apparition au milieu d'elles leur donnait la garantie de leur appel à une vie nouvelle. Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis, et c'est ainsi qu'il cherche à s'attirer leur amour. Or, on aime le Christ si l'on écoute attentivement sa voix.
Le pasteur sait bien séparer les chèvres des brebis. Selon l'Évangéliste, toutes les nations seront rassemblées devant lui; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres: il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche. Alors le Roi dira à ceux, qui seront à sa droite: Venez, les bénis de mon Père, recevez le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde (Mt 25,32-34).
Qu'avaient-ils donc fait pour mériter cette invitation? J'avais faim, et vous m'avez donné à manger; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli (Mt 25,35). Ce que vous avez donné aux miens, c'est moi qui vous le revaudrai. C'est par eux que moi je suis nu, étranger, errant et pauvre. C'est à eux que l'on donne, c'est moi qui suis reconnaissant. C'est moi qui suis dans la peine quand ils vous supplient.
Gagne le juge à ta cause par tes présents, avant que vienne le procès. Donne-lui une raison d'être indulgent, donne-lui matière à pardonner. Ne nous préparons pas cette sentence sévère: Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel, préparé pour le démon et ses anges. Quels sont donc ces crimes qui nous feraient condamner avec le démon! J'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'avais soif, et vous ne m'avez pas donné à boire; j'étais un étranger, et vous ne m'avez pas accueilli; j'étais nu, et vous ne m'avez pas habillé (Mt 25,41-43).
Qui donc est passé à côté de son Pasteur, qu'il voyait affamé? Qui a méprisé, en le voyant nu, celui qui sera bientôt son juge? Qui va condamner à la soif le juge de l'univers? Le Christ se laissera gagner par les services et les présents des pauvres, il dispensera d'un long supplice en récompense d'un petit présent. Éteignons le feu par notre miséricorde. Soyons compatissants envers les autres, faisons-leur grâce comme Dieu nous a fait grâce dans le Christ. A lui gloire et puissance pour les siècles des siècles.
La mort a gardé son empire jusqu'à la mort du Christ. Les tombeaux sont restés écrasants, notre prison indestructible, jusqu'à ce que le Pasteur y descende pour annoncer aux brebis qui s'y trouvaient enfermées la joyeuse nouvelle de leur libération. Son apparition au milieu d'elles leur donnait la garantie de leur appel à une vie nouvelle. Le Bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis, et c'est ainsi qu'il cherche à s'attirer leur amour. Or, on aime le Christ si l'on écoute attentivement sa voix.
Le pasteur sait bien séparer les chèvres des brebis. Selon l'Évangéliste, toutes les nations seront rassemblées devant lui; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des chèvres: il placera les brebis à sa droite, et les chèvres à sa gauche. Alors le Roi dira à ceux, qui seront à sa droite: Venez, les bénis de mon Père, recevez le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde (Mt 25,32-34).
Qu'avaient-ils donc fait pour mériter cette invitation? J'avais faim, et vous m'avez donné à manger; j'avais soif, et vous m'avez donné à boire; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli (Mt 25,35). Ce que vous avez donné aux miens, c'est moi qui vous le revaudrai. C'est par eux que moi je suis nu, étranger, errant et pauvre. C'est à eux que l'on donne, c'est moi qui suis reconnaissant. C'est moi qui suis dans la peine quand ils vous supplient.
Gagne le juge à ta cause par tes présents, avant que vienne le procès. Donne-lui une raison d'être indulgent, donne-lui matière à pardonner. Ne nous préparons pas cette sentence sévère: Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel, préparé pour le démon et ses anges. Quels sont donc ces crimes qui nous feraient condamner avec le démon! J'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger; j'avais soif, et vous ne m'avez pas donné à boire; j'étais un étranger, et vous ne m'avez pas accueilli; j'étais nu, et vous ne m'avez pas habillé (Mt 25,41-43).
Qui donc est passé à côté de son Pasteur, qu'il voyait affamé? Qui a méprisé, en le voyant nu, celui qui sera bientôt son juge? Qui va condamner à la soif le juge de l'univers? Le Christ se laissera gagner par les services et les présents des pauvres, il dispensera d'un long supplice en récompense d'un petit présent. Éteignons le feu par notre miséricorde. Soyons compatissants envers les autres, faisons-leur grâce comme Dieu nous a fait grâce dans le Christ. A lui gloire et puissance pour les siècles des siècles.
1409. Ici le Seigneur prouve son explication de la parabole, et d’abord il reprend à nouveau ce qu’il a l’intention de prouver; ensuite il introduit une preuve enfin il la manifeste .
1410. Il dit donc d’abord : MOI JE SUIS LE BON PASTEUR. Cela a été exposé plus haut — Je chercherai mes brebis en ce jour-là, comme le pasteur visite son troupeau .
A. LE CHRIST PROUVE CE QU’IL DIT
1411. Le Seigneur prouve maintenant ce qu’il dit. Or il dit deux choses à son propre sujet qu’il est pasteur et qu’il est un bon pasteur.
Il prouve donc d’abord qu’il est pasteur, ensuite qu’il est un bon pasteur .
