Jean 13, 35
À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
À ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. »
Et je vous le dis, mais prenant soin de spécifier le temps par cette expression: «Maintenant», car pour les Juifs qu'il prévoyait devoir mourir dans leurs crimes, ils ne pouvaient suivre bientôt Jésus où il allait, tandis que les disciples, dans un temps fort court, devaient suivre le Verbe.
Ce nom de petits enfants qu'il leur donne, prouve que leur âme, était encore soumise aux faiblesses de l'enfance, mais ceux qu'il appelle maintenant des petits enfants deviennent ses frères après sa résurrection, de même qu'ils avaient été des serviteurs avant de devenir des petits enfants.
Dans leur sens le plus simple, ces paroles n'offrent aucune difficulté, parce qu'en effet, le Sauveur ne devait pas rester longtemps avec ses disciples; mais si l'on veut leur donner une signification plus profonde et plus cachée, ou se demande s'il n'a pas cessé d'être avec eux après un peu de temps, non parce qu'il n'était plus présent corporellement au milieu d'eux, mais parce que peu de temps après s'accomplit cette prédiction qu'il avait faite: «Je vous serai un sujet de scandale cette nuit». Ainsi il n'était plus avec eux, parce qu'il ne reste qu'avec ceux qui en sont dignes. Mais bien qu'il ne fût pas avec eux, ils savaient cependant chercher Jésus, comme Pierre, qui en répandant tant de larmes, après avoir renié son divin Maître, cherchait évidemment Jésus. C'est pourquoi Notre-Seigneur ajoute: «Vous me chercherez, et comme j'ai dit aux Juifs: Où je vais, vous ne pouvez venir». Chercher Jésus, c'est chercher le Verbe, la sagesse, la justice, la vérité, la puissance divine, toutes choses qui se trouvent dans le Christ. Ils voulaient donc suivre Jésus, non pas corporellement, comme quelques ignorants le prétendent, mais dans le sens spirituel dont parle le Sauveur, quand il dit: «Celui qui ne porte point sa croix et ne me suit pas, ne peut être mon disciple» ( Lc 14, 27). Et Jésus leur dit: «Là où je vais, vous ne pouvez venir»; lors même qu'ils eussent voulu suivre le Verbe et le confesser publiquement, ils n'avaient pas la force nécessaire, car l'Esprit saint n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'était pas encore glorifié.
Notre-Seigneur laisse de côté les miracles que ses disciples devaient opérer, et veut qu'on ne les reconnaisse qu'à cet amour seul qu'ils auront les uns pour les autres: «C'est en cela que tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez, de l'amour les uns pour les autres». C'est à ce signe qu'on reconnaît la véritable sainteté, comme c'est à ce signe que le Sauveur reconnaît ses disciples.
Ou bien encore ces paroles: «Comme je vous ai aimés», signifient que l'amour que j'ai eu pour vous, n'a pas été fondé sur vos mérites antérieurs, c'est moi qui vous ai prévenus, ainsi devez-vous faire le bien, sans y être forcés par aucune obligation de reconnaissance.
Il appelle ses disciples: «Mes petits enfants», afin qu'ils ne s'appliquent point ces paroles qui semblaient les ranger avec les Juifs: «Ainsi que je l'ai dit aux Juifs», et il leur donne ce nom pour rendre plus vif l'amour qu'ils avaient pour lui. En effet, c'est lorsque nous voyons une personne qui nous est chère sur le point de nous quitter, que nous sentons no tre affection pour elle redoubler, surtout lorsque nous la voyons partir pour des lieux où il nous est impossible de la suivre. Il nous apprend en même temps que sa mort n'est qu'un déplacement, une translation heureuse dans un lieu où les corps mortels ne peuvent avoir d'accès.
Notre-Seigneur leur enseigne du reste la voie qu'ils devront suivre pour arriver là où il les précédait: «Je vous donne un commandement nouveau, c'est de vous aimer les uns les autres». Mais est-ce que ce commandement n'existait pas déjà dans l'ancienne loi, qui avait Dieu pour auteur, et où il est écrit: «Vous aimerez votre prochain comme vous-même ?» Pourquoi donc Notre-Seigneur l'appelle-t-il un commandement nouveau? Est-ce qu'il nous a dépouillé du vieil homme pour nous revêtir du nouveau? Celui, en effet, qui reçoit ce précepte, ou plutôt qui lui est fidèle, se trouve renouvelé, non point par toute espèce d'amour, mais par cet amour que le Sauveur distingue avec soin de l'affection purement naturelle, en ajoutant: «Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres». Ne vous aimez pas comme s'aiment les hommes qui ne cherchent qu'à corrompre, ni comme ceux qui s'aiment, parce qu'ils ont une même nature, mais aimez-vous comme ceux qui s'aiment mutu ellement, parce qu'ils sont dieux, et les fils du Très-Haut, pour devenir ainsi les frères du Fils unique de Dieu, en s'aimant mutuellement de cet amour qu'il a eu pour eux et qui le porte à les conduire à cette fin bienheureuse où il rassasiera leurs désirs dans l'abondance de tous les biens.
