Jean 12, 11
parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient, et croyaient en Jésus.
parce que beaucoup de Juifs, à cause de lui, s’en allaient, et croyaient en Jésus.
Cependant Jésus-Christ fait preuve de la plus grande bonté à l'égard de Judas, il ne lui reproche pas les vols qu'il a commis, il donne à l'action de cette femme une excuse générale : « Jésus lui dit donc : Laissez-la réserver ce parfum pour le jour de ma sépulture. »
Jésus lui confia, quoiqu'il fût un voleur, la bourse des pauvres, pour ôter tout prétexte, toute excuse à sa trahison, car il ne peut alléguer que c'est le désir d'avoir de l'argent qui l'avait porté à cet excès, puisqu'il trouvait dans la bourse qu'il portait de quoi satisfaire abondamment ce désir.
En rappelant le souvenir de sa sépulture, il veut encore donner un avertissaient à son traître disciple, et il semble lui dire : Je vous suis à charge, ma présence vous pèse, mais attendez un peu, et je m'en irai ; c'est ce que signifient ces paroles : « Vous avez toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m'aurez pas toujours. »
Quant à Marie, elle ne s'occupe point du service ordinaire, elle est tout entière à l'honneur qu'elle veut rendre à son divin Maître, et elle s'approche de lui non comme d'un homme, mais comme d'un Dieu: « Or, Marie prit une livre de parfum de nard pur, d'un grand prix, le répandit sur les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux, » etc. — S. AUG. Le motpistici indique probablement le lieu d'où venait ce parfum précieux.
Aucun miracle de Jésus-Christ ne leur causa une si grande fureur, il était un des plus éclatants, il avait été fait devant un grand nombre de témoins, et c'était un spectacle vraiment extraordinaire que de voir marcher et parler un mort de quatre jours. On peut dire encore que dans d'autres circonstances, ils croyaient pouvoir détacher la multitude de Jésus, en l'accusant de violer la loi du sabbat, mais comme ici ils ne pouvaient formuler contre lui aucune accusation, ils tournent tous leurs efforts contre Lazare ; c'est ce qu'ils eussent fait à l'égard de l'aveugle-né, s'ils n'avaient cru pouvoir accuser Jésus d'avoir violé la loi du sabbat. Peut-être encore, comme l'aveugle-né était de condition obscure, se contentèrent-ils de le chasser du temple, Lazare, au contraire, était d'une famille distinguée, comme on le voit par le grand nombre de ceux qui étaient venus pour consoler ses sœurs. Ce qui les blessait encore profondément, c'est que tout le monde quittait la fête qui commençait pour se rendre à Béthanie.
Il était donc vivant, il parlait, il mangeait, la vérité se montrait au grand jour, et l'incrédulité des Juifs était confondue.
Ce fait, qui se répète à Béthanie, est différent de celui que raconte saint Luc ; mais il est également raconté par les trois autres évangélistes, saint Jean, saint Matthieu et saint Marc. Dans saint Matthieu et dans saint Marc, le parfum est répandu sur la tète; dans saint Jean, il est répandu sur les pieds ; mais nous devons entendre que Marie le répandit non-seulement sur la tête, mais encore sur les pieds du Seigneur. C'est comme par récapitulation que saint Matthieu et saint Marc parlent de ce fait, qui eut lieu à Béthanie, six jours avant la Pâque, et qu'ils racontent le repas dont parle ici saint Jean, et du parfum qui fut répandu sur le Sauveur.
Rappelez-vous ces paroles de l'Apôtre : « Aux uns nous sommes une odeur de mort pour la mort, et aux autres une odeur de vie pour la vie, » (2 Co 2, 16) et vous comprendrez par ce parfum comment il était pour les uns une bonne odeur qui donnait la vie, et pour les autres une mauvaise odeur qui donnait la mort : « Alors un de ses disciples, Judas Iscariote, qui devait le trahir, dit : Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, » etc.
Les autres évangélistes disent que les disciples murmurèrent également à la vue de ce parfum répandu, saint Jean ne parle que de Judas, on peut donc dire que saint Matthieu et saint Marc ont voulu désigner Judas sons le nom des disciples en général, en mettant le pluriel pour le singulier. On peut encore dire que les disciples eurent la même pensée que Judas, ou qu'ils l'exprimèrent, ou que Judas leur fit partager sa manière de voir, et que saint Matthieu et saint Marc ont exprimé ce qu'ils pensaient intérieurement. Mais Judas parle ainsi parce que c'était un voleur, et les autres par intérêt pour les pauvres, et Jean n'a cru devoir ici mentionner que celui dont il voulait faire apparaître l'habitude de voler : « Il dit cela, non qu'il se souciât des choses, mais parce qu'il était voleur, et qu'ayant la bourse, il portait ce qu'on y déposait. »
La perversion de Judas ne date pas seulement du jour où il reçut des Juifs la somme d'argent pour leur livrer Nôtre-Seigneur, bien auparavant il avait la passion du vol, il était déjà perdu, et suivait Jésus, non de cœur, mais de corps seulement. Le Seigneur voulut nous apprendre ainsi à supporter les méchants pour ne point diviser le corps de Jésus-Christ. Celui qui vole l'Eglise en quelque chose, est semblable au traître Judas. Si vous êtes bon, tolérez les mauvais pour obtenir la récompense des bons, et ne point partager le supplice des méchants. Prenez exemple sur la conduite du Seigneur, lorsqu'il vivait sur cette terre ; pourquoi lui qui avait les anges pour le servir, voulût-il que ses disciples eussent une bourse à son usage, sinon pour nous apprendre qu'il serait aussi permis à son Eglise d'avoir de l'argent en réserve ? Pourquoi permit-il qu'il y eût un voleur dans sa compagnie, si ce n'est pour enseigner à son Eglise à supporter les voleurs qu'elle aurait dans son sein ? Remarquez cependant que celui qui avait contracté l'habitude de voler son maître, n'hésita pas à vendre le Seigneur pour une somme d'argent.
