Jean 11, 46
Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu’il avait fait.
Mais quelques-uns allèrent trouver les pharisiens pour leur raconter ce qu’il avait fait.
Il élève les yeux en haut, c'est-à-dire qu'il élève son âme humaine, et qu'il la conduit par la prière jusqu'au Très-Haut. Celui donc qui veut imiter la prière de Jésus-Christ doit aussi élever jusqu'au ciel les yeux de son cœur, et les détacher de toutes les choses présentes, de tout ce qui remplit mémoire, ses pensées, ses intentions. Mais si Dieu promet d'exaucer la prière de ceux qui remplissent ces conditions, comme il le déclare par la bouche d'Isaïe : « Pendant que vous parlerez encore, je dirai : Me voici, » (Is 58, 9) que devons-nous penser de Notre-Seigneur Jésus-Christ notre Sauveur ? Il allait prier Dieu pour obtenir la résurrection de Lazare, mais celui qui seul est un Père plein de bonté exauce sa prière avant même qu'il l'ait faite. Et c'est pour remercier son Père qu'il lui rend grâces en ces termes : « Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m'avez exaucé..., afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé. »
On peut dire avec raison que c'est cette voix forte qui a ressuscité Lazare, et ainsi se trouve accomplie cette parole du Sauveur : « Notre ami Lazare dort, je vais le réveiller. » Le Père qui a exaucé la prière du Fils a aussi ressuscité Lazare, et cette résurrection est l'œuvre commune du Fils et du Père qui l'a exaucé, car de même que le Père ressuscite les morts et leur rend la vie, le Fils donne aussi la vie à qui il veut. » (Jn 5, 21.)
Nôtre-Seigneur avait dit précédemment : « Je dis ceci à cause de ce peuple qui m'entoure, afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé. » Si aucun de ceux qui étaient présents n'avaient cru en lui, il eût parlé comme un homme qui n'a aucune connaissance de l'avenir ; aussi est-ce pour éloigner ce soupçon que l'Evangéliste ajoute : « Plusieurs d'entre les Juifs crurent en lui, mais quelques-uns d'entre eux allèrent trouver les pharisiens et leur racontèrent ce que Jésus avait fait. » Cette proposition paraît offrir un sens équivoque, ceux qui allèrent trouver les pharisiens étaient-ils du grand nombre de ceux qui crurent en Jésus-Christ, et se proposèrent-ils de concilier à Jésus-Christ les pharisiens animés de dispositions hostiles à son égard ? ou bien étaient-ils différents de ceux qui crurent en lui, et ne cherchèrent-ils qu'à exciter contre le Sauveur le zèle plein de jalousie des pharisiens ? C'est cette dernière supposition qui paraît ressortir du récit de l'Evangéliste. D'après son récit, en effet, c'est le grand nombre de ceux qui étaient présents qui crurent en Jésus-Christ, et un petit nombre d'entre eux dont il ajoute : « Quelques-uns allèrent trouver les pharisiens, » etc.
Il n'avait donc aucun besoin de prier, et s'il a prié, c'est pour nous faire connaître sa filiation divine : « Mais je dis ceci à cause de ce peuple qui m'entoure, afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé. » La prière lui était inutile, il prie cependant dans l'intérêt de notre foi. Il n'a pas besoin de secours, mais nous avons besoin d'être instruits.
C'est-à-dire qu'il n'y a aucune contradiction entre vous et moi. Ce langage du Sauveur n'est point une preuve de son impuissance, ou de son infériorité vis-à-vis de son Père, car on peut ainsi parler à ses amis et à ses égaux. Pour montrer du reste qu'il n'avait pas besoin de recourir à la prière, il ajoute : « Pour moi, je savais que vous m'exaucez toujours, » c'est-à-dire, je n'ai pas besoin de vous prier pour vous persuader de faire ma volonté ; car nous n'avons tous deux qu'une même volonté ; vérité qu'il n'exprime qu'en termes couverts à cause de la faiblesse de ceux qui l'entendaient ; car le Dieu Sauveur a moins égard à sa dignité qu'à notre salut, aussi nous parle-t-il très-peu de ses grandeurs, et toujours d'une manière voilée, tandis qu'il s'étend comme avec complaisance sur ses humiliations.
Il ne dit pas toutefois : Afin qu'ils croient que je vous suis inférieur (parce que je ne puis rien faire sans vous prier), mais : « Afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé. » Il ne dit pas non plus : Que vous m'avez envoyé, dénué de tout pouvoir, avec la connaissance de ma dépendance absolue, ne pouvant rien faire de moi-même, mais : « Que vous m'avez envoyé, » afin qu'ils ne pensent pas que je suis en opposition avec Dieu, et ne disent point : Il ne vient pas de Dieu, et pour leur montrer que c'est d'après sa volonté que je vais faire ce miracle.