1412. Il prouve qu’il est pasteur par deux signes qui ont été donnés plus haut au sujet du pasteur; le premier est qu’il appelle ses propres brebis par leur nom. Et quant à cela il dit : ET JE CONNAIS MES BREBIS — Le Seigneur a connu ceux qui sont les siens JE CONNAIS, dis-je, non seulement d’une simple connaissance, mais d’une connaissance d’approbation et d’amour ; parce que, comme il est dit : Il nous a aimés et nous a lavés de nos péchés .
Le second signe est que les brebis écoutent sa voix et le connaissent. Et quant à cela il dit : ET MES BREBIS ME CONNAISSENT. Mes brebis, dis-je, par prédestination, par appel et par grâce . Comme s’il disait et elles-mêmes, en m’aimant, m’obéissent. C’est pourquoi on comprend cela de la connaissance d’amour au sujet de laquelle il est dit : Tous me connaîtront, du plus petit jusqu'au plus grand .
1413. Il montre qu’il est un bon pasteur en montrant qu’il a la mission du bon pasteur, qui est de livrer son âme pour ses brebis; et d’abord il en expose la cause, puis il présente le signe lui-même , enfin il indique le fruit de ce signe .
1414. La cause de ce signe, à savoir qu’il livre son âme pour ses brebis, est la connaissance qu’il a du Père.
Cette parole peut être explicitée de deux manières. D’abord de telle sorte que le COMME signifie la similitude; et de cette manière la connaissance [de Dieu] peut être communiquée à une créature — Je connaîtrai comme aussi je suis connu , c’est-à-dire : de même que je suis connu sans voile, de même sans voile je connaîtrai.
Elle peut être explicitée aussi de telle sorte que le COMME porte en soi l’égalité; et alors connaître le Père comme il est connu de lui-même est le propre du Fils seul, parce que seul le Fils connaît le Père d’une connaissance de compréhension, comme le Père connaît le Fils d’une connaissance de compréhension — Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils , c’est-à-dire d’une connaissance de compréhension. C’est cela que le Seigneur dit ici, parce qu’en connaissant le Père, il connaît sa volonté. Et il était dans cette volonté que le Fils mourût pour le salut du genre humain : en cela aussi il se montre médiateur entre Dieu et l’homme. Car, de même qu’il est à l’égard des brebis comme celui qui est connu et qui connaît, ainsi est-il aussi à l’égard du Père : comme le Père le connaît, ainsi lui-même connaît le Père.
1415. Il donne ici le signe lui-même : En cela nous avons connu l’amour de Dieu : c’est que celui-là a livré son âme pour nous .
Mais, puisque dans le Christ sont trois substances, c’est-à-dire la substance du Verbe, de l’âme et du corps, on cherche qui parle quand il dit : JE LIVRE MON ÂME. Si tu dis qu’ici le Verbe parle, ce n’est pas vrai : car le Verbe ne livre jamais son âme puisque jamais il n’a été séparé de l’âme. Si tu dis que l’âme parle : cela semble aussi impossible parce que rien n’est séparé de soi-même. Mais si tu dis que le Christ dit cela quant au corps, cela ne semble pas être non plus, parce que le corps n’a pas le pouvoir de saisir l’âme de nouveau.
Il faut donc répondre à cela que dans la mort du Christ, l’âme a été séparée de la chair, autrement il n’aurait pas été vraiment mort. Mais, dans le Christ, la divinité n’a jamais été séparée de l’âme et de la chair, mais elle a été unie à l’âme descendant aux enfers et au corps restant dans le sépulcre; et c’est pourquoi le corps par la puissance de la divinité a livré l’âme, et l’a saisie à nouveau .
1416. Ensuite il montre le fruit de la mort du Christ, qui est le salut non seulement des Juifs mais aussi des Gentils . En effet, parce qu’il avait dit : JE LIVRE MON ÂME POUR MES BREBIS, les Juifs, songeant qu’eux-mêmes étaient les brebis de Dieu, selon ce psaume : Et nous son peuple, et les brebis de son pâturage , auraient pu dire que c’est pour eux seulement que le Christ livrerait son âme. Mais le Seigneur poursuit, en disant que c’est non seulement pour eux mais aussi pour les autres. Plus loin il est dit : Cela il ne le dit pas de lui-même : mais comme il était grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non pour la nation seulement, mais pour rassembler en un les fils de Dieu qui étaient dispersés
1417. En parlant de ce fruit [qui est le salut de tous] le Seigneur fait trois choses. D’abord il expose la prédestination des nations païennes, ensuite leur appel par grâce , enfin leur justification .
Quant au premier point il dit : J’AI ENCORE D’AUTRES BREBIS, à savoir les nations païennes, QUI NE SONT PAS DE CE BERCAIL, c’est-à-dire nées de la chair d’Israël, qui était comme un bercail. Je te rassemblerai tout entier, Jacob, je réunirai les restes d’Israël, je les mettrai ensemble comme un troupeau dans le bercail, comme le bétail dans son enclos . Car de même que les brebis sont enfermées dans le bercail, de même ceux-là étaient gardés enfermés dans des préceptes légaux, comme on le rapporte dans l’épître aux Galates . Celles-ci, dis-je, ces brebis, c’est-à-dire les Gentils, je les tiens du Père, par la prédestination éternelle — Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage . — C’est peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob, et ramener les restes d’Israël Je t’ai donné en lumière des nations pour que tu sois mon salut jusqu’à l’extrémité de la terre .