Il parlait ici de sa présence corporelle, car sous le rapport de sa puissance divine, de sa providence, de sa grâce ineffable et invisible, il accomplit cette promesse qu'il a faite à ses disciples : « Voici que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles. » Ou bien encore, Judas est la figure de tous les méchants ; si vous êtes bon, vous jouissez de la présence de Jésus-Christ par la foi dans son sacrement, et vous en jouirez toujours, car vous ne sortirez de cette vie que pour aller trouver celui qui a dit au bon larron : « Aujourd'hui vous serez avec moi dans le paradis. » Mais si votre conduite est mauvaise, vous paraîtrez jouir de la présence de Jésus-Christ pendant cette vie, parce que vous avez reçu son baptême, parce que vous vous approchez de son autel, mais votre vie criminelle vous la fera bientôt perdre, Jésus ne dit pas : Tu as, mais : « Vous avez, » parce que dans un seul homme mauvais, il voit la figure de tous les méchants. « Une grande multitude de Juifs surent qu'il était là, et ils vinrent, non à cause de Jésus seulement, mais pour voir Lazare qu'il avait ressuscité d'entre les morts. » C'est la curiosité qui les amène et non la charité.
Ce miracle que Nôtre-Seigneur avait opéré, portait avec lui un caractère si éclatant d'évidence, il avait reçu d'ailleurs une si grande publicité, qu'ils ne pouvaient ni le dissimuler, ni le nier, que firent-ils donc ? Ils formèrent le projet de faire mourir Lazare. Projet insensé, cruauté aveugle ! Est-ce que le Seigneur, qui a pu ressusciter un homme mort, ne pourrait le ressusciter s'il était tué ? Voici qu'il a fait l'un et l'autre : Il a ressuscité Lazare qui était mort, et il s'est ressuscité lui-même, après que les Juifs l'eurent fait mourir de mort violente.
Le parfum que Marie répandit sur les pieds de Jésus, est le symbole de la justice, et c'est pour cela qu'il y en avait une livre. C'était un parfum de nard pur d'un grand prix, car le mot pistici, veut dire foi. Vous cherchiez à opérer la justice ? Rappelez-vous que le juste vit de la foi. Couvrez de parfums les pieds de Jésus par une vie sainte, suivez les traces du Seigneur, essuyez ses pieds avec vos cheveux, c'est-à-dire, si vous avez du superflu, donnez-le aux pauvres, et vous aurez essuyé les pieds du Seigneur, car les cheveux sont comme une partie superflue du corps.
La maison fut remplie de l'odeur du parfum, c'est-à-dire, que le bruit de cette action s'est répandue dans le monde entier comme un parfum d'agréable odeur.
Ou bien, ce mot ajouté à celui de parfum, veut dire qu'il était pur (de fides), et n'était mélangé d'aucune substance étrangère. Marie était cette femme pécheresse qui était déjà venue trouver le Seigneur dans la maison de Simon, avec un vase de parfum.
Son devoir était de la porter, son crime de la voler.
Nôtre-Seigneur prédit ainsi qu'il doit mourir et que son corps doit être embaumé avec des parfums, et comme Marie, malgré tout son désir, ne pourrait embaumer son corps après sa mort qui devait être suivie d'une résurrection si prompte, il lui permet de lui rendre cet hommage pendant sa vie.
Le temps où le Sauveur avait résolu de souffrir approchait ; il se rapprocha donc aussi du lieu où il devait accomplir la mystérieuse économie de sa passion : « Jésus donc, six jours avant la Pâque, vint à Béthanie. » Il se rend d'abord à Béthanie, puis à Jérusalem ; à Jérusalem pour y souffrir, à Béthanie pour que la résurrection de Lazare s'imprimât plus profondément dans la mémoire de tous ; et c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Où était mort Lazare, qu'il avait ressuscite. »
Dans le sens mystique, Jésus, en venant à Béthanie six jours avant la Pâque, nous apprend que celui qui avait fait tout l'univers en six jours, et créé l'homme le sixième jour, était venu racheter le monde au sixième âge du monde, le sixième jour de la semaine et à la sixième heure. Le festin que l'on prépare au Seigneur, c'est la foi de l'Eglise qui opère par la charité. (Gal 5, 7) Marthe sert le Seigneur dans toute âme fidèle qui offre à Jésus l'hommage de sa piété et de sa dévotion. Lazare, qui était un de ceux qui étaient assis à table avec lui, est la figure des pécheurs qui, après être morts au péché, sont ressuscites à la justice, se réjouissent de la présence de la vérité avec ceux qui ont persévéré dans la justice, et se nourrissent avec eux des dons de la grâce céleste. C'est à Béthanie que se célèbre ce festin, et avec raison, car Béthanie veut dire maison de l'obéissance, et l'Eglise est vraiment la maison de l'obéissance.
Remarquez que la première fois elle n'avait répandu ses parfums que sur les pieds de Jésus; ici elle les répand à la fois sur les pieds et sur la tête ; d'un côté ce sont les commencements de la vie pénitente, de l'autre c'est la justice des âmes parfaites, car la tête du Seigneur figure la hauteur sublime de sa divinité, et ses pieds l'humilité de son incarnation ; ou bien encore la tête, c'est Jésus-Christ lui-même, les pieds ce sont les pauvres qui sont ses membres.
Il en est qui pensent que Judas fut chargé de l'emploi et de la distribution de l'argent, comme le dernier des apôtres, car l'administration de l'argent est inférieure à la prédication de la doctrine, selon ce que disent les Apôtres eux-mêmes : « Il n'est pas juste que nous abandonnions la parole de Dieu pour le service des tables. » (Ac 6, 2.)
Le dixième jour du mois, les Juifs prennent un agneau pour l'immoler dans les fêtes de Pâques ; c'est de ce jour que commence pour eux les solennités de cette fête. Voilà pourquoi le neuvième jour du mois, qui précède le dixième jour avant la Pâque, ils font un festin splendide, et ce jour est comme l'ouverture de cette grande fête ; c'est pour cela que Jésus, venant à Béthanie, prend part à on festin de ce genre : « On lui prépara là un souper, » etc. En nous disant que Marthe servait à table, l'Evangéliste nous fait entendre que ce repas avait lieu dans sa maison. Mais considérez la foi de cette femme ; elle ne charge pas les femmes de service de servir à table, elle veut elle-même remplir cet office. L'Evangéliste nous donne encore une preuve évident la résurrection de Lazare, en ajoutant : « Lazare était un de ceux qui étaient assis à table avec lui. »
Ils désiraient voir celui qu'il avait ressuscité, dans l'espérance d'apprendre de Lazare quelque nouvelle des enfers.
