Jean 14, 4
Pour aller où je vais, vous savez le chemin. »
Pour aller où je vais, vous savez le chemin. »
On peut encore rattacher autrement ces paroles à ce qui précède. Le Seigneur avait dit à Pierre: «Là où je vais vous ne pouvez me suivre maintenant, mais vous me suivrez par la suite». Or, les disciples auraient pu regarder cette promesse comme faite exclusivement à Pierre, c'est pour cela qu'il leur dit ici: «Il y a un grand nombre de demeures dans la maison de mon Père», c'est-à-dire, le palais que je destine à Pierre vous est également destiné, car il y a dans ce palais un grand nombre de demeures, et il n'y a point à objecter qu'elles ont besoin d'être préparées, car il s'empresse d'ajouter: «S'il en était autrement, je vous l'aurais dit, je vais vous préparer une place».
Comme il avait dit à Pierre: «Vous ne pouvez pas me suivre maintenant», et qu'ils pouvaient craindre d'être pour toujours séparés de lui, il ajoute: «Et lorsque je m'en serai allé, et vous aurai préparé une place, je reviendrai et vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez aussi». Quoi de plus propre que ce langage pour leur inspirer une vive confiance en lui?
La f oi que vous aurez en moi et dans mon Père qui m'a engendré, est plus puissante que tous les événements qui peuvent arriver, et aucune difficulté ne peut prévaloir contre elle. Il prouve encore ici sa divinité en dévoilant les pensées les plus intimes de leur âme, et en leur disant: «Que votre coeur ne se trouble point».
En leur parlant de la sorte, il fait connaître le désir qui était au fond de leur âme et leur offre l'occasion de l'interroger.
Le Sauveur voulant prévenir la crainte tout humaine que sa mort pouvait produire dans l'âme de ses disciples et le trouble qui devait s'en suivre, cherche à les consoler, en leur déclarant qu'il est Dieu lui-même: «Et il dit à ses disciples: Que votre coeur ne se trouble point, vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi», c'est-à-dire, si vous croyez en Dieu, par une conséquence nécessaire, vous devez croire en moi, conséquence qui ne serait point légitime, si Jésus-Christ n'était pas Dieu. Vous craignez la mort pour la nature du serviteur, que votre coeur ne se trouble point, la nature divine la ressuscitera.
Comme la prédiction que Jésus avait faite à Pierre, toujours plein de confiance et d'ardeur, qu'il le renierait trois fois avant le chant du coq, avait aussi rempli de crainte les autres disciples, Notre-Seigneur les rassure en leur disant: «Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père». C'est ainsi qu'il calme le trouble et l'agitation de leur âme, en leur donnant l'espérance assurée, qu'après les périls et les épreuves de cette vie, ils seraient pour toujours réunis à Dieu avec Jésus-Christ. Que l'un soit supérieur à un autre en force, en sagesse, en justice, en sainteté, aucun ne sera exclu de cette maison, où chacun sera placé suivant son mérite. Tous recevront également le denier que le père de famille ordonne de donner à ceux qui ont travaillé à sa vigne (Mt 20). Ce denier est le symbole de la vie éternelle, qui n'a pour personne une durée plus longue, parce qu'il ne peut y avoir de durée plus ou moins grande dans l'éternité. Le grand nombre de demeures signifie donc les différents degrés de mérites qui existent dans cette seule et même vie éternelle.
Il faut rejeter comme opposé à la foi chrétienne le sentiment de ceux qui prétendent que cette multiplicité de demeures signifie qu'il y aura en dehors du royaume des cieux un lieu destiné aux âmes innocentes qui seront sorties de cette vie sans avoir reçu le baptême, condition nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux. Puisque toute la maison des enfants de Dieu, qui sont appelés à régner, ne peut être que dans le royaume, loin de nous la pensée qu'il y ait une partie de cette maison royale qui ne soit point dans le royaume, car le Seigneur n'a pas dit: Dans la béatitude éternelle, mais: «Dans la maison de mon Père il y a un grand nombre de demeures».
Mais comment Notre-Seigneur peut-il aller nous préparer une place, puisque d'après lui, il y a déjà un grand nombre de demeures? C'est qu'elles ne sont pas encore comme elles doivent être préparées, car les demeures qu'il a préparées par la prédestination, il les prépare encore par son action divine. Elles existent donc, déjà dans les décrets de sa prédestination, autrement il aurait dit: J'irai et je préparerai (c'est-à-dire je prédestinerai) une place; mais comme elles ne sont pas encore l'objet de l'action divine, il ajoute: «Et lorsque je m'en serai allé et que je vous aurai préparé une place». Or, il prépare maintenant ces demeures, en leur préparant ceux qui doivent les habiter. En effet, lorsque le Sauveur dit: «Il y a un grand nombre de demeures dans la maison de mon Père»; que devons-nous entendre par cette maison de Dieu, si ce n'est le temple de Dieu, temple dont l'Apôtre dit: «Le temple de Dieu est saint, et c'est vous qui êtes ce temple ?» ( 1 Co 3, 17). Or, cette maison est encore en voie de construction et de préparation. Mais pourquoi faut-il qu'il s'en aille pour cette préparation, puisque c'est lui-même qui nous prépare, ce qu'il ne peut faire, s'il le sépare de nous? Il veut nous enseigner par là, que pour préparer ces demeures, le juste doit vivre de la foi. Si vous jouissez de la claire vue, la foi n'est plus possible. Que le Seigneur s'en aille donc pour se dérober aux regards, qu'il se cache pour devenir l'objet de notre foi, car c'est la vie de la foi qui nous prépare la place. Que la foi nous fasse désirer le Sauveur, afin que les saints désirs nous en mettent en possession. D'ailleurs, si vous l'entendez bien, il ne quitte ni le lieu d'où il paraît s'éloigner, ni celui d'où il est venu jusqu'à nous. Il s'en va en se cachant à nos regards, il vient en manifestant sa présence. Mais s'il ne demeure avec nous pour nous diriger et nous faire avancer dans la voie de la sainteté, le lieu où nous demeurerons avec lui, en jouissant de sa présence, ne nous sera point préparé.
