Jean 12, 33
Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.
Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir.
Aux exhortations que Notre-Seigneur faisait à ses disciples, de ne craindre ni les souffrances ni la mort ; ils auraient pu répondre qu'il lui était facile, à lui, qui était placé en dehors des douleurs de notre humanité, de philosopher sur la mort et de les engager à supporter des épreuves dont il était affranchi ; il prévient cette objection en leur faisant voir qu'il est lui-même exposé aux mêmes dangers, et que cependant, à cause du bien qui doit en résulter, il ne craint pas la mort. C'est ce qui lui fait dire: « Et maintenant mon âme est troublée. »
Aux approches de sa croix, il fait paraître les sentiments qui sont propres à notre humanité, une nature qui a horreur de la mort, et qui s'attache à la vie présente, et Il prouve ainsi qu'il n'était point étranger aux fassions de notre humanité ; car ce n'est pas plus un crime de désirer conserver la vie présente que ce n'est un crime d'éprouver le besoin de la faim. Le corps de Jésus-Christ était pur de tout péché, mais il n'était pas affranchi des infirmités de notre nature ; c'était l'effet et la suite non de sa divinité, mais de son incarnation.
C'est-à-dire, je n'ai rien à dire pour me dérober à la mort qui me menace, « car c'est pour cela que je suis arrivé à cette heure ; » langage dont voici le sens : Malgré le trouble et l'agitation auxquels vous êtes en proie, ne cherchez pas à vous soustraire à la mort, puisque moi-même, malgré le trouble où mon âme est plongée, je ne demande pas d'y échapper (car il faut supporter ce qui doit arriver) ; je ne dis pas : Délivrez-moi de cette heure, mais au contraire : « Mon Père, glorifiez votre nom. » Il montre ainsi qu'il meurt pour la vérité, ce qu'il appelle la glorification du nom de Dieu. C'est en effet ce qui s'est vérifié, puisqu'après le supplice de la croix, l'univers entier devait se convertir, connaître et adorer le nom de Dieu, ce qui était autant la gloire du Fils que du Père, mais Jésus ne dit rien de ce qui lui était personnel.
Cette voix était claire, et le sens de ces paroles facile à comprendre, mais elle ne fit qu'une impression fugitive sur des esprits grossiers, charnels et indolents. Les uns ne firent attention qu'au son de la voix, les autres avaient bien remarqué que c'était une voix articulée, mais ils n'en savaient pas encore le sens, et c'est d'eux que l'Evangéliste ajoute : « D'autres disaient : Un ange lui a parlé. »
La voix du Père se fait entendre ici pour répondre à ce qu'ils ne cessaient de dire : que Jésus ne venait pas de Dieu, car comment Dieu pourrait-il glorifier celui qui ne viendrait pas de Dieu ? Vous voyez que toutes les actions empreintes d'un caractère plus humble, sont faites pour les hommes et non pour le Fils, qui n'en avait nul besoin. Le Père a dit : « Je le glorifierai. » Voici de quelle manière : « C'est maintenant le jugement du monde. »
Mais quel est ce jugement par lequel le démon est chassé ? La comparaison suivante le fera comprendre : supposez un créancier impitoyable qui maltraite ses débiteurs et les jette dans les fers, et qui, emporté par sa fureur insensée, fait jeter dans le même cachot celui qui ne lui doit rien. Ce dernier lui fera expier l'injustice des mauvais traitements qu'il a soufferts et de ceux qu'il a fait souffrir aux autres. C'est ce qu'a fait Jésus-Christ ; il a tiré vengeance du joug tyrannique que le démon a fait peser sur nous, et de son entreprise insolente contre Jésus-Christ lui-même. Mais comment sera-t-il jeté dehors, s'il triomphe du Sauveur lui-même ? Il répond à cette objection, en ajoutant : « Et moi, quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tout à moi. » Comment, en effet, celui qui entraîne les autres pourrait-il être vaincu ? Dire : « J'attirerai tout à moi, » c'est dire plus que : « Je ressusciterai ; » car de la prédiction qu'il ressusciterait, il ne s'ensuivait pas nécessairement qu'il attirerait tout à lui, mais l'expression : « J'attirerai tout à moi, » supposait les deux choses.
Mais comment expliquer ce que Nôtre-Seigneur dit plus haut, que : « Son Père nous attire ? » Parce que c'est le Père qui attire, lorsque le Fils lui-même attire. Il dit : « J'attirerai, »expression qui signifie qu'il délivre les captifs de la tyrannie, et qu'il rend la liberté à ceux qui ne peuvent venir d'eux-mêmes et briser les chaînes de leur servitude.
Cette voix n'apprenait donc point au Sauveur ce qu'il savait déjà, mais elle donnait cette connaissance à ceux qui en avaient besoin. De même donc que ce n'est point pour lui, mais pour nous que cette voix se fit entendre ; ainsi ce n'est point pour lui, mais pour notre instruction qu'il permit que sou âme fût troublée.
Enfin que l'homme qui désire suivre le Sauveur, apprenne à quel moment il doit marcher à sa suite, voici peut-être une heure terrible ; on vous donne le choix, ou de commettre l'iniquité, ou de souffrir la mort, votre âme faible se trouble ; écoutez ce que Jésus ajoute : « Et que dirai-je ? »
J'entends ces paroles : « Celui qui hait son âme en ce monde, la garde pour la vie éternelle ; » et je me sens enflammé d'un saint mépris pour le monde, et la vapeur légère de cette vie, quelque prolongée qu'elle soit, n'est rien à mes yeux, l'amour des biens éternels me fait paraître viles toutes les choses de la terre ; et voilà que j'entends de nouveau le Seigneur me dire : « Maintenant mon âme est troublée. » Vous commandez à mon âme de vous suivre, mais je vois que la vôtre est dans le trouble ; sur quel fondement m'appuyer, si la pierre elle-même succombe ? Je reconnais, Seigneur, votre miséricorde ; c'est votre charité qui est la cause de votre trouble, et vous voulez ainsi consoler et sauver du désespoir, qui les perdrait, les membres si nombreux de votre corps, qui sont troublés par suite des faiblesses nécessaires de leur nature. Notre chef a donc voulu ressentir en lui toutes les affections de ses membres. Son trouble ne vient donc point d'une cause étrangère, mais comme l'Evangéliste l'a remarqué plus haut, il s'est troublé lui-même.
C'est ainsi qu'il vous montre celui que vous devez invoquer, celui à la volonté duquel vous devez subordonner la vôtre ; ne regardez donc pas comme une chute pour lui l'acte par lequel il veut vous tirer de votre misère, il a pris sur lui nos infirmités, pour enseigner à ceux qui sont dans la tristesse, à dire : « Non ce que je veux, mais ce que vous voulez. » C'est ce que signifient les paroles suivantes : « Mais c'est pour cela que je suis arrivé à cette heure. »
« Je l'ai glorifié, » avant la création du monde, « et je le glorifierai encore » lorsqu'il ressuscitera d'entre les morts ; ou bien encore, je l'ai glorifié, lorsqu'il est né d'une Vierge, lorsqu'il a fait une multitude de miracles, lorsque l'Esprit saint est descendu sur lui sous la forme visible d'une colombe ; et je le glorifierai de nouveau lorsqu'il ressuscitera d'entre les morts, lorsqu'il sera exalté comme Dieu an-dessus des cieux, et que sa gloire éclatera sur toute la terre.
Le jugement que nous attendons à la fin des siècles, sera le jugement des récompenses et des châtiments éternels. Il y a encore un autre jugement, non de condamnation, mais de discernement, c'est ce discernement que Jésus appelle jugement, aussi bien que l'expulsion du démon des âmes, qu'il a rachetées : « Maintenant le prince du monde sera jeté dehors. » Gardons-nous de croire que le démon soit appelé le prince du monde dans ce sens qu'il exerce un empire absolu dans le ciel et sur la terre ; le monde ici, c'est l'ensemble des hommes méchants qui sont répandus sur toute la surface de la terre. Le prince de ce monde, c'est donc le prince des méchants qui habitent le monde. Le monde est pris aussi quelquefois pour les bons qui sont également répandus par tout l'univers ; c'est dans ce sens que l'Apôtre dit : « Dieu était en Jésus-Christ, se réconciliant le monde. » (2 Co 7) C'est de leurs cœurs que le prince du monde devait être chassé, car le Seigneur prévoyait qu'après sa passion et sa glorification, un grand nombre de peuples répandus dans tout l'univers croiraient en lui. Le démon était dans leur cœur, et il est chassé dehors quand ils renoncent an démon en embrassant la foi. Mais est-ce donc que le démon n'a pas été chassé du cœur des justes de l'ancienne loi ? Pourquoi donc le Sauveur dit-il ici : « Maintenant le prince du monde va être jeté dehors ? » C'est-à-dire que ce qui ne s'est fait qu'en faveur d'un très-petit nombre, doit se réaliser pour une multitude innombrable de peuples. Mais dira-t-on encore : De ce que le démon a été chassé dehors, s'ensuit-il que tous les fidèles soient à l'abri de ses tentations ? Tout au contraire, il ne cesse de tenter les hommes, mais il y a une grande différence entre attaquer extérieurement et régner dans l'intérieur de l'âme.