1418. Quant au second point il dit : ET CELLES-LÀ AUSSI, IL FAUT QUE JE LES CONDUISE, c’est-à-dire il est opportun selon l’ordre de la prédestination divine de [les] appeler à la grâce.
Mais [ailleurs] contrairement à cela, le Seigneur dit : Je n'ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël .
Réponse : il faut dire que Jésus n’a été envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël pour leur prêcher en étant présent par son corps, selon cette parole de l’épître aux Romains : Je dis que le Christ Jésus a été ministre de la circoncision à cause de la vérité de Dieu, pour confirmer les promesses faites aux pères . Et il a amené les nations païennes par le moyen de ses Apôtres — J’en enverrai de ceux — là qui sont restés vers les nations .
1419. Quant au troisième point il dit : ET ELLES ÉCOUTERONT MA VOIX. Là sont exposées trois choses nécessaires pour la justice de la religion chrétienne. La première est l’obéissance aux commandements de Dieu. Et quant à cela il dit : ET ELLES ÉCOUTERONT MA VOIX, c’est-à-dire qu’elles garderont mes commandements Leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé . — Un peuple que je n’ai pas connu, c’est-à-dire qu’auparavant je n’ai pas approuvé , m’a servi et en écoutant, il m’a obéi .
La seconde est l’unité de la charité. Et quant à cela, il dit : ET IL Y AURA ALORS UN SEUL TROUPEAU, c’est-à-dire qu’à partir des deux nations, le peuple judaïque et le peuple païen, [il y aura] une seule Eglise de ceux qui croient — Une seule foi . — Lui-même est notre paix, lui qui des deux en fait un .
La troisième est l’unité de la foi. Et quant à cela il dit : UN SEUL PASTEUR — Et il y aura un seul pasteur pour eux tous , c’est-à-dire les Juifs et les Gentils.
B. LE CHRIST EXPUCITE LA PREUVE QU’IL A DONNÉE
1420. Le Seigneur explicite maintenant la preuve [qu'il a donnée]; et d’abord il manifeste la cause du signe, ensuite le signe ou l’effet , enfin il montre que cette cause convient .
1421. Le Seigneur a dit que la cause de la mort était la connaissance qu’il a du Père, disant : COMME LE PÈRE ME CONNAÎT ET QUE MOI JE CONNAIS LE PÈRE, ET JE LIVRE MON ÂME POUR MES BREBIS. C’est pourquoi, en explicitant cela, il dit : C’EST POUR CELA QUE LE PÈRE M’AIME. D’où il est évident que le Père le connaît d’une connaissance d’approbation C’EST POUR CELA, dis-je, PARCE QUE MOI JE LIVRE MON ÂME, POUR LA PRENDRE DE NOUVEAU.
1422. Mais la mort est-elle cause de l’amour du Père? Il semble que non, parce que ce qui est temporel n’est pas cause de ce qui est éternel; or la mort du Christ est temporelle, mais l’amour de Dieu pour le Christ est éternel.
Je réponds. Il faut dire que le Christ parle ici de l’amour du Père pour lui en tant qu’il est homme; et ainsi ce passage peut être lu de deux manières. L’une de telle sorte que le PARCE QUE est considéré d’une manière causale, l’autre de telle sorte qu’il désigne le terme ou le signe de l’amour.
Certes, s’il est pris d’une manière causale, en voici le sens : PARCE QUE MOI JE LIVRE MON ÂME, c’est-à-dire : je prends sur moi la mort, C’EST POUR CELA QUE LE PÈRE M’AIME, c’est-à-dire il me donne l’effet de l’amour, à savoir la splendeur et l’exaltation du corps — Il a été fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la Croix : à cause de cela Dieu l’a exalté, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom .
Mais à l’encontre de [cette interprétation], nos bonnes œuvres, semble-t-il, ne peuvent être méritoires de l’amour divin. Puisqu’en effet nos œuvres sont méritoires dans la mesure où elles sont informées par la charité, selon ce qui est dit : Quand je distribuerais tous mes biens, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien — or Dieu nous devance même dans l’amour [in amando] : En cela est la charité, ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais lui-même qui nous a aimés le premier —, il est manifeste que son amour précède tout notre mérite.
A cela on doit répondre que nul ne peut mériter l’amour même de Dieu; mais l’effet de l’amour divin qui est la communication du bien de la gloire, gloire que par son amour Dieu nous confère, nous pouvons le mériter par nos bonnes œuvres. C’est pourquoi nous pouvons dire que Dieu, à cause de cela, aime cet homme ou celui-là, c’est-à-dire lui dispense l’effet de son amour, parce qu’il accomplit ses commandements. Et ainsi nous pouvons dire au sujet du Christ-homme que le Père l’aime, c’est-à-dire qu’il l’a exalté et lui a donné la splendeur de la gloire, parce qu’il a livré son âme à la mort.