Il ne lui dit pas : Ressuscitez, mais : « Venez dehors, » il parle à celui qui était mort, comme s'il était vivant, il ne lui dit pas non plus : Au nom de mon Père, sortez dehors, ou bien encore : Mon Père, ressuscitez-le, il laisse de côté ces formules qui convenaient à un suppliant, et prouve sa puissance par les faits. Il entrait, en effet, dans les desseins de la sagesse de faire preuve d'humilité dans ses discours, et de puissance dans ses œuvres.
Lazare sortit les pieds et les mains liés de bandelettes, pour qu'on ne crût pas qu'il n'était qu'un fantôme, et ce ne fut pas une chose moins admirable de le voir sortir avec ces bandelettes et entouré d'un suaire, que de le voir ressusciter : « Jésus leur dit : Déliez-le, » afin que ceux qui le toucheraient de leurs mains fussent bien convaincus que c'était vraiment lui. « Et laissez-le aller. » Le Sauveur agit ainsi par humilité, et c'est pour cela qu'il ne prend pas Lazare avec lui, et ne lui commande pas de marcher à sa suite comme preuve du miracle qu'il vient d'opérer.
Jésus s'approche donc du tombeau où était enseveli Lazare, et il l'appelle à en sortir, non pas comme s'il était vivant, et prêt à entendre sa voix : « Ayant ainsi parlé, il cria d'une voix forte : Lazare, sortez dehors. » Il l'appelle par son nom, pour faire voir que ce ne sont pas les autres morts qu'il appelle à sortir du tombeau.
Quoique nous admettions avec une foi entière la résurrection de Lazare dans le sens historique, je regarde cependant comme certain qu'elle contient aussi une vérité allégorique ; car le sens allégorique d'un événement ne lui fait perdre en aucune façon son caractère de réalité historique.
Tout homme qui pèche, est tombé victime de la mort, mais Dieu, par sa grande miséricorde, ressuscite les âmes et les sauve ainsi de la mort éternelle. Les trois morts dont Nôtre-Seigneur a ressuscité les corps sont donc la figure de la résurrection des âmes.
Ou bien, la mort est encore à l'intérieur lorsque la pensée du mal ne s'est pas encore produite par un acte extérieur; mais si vous commettez le mal, vous portez pour ainsi dire le mort hors des portes de la ville.
Ou bien Lazare, dans le tombeau, figure encore l'âme qui est comme accablée sous le poids des péchés de la terre. »
Et cependant le Seigneur aimait Lazare, car s'il n'avait pas aimé les pécheurs, il ne serait pas descendu du ciel sur la terre. C'est à juste titre que l'on dit du pécheur d'habitude : « Il sent mauvais, » car sa mauvaise réputation se répand partout comme une odeur infecte et nauséabonde.
C'est encore avec raison qu'il est dit : « Il y a quatre jours qu'il est dans le tombeau ; » car le dernier des éléments c'est la terre, qui figure l'abîme des péchés de la terre, c'est-à-dire des convoitises charnelles.
Jésus frémit, il verse des larmes, il crie à haute voix, parce qu'il est bien difficile de se relever pour celui qui est accablé sous le poids de ses habitudes vicieuses. Jésus se trouble lui-même pour vous apprendre le trouble dont vous devez être saisi lorsque vous êtes comme écrasé sous le poids énorme de vos péchés. La foi de l'homme qui devient pour lui-même un objet d'horreur, doit frémir en accusant ses actions coupables, afin de faire céder l'habitude du péché à la violence du repentir. Lorsque vous dites : J'ai commis ce crime, et Dieu m'a épargné ; j'ai entendu la doctrine évangélique, et je l'ai méprisée, qu'ai-je fait ? Jésus-Christ frémit en vous, parce que la foi frémit, ce frémissement contient déjà l'espérance de la ré-surrection.
Lazare, sortant de son tombeau, est le symbole de l'âme qui se retire des vices de la chair ; les bandelettes dont il reste encore enveloppé nous apprennent que ceux-là mêmes qui ont renoncé aux plaisirs charnels, et veulent obéir de cœur à la loi de Dieu, ne peuvent tant qu'ils sont dans ce corps mortel être entièrement à l'abri des atteintes de la chair. Le suaire dont sa figure est couverte signifie que nous ne pouvons avoir dans cette vie la pleine intelligence de la vérité. Nôtre-Seigneur ajoute : « Déliez-le, et laissez-le aller, » pour nous apprendre qu'après cette vie tous les voiles seront enlevés, afin que nous puissions voir Dieu face à face.
