Jean 14, 21

Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »

Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. »
Saint Hilaire de Poitiers
Ou bien en s'exprimant de la sorte, il veut que nous croyions qu'il est dans son Père par sa nature divine, que nous sommes en lui par sa naissance corporelle, et qu'il est encore en nous par le mystère de son sacrement, comme il l'atteste lui-même: «Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui» (Jn 6).
Saint Jean Chrysostome
Il veut parler ici non de la vie présente, mais de l a vie future, et tel est le sens de ces paroles: La mort de la croix ne me séparera point de vous pour toujours, mais elle ne fera que me cacher un instant à vos yeux.

Le Sauveur leur avait dit tout d'abord: «Vous viendrez là où je vais»; mais comme il fallait attendre un long espace de temps, il leur promet l'Esprit saint, et parce qu'ils ne comprenaient pas l'excellence de ce don, il leur promet sa présence dont ils étaient si avides, en leur disant: «Je viendrai à vous». Mais il ne veut pas qu'ils recherchent sa présence telle qu'ils en ont joui jusqu'à présent, il exclut indirectement ce genre de présence quand il ajoute: «Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus», c'est-à-dire: Je viendrai à vous, mais non pas comme par le passé, en demeurant chaque jour tout entier au milieu de vous. Et pour prévenir cette objection: Pourquoi donc avez-vous dit aux Juifs: «Bientôt vous ne me verrez plus ?» Il leur dit: «C'est vers vous seuls que je viendrai».

Ou bien encore, au jour de ma résurrection, vous connaîtrez, parce que leur foi devint pleine de certitude lorsqu'ils le virent ressusciter et revenir au milieu d'eux; car la puissance de l'Esprit sa int, qui leur enseignait toutes choses était grande. Quant à ces paroles: «Je suis dans mon Père», c'est le langage de l'humilité, et quand il ajoute: «Et vous en moi, et moi en vous», il veut parler de son humanité, du secours qui vient de Dieu, car l'Ecriture emploie très souvent des mots semblables, mais qu'elle entend dans un sens différent, suivant qu'elle les applique à Dieu ou aux hommes.

Si vous m'aimez, vous resterez fidèles à mes commandements (Jn 14,15-18). Je vous ai donné ce commandement de vous aimer les uns les autres, de pratiquer entre vous ce que moi-même ai fait pour vous. C'est cela l'amour: obéir à ces commandements, et ressembler à celui que vous aimez. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur. Nouvelle parole, pleine de délicatesse. Parce que les disciples ne connaissaient pas encore le Christ d'une manière parfaite, on pouvait penser qu'ils regretteraient vivement sa société, ses entretiens, sa présence selon la chair, et que rien ne pourrait les consoler de son départ. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur, c'est-à-dire: un autre tel que moi.

C'est quand le Christ les eut purifiés par son sacrifice que l'Esprit Saint descendit en eux. pourquoi n'est-il pas venu pendant que Jésus était avec eux? Parce que le sacrifice n'avait pas été offert. C'est seulement lorsque le péché eut été enlevé et que les disciples furent envoyés affronter les périls du combat, qu'il leur fallut un entraîneur. Mais alors, pourquoi l'Esprit n'est-il pas venu aussitôt après la résurrection? Afin qu'ayant un plus vif désir de le recevoir, ils l'accueillent avec une plus grande reconnaissance. Tandis que le Christ était avec eux, ils n'étaient pas affligés; lorsqu'il fut parti, leur solitude les plongea dans une crainte profonde; ils allaient donc accueillir l'Esprit avec beaucoup d'ardeur.

Il sera pour toujours avec vous. Cela signifie clairement qu/il ne vous quittera jamais. Il ne fallait pas qu'en entendant parler d'un Défenseur, ils imaginent une seconde incarnation et espèrent la voir de leurs yeux. Il rectifie donc leur pensée en disant: Le monde est incapable de le recevoir parce qu'il ne le voit pas. Car il ne sera pas avec vous de la même manière que moi, mais c'est dans vos âmes qu'il habitera, comme le signifient ces paroles: Il est en vous. Et il l'appelle l'Esprit de vérité parce qu'il leur fera connaître le vrai sens des préfigurations de la Loi ancienne.

Il sera pour toujours avec vous. Qu'est-ce que cela veut dire? Ce qu'il dit de lui-même: Voici que je suis avec vous. Mais d'une façon différente, et il insinue que le Défenseur ne souffrira pas comme le Christ, et que lui ne vous quittera pas. Le monde est incapable de le recevoir parce qu'il ne le voit pas. Quoi donc? Serait-il visible pour les autres? Nullement. Il parle ici de la connaissance par l'esprit, puisqu'il ajoute aussitôt: Et ne le connaît pas. Nous savons qu'il emploie le mot "voir" au sens de connaissance très claire. Par "le monde" il entend ici les méchants, et c'est là un réconfort pour les disciples, que leur soit accordé un don de choix.

Il annonce un Défenseur autre que lui; il affirme que ce Défenseur ne les quittera pas; il ajoute qu'il viendra uniquement pour eux, comme le Christ lui-même est venu. Il déclare enfin qu'il va demeurer e n eux, mais ce n'est pas ainsi qu'il dissipe leur chagrin, car c'est lui qu'ils veulent, c'est sa compagnie. Et il dit pour les apaiser: Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous.