Mais si le PARCE QUE implique le terme de l’amour, alors en voici le sens : C’EST POUR CELA QUE LE PÈRE M’AIME, c’est-à-dire pour cela le Père m’a aimé, pour que JE LIVRE MON ÂME. Comme s’il disait : le Père, par son amour qu’il a pour moi, a ordonné que par ma Passion je rachète le genre humain — Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous .
Mais si le PARCE QUE désigne le signe de l’amour, alors en voici le sens : C’EST POUR CELA QUE LE PÈRE M’AIME, PARCE QUE MOI JE LIVRE MON ÂME. Comme s’il disait, le signe que le Père m’aime, est celui-ci QUE JE LIVRE MON ÂME, autrement dit : en accomplissant ses commandements et sa volonté, je prends sur moi la mort. En effet, le signe évident de l’amour est que l’homme, par la charité, accomplisse les commandements de Dieu.
1423. Ici, il explicite l’effet du signe — ce signe était ce qu’il a dit : JE LIVRE MON ÂME POUR MES BREBIS — en montrant comment il la livre; il exclut la violence, et il poursuit en précisant [quel est son pouvoir] .
1424. Il exclut la violence qui peut être faite à quelqu’un quand on lui enlève la vie — ce qui n’a pas été fait au Christ. Et quant à cela il dit : PERSONNE NE ME L’ENLÈVE, c’est-à-dire que personne n’enlève mon âme de moi par violence, MAIS MOI JE LA LIVRE, par ma propre puissance, c’est-à-dire DE MOI-MÊME — A celui qui est fort enlève-t-on sa proie ?
Mais les Juifs n’ont-ils pas infligé la violence au Christ? Certes ils l’ont infligée autant qu’elle fut en eux; mais, dans le Christ, il n’y eut pas cette violence parce que, quand il le voulut, de lui-même il a livré [son âme]. C’est pourquoi plus haut il est dit que les Juifs, voulant l’appréhender, ne le purent, parce que son heure n'était pas encore venue , heure volontaire, "non pas celle où il serait forcé de mourir, mais celle où il jugerait digne d’être mis à mort" comme le dit Augustin .
1425. Il poursuit en ajoutant son pouvoir.
A ce sujet, il faut savoir que puisque l’union de l’âme et du corps est naturelle, leur séparation est aussi naturelle. Et, bien que la cause de cette séparation et de cette mort puisse être volontaire, cependant la mort chez les hommes est toujours naturelle. En aucun homme qui n’est qu’homme la nature n’est soumise à la volonté, puisque de même que la volonté, ainsi la nature vient de Dieu : et c’est pourquoi il faut que la mort de n’importe quel homme qui n’est qu’homme soit naturelle .
Or, dans le Christ, sa nature, et toute autre nature, est soumise à sa volonté, comme les réalités artistiques à la volonté de l’artiste. Et c’est pourquoi, selon la complaisance de sa volonté, il a pu livrer son âme quand il l’a voulu, et de nouveau la saisir : ce que nul homme comme tel ne peut faire, bien qu’il puisse se porter volontairement à lui-même la cause de la mort. Et de là vient que le centurion, voyant qu’il n’était pas mort d’une nécessité naturelle mais de lui-même, alors que clamant d’une voix forte, il remit l’esprit , reconnut en lui la puissance divine en disant : Celui-ci était vraiment Fils de Dieu . C’est pourquoi l’Apôtre dit : Le langage de la Croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance de Dieu . Ainsi, dans la mort même du Christ, la puissance de son pouvoir a été manifestée.
1426. Ici, il montre que la cause dite auparavant convient : car l’accomplissement du commandement manifeste l’amour pour le commandement. Et c’est pourquoi il dit : CE COMMANDEMENT JE L’AI REÇU DE MON PÈRE, à savoir de livrer mon âme, et de la reprendre. Plus loin il est dit : Si quelqu'un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera .
1410. Il dit donc d’abord : MOI JE SUIS LE BON PASTEUR. Cela a été exposé plus haut — Je chercherai mes brebis en ce jour-là, comme le pasteur visite son troupeau .
A. LE CHRIST PROUVE CE QU’IL DIT
1411. Le Seigneur prouve maintenant ce qu’il dit. Or il dit deux choses à son propre sujet qu’il est pasteur et qu’il est un bon pasteur.
Il prouve donc d’abord qu’il est pasteur, ensuite qu’il est un bon pasteur .
1412. Il prouve qu’il est pasteur par deux signes qui ont été donnés plus haut au sujet du pasteur; le premier est qu’il appelle ses propres brebis par leur nom. Et quant à cela il dit : ET JE CONNAIS MES BREBIS — Le Seigneur a connu ceux qui sont les siens JE CONNAIS, dis-je, non seulement d’une simple connaissance, mais d’une connaissance d’approbation et d’amour ; parce que, comme il est dit : Il nous a aimés et nous a lavés de nos péchés .