Ne croyez pas que le Sauveur ait oublié ici le commandement qui nous oblige d'aimer le Seigneur notre Dieu; car, pour qui l'entend bien, chacun de ces deux commandements se retrouve dans l'autre. En effet, celui qui aime Dieu ne peut pas mépriser Dieu, qui lui recommande d'aimer le prochain; et celui qui aime le prochain d'un amour surnaturel et spirituel, qu'aime-t-il en lui, si ce n'est Dieu? C'est cet amour que Notre-Seigneur veut séparer de toute affection terrestre, lorsqu'il ajoute: «Comme je vous ai aimés». Qu'a-t-il aimé en nous, en effet, si ce n'est Dieu? Non pas Dieu que nous possédons, mais Dieu, qu'il désirait voir en nous. Aimons-nous donc ainsi les uns les autres, afin qu'autant que nous le pourrons, nous soyons attirés à la possession de Dieu seul par la force de cet amour mutuel.
Ne semble-t-il pas dire: Ceux qui ne sont pas mis disciples partagent avec vous d'autres grâces, d'autres faveurs; non-seulement ils ont une même nature, une même vie, une même intelligence, une même raison, et cet ensemble de biens qui sont communs aux hommes et aux animaux, mais encore le don des langues, le pouvoir d'administrer les sacrements, le don de prophétie, la science, la foi, la distribution de leurs biens aux pauvres, le sacrifice de leur corps au milieu des flammes; mais parce qu'ils n'ont point la charité, ce sont des tymbales retentissantes, ils ne sont rien, et tous ces dons ne leur servent de rien ?
Ce que Notre-Seigneur venait de dire: «Et bientôt il le glorifiera», pouvait laisser croire aux disciples qu'après que Dieu l'aurait glorifié, il cesserait de leur être uni et de vivre avec eux sur la terre, c'est pour cela qu'il ajoute: «Mes petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour un peu de temps»; c'est-à-dire, je serai immédiatement glorifié par ma résurrection, mais je ne remonterai pas aussitôt dans les deux, car comme il est écrit dans les Actes des Apôtres: «Il demeura quarante, jours avec eux après sa résurrection» ( Ac 1), et c'est à ces quarante jours qu'il fait allusion, lorsqu'il dit: «Je ne suis plus avec vous que pour un peu de temps».
On peut entendre ces paro les dans ce sens: Je suis encore comme vous dans l'infirmité de la chair, c'est-à-dire, jusqu'au temps de ma mort et de ma résurrection. Après sa résurrection, il fut encore présent au milieu d'eux d'une présence corporelle, mais il cessa de partager les faiblesses de la nature humaine. Nous voyons, en effet, dans un autre évangéliste, qu'il tient ce langage à ses Apôtres: «C'est là ce que je vous ai dit, étant encore avec vous» ( Lc 24), c'est-à-dire, alors que j'étais dans cette chair mortelle qui nous est commune. Après sa résurrection, il était encore avec eux dans la même chair, mais il n'était plus comme eux soumis aux conditions de la mortalité. Il est encore une autre présence divine inaccessible aux sens, et dont le Sauveur veut parler quand il dit: «Voici que, je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles» (Mt 28). Il ne dit pas ici: «Je ne suis avec vous que pour un peu de temps», car le temps qui doit s'écouler jusqu'à la consommation des siècles n'est pas de courte durée, ou s'il est de courte durée, parce que mille ans sont aux yeux de Dieu comme un seul jour ( Ps 89), ce n'est pas cependant cette vérité que le Sauveur a voulu exprimer, puisqu'il ajoute: «Vous me chercherez, et comme j'ai dit aux Juifs: Où je vais vous ne pouvez venir». Est-ce qu'à la fin du monde il y aurait encore impossibilité d'aller où il allait lui-même, pour ceux à qui il devait bientôt dire: «Mon Père, je veux que là où je suis, ils soient eux-mêmes avec moi» (Jn 18).