Ne craignez pas, dit-il. Si j'ai promis d'envoyer un autre Défenseur, ce n'est pas que je veuille vous abandonner pour toujours. En disant: Pour qu'il soit toujours avec vous, ce n'est pas en ce sens que je ne vous verrai plus. Car, moi aussi, je reviens vers vous, je ne vous laisserai pas orphelins.
Saint Augustin
Notre-Seigneur ne veut point laisser croire à ses disciples qu'il leur donne l'Esprit saint pour le remplacer, comme s'il ne devait plus être avec eux, et c'est pour cela qu'il leur dit: «Je ne vous laisserai point orphelins». Le mot orphelins signifie la même chose que le mot pupilles, l'un est grec, l'autre latin. Ainsi, bien que le Fils de Dieu nous ait donnés à son Père comme des enfants adoptifs, il veut lui-même nous témoigner une tendresse toute paternelle.

Le monde le voyait alors des yeux du corps revêtu d'une chair visible, mais il ne voyait pas le Verbe, qui était caché sous l'enveloppe d'un corps sensible, de même qu'après sa résurrection, il a donné cette chair, non-seulement à voir, mais à toucher à ses disciples, tandis qu'il en a dérobé la vue à ses ennemis; peut-être est-ce pour cela qu'il dit: «Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus, mais pour vous, vous me verrez». Cependant, comme au jour du jugement, le monde, c'est-à-dire, ceux qui sont exclus de son royaume, le verront de leurs yeux, je crois qu'il a surtout voulu désigner ce temps de la fin du monde où il disparaîtra pour toujours des yeux des réprouvés, et ne sera plus vu que de ceux qui l'aiment. Et s'il se sert de cette locution: «Encore un peu de temps», c'est que ce qui parait long aux yeux des hommes, est toujours très-court aux yeux de Dieu.

Pourquoi dit-il de lui au présent: «Parce que je vis», et d'eux au futur: «Et que vous vivrez ?» C'est parce qu'il leur promettait pour l'avenir la vie de la chair ressuscitée, telle qu'il devait bientôt la manifester le premier dans sa personne. En effet, sa résurrection devait suivre presque immédiatement sa mort, et c'est pour cela qu'il dit au présent: «Je vis», pour exprimer le terme prochain de sa résurrection. Mais comme la résurrection des siens devait être différée jusqu'à la fin des siècles, il ne leur dit pas: Vous vivez, mais: «Vous vivrez». Nous vivrons en vertu de sa vie, car si c'est par un homme que la mort est entrée dans le monde, c'est aussi par un homme qu'aura lieu la résurrection des morts. Et dans ce jour (où s'accomplira cette promesse de vie), vous connaîtrez (par intuition, ce dont la foi nous donne ici la connaissance), que je suis dans mon Père, et vous en moi, et moi en vous», parce qu'en effet, lorsque nous vivrons de cette vie qui aura complètement détruit la mort, nous verrons alors s'accomplir ce qu'il a commencé lui-même, c'est-à-dire, qu'il soit en nous et que nous soyons en lui.

Celui qui les a dans sa mémoire et les garde dans sa vie; celui qui les a dans ses discours et qui les garde dans ses oeuvres; celui qui les a par son attention à les écouter et qui les garde par sa fidélité à les pratiquer; celui qui les a en les observant et qui les garde par une constante persévérance: voilà celui qui m'aime véritablement, la preuve de l'amour doit être dans les oeuvres, ou alors il n'est plus qu'une dénomination stérile.

Mais qu'est-ce à dire: «Je l'aimerai», comme s'il n'avait pas aimé jusque-là? Il répond à cette difficulté en ajoutant: «Et je me manifesterai à lui», c'est-à-dire, je l'aimerai pour me manifester à lui et lui donner la claire vision comme récompense de sa foi. Maintenant Jésus nous aime pour nous amener à la foi, il nous aimera alors pour nous conduire à la vision des cieux; et no us aussi nous aimons maintenant en croyant ce que nous verrons un jour, et nous aimerons alors en voyant ce qui est l'objet de notre foi.

Or, il a promis de se manifester à ceux qui l'aiment comme un seul Dieu avec son Père, et non corporellement comme il a été vu dans ce monde par les méchants eux-mêmes.
Alcuin d'York
Or, c'est par l'amour et par l'observation de ses commandements que s'accomplira cette union parfaite qu'il a commencée lui-même, et en vertu de laquelle il est en nous, et nous en lui. Et ce n'est pas seulement à ses Apôtres qu'est promis ce bonheur, mais à tous les hommes: «Celui qui a mes commandements et qui les garde», etc.
Saint Théophylacte d'Ohrid
C'est-à-dire, bien que je doive souffrir la mort, cependant je ressusciterai: et vous aussi vous vivrez, c'est-à-dire, vous serez dans la joie, lorsque vous me verrez, et dès que j'apparaîtrai, vous ressusciterez comme des morts qui sortent du tombeau.

Voici, en effet, le vrai sens de ces paroles: vous pensez me donner un témoignage d'amour en vous attristant de ma mort, mais pour moi la preuve de l'amour véritable, c'est l'observation de mes commandements. Or, quelle sera la récompense de cet amour? «Celui qui m'aime sera aimé de mon Père, et je l'aimerai aussi».

Ou bien encore, comme il devait leur apparaître après sa résurrection dans un corps glorieux et plus rapproché de la divinité, il leur fait cette prédiction afin qu'ils ne le prennent point pour un esprit ou pour un fantôme, et que bannissant tout sentiment de défiance, ils se rappellent qu'il se manifeste à eux pour les récompenser d'avoir observé ses commandements, et qu'ils persévèrent dans cette observance pour jouir toujours de cette manifestation.
Saint Thomas d'Aquin
Il leur promet d'abord une nouvelle venue puis il leur en donne la raison [n° 1931] ; enfin, il exclut le doute du disciple [n° 1938].

La promesse d'une nouvelle venue.

Le Seigneur commence par leur promettre son retour ; il manifeste ensuite la manière dont il reviendra [n° 1924], et en dernier lieu il annonce déjà le fruit de ce retour [n° 1926].