Le second signe est que les brebis écoutent sa voix et le connaissent. Et quant à cela il dit : ET MES BREBIS ME CONNAISSENT. Mes brebis, dis-je, par prédestination, par appel et par grâce . Comme s’il disait et elles-mêmes, en m’aimant, m’obéissent. C’est pourquoi on comprend cela de la connaissance d’amour au sujet de laquelle il est dit : Tous me connaîtront, du plus petit jusqu'au plus grand .
1413. Il montre qu’il est un bon pasteur en montrant qu’il a la mission du bon pasteur, qui est de livrer son âme pour ses brebis; et d’abord il en expose la cause, puis il présente le signe lui-même , enfin il indique le fruit de ce signe .
1414. La cause de ce signe, à savoir qu’il livre son âme pour ses brebis, est la connaissance qu’il a du Père.
Cette parole peut être explicitée de deux manières. D’abord de telle sorte que le COMME signifie la similitude; et de cette manière la connaissance [de Dieu] peut être communiquée à une créature — Je connaîtrai comme aussi je suis connu , c’est-à-dire : de même que je suis connu sans voile, de même sans voile je connaîtrai.
Elle peut être explicitée aussi de telle sorte que le COMME porte en soi l’égalité; et alors connaître le Père comme il est connu de lui-même est le propre du Fils seul, parce que seul le Fils connaît le Père d’une connaissance de compréhension, comme le Père connaît le Fils d’une connaissance de compréhension — Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils , c’est-à-dire d’une connaissance de compréhension. C’est cela que le Seigneur dit ici, parce qu’en connaissant le Père, il connaît sa volonté. Et il était dans cette volonté que le Fils mourût pour le salut du genre humain : en cela aussi il se montre médiateur entre Dieu et l’homme. Car, de même qu’il est à l’égard des brebis comme celui qui est connu et qui connaît, ainsi est-il aussi à l’égard du Père : comme le Père le connaît, ainsi lui-même connaît le Père.
1415. Il donne ici le signe lui-même : En cela nous avons connu l’amour de Dieu : c’est que celui-là a livré son âme pour nous .
Mais, puisque dans le Christ sont trois substances, c’est-à-dire la substance du Verbe, de l’âme et du corps, on cherche qui parle quand il dit : JE LIVRE MON ÂME. Si tu dis qu’ici le Verbe parle, ce n’est pas vrai : car le Verbe ne livre jamais son âme puisque jamais il n’a été séparé de l’âme. Si tu dis que l’âme parle : cela semble aussi impossible parce que rien n’est séparé de soi-même. Mais si tu dis que le Christ dit cela quant au corps, cela ne semble pas être non plus, parce que le corps n’a pas le pouvoir de saisir l’âme de nouveau.
Il faut donc répondre à cela que dans la mort du Christ, l’âme a été séparée de la chair, autrement il n’aurait pas été vraiment mort. Mais, dans le Christ, la divinité n’a jamais été séparée de l’âme et de la chair, mais elle a été unie à l’âme descendant aux enfers et au corps restant dans le sépulcre; et c’est pourquoi le corps par la puissance de la divinité a livré l’âme, et l’a saisie à nouveau .
1416. Ensuite il montre le fruit de la mort du Christ, qui est le salut non seulement des Juifs mais aussi des Gentils . En effet, parce qu’il avait dit : JE LIVRE MON ÂME POUR MES BREBIS, les Juifs, songeant qu’eux-mêmes étaient les brebis de Dieu, selon ce psaume : Et nous son peuple, et les brebis de son pâturage , auraient pu dire que c’est pour eux seulement que le Christ livrerait son âme. Mais le Seigneur poursuit, en disant que c’est non seulement pour eux mais aussi pour les autres. Plus loin il est dit : Cela il ne le dit pas de lui-même : mais comme il était grand prêtre cette année-là, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation, et non pour la nation seulement, mais pour rassembler en un les fils de Dieu qui étaient dispersés
1417. En parlant de ce fruit [qui est le salut de tous] le Seigneur fait trois choses. D’abord il expose la prédestination des nations païennes, ensuite leur appel par grâce , enfin leur justification .
Quant au premier point il dit : J’AI ENCORE D’AUTRES BREBIS, à savoir les nations païennes, QUI NE SONT PAS DE CE BERCAIL, c’est-à-dire nées de la chair d’Israël, qui était comme un bercail. Je te rassemblerai tout entier, Jacob, je réunirai les restes d’Israël, je les mettrai ensemble comme un troupeau dans le bercail, comme le bétail dans son enclos . Car de même que les brebis sont enfermées dans le bercail, de même ceux-là étaient gardés enfermés dans des préceptes légaux, comme on le rapporte dans l’épître aux Galates . Celles-ci, dis-je, ces brebis, c’est-à-dire les Gentils, je les tiens du Père, par la prédestination éternelle — Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage . — C’est peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob, et ramener les restes d’Israël Je t’ai donné en lumière des nations pour que tu sois mon salut jusqu’à l’extrémité de la terre .