1612. Ensuite l'Évangéliste montre comment Jésus a été glorifié par la foule des Juifs : premièrement par la foule qui venait le voir ; deuxièmement par la foule qui s'avançait à sa rencontre [n° 1616].
Le Christ glorifié par la foule venue pour le voir.
Il montre d'abord la dévotion de la foule qui vient voir le Christ, puis comment la jalousie extrême des pharisiens s'excite [n° 1614].
1613. L'Évangéliste montre d'abord la venue de la foule, puis l'occasion de cette venue.
À propos de la venue de la foule, il dit : LA GRANDE FOULE DES JUIFS SUT QU'IL ÉTAIT LÀ [à Béthanie] ET ILS VINRENT, - ce à quoi le Seigneur invite : Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Et c'est pourquoi, là où nous savons qu'il est, nous devons nous rendre en toute hâte.
La cause de cette venue est double. Ils venaient pour jouir de la vue du Christ et de son enseignement, et aussi POUR VOIR LAZARE, et cela pour deux raisons. D'abord, parce que ce qui lui était arrivé, dans la mesure où il a été relevé d'entre les morts après avoir passé quatre jours dans le tombeau, était très admirable ; et cela, les hommes désirent le voir - Admirables tes œuvres, et mon âme les connaîtra bien, c'est-à-dire : elle se donnera de la peine pour les connaître. Deuxièmement parce que, Lazare ayant été ramené à la vie, ils espéraient entendre quelque chose sur l'autre vie et pouvoir en juger ; et le désir de cette connaissance est inné chez les hommes, et cela va contre ce que disent les sots : Courte et ennuyeuse est notre vie, et il n'est pas de bonheur éternel à la fin de l'homme ; et on ne connaît personne qui soit revenu des enfers. Voici en effet que Lazare, qu'il a relevé d'entre les morts, est revenu des enfers.
1614. D'autre part, l'Évangéliste montre la jalousie extrême des pharisiens envieux, en disant : LES PRINCES DES PRÊTRES DÉCIDÈRENT DE TUER AUSSI LAZARE, en quoi ils semblaient aller contre Dieu : lui-même, en effet, rendait la vie à Lazare, et eux voulaient le tuer -11 a couru contre Dieu le cou tendu. Or voici la raison de cette jalousie : PARCE QUE BEAUCOUP DE JUIFS S'EN ALLAIENT À CAUSE DE LUI ET CROYAIENT EN JÉSUS.
1615. Cependant le Christ en avait guéri beaucoup, par exemple le paralytique , l'aveugle ; pourquoi donc voulaient-ils tuer seulement Lazare ?
Chrysostome donne à cela quatre raisons : l'une est que ce miracle était plus manifeste, ayant été réalisé devant beaucoup de monde, et qu'il était inconcevable de voir un homme mort depuis quatre jours marcher et parler. Une autre, que Lazare était une personne illustre mais l'aveugle quelqu'un d'inconnu, et c'est pourquoi ils l'ont chassé du Temple. La troisième raison est que ce miracle a été fait alors que la fête était toute proche, quand tout le peuple des Juifs, se rassemblant pour le jour de la fête, était dans l'admiration et que quittant la fête, ils venaient à
Béthanie. La quatrième est que pour les autres miracles du Christ ils s'efforçaient de l'accuser de violer le sabbat et, par là, essayaient de détourner de lui les foules, mais qu'ici ils ne pouvaient rien faire de te1. Voilà pourquoi, parce qu'ils n'avaient rien à reprocher à Jésus, ils ont entrepris quelque chose contre Lazare, comme si c'était le moyen le plus puissant de dissimuler le miracle - Leurs pieds courent vers le mal et ils ont hâte de répandre le sang
Le Christ glorifié par la foule se portant à sa rencontre.
1616. Ici nous est montrée la dévotion de la foule qui s'avance à la rencontre du Christ : d'abord le mouvement de la foule, puis la jalousie des pharisiens [n° 1630].
L'Évangéliste montre premièrement le mouvement de la foule, puis l'arrivée du Seigneur [n° 1625], et enfin la cause de ce mouvement [n° 1629].
1617. Ce mouvement est décrit sous quatre aspects. Premièrement, le moment où il a lieu : LE LENDEMAIN, c'est-à-dire à partir du jour dont il avait dit : AVANT LES SIX JOURS DE LA PÂQUE, ce qui correspond au dixième jour du mois. Et cela s'accorde avec la préfiguration où il est dit que c'était le dixième jour du mois qu'il fallait se procurer l'agneau pascal pour l'immoler le quatorzième jour au soir.
1618. Deuxièmement, la description porte sur les personnes qui vont à la rencontre du Christ : LA FOULE NOMBREUSE QUI ÉTAIT VENUE POUR LE JOUR DE LA FÊTE. Par là est signifiée la multitude des peuples qui devaient se convertir au Christ - L'assemblée des peuples t'environnera . Or l'Évangéliste dit POUR LE JOUR DE LA FÊTE, parce que les fidèles se convertissent au Christ pour parvenir au jour de la fête de la Jérusalem céleste - Beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des deux.
1619. Troisièmement on en vient au motif du mouvement de la foule : le fait qu'elle a entendu dire que Jésus arrivait. C'est pourquoi l'Évangéliste dit : AYANT APPRIS QUE JÉSUS VENAIT À JÉRUSALEM. En effet, tous les fidèles se convertissent au Christ à cause de ce qu'ils ont entendu - La foi vient de l'audition, et l'audition par la parole du Christ. - Les fils d'Israël apprirent que le Seigneur les avait visités, et le peuple crut.
1620. En quatrième lieu, le mouvement de la foule est décrit selon la manière dont il s'est produit : d'abord par rapport à ce que la foule a fait, puisqu'elle PRIT DES RAMEAUX DE PALMIERS. Or la palme, parce qu'elle garde sa verdeur, signifie la victoire, c'est pourquoi chez les anciens elle était donnée aux vainqueurs en signe de victoire.
Et nous lisons dans l'Apocalypse, au sujet des martyrs qui ont remporté la victoire, qu'ils tenaient des palmes dans leurs mains. Les rameaux de palmiers sont donc, selon Augustin, les louanges exprimant la victoire par laquelle le Seigneur, en mourant, allait vaincre la mort et, par la victoire de la Croix, triompher du diable, le prince de la mort. ET SORTIT AU-DEVANT DE LUI – Prépare-toi, Israël, à la rencontre de ton Dieu.