Au sujet du premier point, il montre premièrement la nécessité de revenir, puis il promet son retour [n° 1923].

1922. Il est nécessaire qu'il revienne pour que les disciples ne demeurent pas orphelins. En effet, en grec les orphelins sont ceux qu'on appelle pupilles en latin ; et de ces petits privés de père, il est dit selon ce passage des Lamentations : Nous sommes devenus comme des orphelins (pupilli) sans père, et nos mères sont comme des veuves.

Or il faut considérer qu'un homme peut avoir un père de trois manières. À savoir : le père de son origine charnelle - Nous avons eu les pères de notre chair pour nous corriger (...) . Et encore, le père par une imitation faussée - Vous, vous êtes issus du diable, votre père. Enfin, le père par une adoption gratuite - Vous avez reçu l'esprit d'adoption des fils. Mais ceux qui imitent leur père le diable, Dieu ne les adopte pas comme fils puisqu'il n'y a pas d'accord entre la lumière et les ténèbres, comme il est dit dans la deuxième épître aux Corinthiens. Et de manière semblable, il n'adopte pas non plus ceux qui sont attachés d'une façon trop sensible à leurs parents car il est dit en Matthieu : Qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi. Celui donc qui sera devenu orphelin, c'est-à-dire qui aura quitté son attachement au péché et abandonnera un attachement sensible à l'égard de ses parents, celui-là Dieu l'adopte comme son fils - Parce que mon père et ma mère m'ont abandonné, le Seigneur, lui, m'a recueilli. Et encore beaucoup plus celui qui les quitte - Oublie ton peuple et la maison de ton père, et le roi désirera ta beauté. Mais il faut noter que le Christ se présente à ses disciples comme un père en effet, quoique ce nom de père, pris d'une manière personnelle, soit propre à la personne du Père, cependant, pris d'une manière essentielle, il convient à toute la Trinité. Voilà pourquoi il leur a dit plus haut : Petits enfants, pour peu de temps encore je suis avec vous.

1923. Il leur promet sa venue en disant : JE VIENDRAI VERS VOUS. Le Christ était déjà venu vers eux en assumant la chair - Le Christ est venu en ce monde. Il restait donc trois de ses venues, dont deux sont corporelles : l'une après la Résurrection et avant l'Ascension, c'est-à-dire quand, s'étant éloigné d'eux par sa mort, Jésus vint après sa Résurrection et se tint au milieu des disciples, comme il est dit plus loin . L'autre qui aura lieu à la fin du monde - Il viendra de la même manière que vous l'avez vu allant au ciel. — Ils verront le Fils de l'homme venir dans une nuée avec grande puissance et majesté. Mais la troisième est spirituelle et invisible : à savoir quand il vient vers ceux qui ont foi en lui, par la grâce, dans la vie ou dans la mort - S'il vient à moi, je ne le verrai pas .

Il dit donc : JE VIENDRAI VERS VOUS, après la Résurrection quant à sa première venue - Mais je vous verrai de nouveau. De même à la fin du monde - Le Seigneur viendra pour le jugement. Et encore dans la mort pour vous prendre auprès de moi - Je viendrai vers vous et je vous emporterai près de moi. Enfin, JE VIENDRAI VERS VOUS en vous visitant spirituellement - Nous viendrons à lui, et nous ferons chez lui notre demeure.

1924. Le Seigneur expose ici le mode de sa venue en montrant que cette venue doit être manifestée uniquement aux Apôtres. Et parce qu'ils pouvaient croire qu'il reviendrait encore vers eux selon une existence mortelle, il exclut ensuite cela en disant : ENCORE UN PEU DE TEMPS, ET LE MONDE NE ME VERRA PLUS.

En expliquant cela premièrement en fonction de son retour après la Résurrection, le sens est : ENCORE UN PEU DE TEMPS, c'est-à-dire : je suis avec vous pour un peu de temps dans cette chair mortelle, et ensuite je serai crucifié, mais après, LE MONDE NE ME VERRA PLUS. Et cela parce qu'après la Résurrection il ne s'est pas manifesté à tous, mais à des témoins fixés d'avance par Dieu, à savoir ses disciples ; voilà pourquoi il dit : MAIS VOUS, VOUS ME VERREZ, c'est-à-dire glorifié dans mon corps et immorte1.

De cela il leur donne la raison en disant : PARCE QUE MOI JE VIS ET QUE VOUS, VOUS VIVREZ. Par là, il écarte le doute. En effet, les disciples pourraient dire : Comment te verrons-nous, puisque tu vas mourir ? Est-ce que nous aussi nous mourrons avec toi ? Et c'est pourquoi il dit qu'il n'en sera pas ainsi, puisque MOI JE VIS, c'est-à-dire je vivrai après ma Résurrection - Je fus mort et me voici vivant pour les siècles des siècles -, ET QUE VOUS, VOUS VIVREZ, parce que vous ne serez pas tués tout de suite avec moi - Si c'est moi que vous cherchez, laissez partir ceux-là. Ou bien : MOI JE VIS, par ma Résurrection, et VOUS, VOUS VIVREZ, c'est-à-dire, vous vous en réjouirez, puisque les disciples se réjouirent à la vue du Seigneur.

C'est de cette manière que le mot vivre est pris dans ce passage de la Genèse : Quand Jacob eut entendu [que Joseph régnait en terre d'Egypte] (...) son esprit reprit vie, à savoir à cause de la joie .