Or quelles sont toutes ces choses qu'il doit attirer à lui, si ce n'est celles dont le démon doit être chassé ? Remarquez qu'il ne dit pas : Je les attirerai tous, car tous les hommes n'ont pas la même foi. Ces paroles ne se rapportent donc pas à l'universalité des hommes, mais à l'ensemble de la nature humaine, c'est-à-dire, à l'esprit, à l'âme, au corps, à ce qui est en nous la cause de la pensée, de la vie, et à ce qui fait de nous des créatures visibles. Ou bien, s'il faut entendre des hommes cette expression : « Toutes choses, » il faut l'appliquer aux prédestinés ou à toutes les espèces d'hommes séparés entre eux, à l'exception du péché, par d'innombrables différences.
Mais « si une fois je suis élevé de terre, » c'est-à-dire, « lorsque je serai élevé, » car il n'a aucun doute sur la réalisation prochaine du mystère qu'il doit accomplir, et c'est sa mort sur la croix qu'il désigne sous le nom d'élévation. C'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Ce qu'il disait, pour marquer la mort dont il devait mourir. »
Le Christ, comme prémices de la nouvelle création, a évité la malédiction de la Loi, mais par le fait même qu'il devenait malédiction pour nous. Il a échappé aux puissances de la corruption devenant par lui-même libre parmi les morts (cf. ps 87,6). Après avoir terrassé la mort, il est ressuscité, puis il est monté vers le Père comme une offrande magnifique et resplendissante, comme les prémices, en quelque sorte, de la race humaine rénovée, incorruptible.
Comme dit l'Écriture: Ce n'est pas dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu'une copie du sanctuaire véritable, que le Christ est entré, mais dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu (He 9,24). Il est pain qui donne la vie et qui est venu du ciel. En s'offrant lui-même à Dieu le Père à cause de nous comme un sacrifice d'agréable odeur, il remet aux pauvres hommes leurs péchés et les délivre de leurs erreurs. Vous comprendrez bien cela en le comparant, par le regard spirituel, au jeune taureau muselé, et au bouc égorgé pour les erreurs du peuple. <> Il a donné sa vie afin d'effacer le péché du monde.
C'est pourquoi, de même que sous le pain nous voyons le Christ comme la vie et celui qui donne vie, sous le symbole du jeune taureau nous le voyons comme immolé, s'offrant à Dieu en sacrifice d'agréable odeur, et sous le symbole du bouc comme devenu péché pour nous (2Co 5,21) et offert pour nos péchés. On pourrait encore le considérer sous le symbole de la gerbe. Qu'est-ce que ce signe représente? Je vais le dire rapidement.
On peut comparer le genre humain aux épis d'un champ. Ils naissent de la terre, ils attendent d'avoir obtenu toute leur croissance et, au moment voulu, ils sont fauchés par la mort. C'est ainsi que le Christ disait à ses disciples: Ne dites-vous pas: Encore quatre mois et ce sera la moisson? Et moi je vous dis: Levez les yeux et regardez les champs qui se dorent pour la moisson. Dès maintenant le moissonneur reçoit son salaire: il récolte du fruit pour la vie éternelle (Jn 4,35-36).
Or le Christ est né parmi nous, il est né de la Vierge sainte comme les épis sortent de la terre. Parfois d'ailleurs il se nomme lui-même le grain de blé: Amen, Amen je vous le dis: si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit (Jn 12,24). Ainsi s'est- il offert pour nous à son Père, à la manière d'une gerbe et comme les prémices de la terre. Car l'épi de blé, comme nous-mêmes d'ailleurs, ne peut être considéré isolément. Nous le voyons dans une gerbe, formée de nombreux épis d'une seule brassée. Car le Christ Jésus est unique, mais il nous apparaît et il est réellement comme constituant une brassée, en ce sens qu'il contient en lui tous les croyants, évidemment dans une union spirituelle. Sans cela, comment saint Paul pourrait-il écrire: Avec lui il nous a ressuscites, avec lui il nous a fait régner aux cieux (Ep 2,6-7)? En effet, puisqu'il est constitué par nous, nous ne faisons qu'un seul corps avec lui (Ep 3,6) et nous avons acquis par la chair l'union avec lui. Car lui-même adresse d'ailleurs ces paroles à Dieu le Père: Je veux, Père, que, comme moi et toi ne faisons qu'un, eux aussi ne fassent qu'un avec nous (Jn 17,21).
Comme dit l'Écriture: Ce n'est pas dans un sanctuaire construit par les hommes, qui ne peut être qu'une copie du sanctuaire véritable, que le Christ est entré, mais dans le ciel même, afin de se tenir maintenant pour nous devant la face de Dieu (He 9,24). Il est pain qui donne la vie et qui est venu du ciel. En s'offrant lui-même à Dieu le Père à cause de nous comme un sacrifice d'agréable odeur, il remet aux pauvres hommes leurs péchés et les délivre de leurs erreurs. Vous comprendrez bien cela en le comparant, par le regard spirituel, au jeune taureau muselé, et au bouc égorgé pour les erreurs du peuple. <> Il a donné sa vie afin d'effacer le péché du monde.
C'est pourquoi, de même que sous le pain nous voyons le Christ comme la vie et celui qui donne vie, sous le symbole du jeune taureau nous le voyons comme immolé, s'offrant à Dieu en sacrifice d'agréable odeur, et sous le symbole du bouc comme devenu péché pour nous (2Co 5,21) et offert pour nos péchés. On pourrait encore le considérer sous le symbole de la gerbe. Qu'est-ce que ce signe représente? Je vais le dire rapidement.
On peut comparer le genre humain aux épis d'un champ. Ils naissent de la terre, ils attendent d'avoir obtenu toute leur croissance et, au moment voulu, ils sont fauchés par la mort. C'est ainsi que le Christ disait à ses disciples: Ne dites-vous pas: Encore quatre mois et ce sera la moisson? Et moi je vous dis: Levez les yeux et regardez les champs qui se dorent pour la moisson. Dès maintenant le moissonneur reçoit son salaire: il récolte du fruit pour la vie éternelle (Jn 4,35-36).
Or le Christ est né parmi nous, il est né de la Vierge sainte comme les épis sortent de la terre. Parfois d'ailleurs il se nomme lui-même le grain de blé: Amen, Amen je vous le dis: si le grain tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit (Jn 12,24). Ainsi s'est- il offert pour nous à son Père, à la manière d'une gerbe et comme les prémices de la terre. Car l'épi de blé, comme nous-mêmes d'ailleurs, ne peut être considéré isolément. Nous le voyons dans une gerbe, formée de nombreux épis d'une seule brassée. Car le Christ Jésus est unique, mais il nous apparaît et il est réellement comme constituant une brassée, en ce sens qu'il contient en lui tous les croyants, évidemment dans une union spirituelle. Sans cela, comment saint Paul pourrait-il écrire: Avec lui il nous a ressuscites, avec lui il nous a fait régner aux cieux (Ep 2,6-7)? En effet, puisqu'il est constitué par nous, nous ne faisons qu'un seul corps avec lui (Ep 3,6) et nous avons acquis par la chair l'union avec lui. Car lui-même adresse d'ailleurs ces paroles à Dieu le Père: Je veux, Père, que, comme moi et toi ne faisons qu'un, eux aussi ne fassent qu'un avec nous (Jn 17,21).
C'est par le ministère d'un ange que Dieu fit entendre ces paroles, puisque rien ne parait aux yeux, et qu'on entend seulement une voix qui vient du ciel. Comme en parlant du haut des cieux, Dieu, voulant être entendu de tous, s'est servi pour cela de l'intermédiaire d'une créature raisonnable.
C'est-à-dire, que dirai-je que ce qui peut être une leçon pour mes membres ? « Père, sauvez-moi de cette heure. »
1661. À propos de la promesse de la gloire qui est exprimée ici, l'Évangéliste fait d'abord mention de la voix de celui qui promet la gloire, puis de l'opinion de la foule qui doute de cette voix [n° 1663]. Enfin, il donne l'explication à propos de la voix qui s'est fait entendre [n° 1664].
La voix du Père.
1662. Cette voix, c'est la voix de Dieu le Père, comme la voix qui vint sur le Christ baptisé - Celui-ci est mon Fils bien-aimé -, et qui vint de même sur lui transfiguré.