Ainsi Dieu sera tout en tous, car comme Dieu est charité par l'effet de cette charité, ce qui est à chacun sera le partage de tous. C'est ainsi que chacun possède les choses qu'il n'a pas en réalité, mais qu'il aime dans un autre. La différence de gloire n'excitera donc aucune envie, parce que l'unité de la charité régnera dans tous les coeurs.
Ces paroles prouvent suffisamment qu'il leur parle de la sorte, parce qu'il y a dans le ciel un grand nombre de demeures, et qu'il n'est pas besoin d'en préparer quelqu'une.
Ou bien ce grand nombre de demeures s'accorde avec l'unité de denier, parce que bien que l'un goûte une félicité plus grande que l'autre, tous cependant éprouvent un même sentiment de joie dans la claire vue de leur Créateur.
D'ailleurs les bienheureux n'éprouveront aucun désavantage de cette disparité de gloire, parce que chacun recevra la mesure suffisante pour combler ses désirs.
Voici donc le sens de ce qu'il leur dit: «Je m'en vais», (c'est-à-dire, je m'absente corporellement), mais: «Je reviendrai de nouveau», (par la présence de ma divinité), ou bien encore, je reviendrai juger les vivants et les morts. Et comme il prévoyait qu'ils lui demanderaient où il irait, et le chemin qu'il suivrait, il les prévient et leur dit: «Où je vais, vous le savez (c'est-à-dire, vers mon Père), et vous savez la voie» (c'est-à-dire, que j'y vais par moi-même).
Ne semble-t-il pas leur dire, en effet: Que les demeures soient préparées ou ne le soient point, vous ne devez point vous troubler, car en supposant qu'elles ne soient point préparées, je vais moi-même vous les préparer avec toute la sollicitude possible ?
1863. Plus haut le Seigneur a fortifié ses disciples quant à son départ, leur promettant qu'ils auraient accès auprès du Père ; ici il parle du chemin par lequel ils vont vers le Père. Or on ne connaît pas un chemin sans son terme, et c'est pourquoi il parle aussi du terme ; et il présente d'abord le chemin et le terme, comme étant connus d'eux ; après quoi il manifeste ce qu'il a présenté [n° 1865].
Le Christ présente le chemin et le terme.
1864. À ce propos, il faut savoir que le Seigneur avait dit : QUAND JE M'EN SERAI ALLÉ ET QUE JE VOUS AURAI PRÉPARÉ UN LIEU, JE VIENDRAI DE NOUVEAU vers vous. Parce que les disciples lui demanderaient peut-être où il allait, comme ci-dessus Pierre a demandé : Seigneur, où vas-tu ?’, le Seigneur, sachant cela, leur dit : ET OÙ MOI JE VAIS VOUS LE SAVEZ, ET VOUS SAVEZ LE CHEMIN. En effet, je vais vers le Père, que vous connaissez, car je vous l'ai manifesté - J'ai manifesté ton nom aux hommes. Or le chemin par lequel je vais, je le suis, moi que vous connaissez - Nous avons vu sa gloire. C'est donc à juste titre qu'il a dit : OÙ MOI JE VAIS VOUS LE SAVEZ, ET VOUS SAVEZ LE CHEMIN, parce qu'ils connaissaient le Père par le Christ, et avaient appris à connaître le Christ en vivant avec lui, et par sa présence.
Il rend clair ce qu'il a affirmé.
1865. Le Seigneur éclaire ensuite ce qu'il a affirmé ; et l'Évangéliste commence par présenter l'occasion de cette révélation (manifestatio), puis il donne cette révélation [n° 1867].