1925. Mais Augustin fait une objection à cette explication : parce que de ce que dit le Seigneur - ENCORE UN PEU DE TEMPS, ET LE MONDE NE ME VERRA PLUS -, il s'ensuit que les hommes de ce monde ne le verront jamais, ce qui est faux puisqu'ils le verront au jugement - Tout œil le verra . À cela, on pourrait dire qu'il est vrai que les hommes de ce monde ne le verront plus : ENCORE UN PEU DE TEMPS ET LE MONDE NE [LE] VERRA PLUS dans cette chair mortelle ; et à cause de cela, Augustin explique ce ENCORE UN PEU DE TEMPS en se référant au second avènement, où il viendra pour juger.

Et on dit que ce temps jusqu'au jugement est court, en considération de l'éternité - Car mille ans, devant tes yeux, sont comme le jour d'hier qui est passé Et c'est de cette manière que l'Apôtre, dans l'épître aux Hébreux, appelle ce temps « court », en expliquant ce verset d'Aggée : Encore un peu de temps, et moi j'ébranlerai le ciel et la terre . ET LE MONDE NE ME VERRA PLUS, puisque après le jugement les hommes qui aiment le monde et qui sont mauvais ne le verront plus, eux qui iront dans le feu éternel. Voilà pourquoi, selon une autre lecture d'Isaïe : Que l'impie soit supprimé, afin qu'il ne voie pas la gloire de Dieu. Mais vous, qui m'avez suivi et qui êtes demeurés avec moi dans mes épreuves, vous me verrez pour toujours dans l'éternité - Tes yeux verront le roi dans sa beauté. - Nous serons avec le Seigneur toujours . Et cela PARCE QUE MOI JE VIS ET QUE VOUS, VOUS VIVREZ ; comme pour dire : De même que moi j'ai une vie glorieuse dans mon âme et dans mon corps, ainsi vous aussi - Il réformera le corps de notre misère en le configurant à son corps de gloire. Et il dit cela parce que notre vie glorieuse est créée à partir de la vie glorieuse du Christ : De même que tous meurent en Adam, ainsi tous revivront dans le Christ. Mais, de lui, il dit au présent : JE VIS, parce que sa Résurrection ne devait pas tarder après sa mort, mais la suivre aussitôt - Je me lèverai au point du jour - puisque, comme il est dit dans le psaume : Tu ne laisseras pas ton Saint voir la corruption . Mais des disciples il dit : VOUS VIVREZ, au futur, parce que la résurrection de leur corps devait être différée jusqu'à la fin du monde - Tes morts vivront, ceux qui m'ont été tués ressusciteront.

1926. Ici est montré le fruit de cette venue, qui est la connaissance de ce que les Apôtres ignoraient. En effet, comme il a été dit plus haut, Pierre ignorait où allait le Christ, c'est pourquoi il disait : Seigneur, où vas-tu ? Cela, Thomas également l'ignorait, ainsi que le chemin par lequel il allait ; c'est pourquoi il disait : Nous ne savons pas où tu vas. Et comment pouvons-nous savoir le chemin ? Philippe, quant à lui, ignorait le Père ; c'est pourquoi il demandait : Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit. Et tout cela était causé par leur ignorance d'une seule chose, à savoir comment le Père est dans le Fils et le Fils dans le Père ; c'est aussi pourquoi le Christ dit à Philippe : Ne crois-tu pas que moi je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Il leur en promet donc la connaissance, disant ici : EN CE JOUR-LÀ VOUS CONNAÎTREZ QUE MOI JE SUIS DANS MON PÈRE, ET VOUS EN MOI, ET MOI EN VOUS. Et par le fait même tout doute se trouve exclu des cœurs des disciples.

1927. Or cela peut être expliqué de sa venue au moment de la Résurrection, et de sa venue pour le jugement. Mais il faut distinguer une double connaissance des mystères de la divinité. L'une est imparfaite, qui est reçue par la foi ; l'autre parfaite, qui est reçue par la vision (per speciem) ; de ces deux connaissances il est dit : Nous voyons maintenant à travers un miroir, en énigme, quant à la première, mais alors nous verrons face à face, quant à la seconde.

Il dit donc : EN CE JOUR-LÀ, après ma Résurrection, VOUS CONNAÎTREZ QUE MOI JE SUIS DANS MON PÈRE, et cela par la connaissance de la foi, puisque alors, en voyant qu'il était ressuscité et qu'il était avec eux, ils eurent de lui la foi la plus certaine, surtout ceux qui reçurent l'Esprit Saint qui leur enseignait tout. Ou bien : EN CE JOUR-LÀ, de l'ultime résurrection lors du jugement, vous CONNAÎTREZ, c'est-à-dire clairement par vision (per speciem) - Alors je connaîtrai comme je suis connu.

1928. Mais que connaîtront-ils ? Deux choses dont il parle plus haut : l'une, que le Père demeurant en moi fait lui-même les œuvres ; et quant à cela il dit : QUE MOI JE SUIS DANS MON PÈRE, c'est-à-dire par la consubstantialité de nature. L'autre, qu'il fera des œuvres par ses disciples, quand il dit : Qui croit en moi fera lui-même aussi les œuvres que moi je fais ; et par rapport à cela il dit : ET VOUS EN MOI, ET MOI EN VOUS.

1929. Il faut remarquer ici que, parce que le Seigneur semble établir un rapport semblable entre lui et son Père et entre lui et ses disciples, les ariens voulaient que, de même que les disciples sont moindres que le Christ et ne lui sont pas consubstantiels, de même le Fils soit moindre que le Père et d'une autre substance que lui. Et c'est pourquoi il faut dire que ce qu'il dit : MOI JE SUIS DANS MON PÈRE, est dit par consubstantialité de nature. Plus haut : Moi et le Père nous sommes un et le Verbe était auprès de Dieu \

1930. Cela se comprend d'une première manière, c'est-à-dire en tant que les disciples sont dans le Christ. En effet, on dit que ce qui est protégé par quelqu'un est en lui, comme le contenu dans ce qui le contient : et de cette façon, on dit que les choses qui sont dans le royaume sont dans le roi. Et à cause de cela il est dit dans les Actes des Apôtres : C'est en lui que nous vivons et que nous nous mouvons, et que nous sommes. ET MOI je suis EN VOUS, en vous dirigeant de l'intérieur, en œuvrant et en habitant en vous par la grâce - Que le Christ habite dans vos cœurs par la foi. - Voulez-vous une preuve de celui qui parle en moi, le Christ ?