1621. Puis quant à ce que la foule a dit, puisqu'ILS CRIAIENT : « HOSANNA ! BÉNI CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR, LE ROI D'ISRAËL ! » Ici, c'est une demande et une louange. Une demande, assurément, puisqu'ils disent HOSANNA, c'est-à-dire : « Sauve, je t'en prie. » Hosy signifie « sauve » et anna signifie « je t'en prie ». Et, selon Augustin, ce n'est pas un verbe, mais l'interjection de celui qui supplie. Or c'est d'une manière droite qu'ils demandent à Dieu le salut puisque, comme il est dit dans Isaïe : Dieu lui-même viendra et nous sauvera ; c'est aussi pourquoi le psaume disait : Réveille ta puissance et viens.
1622. C'est aussi une louange, à deux points de vue : à savoir, à l'égard de son arrivée et à l'égard de la puissance de sa royauté. Ils louent son arrivée en disant : BÉNI CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR. Ici il faut savoir que bénir, c'est dire du bien. C'est différemment que Dieu nous bénit et que nous bénissons Dieu. En effet, Dieu, en nous bénissant, nous rend bons, car pour lui, dire c'est faire - Lui-même a dit, et tout a été fait. Mais nous, en bénissant Dieu, nous confessons sa bonté - De la maison du Seigneur, nous vous bénissons. - Béni soit qui te bénira .
BÉNI, donc, CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR. En effet, le Christ œuvrait au nom de Dieu ; parce que toutes les œuvres qu'il faisait, il les ordonnait à la gloire de Dieu. Mais puisque le Père est Seigneur et que le Fils aussi est Seigneur, AU NOM DU SEIGNEUR peut se comprendre de deux manières. D'une première manière, BÉNI CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR, à savoir : en son propre nom, en tant qu'il est Seigneur - Le Seigneur est notre législateur. Donc Moïse, en ce sens, n'est pas venu au nom du Seigneur, puisqu'il est venu comme serviteur - Moïse a été fidèle, comme serviteur, dans toute la maison [de Dieu], pour témoigner de ce qui devait être dit. Mais selon Augustin, il vaut mieux dire AU NOM DU SEIGNEUR, c'est-à-dire du Père. Car c'est vers cela que ses paroles dirigent notre intelligence - Moi je suis venu au nom de mon Père. Or venir au nom du Père se dit en deux sens. D'abord, certes, en tant qu'il vient comme Fils, ce qui fait comprendre « Père » ; ensuite, en tant qu'il vient comme celui qui manifeste le Père -J'ai manifesté ton nom aux hommes.
1623. D'autre part, ils louent la puissance de sa royauté lorsqu'ils disent : LE ROI D'ISRAË1. En effet les Juifs, parce qu'ils en restaient à la lettre des Écritures, croyaient qu'il était venu pour régner sur eux d'une manière temporelle et pour les libérer de la servitude des Romains, et c'est pourquoi ils l'applaudissaient comme roi - Π régnera en roi et il sera sage. - Voici que le roi régnera par la justice.
1624. Mais il faut savoir que toutes leurs paroles pouvaient venir des psaumes. En effet, alors que le psaume disait : La pierre que les bâtisseurs ont rejetée, celle-là est devenue la tête d'angle, il est ajouté : Ô Seigneur, je t'en prie, donne-moi le salut ! (...) Béni celui qui vient au nom du Seigneur. Ici Jérôme, selon la vérité de l'hébreu, a transcrit : HOSANNA ! BÉNI CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR. Cependant, ce qu'ils ajoutent ensuite : LE ROI D'ISRAËL, ne se trouve pas dans le psaume, où il est dit : Le Seigneur est Dieu, et il nous a illuminés. En cela, à cause de leur aveuglement, ils diminuent leur louange, puisque le psaume le loue comme Dieu et eux comme un roi tempore1.
1625. L'Évangéliste expose ici la venue du Seigneur. Il montre d'abord la manière dont il est venu ; il introduit la prophétie [n° 1627], puis présente la disposition des disciples à l'égard de ce fait [n° 1628].
1626. Au sujet du premier point, remarquons que l'Évangéliste Jean a écrit son Évangile après tous les autres. Par conséquent il avait lu en entier et avec soin tous les évangiles, et ce qui avait été davantage développé par les autres, lui-même l'a rapporté succinctement, tandis que ce qu'ils avaient omis, lui l'a ajouté. Aussi, puisqu'il est montré en détail dans les autres évangiles comment le Seigneur envoya deux de ses disciples chercher un âne, Jean est passé brièvement sur ce fait en disant : ET JÉSUS TROUVA UN PETIT ÂNE ET S'ASSIT DESSUS.
Or il faut savoir que les actions du Christ sont comme intermédiaires entre les actions de l'Ancien Testament et celles du Nouveau : pour cette raison, la foule qui le précédait et celle qui le suivait le louaient l'une et l'autre, parce que les actions du Christ sont la règle et l'exemple de celles qui sont accomplies dans le Nouveau Testament et qu'elles ont été préfigurées par les pères de l'Ancien Testament \
Quant à l'âne, qui est un animal grossier, il représente le peuple des nations païennes, et Jésus s'est assis dessus pour montrer que lui-même serait le Rédempteur des nations - Je t'ai donné comme lumière aux nations pour que tu sois mon salut jusqu'aux extrémités de la terre. — Heureux vous qui semez partout où il y a de l'eau, et laissez en liberté le pied du bœuf et de l'âne, c'est-à-dire rassemblant dans l'unité de la foi le peuple juif et celui des païens.
Matthieu, parce qu'il a écrit son Évangile pour les Juifs, fait mention d'une ânesse, par laquelle est signifiée la synagogue des Juifs, qui fut comme la mère des nations dans les choses spirituelles, car de Sion sortira la loi, et la parole du Seigneur de Jérusalem. Mais les autres Évangélistes, parce qu'ils ont écrit leurs évangiles pour les nations, ont aussi fait mention du petit de l'ânesse.
1627. L'Évangéliste introduit ensuite la prophétie écrite en Zacharie, qui premièrement apporte l'apaisement, puis promet la majesté royale et enfin ajoute l'utilité d'un roi.