1866. L'occasion de la révélation faite ici par le Christ fut le doute de Thomas qui interroge. THOMAS LUI DIT : « SEIGNEUR, NOUS NE SAVONS PAS OÙ TU VAS. ET COMMENT POUVONS-NOUS SAVOIR LE CHEMIN ? » Là, remarque que Thomas nie les deux choses que le Seigneur a affirmées ; car le Seigneur a dit qu'ils savaient à la fois le chemin et le terme du chemin ; or Thomas dit qu'il ne sait pas le chemin, ni le terme ; cependant l'un et l'autre sont vrais. Car il est vrai qu'ils savaient, cependant ils ne savaient pas qu'ils savaient. En effet, beaucoup savaient à propos du Père et du Fils des choses qu'ils avaient apprises du Christ ; mais ils ignoraient que le Père était celui vers qui le Christ allait et que le Fils était le chemin par lequel il allait. En effet, il est difficile d'aller vers le Père ; et il n'est pas étonnant qu'ils l'aient ignoré, parce que, bien qu'ils connussent parfaitement le Christ en tant qu'homme, ils reconnaissaient cependant imparfaitement sa divinité - L'oiseau a ignoré son sentier.
Et il ajoute : COMMENT POUVONS-NOUS SAVOIR LE CHEMIN ? La connaissance du chemin dépend en effet de la connaissance du terme ; donc, parce que le terme nous est inconnu - Il habite une lumière inaccessible -, son chemin nous est impénétrable, selon ce passage de l'Épître aux Romains : Ses chemins sont impénétrables \
1867. Le Seigneur révèle ensuite les deux choses qu'il leur avait annoncées. D'abord le chemin et son terme ; ensuite le fait qu'ils connaissaient l'un et l'autre [n° 1876].
En premier lieu, il révèle ce qu'est le chemin ; en second lieu ce qu'est le terme [n° 1873].
1868. Le chemin, comme il a été dit, est le Christ lui-même, et c'est pourquoi il dit : MOI JE SUIS LE CHEMIN, LA VÉRITÉ ET LA VIE. Et cette affirmation n'est pas sans raison, car par lui nous avons accès auprès du Père, comme il est dit dans l'Épître aux Romains. Cela convient aussi à son propos : il veut montrer clairement le doute du disciple qui l'interroge.
Et parce que ce chemin n'est pas distant du terme mais lui est conjoint, il ajoute : LA VÉRITÉ ET LA VIE ; et ainsi lui-même est en même temps le chemin et le terme. Le chemin, certes, selon son humanité, le terme selon sa divinité. Ainsi donc, selon qu'il est homme, il dit : MOI JE SUIS LE CHEMIN ; et selon qu'il est Dieu, il ajoute : LA VÉRITÉ ET LA VIE. Ces deux mots désignent de manière convenable le terme de ce chemin.
Car le terme de ce chemin est la fin du désir humain. Or l'homme désire avant tout deux choses : premièrement, la connaissance de la vérité, ce qui lui est propre ; en second lieu la conservation de son être, ce qui est commun à toutes les réalités. Or le Christ est le chemin pour parvenir à la connaissance de la vérité, bien que cependant il soit lui-même la Vérité - Conduis-moi, Seigneur, dans ta vérité et que je marche dans ta voie. Le Christ est aussi le chemin pour parvenir à la vie, bien qu'il soit lui-même la Vie - Tu m'as fait connaître les chemins de la vie. Et c'est pourquoi il a désigné le terme de ce chemin par la vérité et la vie ; ces deux mots ont été dits plus haut à propos du Christ. Il a d'abord été dit qu'il est lui-même la Vie - En lui-même était la vie -, et ensuite qu'il est la Vérité, parce qu'il était la lumière des hommes, et que la lumière est la vérité.
1869. Il faut noter que ces deux termes conviennent en propre, par eux-mêmes, au Christ. La vérité, en effet, lui convient par soi parce que lui-même est le Verbe. La vérité, en effet, n'est rien d'autre que l'adéquation de la réalité à l'intelligence, qui se fait quand l'intelligence conçoit la réalité telle qu'elle est. Donc la vérité de notre intelligence appartient à notre verbe, qui en est la conception. Mais cependant bien que notre verbe soit vrai, il n'est pourtant pas la vérité elle-même, puisqu'il n'existe pas par lui-même mais qu'il provient de l'adéquation à la réalité conçue. Donc la vérité de l'intelligence divine appartient au Verbe de Dieu. Mais parce que le Verbe de Dieu est vrai par lui-même, puisqu'il n'est pas mesuré par les réalités mais que les réalités, dans la mesure où elles sont vraies, parviennent à sa ressemblance, de là vient que le Verbe de Dieu est la Vérité elle-même. Et parce que nul ne peut connaître la vérité s'il n'adhère pas à la Vérité, il faut que tout homme qui désire connaître la vérité adhère à ce Verbe.
Quant à la vie, elle lui convient en propre parce que toute réalité qui a par elle-même quelque opération est dite vivante. Et on dit non vivantes les réalités qui n'ont pas par elles-mêmes le mouvement. Parmi les opérations de la vie, il y a avant tout les opérations intellectuelles : c'est pourquoi l'intelligence elle-même est dite vivante, et son action est une certaine vie. Or en Dieu l'acte d'intelligence et l'intelligence ne font qu'und'où il est manifeste que le Fils, qui est le Verbe de l'intelligence du Père, est sa vie. Ainsi donc le Christ s'est désigné lui-même comme le Chemin, et le chemin conjoint au terme : parce que lui-même est le terme ayant en lui tout ce qui peut être désiré, puisqu'il est la Vérité et la Vie.