D'une autre manière, selon Hilaire. VOUS EN MOI, sous-entendu : vous êtes en moi par votre nature, que j'ai assumée : car en assumant notre nature, il nous a tous assumés - Car nulle part il ne prend des anges, mais c'est la race d'Abraham qu'il prend. ET MOI je suis EN VOUS, par le fait que vous preniez mon sacrement : car celui qui prend le corps du Christ, le Christ est en lui - Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi et moi en lui.

D'une autre manière : VOUS EN MOI, ET MOI EN VOUS, sous-entendu : nous le sommes, par un amour mutuel, car il est dit : Dieu est charité : et qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui. Et ces choses étaient inconnues de vous, mais en ce jour-là vous les connaîtrez.

La raison de cette nouvelle venue.

QUI A MES COMMANDEMENTS ET LES GARDE, C'EST CELUI-LÀ QUI M'AIME. OR CELUI QUI M'AIME SERA AIMÉ DE MON PÈRE ; ET MOI JE L'AIMERAI, ET JE ME MANIFESTERAI MOI-MÊME À LUI – (14, 21)

1931. Le Seigneur donne une double raison pour laquelle il doit être vu de ceux qui croient en lui et non du monde. La première, c'est leur amour’ véritable pour Dieu ; la seconde, l'amour véritable de Dieu pour eux [n° 1934].

1932. Ici, il faut remarquer que l'amour véritable est celui qui se montre et se prouve dans une œuvre ; car c'est par la réalisation d'une œuvre que l'amour est manifesté . Puisqu'en effet aimer quelqu'un c'est lui vouloir du bien et désirer ce que lui-même veut, celui qui ne fait pas la volonté de l'aimé, et n'accomplit pas ce qu'il sait que l'ami veut, ne semble pas aimer vraiment. Celui donc qui ne fait pas la volonté de Dieu ne semble pas l'aimer vraiment ; et c'est pourquoi il dit : QUI A MES COMMANDEMENTS ET LES GARDE, C'EST CELUI-LÀ QUI M'AIME, c'est-à-dire qui a un amour véritable envers moi.

1933. Mais remarque bien qu'un homme a d'abord les commandements de Dieu dans son cœur par la mémoire et la méditation continuelle - Dans mon cœur j'ai caché tes paroles*. Mais cela ne suffit pas, s'il ne les garde pas dans une œuvre - Le commencement de la sagesse est la crainte du Seigneur. La bonne intelligence est à tous ceux qui agissent conformément à cette crainte. Certains les ont dans leur bouche, en enseignant et exhortant - Que tes paroles sont douces à mon palais I Et ceux-là aussi doivent les accomplir par une œuvre car celui qui les accomplira et les enseignera, celui-là sera appelé grand dans le royaume des deux. Voilà pourquoi ceux qui disent et ne font pas sont blâmés par le Seigneur.

Certains, d'autre part, les ont dans l'oreille, en les écoutant volontiers et avec attention - Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu. Mais cela ne suffit pas, s'ils ne les gardent pas, car ce ne sont pas les auditeurs de la Loi mais ceux qui l'accomplissent qui seront justifiés. - Travaillez non pas en vue de la nourriture qui périt, mais en vue de celle qui demeure pour la vie éternelle .

Celui donc qui a ainsi les commandements de Dieu les garde d'une certaine manière, mais il lui est encore imposé de les garder en persévérant. C'est pourquoi Augustin dit : « Celui qui les a dans sa mémoire et qui les garde dans sa vie, celui qui les a dans ses paroles et les garde dans ses œuvres, celui qui les a par son écoute et qui les garde par son agir, ou celui qui les a par son agir et qui les garde par sa persévérance, c'est celui-là qui m'aime . »

1934. Mais cela, au premier regard, semble absurde. En effet, est-ce que le Seigneur nous aime parce que nous l'aimons ? Loin de là ! Car il est dit : Ce n'est pas nous qui avons aimé Dieu, mais lui-même qui nous a aimés le premier. C'est pourquoi il faut dire que nous en avons l'intelligence à partir de ce qui a été dit auparavant : QUI A MES COMMANDEMENTS ET LES GARDE, C'EST CELUI-LÀ QUI M'AIME.

En effet, il ne dit pas là qu'il aime parce qu'il garde les commandements ; mais que parce qu'il aime, il accomplit les commandements. Et ainsi il faut dire ici que si quelqu'un aime le Christ, c'est parce qu'il est aimé par le Père, et non pas qu'il est aimé parce qu'il aime. Nous aimons donc le Fils parce que le Père nous aime. Car le propre du véritable amour, c'est qu'il entraîne ceux qui sont aimés à l'amour de celui qui les aime - D'un amour éternel je t'ai aimé, c'est pourquoi je t'ai attiré, ayant pitié de toi.

1935. Mais parce que l'amour du Père n'est pas sans l'amour du Fils, l'amour de l'un et de l'autre étant le même - Car tout ce que le Père fait, cela le Fils aussi le fait pareillement -, il ajoute : ET MOI JE L'AIMERAI – Mais puisque le Père et le Fils aiment toutes choses de toute éternité, pourquoi dit-il JE L'AIMERAI, au futur ?