Le prophète apporte l'apaisement en disant : NE CRAINS PAS, FILLE DE SION. La citadelle de Sion était à Jérusalem là où se trouvait la demeure du roi. La fille de Sion est donc le peuple de Jérusalem et des Juifs qui étaient assujettis au roi de Jérusalem. Il dit donc aux Juifs : NE CRAINS PAS, puisque le Seigneur est ton défenseur - Qui es-tu pour craindre l'homme mortel ? - Le Seigneur est le défenseur de ma vie, devant qui tremblerais-je ? En cela l'Évangéliste exclut la crainte mondaine et servile.
Il promet la majesté royale en disant : VOICI QUE TON ROI VIENT - Un tout-petit nous a été donné. - Il siégera sur le trône de David et sur son royaume.
II dit TON, à savoir prenant chair de toi, puisque ce n'est certes pas des anges qu'il se charge, mais de la descendance d'Abraham \ Ou bien TON au sens de : pour ton utilité. D'où il ajoute : VIENT à toi - Si tu avais connu, toi aussi, ce qui maintenant peut te donner la paix ! mais cela est demeuré caché à tes yeux... Par leur résistance, ils ont empêché que ce soit utile pour eux.
Il vient, dis-je, vers toi, non pas pour la terreur mais pour la libération, et c'est pourquoi il dit ensuite : ASSIS SUR LE PETIT D'UNE ÂNESSE, ce qui signifie la clémence du roi, qui est fort bien accueillie par ceux qui lui sont soumis - Son trône est affermi dans la clémence. Mais contre cela il est dit : Semblable au rugissement du lion, la fureur du roi ! Autrement dit, il ne vient pas dans le faste royal, par lequel il pourrait être odieux, mais il vient dans la douceur - On t'a établi maître ? Ne t'exalte pas. Ne crains donc pas l'oppression du roi. La Loi ancienne, elle, a été donnée dans la terreur parce qu'elle engendrait pour la servitude. De plus, ce qui manifeste la puissance de ce roi, c'est qu'en venant dans l'humilité et la faiblesse il a attiré le monde entier - Car ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.
1628. L'Évangéliste, en disant cela, montre dans quelles dispositions se trouvaient les disciples à l'égard de la prophétie citée, et il confesse à la fois son ignorance et celle des disciples, car, comme il est dit dans les Proverbes, le juste est le premier à s'accuser lui-même.
Voilà pourquoi il dit que ces choses qui viennent d'être dites, SES DISCIPLES NE LES COMPRIRENT PAS D'ABORD, c'est-à-dire avant la Passion, MAIS QUAND JÉSUS EUT ÉTÉ GLORIFIÉ, à savoir quand il montra la puissance de sa Résurrection, ALORS ILS SE SOUVINRENT QUE CELA SE TROUVAIT ÉCRIT À SON SUJET ET QUE C'ÉTAIT CE QU'ON LUI AVAIT FAIT. La raison pour laquelle ils ont compris cela quand il a été glorifié, c'est qu'alors ils ont reçu la plénitude de l'Esprit Saint, ce qui les a rendus plus sages que tous les sages - C'est l'inspiration du Tout-Puissant qui donne l'intelligence. Or l'Évangéliste dit cela pour montrer que ce n'est pas ce qui a eu lieu ici, mais que les disciples y ont prêté attention plus tard.
1629. L'Évangéliste expose ici la cause du mouvement de la foule. Ce fut le TÉMOIGNAGE QUE LA FOULE RENDAIT au sujet de la résurrection de Lazare LORSQU'IL APPELA LAZARE DU TOMBEAU ET LE RELEVA D'ENTRE LES MORTS.
C'EST POUR CELA AUSSI QUE LA FOULE VINT AU-DEVANT DE LUI, PARCE QU'ILS AVAIENT APPRIS QU'IL AVAIT FAIT CE SIGNE - Les Juifs demandent des signes . C'était bien en effet le signe le plus manifeste et le plus admirable, et c'est pourquoi il l'a réservé pour la fin, pour qu'il s'imprimât davantage dans leur mémoire.
1630. Jean montre alors la jalousie des pharisiens, excitée par l'échec de leur tentative ; c'est pourquoi ils disaient : VOUS VOYEZ QUE NOUS NE GAGNONS RIEN. VOILÀ QUE TOUT LE MONDE EST PARTI APRÈS LUI – Ce qui est bien la parole des pharisiens jaloux, quand ils disent : NOUS NE GAGNONS RIEN, sous-entendu par notre malice, puisque nous sommes incapables de l'arrêter. « Gagner » est pris dans le même sens dans la deuxième épître à
Timothée : Quant aux hommes mauvais et aux séducteurs, ils gagneront toujours plus en mal.
Mais pourquoi cette foule aveugle est-elle jalouse ? Parce que LE MONDE EST PARTI APRÈS LUI, lui par qui le monde a été fait. Cependant il est signifié par cela que le monde tout entier le suivrait - Nous vivrons en sa présence, et nous chercherons à connaître le Seigneur. Chrysostome, quant à lui, veut que ces paroles soient celles des pharisiens qui croyaient, mais en secret par crainte des Juifs. Et ils disent cela pour qu'ils cessent de persécuter le Christ, comme s'ils disaient : plus vous lui dressez des embûches, plus il grandit et sa gloire s'étend. Pourquoi donc ne renoncez-vous pas à tant d'embûches ? - ce qui est presque identique au conseil de Gamaliel dont il est question dans les Actes des Apôtres.
Il montre d'abord la dévotion de la foule qui vient voir le Christ, puis comment la jalousie extrême des pharisiens s'excite [n° 1614].
1613. L'Évangéliste montre d'abord la venue de la foule, puis l'occasion de cette venue.
À propos de la venue de la foule, il dit : LA GRANDE FOULE DES JUIFS SUT QU'IL ÉTAIT LÀ [à Béthanie] ET ILS VINRENT, - ce à quoi le Seigneur invite : Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Et c'est pourquoi, là où nous savons qu'il est, nous devons nous rendre en toute hâte.
La cause de cette venue est double. Ils venaient pour jouir de la vue du Christ et de son enseignement, et aussi POUR VOIR LAZARE, et cela pour deux raisons. D'abord, parce que ce qui lui était arrivé, dans la mesure où il a été relevé d'entre les morts après avoir passé quatre jours dans le tombeau, était très admirable ; et cela, les hommes désirent le voir - Admirables tes œuvres, et mon âme les connaîtra bien, c'est-à-dire : elle se donnera de la peine pour les connaître. Deuxièmement parce que, Lazare ayant été ramené à la vie, ils espéraient entendre quelque chose sur l'autre vie et pouvoir en juger ; et le désir de cette connaissance est inné chez les hommes, et cela va contre ce que disent les sots : Courte et ennuyeuse est notre vie, et il n'est pas de bonheur éternel à la fin de l'homme ; et on ne connaît personne qui soit revenu des enfers. Voici en effet que Lazare, qu'il a relevé d'entre les morts, est revenu des enfers.