1870. Si donc tu cherches par où passer, accueille le Christ, parce qu'il est lui-même le Chemin - Voici le chemin, marchez-y . Et Augustin dit« Avance par l'homme, et tu parviendras à Dieu. » II vaut mieux en effet boiter sur le chemin qu'avancer fermement en dehors du chemin. Car celui qui boite sur le chemin, même s'il avance peu, s'approche du terme ; quant à celui qui marche en dehors du chemin, plus il court fermement, plus il s'éloigne du terme. Mais si tu cherches où aller, adhère au Christ, parce que lui-même est la Vérité à laquelle nous désirons parvenir - Ma bouche méditera ta vérité. Si tu cherches où demeurer, adhère au Christ parce que lui-même est la Vie - Celui qui me trouvera, trouvera la vie.
Adhère donc au Christ si tu veux être en sûreté : en effet tu ne pourras pas dévier, parce qu'il est lui-même le Chemin. Aussi ceux qui adhèrent à lui ne marchent pas où il n'y a pas de route, mais par un chemin droit - Je te montrerai le chemin de la sagesse. Et, au contraire, il est dit de certains : Ils n'ont pas trouvé le chemin vers une cité habitée. De même on ne peut être trompé, parce que lui-même est la Vérité et enseigne toute vérité - Moi, je suis né et je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la venté. De même encore, on ne peut être troublé parce que lui-même est la Vie et donne la vie - Moi, je suis venu pour qu'on ait la vie, et qu'on l'ait surabondante. Car, comme dit Augustin, le Seigneur dit : MOI JE SUIS LE CHEMIN, LA VÉRITÉ ET LA VIE comme s'il disait : Par où veux-tu aller ? MOI JE SUIS LE CHEMIN. Où veux-tu aller ? MOI JE SUIS LA VÉRITÉ. Où veux-tu demeurer ? MOI JE SUIS LA VIE. En effet, comme le dit Hilaire, il ne conduit pas par des voies trompeuses, lui qui est le Chemin, il ne trompe pas par des mensonges, lui qui est la Vérité, il ne laisse pas dans l'erreur de la mort, lui qui est la Vie.
1871. On peut expliquer cela autrement. Il y a trois choses dans l'homme qui sont liées à sa sainteté, à savoir son action, sa contemplation et son intention ; et ces choses sont menées à leur perfection par le Christ. Car pour ceux qui exercent une activité, le Christ est le Chemin ; pour ceux qui persévèrent dans la contemplation, le Christ est la Vérité ; mais il dirige l'intention des actifs et des contemplatifs vers la Vie, c'est-à-dire la vie éternelle. Il enseigne en effet à aller et à prêcher pour le siècle à venir. Ainsi donc, le Seigneur est pour nous le chemin par lequel nous allons vers lui, et par lui vers le Père.
1872. Mais puisque lui, qui est le Chemin, va vers le Père, est-il à lui-même son propre chemin ? Comme dit Augustin, il est le Chemin et celui qui va par le Chemin, et le lieu où il va : c'est pourquoi lui-même va par lui-même vers lui-même. Car en tant qu'homme il est le Chemin : c'est pourquoi il est venu par la chair, en demeurant où il était ; et il s'en va par la chair, sans quitter le lieu d'où il est venu ; par la chair aussi il revient vers lui, la Vérité et la Vie : car Dieu était venu par la chair vers les hommes, la Vérité vers les menteurs, la Vie vers les mortels - Dieu, en effet, est véridique, mais tout homme est menteur. Or, quand il a quitté les hommes pour aller là où personne ne ment, il a élevé sa chair, lui-même qui est le Verbe fait chair, et par sa chair il est retourné vers la Vérité qu'il est lui-même. Et c'est comme si je disais : mon esprit, tandis que je parle à d'autres, part vers eux, et cependant ne me quitte pas : mais quand je me suis tu, je retourne en quelque sorte vers moi, et je demeure avec ceux à qui je parle. Ainsi donc le Christ, qui pour nous est le Chemin, s'est fait le chemin pour lui-même aussi, c'est-à-dire pour sa chair, pour aller vers la Vérité et la Vie.
1873. Il éclaire ensuite les questions qui s'étaient posées à propos du terme du chemin. Or le chemin, qui est le Christ, comme il a été dit, conduit vers le Père. Mais parce que le Père et le Fils sont un, ce chemin conduit aussi à lui-même. Et c'est pourquoi le Christ dit qu'il est le terme du chemin. PERSONNE, dit-il, NE VIENT AU PÈRE SINON PAR MOI.
1874. Mais il faut savoir que, comme dit l'Apôtre, personne ne connaît les choses de l'homme si ce n'est son esprit qui est en lui ; il faut comprendre : si ce n'est dans la mesure où l'homme veut se manifester. Or quelqu'un manifeste son secret par son verbe, et c'est pourquoi nul ne peut pénétrer le secret de l'homme si ce n'est par le verbe de l'homme. Donc puisque personne ne sait les choses de Dieu si ce n'est l'Esprit de Dieu *, nul ne peut venir à la connaissance du Père si ce n'est par son Verbe, qui est son Fils - Et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils. Et de même que l'homme, voulant se révéler par le verbe de son cœur qu'il profère par sa bouche, revêt en quelque sorte ce même verbe de lettres ou d'une voix, ainsi Dieu, voulant se manifester aux hommes, revêt de la chair, dans le temps, son Verbe conçu de toute éternité. Et ainsi nul ne peut parvenir à la connaissance du Père si ce n'est par le Fils. C'est pourquoi il dit : Moi je suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé.