Mais bien qu'une telle voix soit toujours formée par la puissance de toute la Trinité, cependant elle est spécialement formée pour représenter la personne du Père ; c'est pourquoi on dit que c'est la voix du Père, comme la colombe a été formée par toute la Trinité pour signifier la personne de l'Esprit Saint ; et de même le corps du Christ a été formé par toute la Trinité, mais il est spécialement assumé par la personne du Verbe, parce que c'est pour être uni à lui qu'il a été formé.
Cette voix fait donc deux choses. Premièrement, elle manifeste le passé, en disant : JE L'AI GLORIFIÉ, c'est-à-dire : de toute éternité je l'ai engendré glorieux, puisque le Fils n'est que gloire et splendeur du Père - Elle est l'éclat de la lumière éternelle et le miroir sans tache de la majesté de Dieu. - Lui qui est la splendeur de sa gloire et l'effigie de sa substance. Ou bien : JE L'AI GLORIFIÉ en sa nativité, lorsque les anges chantèrent :
Gloire à Dieu au plus haut des deux, et dans les miracles faits par lui.
Deuxièmement, elle annonce le futur : ET DE NOUVEAU JE LE GLORIFIERAI, dans sa Passion, en laquelle il a triomphé du diable, dans sa Résurrection et son Ascension, et dans la conversion du monde entier - Le Dieu de nos pères a glorifié son Fils Jésus .
L'opinion de la foule.
1663. L'Évangéliste expose ensuite l'opinion de la foule qui doute de cette voix. Dans cette foule, de fait, comme dans toute foule, certains avaient une intelligence plus grossière et plus lente, et d'autres au contraire une intelligence plus pénétrante, bien que tous fussent imparfaits dans la connaissance de la voix elle-même.
Car ceux qui étaient oisifs et charnels n'ont pas perçu la voix elle-même mais seulement un bruit ; voilà pourquoi ils disaient QU'IL Y AVAIT EU UN COUP DE TONNERRE. Mais ils ne se trompaient pas complètement : en effet la voix du Seigneur était un tonnerre, tantôt parce qu'elle avait une signification étonnante, tantôt parce qu'elle contenait de grandes choses - Si c'est avec peine que nous avons entendu une petite goutte de ses paroles, qui pourra contempler l'éclat du tonnerre de sa grandeur ? - Voix de ton tonnerre dans le tourbillon. Les plus pénétrants, quant à eux, ont perçu cette voix comme le son d'une voix articulée et porteuse de signification : c'est pourquoi ils dirent que c'était une parole. Mais, croyant que le Christ était purement homme, ils se sont trompés en attribuant cette parole à un ange. C'est pourquoi ils disaient : UN ANGE LUI A PARLÉ, eux qui admettaient les mêmes choses que le démon, qui croyait que le Christ avait besoin du secours des anges. Aussi le démon disait-il au Christ : Il a pour toi donné ordre à ses anges, et ils te porteront dans leurs mains. Or le Christ n'a pas besoin de la garde et de l'aide des anges, mais c'est lui-même qui glorifie et qui garde les anges.
L'explication de cette voix.
1664. L'Évangéliste commence par expliquer la voix émise en donnant d'abord la cause de la voix [n° 1665], puis sa signification [n° 1666], après quoi il montre l'opposition de la foule [n° 1675]. Enfin, il rapporte la réponse du Seigneur [n° 1681].
1665. Quant au premier point, il faut savoir que puisqu'ils avaient dit : UN ANGE LUI A PARLÉ, et qu'un ange parle à quelqu'un pour lui révéler une chose destinée à l'utilité de celui qui parle, comme on le voit clairement dans le premier chapitre de l'Apocalypse et le premier chapitre d'Ézéchiel, le Seigneur, montrant qu'il n'a pas besoin de voix ni du secours d'une révélation angélique, dit : CE N'EST PAS POUR MOI - c'est-à-dire pour m'instruire - QUE CETTE VOIX EST VENUE, MAIS POUR VOUS. En effet, elle n'a rien signifié qu'il n'ait su auparavant, puisqu'en lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu, de telle sorte qu'il a connu tout ce que le Père connaît. MAIS POUR VOUS, c'est-à-dire pour vous instruire. Cela fait comprendre que, dans l'économie divine, beaucoup de choses concernant le Christ ont été réalisées pour nous, et non parce que lui-même en avait besoin - Tout ce qui a été écrit le fut pour notre instruction.
1666. Il indique d'abord le jugement par lequel il devait être glorifié, puis l'effet du jugement [n° 1668] et, en dernier lieu, le mode de cette glorification [n° 1672].
Le jugement
1667. Mais s'il en est ainsi, pourquoi donc attendons-nous que le Seigneur vienne une seconde fois pour juger ? Il faut répondre qu'il est déjà venu pour juger selon un jugement de discernement, par lequel il devait discerner les siens de ceux qui n'étaient pas à lui - C'est pour un jugement que je suis venu dans ce monde. Et de ce jugement il dit : C'EST MAINTENANT LE JUGEMENT DU MONDE. Mais il va venir pour juger selon un jugement de condamnation, pour lequel il n'était pas venu la première fois - Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.
Ou bien il faut dire que le jugement est double : l'un par lequel le monde est condamné, et qui n'est pas celui dont il est question ici ; l'autre par lequel le jugement est rendu en faveur du monde, dans la mesure où le monde est libéré de l'esclavage du diable. On doit entendre de cette manière ce verset du psaume : Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent.
Et les deux reviennent au même parce que, par ce jugement en faveur du monde, le diable étant chassé, les bons sont discernés des mauvais.
L'effet du jugement
1668. L'effet du jugement est l'expulsion du diable : MAINTENANT LE PRINCE DE CE MONDE VA ÊTRE JETÉ DEHORS, par la puissance de la Passion du Christ. Ainsi sa Passion est-elle sa glorification, comme si par là il expliquait ce qu'il dit : ET DE NOUVEAU JE LE GLORIFIERAI, dans la mesure où LE PRINCE DE CE MONDE VA ÊTRE JETÉ DEHORS, comme si c'était par sa Passion qu'il remportait la victoire sur le démon - Le Fils de Dieu est venu dans ce monde pour détruire les œuvres du diable.
1669. Mais à ce sujet s'élèvent trois objections. Premièrement du fait qu'il dit que le diable est le prince de ce monde ; c'est à partir de là que les manichéens disent qu'il est le créateur et le seigneur de toutes les réalités visibles.
La réponse est que le diable est appelé le prince de ce monde, non pas par un pouvoir naturel, mais par usurpation, en tant que les hommes de ce monde, par mépris du vrai Dieu, se sont soumis à lui - Le dieu de ce monde a aveuglé l’esprit des infidèles. Il est donc le prince de ce monde dans la mesure où il règne sur les hommes de ce monde, comme le dit Augustin, qui se sont répandus sur toute la surface de la terre.
Car le terme « monde » est tantôt pris dans un mauvais sens à l'égard des hommes qui aiment le monde - Le monde ne l’α pas connu -, tantôt dans un bon sens, à l'égard des hommes bons qui vivent dans le monde de telle manière que leur séjour (conversatio ) soit cependant dans les cieux - C'était Dieu, en effet, qui dans le Christ se réconciliait le monde .
1670. Deuxièmement, l'objection porte sur : VA ÊTRE JETÉ DEHORS. En effet, s'il avait été jeté dehors, il ne tenterait pas à présent comme il tentait auparavant. Cependant il n'a pas cessé de tenter : c'est donc qu'il n'a pas été jeté dehors.
À cela il faut répondre, selon Augustin , que bien que le diable tente les hommes qui ne sont plus du monde, cependant il ne tente pas de la même manière qu'auparavant. Car alors il tentait et régnait de l'intérieur mais, par la suite, de l'extérieur uniquement. En effet, aussi longtemps que les hommes sont dans le péché, c'est de l'intérieur qu'il règne et qu'il tente - Que le péché ne règne pas dans votre corps mortel de manière à obéir à ses concupiscences . Ainsi, il a été jeté dehors parce que l'effet du péché dans l'homme ne vient pas de l'intérieur mais de l'extérieur.
1671. Troisièmement, l'objection concerne l'affirmation : MAINTENANT LE PRINCE DE CE MONDE VA ÊTRE JETÉ DEHORS, ce qui semble entraîner qu'avant la Passion du Christ il n'avait pas été jeté dehors et que, par conséquent, puisqu'il est jeté dehors au moment où les hommes sont libérés du péché, alors Abraham, Isaac et les autres figures de l'Ancien Testament n'ont pas été affranchis du péché.