1614. D'autre part, l'Évangéliste montre la jalousie extrême des pharisiens envieux, en disant : LES PRINCES DES PRÊTRES DÉCIDÈRENT DE TUER AUSSI LAZARE, en quoi ils semblaient aller contre Dieu : lui-même, en effet, rendait la vie à Lazare, et eux voulaient le tuer -11 a couru contre Dieu le cou tendu. Or voici la raison de cette jalousie : PARCE QUE BEAUCOUP DE JUIFS S'EN ALLAIENT À CAUSE DE LUI ET CROYAIENT EN JÉSUS.
1615. Cependant le Christ en avait guéri beaucoup, par exemple le paralytique , l'aveugle ; pourquoi donc voulaient-ils tuer seulement Lazare ?
Chrysostome donne à cela quatre raisons : l'une est que ce miracle était plus manifeste, ayant été réalisé devant beaucoup de monde, et qu'il était inconcevable de voir un homme mort depuis quatre jours marcher et parler. Une autre, que Lazare était une personne illustre mais l'aveugle quelqu'un d'inconnu, et c'est pourquoi ils l'ont chassé du Temple. La troisième raison est que ce miracle a été fait alors que la fête était toute proche, quand tout le peuple des Juifs, se rassemblant pour le jour de la fête, était dans l'admiration et que quittant la fête, ils venaient à
Béthanie. La quatrième est que pour les autres miracles du Christ ils s'efforçaient de l'accuser de violer le sabbat et, par là, essayaient de détourner de lui les foules, mais qu'ici ils ne pouvaient rien faire de te1. Voilà pourquoi, parce qu'ils n'avaient rien à reprocher à Jésus, ils ont entrepris quelque chose contre Lazare, comme si c'était le moyen le plus puissant de dissimuler le miracle - Leurs pieds courent vers le mal et ils ont hâte de répandre le sang
Le Christ glorifié par la foule se portant à sa rencontre.
1616. Ici nous est montrée la dévotion de la foule qui s'avance à la rencontre du Christ : d'abord le mouvement de la foule, puis la jalousie des pharisiens [n° 1630].
L'Évangéliste montre premièrement le mouvement de la foule, puis l'arrivée du Seigneur [n° 1625], et enfin la cause de ce mouvement [n° 1629].
1617. Ce mouvement est décrit sous quatre aspects. Premièrement, le moment où il a lieu : LE LENDEMAIN, c'est-à-dire à partir du jour dont il avait dit : AVANT LES SIX JOURS DE LA PÂQUE, ce qui correspond au dixième jour du mois. Et cela s'accorde avec la préfiguration où il est dit que c'était le dixième jour du mois qu'il fallait se procurer l'agneau pascal pour l'immoler le quatorzième jour au soir.
1618. Deuxièmement, la description porte sur les personnes qui vont à la rencontre du Christ : LA FOULE NOMBREUSE QUI ÉTAIT VENUE POUR LE JOUR DE LA FÊTE. Par là est signifiée la multitude des peuples qui devaient se convertir au Christ - L'assemblée des peuples t'environnera . Or l'Évangéliste dit POUR LE JOUR DE LA FÊTE, parce que les fidèles se convertissent au Christ pour parvenir au jour de la fête de la Jérusalem céleste - Beaucoup viendront de l'Orient et de l'Occident et se mettront à table avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des deux.
1619. Troisièmement on en vient au motif du mouvement de la foule : le fait qu'elle a entendu dire que Jésus arrivait. C'est pourquoi l'Évangéliste dit : AYANT APPRIS QUE JÉSUS VENAIT À JÉRUSALEM. En effet, tous les fidèles se convertissent au Christ à cause de ce qu'ils ont entendu - La foi vient de l'audition, et l'audition par la parole du Christ. - Les fils d'Israël apprirent que le Seigneur les avait visités, et le peuple crut.
1620. En quatrième lieu, le mouvement de la foule est décrit selon la manière dont il s'est produit : d'abord par rapport à ce que la foule a fait, puisqu'elle PRIT DES RAMEAUX DE PALMIERS. Or la palme, parce qu'elle garde sa verdeur, signifie la victoire, c'est pourquoi chez les anciens elle était donnée aux vainqueurs en signe de victoire.
Et nous lisons dans l'Apocalypse, au sujet des martyrs qui ont remporté la victoire, qu'ils tenaient des palmes dans leurs mains. Les rameaux de palmiers sont donc, selon Augustin, les louanges exprimant la victoire par laquelle le Seigneur, en mourant, allait vaincre la mort et, par la victoire de la Croix, triompher du diable, le prince de la mort. ET SORTIT AU-DEVANT DE LUI – Prépare-toi, Israël, à la rencontre de ton Dieu.
1621. Puis quant à ce que la foule a dit, puisqu'ILS CRIAIENT : « HOSANNA ! BÉNI CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR, LE ROI D'ISRAËL ! » Ici, c'est une demande et une louange. Une demande, assurément, puisqu'ils disent HOSANNA, c'est-à-dire : « Sauve, je t'en prie. » Hosy signifie « sauve » et anna signifie « je t'en prie ». Et, selon Augustin, ce n'est pas un verbe, mais l'interjection de celui qui supplie. Or c'est d'une manière droite qu'ils demandent à Dieu le salut puisque, comme il est dit dans Isaïe : Dieu lui-même viendra et nous sauvera ; c'est aussi pourquoi le psaume disait : Réveille ta puissance et viens.
1622. C'est aussi une louange, à deux points de vue : à savoir, à l'égard de son arrivée et à l'égard de la puissance de sa royauté. Ils louent son arrivée en disant : BÉNI CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR. Ici il faut savoir que bénir, c'est dire du bien. C'est différemment que Dieu nous bénit et que nous bénissons Dieu. En effet, Dieu, en nous bénissant, nous rend bons, car pour lui, dire c'est faire - Lui-même a dit, et tout a été fait. Mais nous, en bénissant Dieu, nous confessons sa bonté - De la maison du Seigneur, nous vous bénissons. - Béni soit qui te bénira .