Il faut donc dire que l'amour, en tant qu'il est dans la volonté divine, est éternel ; mais que, en tant qu'il est manifesté dans la réalisation d'une œuvre et d'un effet, il est tempore1. Et c'est pourquoi le sens est : ET MOI JE L'AIMERAI, c'est-à-dire : je montrerai l'effet de mon amour (dilectio), puisque de fait JE ME MANIFESTERAI MOI-MÊME À LUI, « c'est-à-dire je l'aimerai pour me manifester ».

1936. Or il faut savoir que l'amour de quelqu'un pour un autre est tantôt relatif à quelque chose, tantôt absolurelatif à quelque chose quand il veut pour lui quelque bien particulier, et absolu quand il veut pour lui le bien tout entier. Or Dieu aime toutes les réalités causées d'une manière relative puisqu'il veut un certain bien pour toute créature, même pour les démons, à savoir qu'ils vivent, qu'ils pensent et qu'ils soient - et ce sont des biens. Mais il aime d'une manière absolue ceux pour qui il veut le bien tout entier, c'est-à-dire qu'ils possèdent Dieu lui-même, ce qui est posséder la vérité, puisque Dieu est la Vérité. Or la vérité est possédée quand elle est connue. Dieu aime donc véritablement et d'une manière absolue ceux à qui il se manifeste lui-même, lui qui est la Vérité. Et c'est ce qu'il dit : JE ME MANIFESTERAI MOI-MÊME À LUI, c'est-à-dire dans le futur par la gloire, qui est l'effet ultime de la béatitude future - Il annonce à son ami que la lumière est son partage. - La sagesse prévient ceux qui la désirent''.

1937. Mais quelqu'un pourrait dire : le Père ne se manifestera-t-il pas ? Si : et le Père, et le Fils ; car le Fils manifeste en même temps et le Père et lui-même, puisqu'il est son Verbe - Nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. Cependant si, pour un temps, le Fils se manifeste à quelqu'un d'une manière particulière, c'est un signe de l'amour divin. Cela peut donc être la raison pour laquelle le monde ne le verra pas : il ne se manifestera pas à lui, et cela parce que le monde ne l'aime pas.

Le Christ écarte le doute de son disciple.

1938. Plus haut le Seigneur a promis sa venue à ses disciples [n° 1921] ; ici il écarte le doute du disciple. L'Évangéliste expose d'abord le doute du disciple, puis la réponse du Christ [n° 1940].

1939. Il faut savoir à ce propos que c'est une habitude des saints et des humbles, quand ils entendent de grandes choses à leur sujet, d'être stupéfaits et de s'étonner. Or les disciples avaient entendu le Seigneur dire : Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous me verrez, parce que moi je vis et que vous, vous vivrez. En cela il semblait préférer les Apôtres au monde entier : et c'est pourquoi Judas, le frère de Jacques dont l'épître fait partie des écrits canoniques, en état d'étonnement et de stupéfaction, dit : SEIGNEUR, QU'EST-IL ADVENU, QUE TU DOIVES TE MANIFESTER TOI-MÊME À NOUS ? Comme pour dire : Quelle en sera la cause ? Sommes-nous au-dessus du monde tout entier ? David a dit quelque chose de semblable : Qui suis-je, moi, et quelle est ma maison ? Dans Matthieu, les justes disent : Seigneur, quand t'avons-nous vu ayant faim et t'avons-nous rassasié ?

1940. Le Christ commence par donner la cause de sa manifestation aux disciples et non au monde, puis il manifeste ce qu'il vient de dire [n° 1950].

II montre d'abord pourquoi il va se manifester aux disciples ; ensuite pourquoi il ne va pas se manifester au monde [n° 1949].

En premier lieu est montrée la capacité qu'avaient les disciples de recevoir une manifestation du Christ, et en second lieu, le déroulement de cette manifestation et son ordre [n° 1943]. Au sujet du premier point, il indique deux choses qui rendent l'homme capable de recevoir une manifestation de Dieu : la première est la charité ; la seconde, l'obéissance [n° 1942].

1941. Quant à la première, il dit : SI QUELQU'UN M'AIME. Trois choses, en effet, sont nécessaires à l'homme qui veut voir Dieu. Premièrement, qu'il s'approche de Dieu - Ceux qui s'approchent de ses pieds recevront de sa doctrine. Deuxièmement, qu'il élève les yeux pour le voir - Levez vos yeux en haut et voyez qui a créé ces choses. Troisièmement, qu'il vaque à cette vision : car les réalités spirituelles ne peuvent être vues si l'on ne se vide pas de celles de la terre - Vaquez et voyez que je suis Dieu. Et c'est la charité qui réalise ces trois choses. En effet, c'est elle qui unit l'âme de l'homme à Dieu - Celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui. C'est elle qui élève le regard vers Dieu - Là où est ton trésor, là aussi est ton cœur. Voilà pourquoi on dit : « Là où est ton amour, là sont tes yeux. » C'est elle encore qui fait qu'on se vide des réalités de ce monde - Celui qui aime le monde, la charité parfaite de Dieu n’est pas en lui. Par conséquent, au contraire, celui qui aime Dieu parfaitement, l'amour du monde n'est pas en lui.