Il faut dire, selon Augustin \ qu'avant la Passion du Christ il avait été chassé de personnes singulières, mais non pas du monde, comme après. Car ce qui a été réalisé alors chez un tout petit nombre d'hommes, on reconnaît que maintenant cela a été réalisé par la puissance de la Passion du Christ pour les nombreux et grands peuples des Juifs et des païens convertis au Christ.
Ou bien il faut affirmer que le diable est jeté dehors par le fait que les hommes sont libérés du péché ; cependant, avant la Passion du Christ, les hommes justes avaient été affranchis du péché mais pas totalement, puisqu'ils étaient encore empêchés d'être introduits dans le Royaume : quant à cela, le diable avait encore sur eux un droit, mais qui lui fut totalement enlevé par la Passion du Christ, au moment où le glaive flamboyant a été enlevé, quand il a été dit à l'homme : Aujourd'hui, tu seras avec moi dans k Paradis.
Le mode de la glorification
1672. Le mode de la Passion est par exaltation.
À ce sujet, il faut savoir que Chrysostome utilise l'exemple suivant : prenons un tyran qui aurait eu l'habitude d'opprimer ses sujets, de les frapper et de les jeter aux fers ; si ensuite, poussé par la même folie, il traite de la même manière un homme qui ne lui est soumis en rien, et qu'il l'emprisonne, il doit à juste titre être aussi privé du pouvoir sur ceux qui lui étaient soumis : et c'est ainsi que le Christ a fait contre le diable. En effet, à cause du péché de nos premiers parents, le diable avait un certain droit sur les hommes ; aussi pouvait-il, en un sens, sévir contre eux d'une manière juste. Mais parce qu'il a osé tenter des choses semblables même contre le Christ, sur lequel il n'avait aucun droit, le tentateur, en attaquant celui sur lequel il n'avait aucun droit, comme il est dit plus loin, a mérité d'être également privé de son pouvoir par la mort du Christ.
Et c'est bien ce qu'il dit : QUAND J'AURAI ÉTÉ ÉLEVÉ DE TERRE, J'ATTIRERAI TOUT À MOI – Par là, il montre le mode de sa mort ; puis l'Évangéliste explique ce que dit le Christ : OR IL DISAIT CELA POUR SIGNIFIER DE QUELLE MORT IL DEVAIT MOURIR : le mode de sa mort est par l'exaltation sur le bois de la Croix. Il a donc bien, en cela, désigné DE QUELLE MORT IL DEVAIT MOURIR.
1673. Or il faut savoir que la cause pour laquelle le Seigneur a voulu mourir de la mort de la Croix est double : la première, à cause de l'infamie de cette mort - Condamnons-le à la mort la plus infâme. C'est pourquoi Augustin dit : « C'est de cette manière que le Seigneur a voulu mourir, afin que l'ignominie de sa mort ne détourne pas l'homme de la perfection de la justice. »
La deuxième, parce qu'une mort de cette sorte a lieu par mode d'exaltation ; c'est pour cela que le Seigneur dit : QUAND J'AURAI ÉTÉ ÉLEVÉ. Et assurément ce genre de mort convenait au fruit, à la cause et à la figure de la Passion.
À son fruit, puisque c'est par sa Passion qu'il devait être exalté - Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix ; c'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom. Et pour cette raison le psaume disait : Lève-toi, Seigneur, dans ta force.
À la cause de la Passion, cela convenait doublement : à la fois du côté du démon et du côté des hommes. Du côté des hommes, parce qu'il mourait pour leur salut ; en effet eux-mêmes avaient péri, puisqu'ils avaient été abaissés et plongés vers les choses terrestres - Ils ont résolu d'abaisser leurs yeux vers la terre. Il a donc voulu mourir exalté pour élever nos cœurs vers les choses célestes. Car ainsi il est lui-même notre chemin vers le cie1. Et du côté des démons cela convenait aussi, pour qu'élevé lui-même dans les airs il foulât aux pieds ceux qui, dans les airs, avaient la suprématie et le pouvoir.
Cela convenait enfin à la figure de la Passion, puisque le Seigneur enseigna qu'il deviendrait le serpent d'airain dans le désert, comme il est montré au livre des Nombres : Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme*. Ayant donc été ainsi exalté, J'ATTIRERAI TOUT, par la charité, À MOI - D'un amour éternel je t'ai aimé, c'est pourquoi je t'ai attiré, ayant pitié de toi. En cela apparaît aussi au plus haut point la charité de Dieu pour les hommes, dans la mesure où il a daigné mourir pour eux - Dieu prouve ainsi son amour envers nous, puisque, au temps où nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous. En cela il a accompli ce que l'épouse demande dans le Cantique des cantiques : Entraîne-moi à ta suite, nous courrons à l'odeur de tes parfums.
1674. Or il faut remarquer que le Père attire et que le Fils aussi attire - Nul ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire. C'est pourquoi il dit ici : J'ATTIRERAI TOUT, pour montrer que l'opération de l'un et de l'autre est la même.
Il dit TOUT, non pas « tous », parce que tous ne sont pas attirés vers le Fils. J'ATTIRERAI TOUT dit-il, c'est-à-dire l'âme et le corps. Ou bien tous les genres d'hommes, à savoir les Gentils et les Juifs, les esclaves et les hommes libres, les hommes et les femmes. Ou encore tout ce qui a été prédestiné en vue du salut.
Et remarquons que le fait même de dire qu'il attire tout à lui, c'est jeter dehors le prince de ce monde, car il n'y a pas d'alliance entre le Christ et Bélial, ni entre la lumière et les ténèbres .
1675. Après avoir exposé la promesse de la glorification du Seigneur et l'explication de la voix, l'Évangéliste rapporte ici le doute de la foule. Et d'abord la foule fait appel à l'autorité de la Loi pour, à partir de là, émettre son doute [n° 1677].
1676. Il dit donc premièrement : LA FOULE LUI RÉPONDIT - au Seigneur qui parlait de sa mort - « NOUS AVONS APPRIS DE LA LOI, NOUS (la Loi est prise ici d'une manière générale pour désigner tous les écrits de l'Ancien Testament), QUE LE CHRIST DEMEURE À JAMAIS. Et l'on peut dire cela à partir de nombreux passages de l'Ancien Testament, en particulier : Son empire se multipliera, et la paix n'aura pas de fin. - Sa puissance est une puissance éternelle qui ne passera pas, et son royaume ne sera pas détruit.
1677. Et à partir de cette autorité, ils soulèvent deux doutes : l'un concerne le fait, l'autre sa personne [n° 1680]. Le fait, quand ils disent : COMMENT DIS-TU, TOI – « IL FAUT QUE LE FILS DE L'HOMME SOIT ÉLEVÉ » ?
Mais puisque le Christ n'a pas dit : IL FAUT QUE LE FILS DE L'HOMME SOIT ÉLEVÉ, mais ET MOI, QUAND J'AURAI ÉTÉ ÉLEVÉ DE TERRE, comment les Juifs disent-ils : IL FAUT QUE LE FILS DE L'HOMME SOIT ÉLEVÉ ?
Il faut dire ici que les Juifs, déjà habitués aux paroles du Seigneur, ont bien gardé dans leur mémoire qu'il disait être le Fils de l'homme. Aussi, quand il a dit : ET MOI, QUAND J'AURAI ÉTÉ ÉLEVÉ DE TERRE, J'ATTIRERAI TOUT À MOI, ils l'ont compris comme s'il avait dit : Quand le Fils de l'homme aura été élevé - selon ce que dit Augustin. Ou bien il faut dire que, bien qu'ici il n'ait pas fait mention du Fils de l'homme, cependant plus haut il a dit ceci : II faut que le Fils de l'homme soit élevé.
1678. Mais il semble que ce qu'ils disent eux-mêmes : IL FAUT QUE LE FILS DE L'HOMME SOIT ÉLEVÉ, ne contredit en rien ce qu'ils avaient dit : QUE LE CHRIST DEMEURE À JAMAIS. À cela il faut répondre que, parce que le Seigneur avait l'habitude de leur parler en paraboles, ils comprenaient beaucoup de ce qui était dit. Aussi se sont-ils douté que le Seigneur parlait de son exaltation par la mort de la Croix - Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous connaîtrez que moi je suis. Ou bien il faut dire que s'ils ont compris cela, c'est que déjà ils pensaient le faire. Ce n'est donc pas la pénétration de la connaissance qui leur donna l'intelligence de ces paroles, mais la connaissance fausse qu'invente la malice.