BÉNI, donc, CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR. En effet, le Christ œuvrait au nom de Dieu ; parce que toutes les œuvres qu'il faisait, il les ordonnait à la gloire de Dieu. Mais puisque le Père est Seigneur et que le Fils aussi est Seigneur, AU NOM DU SEIGNEUR peut se comprendre de deux manières. D'une première manière, BÉNI CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR, à savoir : en son propre nom, en tant qu'il est Seigneur - Le Seigneur est notre législateur. Donc Moïse, en ce sens, n'est pas venu au nom du Seigneur, puisqu'il est venu comme serviteur - Moïse a été fidèle, comme serviteur, dans toute la maison [de Dieu], pour témoigner de ce qui devait être dit. Mais selon Augustin, il vaut mieux dire AU NOM DU SEIGNEUR, c'est-à-dire du Père. Car c'est vers cela que ses paroles dirigent notre intelligence - Moi je suis venu au nom de mon Père. Or venir au nom du Père se dit en deux sens. D'abord, certes, en tant qu'il vient comme Fils, ce qui fait comprendre « Père » ; ensuite, en tant qu'il vient comme celui qui manifeste le Père -J'ai manifesté ton nom aux hommes.
1623. D'autre part, ils louent la puissance de sa royauté lorsqu'ils disent : LE ROI D'ISRAË1. En effet les Juifs, parce qu'ils en restaient à la lettre des Écritures, croyaient qu'il était venu pour régner sur eux d'une manière temporelle et pour les libérer de la servitude des Romains, et c'est pourquoi ils l'applaudissaient comme roi - Π régnera en roi et il sera sage. - Voici que le roi régnera par la justice.
1624. Mais il faut savoir que toutes leurs paroles pouvaient venir des psaumes. En effet, alors que le psaume disait : La pierre que les bâtisseurs ont rejetée, celle-là est devenue la tête d'angle, il est ajouté : Ô Seigneur, je t'en prie, donne-moi le salut ! (...) Béni celui qui vient au nom du Seigneur. Ici Jérôme, selon la vérité de l'hébreu, a transcrit : HOSANNA ! BÉNI CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR. Cependant, ce qu'ils ajoutent ensuite : LE ROI D'ISRAËL, ne se trouve pas dans le psaume, où il est dit : Le Seigneur est Dieu, et il nous a illuminés. En cela, à cause de leur aveuglement, ils diminuent leur louange, puisque le psaume le loue comme Dieu et eux comme un roi tempore1.
1625. L'Évangéliste expose ici la venue du Seigneur. Il montre d'abord la manière dont il est venu ; il introduit la prophétie [n° 1627], puis présente la disposition des disciples à l'égard de ce fait [n° 1628].
1626. Au sujet du premier point, remarquons que l'Évangéliste Jean a écrit son Évangile après tous les autres. Par conséquent il avait lu en entier et avec soin tous les évangiles, et ce qui avait été davantage développé par les autres, lui-même l'a rapporté succinctement, tandis que ce qu'ils avaient omis, lui l'a ajouté. Aussi, puisqu'il est montré en détail dans les autres évangiles comment le Seigneur envoya deux de ses disciples chercher un âne, Jean est passé brièvement sur ce fait en disant : ET JÉSUS TROUVA UN PETIT ÂNE ET S'ASSIT DESSUS.
Or il faut savoir que les actions du Christ sont comme intermédiaires entre les actions de l'Ancien Testament et celles du Nouveau : pour cette raison, la foule qui le précédait et celle qui le suivait le louaient l'une et l'autre, parce que les actions du Christ sont la règle et l'exemple de celles qui sont accomplies dans le Nouveau Testament et qu'elles ont été préfigurées par les pères de l'Ancien Testament \
Quant à l'âne, qui est un animal grossier, il représente le peuple des nations païennes, et Jésus s'est assis dessus pour montrer que lui-même serait le Rédempteur des nations - Je t'ai donné comme lumière aux nations pour que tu sois mon salut jusqu'aux extrémités de la terre. — Heureux vous qui semez partout où il y a de l'eau, et laissez en liberté le pied du bœuf et de l'âne, c'est-à-dire rassemblant dans l'unité de la foi le peuple juif et celui des païens.
Matthieu, parce qu'il a écrit son Évangile pour les Juifs, fait mention d'une ânesse, par laquelle est signifiée la synagogue des Juifs, qui fut comme la mère des nations dans les choses spirituelles, car de Sion sortira la loi, et la parole du Seigneur de Jérusalem. Mais les autres Évangélistes, parce qu'ils ont écrit leurs évangiles pour les nations, ont aussi fait mention du petit de l'ânesse.
1627. L'Évangéliste introduit ensuite la prophétie écrite en Zacharie, qui premièrement apporte l'apaisement, puis promet la majesté royale et enfin ajoute l'utilité d'un roi.
Le prophète apporte l'apaisement en disant : NE CRAINS PAS, FILLE DE SION. La citadelle de Sion était à Jérusalem là où se trouvait la demeure du roi. La fille de Sion est donc le peuple de Jérusalem et des Juifs qui étaient assujettis au roi de Jérusalem. Il dit donc aux Juifs : NE CRAINS PAS, puisque le Seigneur est ton défenseur - Qui es-tu pour craindre l'homme mortel ? - Le Seigneur est le défenseur de ma vie, devant qui tremblerais-je ? En cela l'Évangéliste exclut la crainte mondaine et servile.
Il promet la majesté royale en disant : VOICI QUE TON ROI VIENT - Un tout-petit nous a été donné. - Il siégera sur le trône de David et sur son royaume.
II dit TON, à savoir prenant chair de toi, puisque ce n'est certes pas des anges qu'il se charge, mais de la descendance d'Abraham \ Ou bien TON au sens de : pour ton utilité. D'où il ajoute : VIENT à toi - Si tu avais connu, toi aussi, ce qui maintenant peut te donner la paix ! mais cela est demeuré caché à tes yeux... Par leur résistance, ils ont empêché que ce soit utile pour eux.