1942. Or de la charité découle l'obéissance ; c'est pourquoi il dit : IL GARDERA MA PAROLE. Comme le dit Grégoire« La preuve de l'amour, c'est la réalisation d'une œuvre. (...) L'amour de Dieu n'est jamais oisif ; en effet, si c'est l'amour, il opère de grandes choses, mais s'il a refusé d'œuvrer, ce n'est pas l'amour. » Car la volonté, et surtout celle qui regarde la fin, meut toutes les autres puissances vers leurs actes : en effet, l'homme ne se repose pas s'il ne fait pas ce par quoi il peut parvenir à la fin vers laquelle il tend, en particulier si sa volonté est tendue vers cette fin. Quand donc la volonté de l'homme est tendue vers Dieu, qui est sa fin, elle meut toutes ses forces à faire tout ce qui conduit vers lui. Or c'est par la charité qu'elle est tendue vers Dieu ; et voilà pourquoi c'est la charité qui nous fait garder les commandements - La charité du Christ nous presse. - Ses lampes sont des lampes de feu et de flammes.

Et par l'obéissance, l'homme est rendu capable de voir Dieu : Par tes commandements - sous-entendu gardés par moi -j'ai eu l'intelligence . Et encore : J'ai été plus intelligent que les vieillards.

1943. Le Seigneur expose ensuite le déroulement et l'ordre de cette manifestation. Or il y a trois choses par lesquelles une manifestation divine est faite à un homme.

La première est l'amour divin ; et quant à cela il dit : MON PÈRE L'AIMERA. Plus haut [n° 1935] on a expliqué pourquoi il dit AIMERA au futur, quant à l'effet de l'amour du Père, qui cependant a aimé de toute éternité quant à sa volonté de faire du bien - J'ai aimé Jacob. Et il ne dit pas : MOI JE L'AIMERAI, parce que cela leur a déjà été montré clairement auparavant - J'aime ceux qui m'aiment. Il restait donc à leur faire comprendre que le Père les aimait - II a aimé les peuples ; tous les saints sont dans sa main.

1944. La deuxième est la Visitation divine ; et à ce sujet il dit : ET NOUS VIENDRONS À LUI – Mais on objecte : venir signifie un changement de lieu, mais Dieu ne change pas. Donc...

Je réponds : on dit que Dieu vient vers nous, non que lui-même soit mû vers nous, mais parce que nous, nous sommes mus vers lui. En effet, on dit que quelque chose vient dans un lieu où il n'était pas auparavant ; or cela ne convient pas à Dieu, puisqu'il est partout - Moi je remplis le ciel et la terre. On dit encore que quelque chose vient en un lieu dans la mesure où il y est d'une manière nouvelle selon laquelle il n'y avait pas été auparavant, c'est-à-dire par l'effet de la grâce ; et par cet effet de la grâce il nous fait accéder à lui.

1945. Mais il faut remarquer, selon Augustin, que c'est de trois manières que Dieu vient vers nous et que nous, nous allons vers lui.

Premièrement, il vient vers nous en nous remplissant de ses effets, et nous, nous allons vers lui en les recevant - Venez à moi, vous tous qui me désirez, et remplissez-vous de tout ce qui vient de moi. Deuxièmement, il vient vers nous en nous illuminant et nous, nous allons vers lui en le considérant - Approchez-vous de lui, et vous serez illuminés. Troisièmement, il vient vers nous en nous aidant et nous vers lui en lui obéissant, car nous ne pouvons pas obéir si nous ne sommes pas aidés par le Christ - Venez, montons à la montagne du Seigneur.

1946. Mais pourquoi n'a-t-il pas fait mention de l'Esprit Saint ?

Selon Augustin, il n'est pas dit que l'Esprit Saint doive être exclu lors de la venue du Père et du Fils puisqu'il est dit plus haut : Afin qu’il demeure avec vous éternellement. Mais comme il y a deux aspects dans la Trinité - à savoir la distinction des personnes et l'unité d'essence -, tantôt il est fait mention de trois personnes pour signifier la distinction des personnes, tantôt il fait mention de deux personnes sans la troisième, pour signifier l'unité d'essence.

Ou bien il faut dire que puisque l'Esprit Saint n'est rien d'autre que l'amour du Père et du Fils, dès qu'on parle du Père et du Fils, on sous-entend l'Esprit Saint.

1947. La troisième chose nécessaire à la manifestation de Dieu est la persévérance dans l'amour de Dieu et dans son habitation en nous (visitatio) ; et par rapport à cela il dit : ET NOUS FERONS CHEZ LUI NOTRE DEMEURE - par là il touche deux choses.

D'abord la fermeté de l'adhésion à Dieu, quand il dit NOTRE DEMEURE. Car Dieu vient vers certains par la foi mais ne demeure pas avec eux parce qu'ils croient pour un temps, et au temps de la tentation ils se retirent. Il vient vers certains par le regretdu péché mais ne demeure pourtant pas avec eux parce qu'ils retournent à leurs péchés - Comme le chien qui retourne à son vomissement, ainsi est l'imprudent qui réitère sa folie. Mais dans ses prédestinés il demeure toujours - Voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation du siècle.

Puis il montre la familiarité du Christ à l'égard des hommes : NOUS FERONS NOTRE DEMEURE CHEZ LUI, c'est-à-dire chez celui qui aime et qui obéit, en tant qu'il se réjouit avec nous et nous fait nous réjouir en lui - Mes délices sont d'être avec les fils des hommes^". - Tu feras l'allégresse de ton Dieu.

1948. Chrysostome, rapportant cela à une autre intention, dit que Judas (non pas l'Iscariote), en entendant : Je ne vous laisserai pas orphelins : je viendrai vers vous. Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous me verrez, parce que moi je vis et que vous, vous vivrez, a pensé que le Christ viendrait vers eux après sa mort comme les morts viennent vers nous dans notre sommeil ; c'est pourquoi il demande : QU'EST-IL ADVENU, QUE TU DOIVES TE MANIFESTER TOI-MÊME À NOUS ET NON AU MONDE ?, comme pour dire : Malheur à nous, puisque tu seras mort et que c'est comme mort que tu dois te présenter à nous. Donc pour exclure cela, il dit : Moi et le Père NOUS VIENDRONS À LUI, c'est-à-dire, de même que le Père se manifeste, de même moi aussi, ET NOUS FERONS CHEZ LUI NOTRE DEMEURE : or cela ne relève pas des rêves, où il n'y a aucun retard.