1679. Remarque bien leur malice : ils ne disent pas NOUS AVONS APPRIS DE LA LOI que le Christ ne souffre d'aucune manière ; en effet, dans de nombreux passages des Écritures il est question de sa Passion et de sa Résurrection, comme dans ce verset d'Isaïe : Comme une brebis il est conduit à l'abattoir ; ou dans ce psaume : Et moi, j'ai dormi, j'ai sombré dans un profond sommeil et je me suis relevé. Mais ils disent : QUE LE CHRIST DEMEURE À JAMAIS. En cela il n'y aurait eu aucune contradiction puisque rien de ce que le Christ a accompli par sa Passion n'aurait fait obstacle à son immortalité. Ils voulaient en effet montrer qu'il n'était pas le Christ puisque LE CHRIST DEMEURE À JAMAIS, comme le dit Chrysostome.
1680. La deuxième question porte sur sa personne, quand ils disent : QUI EST CE FILS DE L'HOMME ? Ils demandent cela parce qu'il est dit dans Daniel : Je voyais, et voici, venant comme un Fils d'homme et il s'avança jusqu'à l'Ancien, et qu'à travers ce Fils d'homme ils comprenaient le Christ ; comme s'ils disaient : Tu dis qu'il faut que le Fils de l'homme soit élevé, et le Fils de l'homme, que nous comprenons comme le Christ, demeure à jamais ; QUI EST donc CE FILS DE L'HOMME ? S'il ne demeure pas à jamais, ce n'est pas le Christ. En cela il faut blâmer leur lenteur d'esprit, puisqu'ils doutaient encore qu'il fût le Christ, après tant de choses vues et tant de choses entendues - C'est comme de parler à quelqu'un qui dort que d'enseigner la sagesse à un sot.
1681. En disant cela, le Seigneur satisfait à leur doute, en quelque sorte : il met d'abord en lumière ce qu'ils avaient de bon puis il les exhorte à avancer [n° 1683]. Enfin, il explique son avertissement [n° 1686].
1682. Jésus leur dit alors : POUR PEU DE TEMPS ENCORE LA LUMIÈRE EST PARMI VOUS, ce qui peut se lire de deux manières. D'une certaine manière, selon Augustin, au sens où le mot modicum (pour peu de temps) serait l'adjectif qualifiant « lumière », comme s'il disait : il y a une certaine lumière en vous dans la mesure où vous savez que le Christ demeure à jamais. En effet ceci est une vérité, et toute manifestation de la vérité est une lumière infusée par Dieu. Cependant, cette lumière qui est en vous est limitée puisque, bien que vous ayez connaissance de l'éternité du Christ, vous ne croyez pas en sa mort et en sa Résurrection : en cela il est évident que vous n'avez pas une foi parfaite. Ce qui a été dit à Pierre leur convient donc bien : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?
Mais selon Chrysostome, il est dit POUR PEU DE TEMPS ENCORE au sens de : c'est pour peu de temps que LA LUMIÈRE EST PARMI VOUS, c'est-à-dire moi, qui suis la lumière ; comme s'il disait : c'est pour peu de temps que moi, la lumière, je suis avec vous - Un peu de temps et vous ne me verrez plus.
L'exhortation du Christ
1683. Et voilà pourquoi il les exhorte ensuite à aller jusqu'au bout et à progresser dans le bien : il les exhorte, puis leur montre le danger qui les guette s'ils n'avancent pas [n° 1685].
1684. Il dit donc : je dis que vous n'avez qu'un peu de lumière ; cependant, tant que vous l'avez, MARCHEZ, c'est-à-dire avancez et progressez, pour comprendre que le Christ tout en étant éternel doit mourir et ressusciter - cela d'après la première explication.
Ou bien : MARCHEZ TANT QUE VOUS AVEZ LA LUMIÈRE, c'est-à-dire : tant que je suis avec vous, progressez et efforcez-vous de me garder si bien que vous ne me perdiez jamais - Seigneur, à la lumière de ta face ils marcheront. Et cela, de peur que LES TÉNÈBRES de l'incroyance, de l'ignorance et de la damnation perpétuelle NE VOUS SAISISSENT et qu'ainsi vous ne puissiez plus avancer. En effet l'homme, quand il est tout entier plongé dans l'incroyance, est alors saisi par les ténèbres, ce qui vous arriverait si vous croyiez l'éternité du Christ de manière telle que vous refusiez pour lui l'abaissement de la mort - A l'homme dont la route est cachée (...) - Nous sommes tous enveloppés de ténèbres.
1685. Il montre ensuite le danger qui les guette s'ils ne progressent pas. Car la lumière, soit de l'extérieur, soit de l'intérieur, dirige l'homme. De l'extérieur, elle le dirige quant à ses actes corporels extérieurs, mais de l'intérieur elle dirige sa volonté même. Celui donc qui ne marche pas dans la lumière, en ne croyant pas parfaitement dans le Christ, mais qui MARCHE DANS LES TÉNÈBRES NE SAIT OÙ IL VA, c'est-à-dire vers quel terme il se dirige - Ils n'ont ni savoir ni intelligence ; ils marchent dans les ténèbres. Et c'est bien ce qui arrive aux Juifs eux-mêmes parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font mais, marchant dans les ténèbres, ils pensent suivre le droit chemin et c'est pourquoi ils croient plaire à Dieu mais ils lui déplaisent plutôt. De même les hérétiques errent, aussi croient-ils mériter la lumière de la vérité et de la grâce alors qu'ils mériteraient plutôt d'en être privés - Telle route paraît droite à un homme, mais elle conduit, enfin de compte, à la mort.
1686. Le Christ explicite ici ce qu'est marcher, et cela de deux manières, selon les deux explications données plus haut.
Selon la première explication, TANT QUE VOUS AVEZ LA LUMIÈRE signifie : tant que vous avez quelque chose de la connaissance et de la lumière de la vérité, CROYEZ EN LA LUMIÈRE, à savoir en la vérité parfaite, AFIN QUE VOUS SOYEZ DES FILS DE LUMIÈRE, c'est-à-dire afin de renaître à la vérité - Nous ne sommes pas les fils des ténèbres : ne dormons donc pas .
Ou bien, selon l'autre explication, TANT QUE VOUS AVEZ LA LUMIÈRE signifie : tant que vous m'avez, moi, qui suis la lumière - Il était la lumière, la vraie, qui illumine tout homme venant en ce monde -, CROYEZ EN LA LUMIÈRE, c'est-à-dire en moi : progressez dans ma connaissance AFIN QUE VOUS SOYEZ DES FILS DE LUMIÈRE, parce que du fait que vous croyez en moi, vous serez fils de Dieu - A ceux qui croient en son nom il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu.
1687. Ici l'Évangéliste rapporte ce que Jésus a fait, à savoir qu'il se cacha. Au chapitre 8 où nous avons lu que le Christ a fait la même chose, la raison est facile à comprendre puisqu'ils prirent des pierres pour les lui jeter*s mais ici il n'y a aucune explication à son geste puisqu'ils ne ramassaient pas de pierres ni ne blasphémaient contre lui : pourquoi donc s'est-il caché ?
Il faut répondre que le Seigneur, scrutant leurs cœurs, connut la fureur et la malice que déjà ils avaient conçues en vue de le tuer. C'est pourquoi, voulant les devancer, il n'a pas attendu qu'ils passent à l'exécution, mais, en se cachant, il a voulu adoucir leur haine et leur colère. En cela il nous a donné l'exemple que lorsque la malice de certains à notre égard est manifeste, nous devons fuir avant même qu'ils ne tentent d'arriver à leurs fins. Néanmoins le Seigneur a montré par ce fait ce qu'il a dit par sa parole. Il avait dit en effet : MARCHEZ TANT QUE VOUS AVEZ LA LUMIÈRE, DE PEUR QUE LES TÉNÈBRES NE VOUS SAISISSENT ; il a laissé entendre en se cachant ce que sont ces ténèbres - J'ai attendu le Seigneur qui a caché sa face loin de la maison de Jacob.
II – L'INCRÉDULITÉ DES JUIFS
1688. Jusqu'ici, l'Évangéliste a traité de plusieurs manières de la gloire du Christ, en raison de laquelle les Juifs, par jalousie, ont été poussés à le tuer ; à présent, il s'agit de l'autre cause de sa Passion : l'incrédulité des Juifs.
Il est d'abord question de leur incrédulité ; puis cette incrédulité est blâmée par le Seigneur [n° 1710].
A. JEAN RAPPORTE L'INCRÉDULITÉ DES JUIFS
Jean, premièrement, blâme l'incrédulité de ceux qui ne croyaient pas du tout, puis celle de ceux qui croyaient, mais en secret [n° 1706].
La voix du Père.
1662. Cette voix, c'est la voix de Dieu le Père, comme la voix qui vint sur le Christ baptisé - Celui-ci est mon Fils bien-aimé -, et qui vint de même sur lui transfiguré.