1418. Quant au second point il dit : ET CELLES-LÀ AUSSI, IL FAUT QUE JE LES CONDUISE, c’est-à-dire il est opportun selon l’ordre de la prédestination divine de [les] appeler à la grâce.
Mais [ailleurs] contrairement à cela, le Seigneur dit : Je n'ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël .
Réponse : il faut dire que Jésus n’a été envoyé qu’aux brebis de la maison d’Israël pour leur prêcher en étant présent par son corps, selon cette parole de l’épître aux Romains : Je dis que le Christ Jésus a été ministre de la circoncision à cause de la vérité de Dieu, pour confirmer les promesses faites aux pères . Et il a amené les nations païennes par le moyen de ses Apôtres — J’en enverrai de ceux — là qui sont restés vers les nations .
1419. Quant au troisième point il dit : ET ELLES ÉCOUTERONT MA VOIX. Là sont exposées trois choses nécessaires pour la justice de la religion chrétienne. La première est l’obéissance aux commandements de Dieu. Et quant à cela il dit : ET ELLES ÉCOUTERONT MA VOIX, c’est-à-dire qu’elles garderont mes commandements Leur apprenant à garder tout ce que je vous ai commandé . — Un peuple que je n’ai pas connu, c’est-à-dire qu’auparavant je n’ai pas approuvé , m’a servi et en écoutant, il m’a obéi .
La seconde est l’unité de la charité. Et quant à cela, il dit : ET IL Y AURA ALORS UN SEUL TROUPEAU, c’est-à-dire qu’à partir des deux nations, le peuple judaïque et le peuple païen, [il y aura] une seule Eglise de ceux qui croient — Une seule foi . — Lui-même est notre paix, lui qui des deux en fait un .
La troisième est l’unité de la foi. Et quant à cela il dit : UN SEUL PASTEUR — Et il y aura un seul pasteur pour eux tous , c’est-à-dire les Juifs et les Gentils.
B. LE CHRIST EXPUCITE LA PREUVE QU’IL A DONNÉE
1420. Le Seigneur explicite maintenant la preuve [qu'il a donnée]; et d’abord il manifeste la cause du signe, ensuite le signe ou l’effet , enfin il montre que cette cause convient .
1421. Le Seigneur a dit que la cause de la mort était la connaissance qu’il a du Père, disant : COMME LE PÈRE ME CONNAÎT ET QUE MOI JE CONNAIS LE PÈRE, ET JE LIVRE MON ÂME POUR MES BREBIS. C’est pourquoi, en explicitant cela, il dit : C’EST POUR CELA QUE LE PÈRE M’AIME. D’où il est évident que le Père le connaît d’une connaissance d’approbation C’EST POUR CELA, dis-je, PARCE QUE MOI JE LIVRE MON ÂME, POUR LA PRENDRE DE NOUVEAU.
1422. Mais la mort est-elle cause de l’amour du Père? Il semble que non, parce que ce qui est temporel n’est pas cause de ce qui est éternel; or la mort du Christ est temporelle, mais l’amour de Dieu pour le Christ est éternel.
Je réponds. Il faut dire que le Christ parle ici de l’amour du Père pour lui en tant qu’il est homme; et ainsi ce passage peut être lu de deux manières. L’une de telle sorte que le PARCE QUE est considéré d’une manière causale, l’autre de telle sorte qu’il désigne le terme ou le signe de l’amour.
Certes, s’il est pris d’une manière causale, en voici le sens : PARCE QUE MOI JE LIVRE MON ÂME, c’est-à-dire : je prends sur moi la mort, C’EST POUR CELA QUE LE PÈRE M’AIME, c’est-à-dire il me donne l’effet de l’amour, à savoir la splendeur et l’exaltation du corps — Il a été fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la Croix : à cause de cela Dieu l’a exalté, et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom .
Mais à l’encontre de [cette interprétation], nos bonnes œuvres, semble-t-il, ne peuvent être méritoires de l’amour divin. Puisqu’en effet nos œuvres sont méritoires dans la mesure où elles sont informées par la charité, selon ce qui est dit : Quand je distribuerais tous mes biens, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert de rien — or Dieu nous devance même dans l’amour [in amando] : En cela est la charité, ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais lui-même qui nous a aimés le premier —, il est manifeste que son amour précède tout notre mérite.
A cela on doit répondre que nul ne peut mériter l’amour même de Dieu; mais l’effet de l’amour divin qui est la communication du bien de la gloire, gloire que par son amour Dieu nous confère, nous pouvons le mériter par nos bonnes œuvres. C’est pourquoi nous pouvons dire que Dieu, à cause de cela, aime cet homme ou celui-là, c’est-à-dire lui dispense l’effet de son amour, parce qu’il accomplit ses commandements. Et ainsi nous pouvons dire au sujet du Christ-homme que le Père l’aime, c’est-à-dire qu’il l’a exalté et lui a donné la splendeur de la gloire, parce qu’il a livré son âme à la mort.