Il vient, dis-je, vers toi, non pas pour la terreur mais pour la libération, et c'est pourquoi il dit ensuite : ASSIS SUR LE PETIT D'UNE ÂNESSE, ce qui signifie la clémence du roi, qui est fort bien accueillie par ceux qui lui sont soumis - Son trône est affermi dans la clémence. Mais contre cela il est dit : Semblable au rugissement du lion, la fureur du roi ! Autrement dit, il ne vient pas dans le faste royal, par lequel il pourrait être odieux, mais il vient dans la douceur - On t'a établi maître ? Ne t'exalte pas. Ne crains donc pas l'oppression du roi. La Loi ancienne, elle, a été donnée dans la terreur parce qu'elle engendrait pour la servitude. De plus, ce qui manifeste la puissance de ce roi, c'est qu'en venant dans l'humilité et la faiblesse il a attiré le monde entier - Car ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes.
1628. L'Évangéliste, en disant cela, montre dans quelles dispositions se trouvaient les disciples à l'égard de la prophétie citée, et il confesse à la fois son ignorance et celle des disciples, car, comme il est dit dans les Proverbes, le juste est le premier à s'accuser lui-même.
Voilà pourquoi il dit que ces choses qui viennent d'être dites, SES DISCIPLES NE LES COMPRIRENT PAS D'ABORD, c'est-à-dire avant la Passion, MAIS QUAND JÉSUS EUT ÉTÉ GLORIFIÉ, à savoir quand il montra la puissance de sa Résurrection, ALORS ILS SE SOUVINRENT QUE CELA SE TROUVAIT ÉCRIT À SON SUJET ET QUE C'ÉTAIT CE QU'ON LUI AVAIT FAIT. La raison pour laquelle ils ont compris cela quand il a été glorifié, c'est qu'alors ils ont reçu la plénitude de l'Esprit Saint, ce qui les a rendus plus sages que tous les sages - C'est l'inspiration du Tout-Puissant qui donne l'intelligence. Or l'Évangéliste dit cela pour montrer que ce n'est pas ce qui a eu lieu ici, mais que les disciples y ont prêté attention plus tard.
1629. L'Évangéliste expose ici la cause du mouvement de la foule. Ce fut le TÉMOIGNAGE QUE LA FOULE RENDAIT au sujet de la résurrection de Lazare LORSQU'IL APPELA LAZARE DU TOMBEAU ET LE RELEVA D'ENTRE LES MORTS.
C'EST POUR CELA AUSSI QUE LA FOULE VINT AU-DEVANT DE LUI, PARCE QU'ILS AVAIENT APPRIS QU'IL AVAIT FAIT CE SIGNE - Les Juifs demandent des signes . C'était bien en effet le signe le plus manifeste et le plus admirable, et c'est pourquoi il l'a réservé pour la fin, pour qu'il s'imprimât davantage dans leur mémoire.
1630. Jean montre alors la jalousie des pharisiens, excitée par l'échec de leur tentative ; c'est pourquoi ils disaient : VOUS VOYEZ QUE NOUS NE GAGNONS RIEN. VOILÀ QUE TOUT LE MONDE EST PARTI APRÈS LUI – Ce qui est bien la parole des pharisiens jaloux, quand ils disent : NOUS NE GAGNONS RIEN, sous-entendu par notre malice, puisque nous sommes incapables de l'arrêter. « Gagner » est pris dans le même sens dans la deuxième épître à
Timothée : Quant aux hommes mauvais et aux séducteurs, ils gagneront toujours plus en mal.
Mais pourquoi cette foule aveugle est-elle jalouse ? Parce que LE MONDE EST PARTI APRÈS LUI, lui par qui le monde a été fait. Cependant il est signifié par cela que le monde tout entier le suivrait - Nous vivrons en sa présence, et nous chercherons à connaître le Seigneur. Chrysostome, quant à lui, veut que ces paroles soient celles des pharisiens qui croyaient, mais en secret par crainte des Juifs. Et ils disent cela pour qu'ils cessent de persécuter le Christ, comme s'ils disaient : plus vous lui dressez des embûches, plus il grandit et sa gloire s'étend. Pourquoi donc ne renoncez-vous pas à tant d'embûches ? - ce qui est presque identique au conseil de Gamaliel dont il est question dans les Actes des Apôtres.
Frappant et odieux contraste avec l'enthousiasme du peuple. Ce qui excite l'admiration des uns ne produit
dans les autres (ceux-ci étaient les chefs sacrés d'Israël !) que la jalousie, la haine et le désir d'une criminelle
vengeance. - Les princes des prêtres. Voyez l’Évangile selon S. Matthieu, p. 54 ; Lémann, Valeur de
l'Assemblée qui prononça la peine de mort contre Jésus-Christ. C'étaient les chefs du parti hiérarchique, et
quoique Sadducéens en grande partie (Cf. Act. 5, 17) et habituellement opposés aux Pharisiens, ils
partageaient la haine de ces derniers à l'égard de Jésus. Cf. 2, 18 et le commentaire ; 11, 47, etc. - Pensèrent :
mais sans réunion officielle du Sanhédrin, et par conséquent sans décret proprement dit. Cf. Act. 5, 33; 15, 37. - À faire mourir aussi Lazare. Lazare aussi ! car il y a longtemps déjà qu'ils avaient pensé à se
débarrasser de Notre-Seigneur. Cf. 5, 16, 18 ; 7, 32 et ss. Voilà qu'au bout de peu de jours il ne suffit plus
d'une seule mort pour les sauver (voyez 11, 50) : qu'importe ? les pontifes subalternes ont le même esprit que
Caïphe, le pontife suprême, et le sang versé ne les effraie nullement. Ils espéraient, par le meurtre de Lazare,
étouffer le bruit que sa résurrection suscitait à Jérusalem, et diminuer ainsi le prestige de Jésus ; l'histoire
nous apprend qu'ils exécutèrent plus tard leur inique dessein. Voyez la note de 11, 44. - Parce que
beaucoup... Motif du projet sanguinaire des hiérarques. - Se retiraient à cause de lui. Cet imparfait et le
suivant marquent des actes qui se renouvelaient sans cesse. Le premier acte était négatif ; il consistait en une
sécession, en un abandon des hiérarques par la foule (car il nous semble meilleur de prendre se retirer au
figuré, quoique d'autres le traduisent par « monter » de Jérusalem à Béthanie) ; le second acte était une foi
positive : ils croyaient au caractère messianique de Jésus. Et les prêtres, pourquoi ne croyaient-ils pas
eux-mêmes, puisqu'ils n'essaient pas de contester la réalité de la résurrection ? Voyez la réponse dans S. Luc,
16, 31.