Ou bien, Notre-Seigneur leur parle de la sorte, parce qu'ils n'étaient pas encore capables de le suivre jusqu'à la mort pour la justice; car comment auraient-ils pu le suivre, n'étant pas encore mûrs pour la justice? Ou comment auraient-ils pu suivre le Seigneur jusqu'à l'immortalité de sa chair, eux qui ne devaient ressusciter qu'à la fin des siècles, quelle que fût l'époque de leur mort? Ou bien encore, comment auraient-ils pu suivre le Seigneur jusque dans le sein du Père, alors que la charité parfaite pouvait seule leur donner l'entrée de cette suprême félicité? Lorsque Jésus s'adressait aux Juifs, il n'ajoutait point: «Maintenant», car si ces disciples ne pouvaient le suivre actuellement, ils devaient le suivre plus tard, et c'est pour cela que le Sauveur ajoute: «Je vous le dis aussi maintenant».
Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres. Mais, demandera-t-on peut-être, comment Jésus peut-il dire que ce commandement est nouveau, lui qui a prescrit aux anciens, par l'intermédiaire de Moïse: Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme, de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même (Dt 6,5 Mt 22,37)?
Il faut voir ce que Jésus ajoute. Il ne s'est pas contenté de dire: Je vous donne un commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres. Mais pour montrer la nouveauté de cette parole et que son amour a quelque chose de plus fort et de plus remarquable que l'ancienne charité envers le prochain, il ajoute aussitôt: Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. Il faut donc creuser le sens de ces paroles, et rechercher comment le Christ nous a aimés. Alors, en effet, nous pourrons apprécier ce qu'il y a de différent et de nouveau dans le précepte qui nous est donné maintenant. Donc, lui qui était dans la condition de Dieu, il n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu, mais au contraire il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix (Ph 2,6-8). Et saint Paul affirme encore: Lui qui est riche, il s'est fait pauvre (2Co 8,9).
Voyez-vous la nouveauté de son amour envers nous? La Loi prescrivait en effet d'aimer son frère comme soi-même. Or notre Seigneur Jésus Christ nous a aimés plus que lui-même, puisque, vivant dans la même condition que Dieu le Père et dans l'égalité avec lui, il ne serait pas descendu jusqu'à notre bassesse, il n'aurait pas subi pour nous une mort physique aussi affreuse, il n'aurait pas subi les gifles, les moqueries et tout ce qu'il a subi, - si je voulais énumérer dans le détail tout ce qu'il a souffert, je n'en finirais pas - et d'abord, il n'aurait pas voulu, étant riche, se faire pauvre, s'il ne nous avait pas aimés plus que lui-même. Une telle mesure d'amour est donc inouïe et nouvelle.
Il nous ordonne d'avoir les mêmes sentiments, de ne faire passer absolument rien avant l'amour de nos frères, ni la gloire ni les richesses. Il ne faut même pas craindre, si c'est nécessaire, d'affronter la mort corporelle pour obtenir le salut du prochain. C'est ce qu'ont fait les bienheureux disciples de notre Sauveur et ceux qui ont suivi leurs traces. Ils ont fait passer le salut des autres avant leur propre vie, ils n'ont refusé aucun labeur. Ils ont accepté de supporter des maux extrêmes pour sauver des âmes qui se perdaient. C'est ainsi que saint Paul dit parfois: Je meurs chaque jour (1Co 15,31), et aussi: Si quelqu'un faiblit, je partage sa faiblesse; si quelqu'un vient à tomber, cela me brûle (2Co 11,29).
Le Sauveur nous a ordonné de cultiver la racine de cette piété très parfaite envers Dieu, bien plus grande que l'amour prescrit par la loi ancienne. Il savait que nous n'avons pas d'autre moyen de plaire à Dieu que de suivre la beauté de l'amour, tel qu'il l'a introduit chez nous, et de recevoir ainsi les plus hautes et les plus parfaites bénédictions.
