Jean 11, 35
Alors Jésus se mit à pleurer.
Alors Jésus se mit à pleurer.
Ligne toute divine, qu’on a bien de la peine à lire sans verser
soi-même quelques larmes. Elle méritait d’être mise à part dans un verset qui est à la fois l’un des plus courts
et peut-être le plus touchant des SS. Livres. La brièveté dramatique et solennelle du style la relève
admirablement. Le verbe grec marque des pleurs muets et silencieux, par opposition aux sanglots de Marie et
des Juifs (versets 31 et 33). Pourtant Jésus pleura lui-même un jour à haute voix, à l’occasion de la mort
morale, de la ruine prochaine de sa patrie. Cf. Luc. 19, 41 et le commentaire. Quelques rationalistes se
scandalisent des larmes de Jésus (Baur, Strauss, Keim) : ils préféreraient sans doute un Fils de l’homme
apathique et froid comme les dieux du paganisme, qui ne savaient pas pleurer. Dans l’Hippolyte d’Euripide,
le héros dit tristement à Artémise :
« Vois-tu, ma souveraine, l'état déplorable où je suis ? » …
Et Diane répond :
« Je le vois, mais il n'est pas permis à mes yeux de verser des larmes » (Hippolyte, v. 1395).
Mais le Verbe fait chair n’était pas au-dessus des larmes, qui manifestent, après tout, un des plus nobles côtés
de la nature humaine.
« En donnant des larmes, la nature affirme qu’elle a donné au genre humain des cœurs très tendres.
C’est la meilleure partie de nos sentiments ».
Juvénal, Sat. 15, 131 et ss.
Voyez Trench, The Miracles of our Lord, p. 434 de la 9è édition.
45. L’Évangile ne cache pas les sentiments de Jésus à l’égard de Jérusalem, la ville bien-aimée : « Quand Il fut proche, à la vue de la ville, Il pleura sur elle » (Lc 19, 41) et exprima son plus grand regret : « Si en ce jour tu avais compris, toi aussi, le message de paix ! » (19, 42). Les évangélistes, tout en le montrant parfois puissant ou glorieux, ne manquent pas de révéler ses sentiments face à la mort et à la souffrance des amis. Avant de raconter que « Jésus pleura » (Jn 11, 35) sur le tombeau de Lazare, l’Évangile explique qu’« Il aimait Marthe et sa sœur et Lazare » (Jn 11, 5) et que, voyant Marie et ses compagnes pleurer, « Il frémit en son esprit et se troubla » (Jn 11, 33). Le récit ne laisse aucun doute sur le fait qu’il s’agit de pleurs sincères provenant d’un trouble intérieur. Enfin, l’angoisse de Jésus face à sa mort violente de la main de ceux qu’Il aime tant n’est pas non plus cachée : « Il commença à ressentir effroi et angoisse » (Mc 14, 33), au point de dire : « Mon âme est triste à en mourir » (Mc 14, 34). Ce trouble intérieur s’exprime avec toute sa force dans le cri du Crucifié : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15, 34).