Ou bien encore, lorsque vous faites mépris de la loi de Dieu, vous êtes comme mort et enseveli dans le tombeau ; si vous faites l'aveu de vos fautes, vous sortez de ce tombeau ; car sortir du tombeau, c'est sortir de la retraite cachée de son cœur pour se produire au grand jour. Mais c'est Dieu qui vous amène à faire cet aveu en vous appelant à haute voix, c'est-à-dire par une grâce extraordinaire. Le mort qui sort du tombeau est encore lié, de même que celui qui confesse ses péchés est encore coupable, et c'est pour le délier de ses péchés que Jésus dit aux serviteurs : « Déliez-le, et laissez-le aller, » c'est-à-dire, tout ce que vous aurez délié sur la terre, le sera le ciel.
Il a ressuscité une jeune fille dans sa maison, un jeune homme hors des portes de la ville, et Lazare déjà enseveli dans le tombeau. Celui qui est mort dans son péché est comme étendu sans vie dans sa maison ; le pécheur est conduit hors des portes, lorsque son péché affiche le caractère scandaleux d'un péché public.
Le pécheur est comme oppressé sous la pierre du tombeau, lorsqu'il est écrasé par l'horrible pierre des mauvaises habitudes qu'il a contractées, mais souvent la grâce divine éclaire ces pauvres pécheurs d'un rayon de sa lumière.
Le Sauveur dit à Lazare : « Sortez dehors, afin que le pécheur qui cherche à dissimuler et à cacher son péché, soit comme forcé par cette voix de se faire son propre accusateur, et que celui qui est enseveli dans le tombeau de sa conscience, en sorte de lui-même par la confession de ses fautes. »
Ceux qui vont apprendre aux pharisiens ce que Jésus a fait, figurent ceux qui, à la vue des bonnes œuvres des serviteurs de Dieu, les poursuivent de leur haine, et s'efforcent de noircir leur réputation.
En tant qu'homme, Nôtre-Seigneur Jésus-Christ était inférieur à son Père, et c'est sous ce rapport qu'il lui demande la résurrection de Lazare, et qu'il dit eu avoir été exaucé : « Jésus, levant les yeux en haut, dit : Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m'avez exaucé. »
C'est donc Jésus-Christ qui ressuscite, parce que c'est lui qui donne par lui-même la vie à l'intérieur, ce sont ses disciples qui délient, parce que c'est par le ministère des prêtres que ceux .qu'il vivifie sont absous.
La voix forte du Sauveur qui ressuscita Lazare est le symbole de cette trompette éclatante qui doit se faire entendre à la résurrection générale. (1 Co 15, 52.) Le Sauveur élève la voix pour fermer la bouche aux Gentils qui prétendent sans aucun fondement que les âmes des morts sont dans les tombeaux, et il appelle à haute et forte voix l'âme de Lazare comme étant absente très au loin. Cette résurrection individuelle de Lazare eut lieu en un clin d'œil, comme se fera un jour la résurrection générale : « Et aussitôt celui qui avait été mort, sortit, » etc. Nous voyons dès lors s'accomplir ce que disait le Sauveur : « L'heure est venue où les morts entendront la voix du Fils de Dieu, et ceux qui l'entendront vivront. » (Jn 5)
1563. Après avoir montré la mort de Lazare et sa résurrection, l’Evangéliste montre ici l’effet de la résurrection, d’abord sur la foule, puis sur les princes des prêtres .
A. SON EFFET SUR LA FOULE
1564. À propos du premier point, il fait deux choses. D’abord, il en présente certains qui croyaient, en disant : BEAUCOUP DONC D’ENTRE LES JUIFS QUI ÉTAIENT VENUS AUPRÈS DE MARIE ET DE MARTHE, pour les consoler, ET QUI AVAIENT VU CE QUE JÉSUS AVAIT FAIT, CRURENT EN LUI – A cela rien d’étonnant, parce qu’on n’a jamais entendu parler d’un tel miracle, à savoir qu’un mort dans le tombeau depuis quatre jours ait été ressuscité à la vie. Pareillement, le Seigneur dit qu’il devait faire ce miracle à cause du peuple qui se tenait alentour, c’est-à-dire pour qu’ils croient en lui. Et c’est pourquoi cette parole ne fut pas prononcée en vain, mais à partir du miracle vu, beaucoup crurent — Les Juifs demandent des signes
1565. En second lieu, il en présente certains qui dénoncent le Christ On peut entendre cela de deux manières Soit qu’ils dirent aux princes des prêtres ce que Jésus avait fait, pour les adoucir vis-à-vis de Jésus et pour les confondre au sujet de ce qu’ils machinaient contre lui, qui faisait des choses si étonnantes.