Mais si le PARCE QUE implique le terme de l’amour, alors en voici le sens : C’EST POUR CELA QUE LE PÈRE M’AIME, c’est-à-dire pour cela le Père m’a aimé, pour que JE LIVRE MON ÂME. Comme s’il disait : le Père, par son amour qu’il a pour moi, a ordonné que par ma Passion je rachète le genre humain — Il n’a pas épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous .
Mais si le PARCE QUE désigne le signe de l’amour, alors en voici le sens : C’EST POUR CELA QUE LE PÈRE M’AIME, PARCE QUE MOI JE LIVRE MON ÂME. Comme s’il disait, le signe que le Père m’aime, est celui-ci QUE JE LIVRE MON ÂME, autrement dit : en accomplissant ses commandements et sa volonté, je prends sur moi la mort. En effet, le signe évident de l’amour est que l’homme, par la charité, accomplisse les commandements de Dieu.
1423. Ici, il explicite l’effet du signe — ce signe était ce qu’il a dit : JE LIVRE MON ÂME POUR MES BREBIS — en montrant comment il la livre; il exclut la violence, et il poursuit en précisant [quel est son pouvoir] .
1424. Il exclut la violence qui peut être faite à quelqu’un quand on lui enlève la vie — ce qui n’a pas été fait au Christ. Et quant à cela il dit : PERSONNE NE ME L’ENLÈVE, c’est-à-dire que personne n’enlève mon âme de moi par violence, MAIS MOI JE LA LIVRE, par ma propre puissance, c’est-à-dire DE MOI-MÊME — A celui qui est fort enlève-t-on sa proie ?
Mais les Juifs n’ont-ils pas infligé la violence au Christ? Certes ils l’ont infligée autant qu’elle fut en eux; mais, dans le Christ, il n’y eut pas cette violence parce que, quand il le voulut, de lui-même il a livré [son âme]. C’est pourquoi plus haut il est dit que les Juifs, voulant l’appréhender, ne le purent, parce que son heure n'était pas encore venue , heure volontaire, "non pas celle où il serait forcé de mourir, mais celle où il jugerait digne d’être mis à mort" comme le dit Augustin .
1425. Il poursuit en ajoutant son pouvoir.
A ce sujet, il faut savoir que puisque l’union de l’âme et du corps est naturelle, leur séparation est aussi naturelle. Et, bien que la cause de cette séparation et de cette mort puisse être volontaire, cependant la mort chez les hommes est toujours naturelle. En aucun homme qui n’est qu’homme la nature n’est soumise à la volonté, puisque de même que la volonté, ainsi la nature vient de Dieu : et c’est pourquoi il faut que la mort de n’importe quel homme qui n’est qu’homme soit naturelle .
Or, dans le Christ, sa nature, et toute autre nature, est soumise à sa volonté, comme les réalités artistiques à la volonté de l’artiste. Et c’est pourquoi, selon la complaisance de sa volonté, il a pu livrer son âme quand il l’a voulu, et de nouveau la saisir : ce que nul homme comme tel ne peut faire, bien qu’il puisse se porter volontairement à lui-même la cause de la mort. Et de là vient que le centurion, voyant qu’il n’était pas mort d’une nécessité naturelle mais de lui-même, alors que clamant d’une voix forte, il remit l’esprit , reconnut en lui la puissance divine en disant : Celui-ci était vraiment Fils de Dieu . C’est pourquoi l’Apôtre dit : Le langage de la Croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance de Dieu . Ainsi, dans la mort même du Christ, la puissance de son pouvoir a été manifestée.
1426. Ici, il montre que la cause dite auparavant convient : car l’accomplissement du commandement manifeste l’amour pour le commandement. Et c’est pourquoi il dit : CE COMMANDEMENT JE L’AI REÇU DE MON PÈRE, à savoir de livrer mon âme, et de la reprendre. Plus loin il est dit : Si quelqu'un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l’aimera .
Personne (avec emphase) ne me la prend (αἴρει au présent ; c'est à tort que divers manuscrits ont
ηρεν à l'aoriste). Quelle est la puissance humaine qui eût été capable de faire mourir le Verbe incarné, sans
son acquiescement plein et entier ? S'il perd la vie, ce n'est point par impuissance de se défendre. - Mais je
la donne de moi-même. (nouvelle emphase sur les deux pronoms). Même idée, reproduite sous une forme
positive. Voyez le beau commentaire contenu dans l'histoire même de la mort de N.-S. Jésus-Christ. Luc.
23, 46: « Père, entre tes mains je remets mon esprit ». Cf. Matth. 27, 50 ; Joan. 19, 30 et parall. Aucun des
quatre narrateurs ne dit que Jésus « mourut » ; tous ils évitent cette expression qui eût été inexacte
relativement à lui. - J’ai le pouvoir de la donner... Autre point sur lequel le divin Maître veut nous
éclairer : sa mort et sa résurrection auront lieu en vertu d'un mandat spécial de son Père. Sur le nom grec
Ἐξουσίαν, voyez 1, 12, et le commentaire. - Et j’ai le pouvoir de la reprendre. La formule ἐξουσίαν
ἔχω est répétée d'une manière solennelle. Reprendre sa vie ; c'est ressusciter après la mort : preuve d'une
puissance divine. - Tel est le commandement, Ταύτην τὴν ἐντολὴν (avec l'accent sur le pronom) : le
double mandat de sacrifier sa vie et de la reprendre ensuite. - Que j’ai reçu de mon Père. La volonté de
Dieu, le plan providentiel, tel est, enfin de compte, le motif pour lequel le bon Pasteur se sacrifie pour ses
brebis ; mais entre cette volonté du Père et la sienne il existe la plus parfaite harmonie. Beau trait pour
terminer ce passage admirable. - Sur les représentations artistiques du Bon Pasteur dans l'antiquité, voyez
l'Evang. selon S. Luc, p. 278.