Mais bien qu'une telle voix soit toujours formée par la puissance de toute la Trinité, cependant elle est spécialement formée pour représenter la personne du Père ; c'est pourquoi on dit que c'est la voix du Père, comme la colombe a été formée par toute la Trinité pour signifier la personne de l'Esprit Saint ; et de même le corps du Christ a été formé par toute la Trinité, mais il est spécialement assumé par la personne du Verbe, parce que c'est pour être uni à lui qu'il a été formé.
Cette voix fait donc deux choses. Premièrement, elle manifeste le passé, en disant : JE L'AI GLORIFIÉ, c'est-à-dire : de toute éternité je l'ai engendré glorieux, puisque le Fils n'est que gloire et splendeur du Père - Elle est l'éclat de la lumière éternelle et le miroir sans tache de la majesté de Dieu. - Lui qui est la splendeur de sa gloire et l'effigie de sa substance. Ou bien : JE L'AI GLORIFIÉ en sa nativité, lorsque les anges chantèrent :
Gloire à Dieu au plus haut des deux, et dans les miracles faits par lui.
Deuxièmement, elle annonce le futur : ET DE NOUVEAU JE LE GLORIFIERAI, dans sa Passion, en laquelle il a triomphé du diable, dans sa Résurrection et son Ascension, et dans la conversion du monde entier - Le Dieu de nos pères a glorifié son Fils Jésus .
L'opinion de la foule.
1663. L'Évangéliste expose ensuite l'opinion de la foule qui doute de cette voix. Dans cette foule, de fait, comme dans toute foule, certains avaient une intelligence plus grossière et plus lente, et d'autres au contraire une intelligence plus pénétrante, bien que tous fussent imparfaits dans la connaissance de la voix elle-même.
Car ceux qui étaient oisifs et charnels n'ont pas perçu la voix elle-même mais seulement un bruit ; voilà pourquoi ils disaient QU'IL Y AVAIT EU UN COUP DE TONNERRE. Mais ils ne se trompaient pas complètement : en effet la voix du Seigneur était un tonnerre, tantôt parce qu'elle avait une signification étonnante, tantôt parce qu'elle contenait de grandes choses - Si c'est avec peine que nous avons entendu une petite goutte de ses paroles, qui pourra contempler l'éclat du tonnerre de sa grandeur ? - Voix de ton tonnerre dans le tourbillon. Les plus pénétrants, quant à eux, ont perçu cette voix comme le son d'une voix articulée et porteuse de signification : c'est pourquoi ils dirent que c'était une parole. Mais, croyant que le Christ était purement homme, ils se sont trompés en attribuant cette parole à un ange. C'est pourquoi ils disaient : UN ANGE LUI A PARLÉ, eux qui admettaient les mêmes choses que le démon, qui croyait que le Christ avait besoin du secours des anges. Aussi le démon disait-il au Christ : Il a pour toi donné ordre à ses anges, et ils te porteront dans leurs mains. Or le Christ n'a pas besoin de la garde et de l'aide des anges, mais c'est lui-même qui glorifie et qui garde les anges.
L'explication de cette voix.
1664. L'Évangéliste commence par expliquer la voix émise en donnant d'abord la cause de la voix [n° 1665], puis sa signification [n° 1666], après quoi il montre l'opposition de la foule [n° 1675]. Enfin, il rapporte la réponse du Seigneur [n° 1681].
1665. Quant au premier point, il faut savoir que puisqu'ils avaient dit : UN ANGE LUI A PARLÉ, et qu'un ange parle à quelqu'un pour lui révéler une chose destinée à l'utilité de celui qui parle, comme on le voit clairement dans le premier chapitre de l'Apocalypse et le premier chapitre d'Ézéchiel, le Seigneur, montrant qu'il n'a pas besoin de voix ni du secours d'une révélation angélique, dit : CE N'EST PAS POUR MOI - c'est-à-dire pour m'instruire - QUE CETTE VOIX EST VENUE, MAIS POUR VOUS. En effet, elle n'a rien signifié qu'il n'ait su auparavant, puisqu'en lui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu, de telle sorte qu'il a connu tout ce que le Père connaît. MAIS POUR VOUS, c'est-à-dire pour vous instruire. Cela fait comprendre que, dans l'économie divine, beaucoup de choses concernant le Christ ont été réalisées pour nous, et non parce que lui-même en avait besoin - Tout ce qui a été écrit le fut pour notre instruction.
1666. Il indique d'abord le jugement par lequel il devait être glorifié, puis l'effet du jugement [n° 1668] et, en dernier lieu, le mode de cette glorification [n° 1672].
Le jugement
1667. Mais s'il en est ainsi, pourquoi donc attendons-nous que le Seigneur vienne une seconde fois pour juger ? Il faut répondre qu'il est déjà venu pour juger selon un jugement de discernement, par lequel il devait discerner les siens de ceux qui n'étaient pas à lui - C'est pour un jugement que je suis venu dans ce monde. Et de ce jugement il dit : C'EST MAINTENANT LE JUGEMENT DU MONDE. Mais il va venir pour juger selon un jugement de condamnation, pour lequel il n'était pas venu la première fois - Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui.
Ou bien il faut dire que le jugement est double : l'un par lequel le monde est condamné, et qui n'est pas celui dont il est question ici ; l'autre par lequel le jugement est rendu en faveur du monde, dans la mesure où le monde est libéré de l'esclavage du diable. On doit entendre de cette manière ce verset du psaume : Juge, Seigneur, ceux qui me nuisent.
Et les deux reviennent au même parce que, par ce jugement en faveur du monde, le diable étant chassé, les bons sont discernés des mauvais.
L'effet du jugement
1668. L'effet du jugement est l'expulsion du diable : MAINTENANT LE PRINCE DE CE MONDE VA ÊTRE JETÉ DEHORS, par la puissance de la Passion du Christ. Ainsi sa Passion est-elle sa glorification, comme si par là il expliquait ce qu'il dit : ET DE NOUVEAU JE LE GLORIFIERAI, dans la mesure où LE PRINCE DE CE MONDE VA ÊTRE JETÉ DEHORS, comme si c'était par sa Passion qu'il remportait la victoire sur le démon - Le Fils de Dieu est venu dans ce monde pour détruire les œuvres du diable.
1669. Mais à ce sujet s'élèvent trois objections. Premièrement du fait qu'il dit que le diable est le prince de ce monde ; c'est à partir de là que les manichéens disent qu'il est le créateur et le seigneur de toutes les réalités visibles.
La réponse est que le diable est appelé le prince de ce monde, non pas par un pouvoir naturel, mais par usurpation, en tant que les hommes de ce monde, par mépris du vrai Dieu, se sont soumis à lui - Le dieu de ce monde a aveuglé l’esprit des infidèles. Il est donc le prince de ce monde dans la mesure où il règne sur les hommes de ce monde, comme le dit Augustin, qui se sont répandus sur toute la surface de la terre.
Car le terme « monde » est tantôt pris dans un mauvais sens à l'égard des hommes qui aiment le monde - Le monde ne l’α pas connu -, tantôt dans un bon sens, à l'égard des hommes bons qui vivent dans le monde de telle manière que leur séjour (conversatio ) soit cependant dans les cieux - C'était Dieu, en effet, qui dans le Christ se réconciliait le monde .
1670. Deuxièmement, l'objection porte sur : VA ÊTRE JETÉ DEHORS. En effet, s'il avait été jeté dehors, il ne tenterait pas à présent comme il tentait auparavant. Cependant il n'a pas cessé de tenter : c'est donc qu'il n'a pas été jeté dehors.
À cela il faut répondre, selon Augustin , que bien que le diable tente les hommes qui ne sont plus du monde, cependant il ne tente pas de la même manière qu'auparavant. Car alors il tentait et régnait de l'intérieur mais, par la suite, de l'extérieur uniquement. En effet, aussi longtemps que les hommes sont dans le péché, c'est de l'intérieur qu'il règne et qu'il tente - Que le péché ne règne pas dans votre corps mortel de manière à obéir à ses concupiscences . Ainsi, il a été jeté dehors parce que l'effet du péché dans l'homme ne vient pas de l'intérieur mais de l'extérieur.
1671. Troisièmement, l'objection concerne l'affirmation : MAINTENANT LE PRINCE DE CE MONDE VA ÊTRE JETÉ DEHORS, ce qui semble entraîner qu'avant la Passion du Christ il n'avait pas été jeté dehors et que, par conséquent, puisqu'il est jeté dehors au moment où les hommes sont libérés du péché, alors Abraham, Isaac et les autres figures de l'Ancien Testament n'ont pas été affranchis du péché.
Il faut dire, selon Augustin \ qu'avant la Passion du Christ il avait été chassé de personnes singulières, mais non pas du monde, comme après. Car ce qui a été réalisé alors chez un tout petit nombre d'hommes, on reconnaît que maintenant cela a été réalisé par la puissance de la Passion du Christ pour les nombreux et grands peuples des Juifs et des païens convertis au Christ.