Il faut voir ce que Jésus ajoute. Il ne s'est pas contenté de dire: Je vous donne un commandement nouveau: aimez-vous les uns les autres. Mais pour montrer la nouveauté de cette parole et que son amour a quelque chose de plus fort et de plus remarquable que l'ancienne charité envers le prochain, il ajoute aussitôt: Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres. Il faut donc creuser le sens de ces paroles, et rechercher comment le Christ nous a aimés. Alors, en effet, nous pourrons apprécier ce qu'il y a de différent et de nouveau dans le précepte qui nous est donné maintenant. Donc, lui qui était dans la condition de Dieu, il n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu, mais au contraire il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s'est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu'à mourir, et à mourir sur une croix (Ph 2,6-8). Et saint Paul affirme encore: Lui qui est riche, il s'est fait pauvre (2Co 8,9).
Voyez-vous la nouveauté de son amour envers nous? La Loi prescrivait en effet d'aimer son frère comme soi-même. Or notre Seigneur Jésus Christ nous a aimés plus que lui-même, puisque, vivant dans la même condition que Dieu le Père et dans l'égalité avec lui, il ne serait pas descendu jusqu'à notre bassesse, il n'aurait pas subi pour nous une mort physique aussi affreuse, il n'aurait pas subi les gifles, les moqueries et tout ce qu'il a subi, - si je voulais énumérer dans le détail tout ce qu'il a souffert, je n'en finirais pas - et d'abord, il n'aurait pas voulu, étant riche, se faire pauvre, s'il ne nous avait pas aimés plus que lui-même. Une telle mesure d'amour est donc inouïe et nouvelle.
Il nous ordonne d'avoir les mêmes sentiments, de ne faire passer absolument rien avant l'amour de nos frères, ni la gloire ni les richesses. Il ne faut même pas craindre, si c'est nécessaire, d'affronter la mort corporelle pour obtenir le salut du prochain. C'est ce qu'ont fait les bienheureux disciples de notre Sauveur et ceux qui ont suivi leurs traces. Ils ont fait passer le salut des autres avant leur propre vie, ils n'ont refusé aucun labeur. Ils ont accepté de supporter des maux extrêmes pour sauver des âmes qui se perdaient. C'est ainsi que saint Paul dit parfois: Je meurs chaque jour (1Co 15,31), et aussi: Si quelqu'un faiblit, je partage sa faiblesse; si quelqu'un vient à tomber, cela me brûle (2Co 11,29).
Le Sauveur nous a ordonné de cultiver la racine de cette piété très parfaite envers Dieu, bien plus grande que l'amour prescrit par la loi ancienne. Il savait que nous n'avons pas d'autre moyen de plaire à Dieu que de suivre la beauté de l'amour, tel qu'il l'a introduit chez nous, et de recevoir ainsi les plus hautes et les plus parfaites bénédictions.
En cela. Ce pronom est fortement accentué. L'affection si
profonde et si parfaite que Jésus impose à ses disciples les uns envers les autres sera le signe
caractéristique de son église. - Tous reconnaîtront (dans le texte grec : parviendront à reconnaître) : tous,
quels qu'ils soient, Juifs et païens : le monde entier, malgré son hostilité, sera forcé d'admirer. - Si vous
avez de l’amour. En somme, les chrétiens ont fidèlement accompli ce noble précepte. Cf. Act. 3, 44 et
ss. ; 4, 32 et ss. Tertullien, Apol. 39, cite ce témoignage des païens : « Vois, disent-ils, comme ils s’aiment
les uns les autres… et comme ils sont prêts à mourir les uns pour les autres… Car eux (les païens), se
haïssaient entre eux… et ils étaient plus que prêts à se tuer les uns les autres ». La parole de Minutius Félix
est également bien connue : « Les chrétiens s'aiment même avant de se connaître ». Par contre, S. Jean
Chrysost., Com. in Joan. 71, se plaint des divisions entre chrétiens, dont le résultat, dit-il, est d'empêcher
les païens de se convertir. Voyez dans la Préface, § 1, l'anecdote touchante qui montre combien S. Jean
avait pris à cœur ce commandement du Maître.
Le plus grand commandement de la loi est d’aimer Dieu de tout son cœur et le prochain comme soi-même (cf. Mt 22, 37-40). De cette loi de l’amour du prochain, le Christ a fait son commandement personnel. Il l’a enrichi d’un sens nouveau quand il voulut, s’identifiant à ses frères, être l’objet de cette charité disant : « Dans la mesure où vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). En assumant la nature humaine c’est toute l’humanité qu’il s’est unie par une solidarité surnaturelle qui en fait une seule famille ; il a fait de la charité le signe de ses disciples, par ces paroles : « À ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à cet amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13, 35).