1875. Mais il faut noter, selon Chrysostome, que plus haut le Seigneur dit : Nul ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire, alors qu'ici il dit : PERSONNE NE VIENT AU PÈRE SINON PAR MOI – En cela est montrée l'égalité du Fils et du Père. Ce qui est le chemin apparaît donc, c'est le Christ ; et ce qui est le terme, c'est le Père.
1876. Il montre ensuite que les disciples connaissent ces deux choses, à savoir le lieu où il va et le chemin, et d'abord il en donne la manifestation ; ensuite il exclut le doute qui s'élève [n° 1882]. Premièrement, il montre que la connaissance qu'on a du Fils ne va pas sans la connaissance qu'on a du Père. En second lieu il manifeste où en sont les disciples par rapport à la connaissance du Père [n° 1880].
1877. Il dit donc en premier lieu : Je vous ai dit que je suis le Chemin, et que vous connaissez le chemin, c'est-à-dire moi ; donc vous savez aussi où je vais, parce qu'on ne peut avoir la connaissance de moi-même sans la connaissance du Père. Et c'est ce qu'il dit : SI VOUS M'AVIEZ CONNU, VOUS AURIEZ CONNU AUSSI MON PÈRE.
1878. Plus haut il dit aux Juifs : Si vous me connaissiez, vous connaîtriez peut-être aussi mon Père ! Pourquoi donc dit-il : SI VOUS M'AVIEZ CONNU, VOUS AURIEZ CONNU AUSSI MON PÈRE, alors que plus haut il dit peut-être ? Il semble que là il ait douté de ce qu'ici il affirme.
Mais il faut dire qu'alors il parlait aux Juifs qu'il blâmait ; et c'est pourquoi il ajoute peut-être, non qu'il doute, mais parce qu'il les blâme. Mais ici, il parle aux disciples qu'il instruit : et c'est pourquoi il leur présente la vérité avec une affirmation, en disant : SI VOUS M'AVIEZ CONNU, VOUS AURIEZ CONNU AUSSI MON PÈRE, comme s'il disait : Si vous connaissiez ma grâce et ma dignité, vous connaîtriez aussi celles du Père. Car rien ne fait mieux connaître une réalité que son verbe et son image ; or le Fils est le Verbe du Père - Dans le Principe était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu. - Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. Le Fils est aussi l'image du Père - [Lui] qui est l'image du Dieu invisible. - Lui qui étant la splendeur de sa gloire et l'empreinte de sa substance. Donc, c'est dans le Fils que le Père est connu, comme dans son Verbe et sa propre image.
1879. Mais il faut remarquer que, dans la mesure où une chose accède à la ressemblance du Verbe du Père, dans cette même mesure le Père est connu en elle, et de même dans la mesure où cette réalité a quelque chose de l'image du Père. Or, puisque tout verbe créé est une certaine similitude de ce Verbe, et que dans toute réalité on trouve une similitude de la divinité - ou une similitude d'image ou une similitude de vestige -, mais une similitude imparfaite, de là vient que ce que Dieu est en lui-même ne peut être connu parfaitement par aucune créature ni par aucune intelligence ni conception d'une intelligence créée ; mais seul le Verbe, l'unique engendré, qui est parfait et qui est la parfaite image du Père, connaît et comprend cela même qui est du Père.
Aussi, selon Hilaire, ces paroles peuvent s'enchaîner autrement. Car quand le Seigneur dit : PERSONNE NE VIENT AU PÈRE SINON PAR MOI, Arius, interrogé sur la manière d'aller au Père par le Fils, répond que c'est par l'enseignement de sa doctrine, c'est-à-dire dans la mesure où le Fils instruit les hommes à propos du Père par sa doctrine - Père, j'ai manifesté ton nom aux hommes. Mais le Seigneur, excluant ceci, dit : SI VOUS M'AVIEZ CONNU, VOUS AURIEZ CONNU AUSSI MON PÈRE, comme pour dire : Arius ou tout autre homme peut bien parler du Père, mais nul n'est assez grand pour que, étant connu, le Père soit connu, si ce n'est le Fils qui est de même nature que lui.
1880. Il montre ensuite où en sont les disciples par rapport à la connaissance du Père. Or le Seigneur avait dit plus haut à ses disciples qu'ils connaissaient le Père, en disant : Où moi je vais vous le savez. Et cela Thomas l'a nié, en disant : Seigneur, nous ne savons pas où tu vas . Et c'est pourquoi ici le Seigneur montre que d'une certaine manière ils connaissent le Père, afin de montrer que sa parole est vraie, et que d'une autre manière ils ne le connaissent pas, de sorte que la parole de Thomas est vraie. Il expose par rapport à cela une double connaissance du Père : l'une à venir, l'autre qui était dans le passé.