Soit, et cela est mieux, qu’ils dirent cela pour les exciter contre le Christ. Car ils étaient infidèles, et se scandalisaient du miracle. Et cela ressort avec évidence de la façon même de parler. Car quand il avait dit : BEAUCOUP DONC D’ENTRE LES JUIFS QUI ÉTAIENT VENUS AUPRÈS DE MARIE ET DE MARTHE, ET QUI AVAIENT VU CE QUE JÉSUS AVAIT FAIT, CRURENT EN LUI, il ajoute comme par opposition : MAIS CERTAINS D’ENTRE EUX S’EN ALLÈRENT VERS LES PHARISIENS, eux dont il est dit plus loin : Bien que Jésus eût fait tant de signes devant eux, ils ne crurent pas en lui [...] ils aimèrent en effet la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu .
B. SON EFFET SUR LES PRINCES DES PRÊTRES
1566. Puis l’Évangéliste montre l’effet du miracle sur les princes des prêtres, d’abord en exposant la malice qu’ils imaginèrent contre le Christ, puis en montrant comment le Christ s’y est dérobé .
La malice qu’ils imaginent contre le Christ.
À propos du premier point, il commence par montrer la réunion du conseil, puis le doute de ceux qui sont rassemblés ; enfin il précise la détermination qui lève ce doute .
A. SON EFFET SUR LA FOULE
1564. À propos du premier point, il fait deux choses. D’abord, il en présente certains qui croyaient, en disant : BEAUCOUP DONC D’ENTRE LES JUIFS QUI ÉTAIENT VENUS AUPRÈS DE MARIE ET DE MARTHE, pour les consoler, ET QUI AVAIENT VU CE QUE JÉSUS AVAIT FAIT, CRURENT EN LUI – A cela rien d’étonnant, parce qu’on n’a jamais entendu parler d’un tel miracle, à savoir qu’un mort dans le tombeau depuis quatre jours ait été ressuscité à la vie. Pareillement, le Seigneur dit qu’il devait faire ce miracle à cause du peuple qui se tenait alentour, c’est-à-dire pour qu’ils croient en lui. Et c’est pourquoi cette parole ne fut pas prononcée en vain, mais à partir du miracle vu, beaucoup crurent — Les Juifs demandent des signes
1565. En second lieu, il en présente certains qui dénoncent le Christ On peut entendre cela de deux manières Soit qu’ils dirent aux princes des prêtres ce que Jésus avait fait, pour les adoucir vis-à-vis de Jésus et pour les confondre au sujet de ce qu’ils machinaient contre lui, qui faisait des choses si étonnantes.
Soit, et cela est mieux, qu’ils dirent cela pour les exciter contre le Christ. Car ils étaient infidèles, et se scandalisaient du miracle. Et cela ressort avec évidence de la façon même de parler. Car quand il avait dit : BEAUCOUP DONC D’ENTRE LES JUIFS QUI ÉTAIENT VENUS AUPRÈS DE MARIE ET DE MARTHE, ET QUI AVAIENT VU CE QUE JÉSUS AVAIT FAIT, CRURENT EN LUI, il ajoute comme par opposition : MAIS CERTAINS D’ENTRE EUX S’EN ALLÈRENT VERS LES PHARISIENS, eux dont il est dit plus loin : Bien que Jésus eût fait tant de signes devant eux, ils ne crurent pas en lui [...] ils aimèrent en effet la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu .
B. SON EFFET SUR LES PRINCES DES PRÊTRES
1566. Puis l’Évangéliste montre l’effet du miracle sur les princes des prêtres, d’abord en exposant la malice qu’ils imaginèrent contre le Christ, puis en montrant comment le Christ s’y est dérobé .
La malice qu’ils imaginent contre le Christ.
À propos du premier point, il commence par montrer la réunion du conseil, puis le doute de ceux qui sont rassemblés ; enfin il précise la détermination qui lève ce doute .
Mais quelques-uns d’entre eux (c'est-à-dire, des témoins du miracle). Le
contraste est aussi frappant que douloureux ; aussi ne comprend-on pas comment divers interprètes ont pu
supposer que les témoins ainsi désignés seraient allés sans la moindre malice trouver les pharisiens,
uniquement pour leur narrer le cas, et se faire donner par eux, en tant que docteurs de la loi, une solution sur
le caractère et le rôle de Jésus. Non, leur démarche est visiblement hostile ; c’est une odieuse dénonciation :
mais de nouveau l’évangéliste expose les choses avec une parfaite réserve, laissant deviner beaucoup plus
qu’il ne dit. Au passage 9, 13, la situation n’était pas la même.