Ou bien il faut affirmer que le diable est jeté dehors par le fait que les hommes sont libérés du péché ; cependant, avant la Passion du Christ, les hommes justes avaient été affranchis du péché mais pas totalement, puisqu'ils étaient encore empêchés d'être introduits dans le Royaume : quant à cela, le diable avait encore sur eux un droit, mais qui lui fut totalement enlevé par la Passion du Christ, au moment où le glaive flamboyant a été enlevé, quand il a été dit à l'homme : Aujourd'hui, tu seras avec moi dans k Paradis.
Le mode de la glorification
1672. Le mode de la Passion est par exaltation.
À ce sujet, il faut savoir que Chrysostome utilise l'exemple suivant : prenons un tyran qui aurait eu l'habitude d'opprimer ses sujets, de les frapper et de les jeter aux fers ; si ensuite, poussé par la même folie, il traite de la même manière un homme qui ne lui est soumis en rien, et qu'il l'emprisonne, il doit à juste titre être aussi privé du pouvoir sur ceux qui lui étaient soumis : et c'est ainsi que le Christ a fait contre le diable. En effet, à cause du péché de nos premiers parents, le diable avait un certain droit sur les hommes ; aussi pouvait-il, en un sens, sévir contre eux d'une manière juste. Mais parce qu'il a osé tenter des choses semblables même contre le Christ, sur lequel il n'avait aucun droit, le tentateur, en attaquant celui sur lequel il n'avait aucun droit, comme il est dit plus loin, a mérité d'être également privé de son pouvoir par la mort du Christ.
Et c'est bien ce qu'il dit : QUAND J'AURAI ÉTÉ ÉLEVÉ DE TERRE, J'ATTIRERAI TOUT À MOI – Par là, il montre le mode de sa mort ; puis l'Évangéliste explique ce que dit le Christ : OR IL DISAIT CELA POUR SIGNIFIER DE QUELLE MORT IL DEVAIT MOURIR : le mode de sa mort est par l'exaltation sur le bois de la Croix. Il a donc bien, en cela, désigné DE QUELLE MORT IL DEVAIT MOURIR.
1673. Or il faut savoir que la cause pour laquelle le Seigneur a voulu mourir de la mort de la Croix est double : la première, à cause de l'infamie de cette mort - Condamnons-le à la mort la plus infâme. C'est pourquoi Augustin dit : « C'est de cette manière que le Seigneur a voulu mourir, afin que l'ignominie de sa mort ne détourne pas l'homme de la perfection de la justice. »
La deuxième, parce qu'une mort de cette sorte a lieu par mode d'exaltation ; c'est pour cela que le Seigneur dit : QUAND J'AURAI ÉTÉ ÉLEVÉ. Et assurément ce genre de mort convenait au fruit, à la cause et à la figure de la Passion.
À son fruit, puisque c'est par sa Passion qu'il devait être exalté - Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix ; c'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné le nom qui est au-dessus de tout nom. Et pour cette raison le psaume disait : Lève-toi, Seigneur, dans ta force.
À la cause de la Passion, cela convenait doublement : à la fois du côté du démon et du côté des hommes. Du côté des hommes, parce qu'il mourait pour leur salut ; en effet eux-mêmes avaient péri, puisqu'ils avaient été abaissés et plongés vers les choses terrestres - Ils ont résolu d'abaisser leurs yeux vers la terre. Il a donc voulu mourir exalté pour élever nos cœurs vers les choses célestes. Car ainsi il est lui-même notre chemin vers le cie1. Et du côté des démons cela convenait aussi, pour qu'élevé lui-même dans les airs il foulât aux pieds ceux qui, dans les airs, avaient la suprématie et le pouvoir.
Cela convenait enfin à la figure de la Passion, puisque le Seigneur enseigna qu'il deviendrait le serpent d'airain dans le désert, comme il est montré au livre des Nombres : Et comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l'homme*. Ayant donc été ainsi exalté, J'ATTIRERAI TOUT, par la charité, À MOI - D'un amour éternel je t'ai aimé, c'est pourquoi je t'ai attiré, ayant pitié de toi. En cela apparaît aussi au plus haut point la charité de Dieu pour les hommes, dans la mesure où il a daigné mourir pour eux - Dieu prouve ainsi son amour envers nous, puisque, au temps où nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous. En cela il a accompli ce que l'épouse demande dans le Cantique des cantiques : Entraîne-moi à ta suite, nous courrons à l'odeur de tes parfums.
1674. Or il faut remarquer que le Père attire et que le Fils aussi attire - Nul ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire. C'est pourquoi il dit ici : J'ATTIRERAI TOUT, pour montrer que l'opération de l'un et de l'autre est la même.
Il dit TOUT, non pas « tous », parce que tous ne sont pas attirés vers le Fils. J'ATTIRERAI TOUT dit-il, c'est-à-dire l'âme et le corps. Ou bien tous les genres d'hommes, à savoir les Gentils et les Juifs, les esclaves et les hommes libres, les hommes et les femmes. Ou encore tout ce qui a été prédestiné en vue du salut.
Et remarquons que le fait même de dire qu'il attire tout à lui, c'est jeter dehors le prince de ce monde, car il n'y a pas d'alliance entre le Christ et Bélial, ni entre la lumière et les ténèbres .
1675. Après avoir exposé la promesse de la glorification du Seigneur et l'explication de la voix, l'Évangéliste rapporte ici le doute de la foule. Et d'abord la foule fait appel à l'autorité de la Loi pour, à partir de là, émettre son doute [n° 1677].
1676. Il dit donc premièrement : LA FOULE LUI RÉPONDIT - au Seigneur qui parlait de sa mort - « NOUS AVONS APPRIS DE LA LOI, NOUS (la Loi est prise ici d'une manière générale pour désigner tous les écrits de l'Ancien Testament), QUE LE CHRIST DEMEURE À JAMAIS. Et l'on peut dire cela à partir de nombreux passages de l'Ancien Testament, en particulier : Son empire se multipliera, et la paix n'aura pas de fin. - Sa puissance est une puissance éternelle qui ne passera pas, et son royaume ne sera pas détruit.
1677. Et à partir de cette autorité, ils soulèvent deux doutes : l'un concerne le fait, l'autre sa personne [n° 1680]. Le fait, quand ils disent : COMMENT DIS-TU, TOI – « IL FAUT QUE LE FILS DE L'HOMME SOIT ÉLEVÉ » ?
Mais puisque le Christ n'a pas dit : IL FAUT QUE LE FILS DE L'HOMME SOIT ÉLEVÉ, mais ET MOI, QUAND J'AURAI ÉTÉ ÉLEVÉ DE TERRE, comment les Juifs disent-ils : IL FAUT QUE LE FILS DE L'HOMME SOIT ÉLEVÉ ?
Il faut dire ici que les Juifs, déjà habitués aux paroles du Seigneur, ont bien gardé dans leur mémoire qu'il disait être le Fils de l'homme. Aussi, quand il a dit : ET MOI, QUAND J'AURAI ÉTÉ ÉLEVÉ DE TERRE, J'ATTIRERAI TOUT À MOI, ils l'ont compris comme s'il avait dit : Quand le Fils de l'homme aura été élevé - selon ce que dit Augustin. Ou bien il faut dire que, bien qu'ici il n'ait pas fait mention du Fils de l'homme, cependant plus haut il a dit ceci : II faut que le Fils de l'homme soit élevé.
1678. Mais il semble que ce qu'ils disent eux-mêmes : IL FAUT QUE LE FILS DE L'HOMME SOIT ÉLEVÉ, ne contredit en rien ce qu'ils avaient dit : QUE LE CHRIST DEMEURE À JAMAIS. À cela il faut répondre que, parce que le Seigneur avait l'habitude de leur parler en paraboles, ils comprenaient beaucoup de ce qui était dit. Aussi se sont-ils douté que le Seigneur parlait de son exaltation par la mort de la Croix - Quand vous aurez élevé le Fils de l'homme, alors vous connaîtrez que moi je suis. Ou bien il faut dire que s'ils ont compris cela, c'est que déjà ils pensaient le faire. Ce n'est donc pas la pénétration de la connaissance qui leur donna l'intelligence de ces paroles, mais la connaissance fausse qu'invente la malice.