Donc il dit que DORÉNAVANT VOUS LE CONNAÎTREZ. Il dit DORÉNAVANT puisqu'il y a deux connaissances à propos du Père. L'une parfaite, qui est par la vision immédiate de Dieu, et que nous aurons dans la Patrie - Quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui ; l'autre imparfaite, qui existe par un miroir et en énigme, et que nous avons par la foi - Nous voyons maintenant par un miroir, en énigme . Donc cette parole peut s'entendre de chacune des deux ; et le sens serait : DORÉNAVANT VOUS LE CONNAÎTREZ, selon une connaissance parfaite, dans la Patrie - Je vous annoncerai des choses à propos du Père ouvertement -, comme s'il disait : C'est vrai que vous ne le connaissez pas d'une connaissance parfaite, mais DORÉNAVANT VOUS LE CONNAÎTREZ, quand le mystère de ma Passion aura été accompli. Ou : DORÉNAVANT, c'est-à-dire après ma Résurrection et mon Ascension et l'envoi de l'Esprit Saint, VOUS LE CONNAÎTREZ d'une connaissance parfaite de foi, parce que, quand viendra l'Esprit Paraclet, celui-là vous enseignera tout. Ainsi donc, tu dis vrai parce que tu ne le connais pas d'une connaissance parfaite ; mais moi je dis vrai, parce que vous l'avez vu - Après cela il a été vu sur la terre et il a vécu avec les hommes. Ils ont vu en effet le Christ, selon qu'il a assumé notre chair en laquelle était le Verbe, et dans le Verbe, le Père : c'est pourquoi en lui ils ont vu le Père - C'est de lui que je suis, et c'est lui qui m'a envoyé.
1881. Mais remarque que le Père n'était pas dans la chair par l'unité de personne, mais il était dans le Verbe incarné par une unité de nature, et le Père était vu dans le Christ incarné - Nous avons vu sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de venté .
Le Christ présente le chemin et le terme.
1864. À ce propos, il faut savoir que le Seigneur avait dit : QUAND JE M'EN SERAI ALLÉ ET QUE JE VOUS AURAI PRÉPARÉ UN LIEU, JE VIENDRAI DE NOUVEAU vers vous. Parce que les disciples lui demanderaient peut-être où il allait, comme ci-dessus Pierre a demandé : Seigneur, où vas-tu ?’, le Seigneur, sachant cela, leur dit : ET OÙ MOI JE VAIS VOUS LE SAVEZ, ET VOUS SAVEZ LE CHEMIN. En effet, je vais vers le Père, que vous connaissez, car je vous l'ai manifesté - J'ai manifesté ton nom aux hommes. Or le chemin par lequel je vais, je le suis, moi que vous connaissez - Nous avons vu sa gloire. C'est donc à juste titre qu'il a dit : OÙ MOI JE VAIS VOUS LE SAVEZ, ET VOUS SAVEZ LE CHEMIN, parce qu'ils connaissaient le Père par le Christ, et avaient appris à connaître le Christ en vivant avec lui, et par sa présence.
Il rend clair ce qu'il a affirmé.
1865. Le Seigneur éclaire ensuite ce qu'il a affirmé ; et l'Évangéliste commence par présenter l'occasion de cette révélation (manifestatio), puis il donne cette révélation [n° 1867].
1866. L'occasion de la révélation faite ici par le Christ fut le doute de Thomas qui interroge. THOMAS LUI DIT : « SEIGNEUR, NOUS NE SAVONS PAS OÙ TU VAS. ET COMMENT POUVONS-NOUS SAVOIR LE CHEMIN ? » Là, remarque que Thomas nie les deux choses que le Seigneur a affirmées ; car le Seigneur a dit qu'ils savaient à la fois le chemin et le terme du chemin ; or Thomas dit qu'il ne sait pas le chemin, ni le terme ; cependant l'un et l'autre sont vrais. Car il est vrai qu'ils savaient, cependant ils ne savaient pas qu'ils savaient. En effet, beaucoup savaient à propos du Père et du Fils des choses qu'ils avaient apprises du Christ ; mais ils ignoraient que le Père était celui vers qui le Christ allait et que le Fils était le chemin par lequel il allait. En effet, il est difficile d'aller vers le Père ; et il n'est pas étonnant qu'ils l'aient ignoré, parce que, bien qu'ils connussent parfaitement le Christ en tant qu'homme, ils reconnaissaient cependant imparfaitement sa divinité - L'oiseau a ignoré son sentier.
Et il ajoute : COMMENT POUVONS-NOUS SAVOIR LE CHEMIN ? La connaissance du chemin dépend en effet de la connaissance du terme ; donc, parce que le terme nous est inconnu - Il habite une lumière inaccessible -, son chemin nous est impénétrable, selon ce passage de l'Épître aux Romains : Ses chemins sont impénétrables \
1867. Le Seigneur révèle ensuite les deux choses qu'il leur avait annoncées. D'abord le chemin et son terme ; ensuite le fait qu'ils connaissaient l'un et l'autre [n° 1876].
En premier lieu, il révèle ce qu'est le chemin ; en second lieu ce qu'est le terme [n° 1873].
