Jean 12, 25
Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle.
Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle.
2° Celui qui aime... S. Augustin marque très bien la transition : « C’est de
lui-même qu’il parlait. Il était le grain qui devait périr pour se multiplier ensuite ; il devait périr victime de
l’infidélité des Juifs et se multiplier par la foi des peuples. Puis il nous exhorte à suivre les traces de sa
passion : « Celui », dit-il, « qui aime a son âme la perdra ». Traité sur S. Jean, 51, 8-9. Le divin Maître
signale donc une autre loi du monde moral et spirituel, semblable à la précédente, et prouvant aussi que la
mort est la condition essentielle d'une vie nouvelle, transfigurée. Déjà nous avons rencontré à cinq reprises
dans les évangiles synoptiques ce frappant paradoxe. Cf. Matth. 10, 39 ; 16, 25 ; Marc. 8, 35 ; Luc. 9, 24 ; 17,
33. Jésus y eut recours en des occasions diverses, et avec une grande variété d'applications. « Aime »
(φιλῶν) désigne évidemment ici un amour démesuré, qui fait qu'on traite sa vie individuelle comme le
souverain bien. - La perdra. Cette affection égoïste produira un effet tout contraire à celui que l'on recherche,
la ruine au lieu de la préservation si ardemment souhaitée. Les manuscrits א, B, L, lisent « la perd » au
présent. - Et celui qui hait... Non pas d'une haine absolue, mais par comparaison avec les biens supérieurs.
Les participes présents φιλῶν, μισῶν, marquent une coutume, un amour et une haine habituels. - Dans ce
monde et pour la vie éternelle appuient sur l'idée, et en précisent le véritable sens. - Quelques manuscrits ont
φυλάξει au futur : « la conservera ».
Sa vie, littéralement son âme (anima), principe de la vie terrestre. Haïr son âme, c’est faire toute espèce de sacrifices, accepter toutes espèces de souffrances, pour rester fidèle à Dieu et conserver sa grâce. Ces fortes expressions renferment à la fois le précepte et le conseil. ― Il reste seul. Belle expression pour rendre l’idée d’infécondité, de stérilité complète.
Cela fait partie des développements de l'amour vers des degrés plus élevés, vers ses purifications profondes, de l'amour qui cherche maintenant son caractère définitif, et cela en un double sens : dans le sens d’un caractère exclusif – «cette personne seulement» – et dans le sens d’un «pour toujours». L’amour comprend la totalité de l’existence dans toutes ses dimensions, y compris celle du temps. Il ne pourrait en être autrement, puisque sa promesse vise à faire du définitif : l’amour vise à l’éternité. Oui, l’amour est «extase», mais extase non pas dans le sens d’un moment d’ivresse, mais extase comme chemin, comme exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore vers la découverte de Dieu : «Qui cherchera à conserver sa vie la perdra. Et qui la perdra la sauvegardera» (Lc 17, 33), dit Jésus – une de ses affirmations qu’on retrouve dans les Évangiles avec plusieurs variantes (cf. Mt 10, 39; 16, 25; Mc 8, 35; Lc 9, 24; Jn 12, 25). Jésus décrit ainsi son chemin personnel, qui le conduit par la croix jusqu’à la résurrection; c’est le chemin du grain de blé tombé en terre qui meurt et qui porte ainsi beaucoup de fruit. Mais il décrit aussi par ces paroles l’essence de l’amour et de l’existence humaine en général, partant du centre de son sacrifice personnel et de l’amour qui parvient en lui à son accomplissement.