1949. Le Seigneur expose ici la cause pour laquelle il ne va pas se manifester au monde : cette cause est la suppression de ce pour quoi il se manifestera aux hommes.

Car une fois la cause supprimée, son effet est supprimé ; or ils n'ont pas en eux la cause qui pourrait leur susciter une manifestation divine, donc Dieu ne va pas se manifester au monde ni aux hommes de ce monde.

Qu'ils n'aient pas en eux la cause, cela est clair, « puisque le monde ne m'aime pas » ; et à propos de cela il dit : CELUI QUI NE M'AIME PAS. Et de plus il ne m'obéit pas, c'est pourquoi il dit : NE GARDE PAS MES PAROLES. En effet, comme le dit Grégoire« Quand il s'agit de l'amour du Créateur, la langue, l'esprit et la vie sont requis. » La cause pour laquelle il va se manifester aux siens et non aux étrangers est donc évidente : c'est parce qu'assurément ceux-là aiment. Et de fait, l'amour sépare les saints du monde - A ceux qu'enfle la démesure, c'est-à-dire aux orgueilleux, il cache sa lumière ; et il annonce à son ami que la lumière est son partage . - L'abîme dit : Elle [la Sagesse] n'est pas en moi ; et la mer, c'est-à-dire celui qui est agité : Elle n'est pas avec moi.

1950. Le Christ met ensuite en lumière ce qu'il a dit plus haut : Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole. Et mon Père l'aimera... On pourrait dire en effet que ce qui a été dit n'a aucune signification (ratio) et qu'il eût dit d'une manière plus raisonnable : Moi je l'aimerai et je viendrai à lui. Et c'est pourquoi il exclut cela en disant : ET LA PAROLE QUE VOUS AVEZ ENTENDUE N'EST PAS LA MIENNE, c'est-à-dire elle n'est pas à moi de moi-même, mais d'un autre, à savoir du Père (a Patre) qui m'a envoyé. Comme pour direCelui qui n'écoute pas cette parole, ce n'est pas seulement moi qu'il n'aime pas, mais aussi le Père. Et voilà pourquoi celui qui l'aime et qui aime le Père mérite une manifestation de l'un et de l'autre. Il dit donc : ET LA PAROLE QUE VOUS AVEZ ENTENDUE, que j'ai proférée en tant qu'homme, est bien la mienne dans la mesure où je la prononce, et elle N'EST PAS LA MIENNE, dans la mesure où elle est d'un autre - Mon enseignement n'est pas le mien. - Les paroles que moi je vous dis, je ne les dis pas de moi-même .

1951. Mais remarque, selon Augustin, que lorsque le Seigneur parle de ses paroles, il dit au pluriel : Mes paroles ; mais quand il parle de la parole du Père, il parle au singulier, disant : ET LA PAROLE QUE VOUS AVEZ ENTENDUE N'EST PAS LA MIENNE, parce qu'il a voulu être compris lui-même à travers le Verbe du Père, qui est son unique Verbe. Aussi ne dit-il pas qu'il est à lui-même mais qu'il est au Père, puisqu'il n'est ni sa propre image ni son propre Fils, mais ceux du Père. Or toutes les paroles qui sont dans nos cœurs proviennent de l'unique Verbe du Père.
Louis-Claude Fillion
Un amour efficace et généreux est de nouveau demandé aux apôtres comme condition de cette union parfaite. Cf. v. 15. - Celui qui a mes commandements et qui les garde. Remarquez l'emploi du temps présent, qui a dans le texte grec une énergie particulière. S. Augustin exprime très bien les nuances des verbes « avoir » et « garder », Traité 75 sur S. Jean, 5 : « Celui qui les a dans la mémoire et qui les garde dans sa manière de vivre, qui les a dans ses discours, et qui les garde en ses mœurs ; qui les a en les écoutant et qui les garde en les pratiquant, ou qui les a en les pratiquant, et qui les garde en y persévérant ». Le premier désigne une possession plus passive, le second une obéissance active. - C’est celui-là... avec beaucoup d'emphase. Celui-là, et pas un autre. - Qui m’aime. Voilà mon véritable ami ! Au v. 15, l'obéissance était présentée comme une conséquence de l'amour ; ici, elle en est donnée comme la démonstration. - Celui qui m’aime... « Si tu veux être aimé, aime », dit le proverbe. Le saint amour des disciples obtiendra infailliblement ce résultat : ils trouveront en Dieu une admirable correspondance à leur affection. - Sera aimé de mon Père : le Père, en effet, regardera comme accompli pour lui-même tout ce qu'on aura fait envers son Fils. Il daignera donc aimer divinement les amis de Jésus. - Et je l’aimerai aussi. Jésus lui-même, de son côté, ne saurait rester en retard. Quel suave échange d'affection ! Mais l'on recevra bien plus que l'on aura donné. - Et je me manifesterai à lui. Dans le texte grec, le verbe ἐμφανίσω ne se rencontre qu'en ce passage du quatrième évangile (ici et au v. 22) ; il désigne une manifestation très noble, très intime, bien que cette manifestation ne soit pas toujours extérieure, comme c'est ici le cas. D'après la traduction des Septante, Moïse demande à Dieu, Ex. 33, 13 « fais-moi connaître ton chemin, et je te connaîtrai, je saurai que j’ai trouvé grâce à tes yeux ». Ce souhait sera bien autrement réalisé pour les apôtres que pour le législateur juif.