1868. Le chemin, comme il a été dit, est le Christ lui-même, et c'est pourquoi il dit : MOI JE SUIS LE CHEMIN, LA VÉRITÉ ET LA VIE. Et cette affirmation n'est pas sans raison, car par lui nous avons accès auprès du Père, comme il est dit dans l'Épître aux Romains. Cela convient aussi à son propos : il veut montrer clairement le doute du disciple qui l'interroge.
Et parce que ce chemin n'est pas distant du terme mais lui est conjoint, il ajoute : LA VÉRITÉ ET LA VIE ; et ainsi lui-même est en même temps le chemin et le terme. Le chemin, certes, selon son humanité, le terme selon sa divinité. Ainsi donc, selon qu'il est homme, il dit : MOI JE SUIS LE CHEMIN ; et selon qu'il est Dieu, il ajoute : LA VÉRITÉ ET LA VIE. Ces deux mots désignent de manière convenable le terme de ce chemin.
Car le terme de ce chemin est la fin du désir humain. Or l'homme désire avant tout deux choses : premièrement, la connaissance de la vérité, ce qui lui est propre ; en second lieu la conservation de son être, ce qui est commun à toutes les réalités. Or le Christ est le chemin pour parvenir à la connaissance de la vérité, bien que cependant il soit lui-même la Vérité - Conduis-moi, Seigneur, dans ta vérité et que je marche dans ta voie. Le Christ est aussi le chemin pour parvenir à la vie, bien qu'il soit lui-même la Vie - Tu m'as fait connaître les chemins de la vie. Et c'est pourquoi il a désigné le terme de ce chemin par la vérité et la vie ; ces deux mots ont été dits plus haut à propos du Christ. Il a d'abord été dit qu'il est lui-même la Vie - En lui-même était la vie -, et ensuite qu'il est la Vérité, parce qu'il était la lumière des hommes, et que la lumière est la vérité.
1869. Il faut noter que ces deux termes conviennent en propre, par eux-mêmes, au Christ. La vérité, en effet, lui convient par soi parce que lui-même est le Verbe. La vérité, en effet, n'est rien d'autre que l'adéquation de la réalité à l'intelligence, qui se fait quand l'intelligence conçoit la réalité telle qu'elle est. Donc la vérité de notre intelligence appartient à notre verbe, qui en est la conception. Mais cependant bien que notre verbe soit vrai, il n'est pourtant pas la vérité elle-même, puisqu'il n'existe pas par lui-même mais qu'il provient de l'adéquation à la réalité conçue. Donc la vérité de l'intelligence divine appartient au Verbe de Dieu. Mais parce que le Verbe de Dieu est vrai par lui-même, puisqu'il n'est pas mesuré par les réalités mais que les réalités, dans la mesure où elles sont vraies, parviennent à sa ressemblance, de là vient que le Verbe de Dieu est la Vérité elle-même. Et parce que nul ne peut connaître la vérité s'il n'adhère pas à la Vérité, il faut que tout homme qui désire connaître la vérité adhère à ce Verbe.
Quant à la vie, elle lui convient en propre parce que toute réalité qui a par elle-même quelque opération est dite vivante. Et on dit non vivantes les réalités qui n'ont pas par elles-mêmes le mouvement. Parmi les opérations de la vie, il y a avant tout les opérations intellectuelles : c'est pourquoi l'intelligence elle-même est dite vivante, et son action est une certaine vie. Or en Dieu l'acte d'intelligence et l'intelligence ne font qu'und'où il est manifeste que le Fils, qui est le Verbe de l'intelligence du Père, est sa vie. Ainsi donc le Christ s'est désigné lui-même comme le Chemin, et le chemin conjoint au terme : parce que lui-même est le terme ayant en lui tout ce qui peut être désiré, puisqu'il est la Vérité et la Vie.
1870. Si donc tu cherches par où passer, accueille le Christ, parce qu'il est lui-même le Chemin - Voici le chemin, marchez-y . Et Augustin dit« Avance par l'homme, et tu parviendras à Dieu. » II vaut mieux en effet boiter sur le chemin qu'avancer fermement en dehors du chemin. Car celui qui boite sur le chemin, même s'il avance peu, s'approche du terme ; quant à celui qui marche en dehors du chemin, plus il court fermement, plus il s'éloigne du terme. Mais si tu cherches où aller, adhère au Christ, parce que lui-même est la Vérité à laquelle nous désirons parvenir - Ma bouche méditera ta vérité. Si tu cherches où demeurer, adhère au Christ parce que lui-même est la Vie - Celui qui me trouvera, trouvera la vie.