Par la profession d’obéissance, les religieux font l’offrande totale de leur propre volonté, comme un sacrifice d’eux-mêmes à Dieu, et par là ils s’unissent plus fermement et plus sûrement à sa volonté de salut. À l’exemple de Jésus Christ qui est venu pour faire la volonté du Père (cf. Jn 4, 34 ; 5, 30 ; He 10, 7 ; Ps 39, 9) et qui « prenant la forme d’esclave » (Ph 2, 7) a appris en souffrant l’obéissance (cf. He 5, 8), les religieux, sous la motion de l’Esprit Saint se soumettent dans la foi à leurs supérieurs, qui sont les représentants de Dieu, et ils sont guidés par eux au service de tous leurs frères dans le Christ comme le Christ lui-même qui, à cause de sa soumission au Père, s’est fait serviteur de ses frères et a donné sa vie en rançon pour la multitude (cf. Mt 20, 28 ; Jn 10, 14-18). Ils sont liés ainsi plus étroitement au service de l’Église et tendent à parvenir à la mesure de la plénitude de l’âge du Christ (cf. Ep 4, 13).
En vertu de son rapport étroit avec le sacrifice du Golgotha, l'Eucharistie est un sacrifice au sens propre, et non seulement au sens générique, comme s'il s'agissait d'une simple offrande que le Christ fait de lui-même en nourriture spirituelle pour les fidèles. En effet, le don de son amour et de son obéissance jusqu'au terme de sa vie (cf. Jn 10, 17-18) est en premier lieu un don à son Père. C'est assurément un don en notre faveur, et même en faveur de toute l'humanité (cf. Mt 26, 28; Mc 14, 24; Lc 22, 20; Jn 10, 15), mais c'est avant tout un don au Père: « Sacrifice que le Père a accepté, échangeant le don total de son Fils, qui s'est fait “obéissant jusqu'à la mort” (Ph 2, 8), avec son propre don paternel, c'est-à-dire avec le don de la vie nouvelle et immortelle dans la résurrection ».
En donnant son sacrifice à l'Église, le Christ a voulu également faire sien le sacrifice spirituel de l'Église, appelée à s'offrir aussi elle-même en même temps que le sacrifice du Christ. Tel est l'enseignement du Concile Vatican II concernant tous les fidèles: « Participant au Sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, ils offrent à Dieu la victime divine, et s'offrent eux-mêmes avec elle ».
En donnant son sacrifice à l'Église, le Christ a voulu également faire sien le sacrifice spirituel de l'Église, appelée à s'offrir aussi elle-même en même temps que le sacrifice du Christ. Tel est l'enseignement du Concile Vatican II concernant tous les fidèles: « Participant au Sacrifice eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, ils offrent à Dieu la victime divine, et s'offrent eux-mêmes avec elle ».
Ce service de l'unité, enraciné dans l'œuvre de la miséricorde divine, est confié, à l'intérieur même du collège des Evêques, à l'un de ceux qui ont reçu de l'Esprit la charge, non pas d'exercer un pouvoir sur le peuple — comme le font les chefs des nations et les grands (cf. Mt 20, 25; Mc 10, 42) —, mais de conduire le peuple pour qu'il puisse avancer vers de paisibles pâturages. Cette charge peut imposer d'offrir sa propre vie (cf. Jn 10, 11-18). Après avoir montré que le Christ est « le seul Pasteur, en l'unité de qui tous ne font qu'un », saint Augustin exhorte: « Que tous les pasteurs soient donc en un seul pasteur, qu'ils fassent entendre la voix unique du pasteur; que les brebis l'entendent, qu'elles suivent leur pasteur, non pas celui-ci ou celui-là, mais le seul. Et que tous, en lui, fassent entendre une seule voix, et non pas des voix discordantes. Cette voix, débarrassée de toute division, purifiée de toute hérésie, que les brebis l'écoutent! » La mission de l'Evêque de Rome au sein du groupe de tous les pasteurs consiste précisément à « veiller » (episkopein), comme une sentinelle, de sorte que, grâce aux pasteurs, on entende dans toutes les Églises particulières la voix véritable du Christ-Pasteur. Ainsi, se réalise, dans chacune des Eglises particulières qui leur sont confiées, l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique. Toutes les Eglises sont en pleine et visible communion, parce que les Pasteurs sont en communion avec Pierre et sont ainsi dans l'unité du Christ.