La vie à mener en commun doit persévérer dans la prière et la communion d’un même esprit, nourrie de la doctrine évangélique, de la sainte liturgie et surtout de l’Eucharistie (cf. Ac 2, 42), à l’exemple de la primitive Église dans laquelle la multitude des fidèles n’avait qu’un cœur et qu’une âme (cf. Ac 4, 32). Membres du Christ, les religieux auront les uns pour les autres des prévenances pleines d’égards dans leurs relations fraternelles (cf. Rm 12, 10), portant les fardeaux les uns des autres (cf. Ga 6, 2). En effet, comme la charité de Dieu est répandue dans les cœurs par l’Esprit Saint (cf. Rm 5, 5), la communauté, telle une vraie famille, réunie au nom du Seigneur, jouit de sa présence (cf. Mt 18, 20). La charité est la plénitude de la loi (cf. Rm 13, 10) et le lien de la perfection (cf. Col 3, 14), et par elle nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie (cf. 1 Jn 3, 14). En outre, l’unité des frères manifeste que le Christ est venu (cf. Jn 13, 35 ; 17, 21), et il en découle une puissante énergie apostolique.
Jésus porte à leur accomplissement les commandements de Dieu, en particulier le commandement de l'amour du prochain, en intériorisant et en radicalisant ses exigences ; l'amour du prochain jaillit d'un cœur qui aime, et qui, précisément parce qu'il aime, est disposé à en vivre les exigences les plus hautes. Jésus montre que les commandements ne doivent pas être entendus comme une limite minimale à ne pas dépasser, mais plutôt comme une route ouverte pour un cheminement moral et spirituel vers la perfection, dont le centre est l'amour (cf. Col 3, 14). Ainsi, le commandement « tu ne tueras pas » devient l'appel à un amour prompt à soutenir et à promouvoir la vie du prochain ; le précepte qui interdit l'adultère devient une invitation à un regard pur, capable de respecter le sens sponsal du corps : « Vous avez entendu qu'il a été dit aux ancêtres : " Tu ne tueras point " ; et si quelqu'un tue, il en répondra au tribunal. Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal ; 2 Vous avez entendu qu'il a été dit : " Tu ne commettras pas l'adultère ". Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis, dans son cœur, l'adultère avec elle » (Mt 5, 21- 27-28). Jésus est « l'accomplissement » vivant de la Loi en tant qu'il en réalise la signification authentique par le don total de lui-même : il devient lui-même la Loi vivante personnifiée, qui invite à sa suite, qui, par son Esprit, donne la grâce de partager sa vie et son amour même, et qui donne la force nécessaire pour en témoigner par les choix et par les actes (cf. Jn 13, 34-35).
Jésus demande de le suivre et de l'imiter sur le chemin de l'amour, d'un amour qui se donne totalement aux frères par amour pour Dieu : « Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jn 15, 12). Ce « comme » exige l'imitation de Jésus, de son amour, dont le lavement des pieds est le signe : « Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. Car c'est un exemple que je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi j'ai fait pour vous » (Jn 13, 14-15). L'agir de Jésus et sa parole, ses actions et ses préceptes constituent la règle morale de la vie chrétienne. En effet, ses actions et, de manière particulière, sa Passion et sa mort en Croix sont la révélation vivante de son amour pour le Père et pour les hommes. Cet amour, Jésus demande qu'il soit imité par ceux qui le suivent. C'est le commandement « nouveau » : « Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres ; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres. A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns pour les autres » (Jn 13, 34-35).
La solidarité est sans aucun doute une vertu chrétienne. Dès le développement qui précède on pouvait entrevoir de nombreux points de contact entre elle et l'amour qui est le signe distinctif des disciples du Christ (cf. Jn 13, 35).
212. Il ne faut pas penser à cette mission de communiquer le Christ comme s’il s’agissait d’une chose entre Lui et moi seuls. Elle se vit en communion avec la communauté et avec l’Église. Si nous nous éloignons de la communauté, nous nous éloignons aussi de Jésus. Si nous l’oublions et si nous ne nous en préoccupons pas, notre amitié avec Jésus se refroidit. Il ne faut jamais oublier ce secret. L’amour pour les frères de la communauté – religieuse, paroissiale, diocésaine, etc. – est comme un carburant qui alimente notre relation amicale avec Jésus. Les actes d’amour envers les frères et sœurs de la communauté peuvent être la meilleure et parfois la seule façon d’exprimer l’amour de Jésus-Christ aux autres. Le Seigneur lui-même le dit : « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35).