1679. Remarque bien leur malice : ils ne disent pas NOUS AVONS APPRIS DE LA LOI que le Christ ne souffre d'aucune manière ; en effet, dans de nombreux passages des Écritures il est question de sa Passion et de sa Résurrection, comme dans ce verset d'Isaïe : Comme une brebis il est conduit à l'abattoir ; ou dans ce psaume : Et moi, j'ai dormi, j'ai sombré dans un profond sommeil et je me suis relevé. Mais ils disent : QUE LE CHRIST DEMEURE À JAMAIS. En cela il n'y aurait eu aucune contradiction puisque rien de ce que le Christ a accompli par sa Passion n'aurait fait obstacle à son immortalité. Ils voulaient en effet montrer qu'il n'était pas le Christ puisque LE CHRIST DEMEURE À JAMAIS, comme le dit Chrysostome.
1680. La deuxième question porte sur sa personne, quand ils disent : QUI EST CE FILS DE L'HOMME ? Ils demandent cela parce qu'il est dit dans Daniel : Je voyais, et voici, venant comme un Fils d'homme et il s'avança jusqu'à l'Ancien, et qu'à travers ce Fils d'homme ils comprenaient le Christ ; comme s'ils disaient : Tu dis qu'il faut que le Fils de l'homme soit élevé, et le Fils de l'homme, que nous comprenons comme le Christ, demeure à jamais ; QUI EST donc CE FILS DE L'HOMME ? S'il ne demeure pas à jamais, ce n'est pas le Christ. En cela il faut blâmer leur lenteur d'esprit, puisqu'ils doutaient encore qu'il fût le Christ, après tant de choses vues et tant de choses entendues - C'est comme de parler à quelqu'un qui dort que d'enseigner la sagesse à un sot.
1681. En disant cela, le Seigneur satisfait à leur doute, en quelque sorte : il met d'abord en lumière ce qu'ils avaient de bon puis il les exhorte à avancer [n° 1683]. Enfin, il explique son avertissement [n° 1686].
1682. Jésus leur dit alors : POUR PEU DE TEMPS ENCORE LA LUMIÈRE EST PARMI VOUS, ce qui peut se lire de deux manières. D'une certaine manière, selon Augustin, au sens où le mot modicum (pour peu de temps) serait l'adjectif qualifiant « lumière », comme s'il disait : il y a une certaine lumière en vous dans la mesure où vous savez que le Christ demeure à jamais. En effet ceci est une vérité, et toute manifestation de la vérité est une lumière infusée par Dieu. Cependant, cette lumière qui est en vous est limitée puisque, bien que vous ayez connaissance de l'éternité du Christ, vous ne croyez pas en sa mort et en sa Résurrection : en cela il est évident que vous n'avez pas une foi parfaite. Ce qui a été dit à Pierre leur convient donc bien : Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ?
Mais selon Chrysostome, il est dit POUR PEU DE TEMPS ENCORE au sens de : c'est pour peu de temps que LA LUMIÈRE EST PARMI VOUS, c'est-à-dire moi, qui suis la lumière ; comme s'il disait : c'est pour peu de temps que moi, la lumière, je suis avec vous - Un peu de temps et vous ne me verrez plus.
L'exhortation du Christ
1683. Et voilà pourquoi il les exhorte ensuite à aller jusqu'au bout et à progresser dans le bien : il les exhorte, puis leur montre le danger qui les guette s'ils n'avancent pas [n° 1685].
1684. Il dit donc : je dis que vous n'avez qu'un peu de lumière ; cependant, tant que vous l'avez, MARCHEZ, c'est-à-dire avancez et progressez, pour comprendre que le Christ tout en étant éternel doit mourir et ressusciter - cela d'après la première explication.
Ou bien : MARCHEZ TANT QUE VOUS AVEZ LA LUMIÈRE, c'est-à-dire : tant que je suis avec vous, progressez et efforcez-vous de me garder si bien que vous ne me perdiez jamais - Seigneur, à la lumière de ta face ils marcheront. Et cela, de peur que LES TÉNÈBRES de l'incroyance, de l'ignorance et de la damnation perpétuelle NE VOUS SAISISSENT et qu'ainsi vous ne puissiez plus avancer. En effet l'homme, quand il est tout entier plongé dans l'incroyance, est alors saisi par les ténèbres, ce qui vous arriverait si vous croyiez l'éternité du Christ de manière telle que vous refusiez pour lui l'abaissement de la mort - A l'homme dont la route est cachée (...) - Nous sommes tous enveloppés de ténèbres.
1685. Il montre ensuite le danger qui les guette s'ils ne progressent pas. Car la lumière, soit de l'extérieur, soit de l'intérieur, dirige l'homme. De l'extérieur, elle le dirige quant à ses actes corporels extérieurs, mais de l'intérieur elle dirige sa volonté même. Celui donc qui ne marche pas dans la lumière, en ne croyant pas parfaitement dans le Christ, mais qui MARCHE DANS LES TÉNÈBRES NE SAIT OÙ IL VA, c'est-à-dire vers quel terme il se dirige - Ils n'ont ni savoir ni intelligence ; ils marchent dans les ténèbres. Et c'est bien ce qui arrive aux Juifs eux-mêmes parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils font mais, marchant dans les ténèbres, ils pensent suivre le droit chemin et c'est pourquoi ils croient plaire à Dieu mais ils lui déplaisent plutôt. De même les hérétiques errent, aussi croient-ils mériter la lumière de la vérité et de la grâce alors qu'ils mériteraient plutôt d'en être privés - Telle route paraît droite à un homme, mais elle conduit, enfin de compte, à la mort.
1686. Le Christ explicite ici ce qu'est marcher, et cela de deux manières, selon les deux explications données plus haut.
Selon la première explication, TANT QUE VOUS AVEZ LA LUMIÈRE signifie : tant que vous avez quelque chose de la connaissance et de la lumière de la vérité, CROYEZ EN LA LUMIÈRE, à savoir en la vérité parfaite, AFIN QUE VOUS SOYEZ DES FILS DE LUMIÈRE, c'est-à-dire afin de renaître à la vérité - Nous ne sommes pas les fils des ténèbres : ne dormons donc pas .
Ou bien, selon l'autre explication, TANT QUE VOUS AVEZ LA LUMIÈRE signifie : tant que vous m'avez, moi, qui suis la lumière - Il était la lumière, la vraie, qui illumine tout homme venant en ce monde -, CROYEZ EN LA LUMIÈRE, c'est-à-dire en moi : progressez dans ma connaissance AFIN QUE VOUS SOYEZ DES FILS DE LUMIÈRE, parce que du fait que vous croyez en moi, vous serez fils de Dieu - A ceux qui croient en son nom il a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu.
1687. Ici l'Évangéliste rapporte ce que Jésus a fait, à savoir qu'il se cacha. Au chapitre 8 où nous avons lu que le Christ a fait la même chose, la raison est facile à comprendre puisqu'ils prirent des pierres pour les lui jeter*s mais ici il n'y a aucune explication à son geste puisqu'ils ne ramassaient pas de pierres ni ne blasphémaient contre lui : pourquoi donc s'est-il caché ?
Il faut répondre que le Seigneur, scrutant leurs cœurs, connut la fureur et la malice que déjà ils avaient conçues en vue de le tuer. C'est pourquoi, voulant les devancer, il n'a pas attendu qu'ils passent à l'exécution, mais, en se cachant, il a voulu adoucir leur haine et leur colère. En cela il nous a donné l'exemple que lorsque la malice de certains à notre égard est manifeste, nous devons fuir avant même qu'ils ne tentent d'arriver à leurs fins. Néanmoins le Seigneur a montré par ce fait ce qu'il a dit par sa parole. Il avait dit en effet : MARCHEZ TANT QUE VOUS AVEZ LA LUMIÈRE, DE PEUR QUE LES TÉNÈBRES NE VOUS SAISISSENT ; il a laissé entendre en se cachant ce que sont ces ténèbres - J'ai attendu le Seigneur qui a caché sa face loin de la maison de Jacob.
II – L'INCRÉDULITÉ DES JUIFS
1688. Jusqu'ici, l'Évangéliste a traité de plusieurs manières de la gloire du Christ, en raison de laquelle les Juifs, par jalousie, ont été poussés à le tuer ; à présent, il s'agit de l'autre cause de sa Passion : l'incrédulité des Juifs.
Il est d'abord question de leur incrédulité ; puis cette incrédulité est blâmée par le Seigneur [n° 1710].
A. JEAN RAPPORTE L'INCRÉDULITÉ DES JUIFS
Jean, premièrement, blâme l'incrédulité de ceux qui ne croyaient pas du tout, puis celle de ceux qui croyaient, mais en secret [n° 1706].
A cette belle
parole de N.-S. Jésus-Christ, l'évangéliste ajoute une courte réflexion pour la commenter, car elle aurait pu
sembler obscure à plusieurs. - En tenant ce langage mystique et réaliste tout ensemble, Jésus donnait
clairement à entendre quels devaient être la nature, le genre de sa mort. Cf. 3, 14 ; 8, 28. - Sur la locution il
devait mourir), voyez 6, 72 et le commentaire.