Adhère donc au Christ si tu veux être en sûreté : en effet tu ne pourras pas dévier, parce qu'il est lui-même le Chemin. Aussi ceux qui adhèrent à lui ne marchent pas où il n'y a pas de route, mais par un chemin droit - Je te montrerai le chemin de la sagesse. Et, au contraire, il est dit de certains : Ils n'ont pas trouvé le chemin vers une cité habitée. De même on ne peut être trompé, parce que lui-même est la Vérité et enseigne toute vérité - Moi, je suis né et je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la venté. De même encore, on ne peut être troublé parce que lui-même est la Vie et donne la vie - Moi, je suis venu pour qu'on ait la vie, et qu'on l'ait surabondante. Car, comme dit Augustin, le Seigneur dit : MOI JE SUIS LE CHEMIN, LA VÉRITÉ ET LA VIE comme s'il disait : Par où veux-tu aller ? MOI JE SUIS LE CHEMIN. Où veux-tu aller ? MOI JE SUIS LA VÉRITÉ. Où veux-tu demeurer ? MOI JE SUIS LA VIE. En effet, comme le dit Hilaire, il ne conduit pas par des voies trompeuses, lui qui est le Chemin, il ne trompe pas par des mensonges, lui qui est la Vérité, il ne laisse pas dans l'erreur de la mort, lui qui est la Vie.
1871. On peut expliquer cela autrement. Il y a trois choses dans l'homme qui sont liées à sa sainteté, à savoir son action, sa contemplation et son intention ; et ces choses sont menées à leur perfection par le Christ. Car pour ceux qui exercent une activité, le Christ est le Chemin ; pour ceux qui persévèrent dans la contemplation, le Christ est la Vérité ; mais il dirige l'intention des actifs et des contemplatifs vers la Vie, c'est-à-dire la vie éternelle. Il enseigne en effet à aller et à prêcher pour le siècle à venir. Ainsi donc, le Seigneur est pour nous le chemin par lequel nous allons vers lui, et par lui vers le Père.
1872. Mais puisque lui, qui est le Chemin, va vers le Père, est-il à lui-même son propre chemin ? Comme dit Augustin, il est le Chemin et celui qui va par le Chemin, et le lieu où il va : c'est pourquoi lui-même va par lui-même vers lui-même. Car en tant qu'homme il est le Chemin : c'est pourquoi il est venu par la chair, en demeurant où il était ; et il s'en va par la chair, sans quitter le lieu d'où il est venu ; par la chair aussi il revient vers lui, la Vérité et la Vie : car Dieu était venu par la chair vers les hommes, la Vérité vers les menteurs, la Vie vers les mortels - Dieu, en effet, est véridique, mais tout homme est menteur. Or, quand il a quitté les hommes pour aller là où personne ne ment, il a élevé sa chair, lui-même qui est le Verbe fait chair, et par sa chair il est retourné vers la Vérité qu'il est lui-même. Et c'est comme si je disais : mon esprit, tandis que je parle à d'autres, part vers eux, et cependant ne me quitte pas : mais quand je me suis tu, je retourne en quelque sorte vers moi, et je demeure avec ceux à qui je parle. Ainsi donc le Christ, qui pour nous est le Chemin, s'est fait le chemin pour lui-même aussi, c'est-à-dire pour sa chair, pour aller vers la Vérité et la Vie.
1873. Il éclaire ensuite les questions qui s'étaient posées à propos du terme du chemin. Or le chemin, qui est le Christ, comme il a été dit, conduit vers le Père. Mais parce que le Père et le Fils sont un, ce chemin conduit aussi à lui-même. Et c'est pourquoi le Christ dit qu'il est le terme du chemin. PERSONNE, dit-il, NE VIENT AU PÈRE SINON PAR MOI.
1874. Mais il faut savoir que, comme dit l'Apôtre, personne ne connaît les choses de l'homme si ce n'est son esprit qui est en lui ; il faut comprendre : si ce n'est dans la mesure où l'homme veut se manifester. Or quelqu'un manifeste son secret par son verbe, et c'est pourquoi nul ne peut pénétrer le secret de l'homme si ce n'est par le verbe de l'homme. Donc puisque personne ne sait les choses de Dieu si ce n'est l'Esprit de Dieu *, nul ne peut venir à la connaissance du Père si ce n'est par son Verbe, qui est son Fils - Et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils. Et de même que l'homme, voulant se révéler par le verbe de son cœur qu'il profère par sa bouche, revêt en quelque sorte ce même verbe de lettres ou d'une voix, ainsi Dieu, voulant se manifester aux hommes, revêt de la chair, dans le temps, son Verbe conçu de toute éternité. Et ainsi nul ne peut parvenir à la connaissance du Père si ce n'est par le Fils. C'est pourquoi il dit : Moi je suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé.
1875. Mais il faut noter, selon Chrysostome, que plus haut le Seigneur dit : Nul ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire, alors qu'ici il dit : PERSONNE NE VIENT AU PÈRE SINON PAR MOI – En cela est montrée l'égalité du Fils et du Père. Ce qui est le chemin apparaît donc, c'est le Christ ; et ce qui est le terme, c'est le Père.
1876. Il montre ensuite que les disciples connaissent ces deux choses, à savoir le lieu où il va et le chemin, et d'abord il en donne la manifestation ; ensuite il exclut le doute qui s'élève [n° 1882]. Premièrement, il montre que la connaissance qu'on a du Fils ne va pas sans la connaissance qu'on a du Père. En second lieu il manifeste où en sont les disciples par rapport à la connaissance du Père [n° 1880].
1877. Il dit donc en premier lieu : Je vous ai dit que je suis le Chemin, et que vous connaissez le chemin, c'est-à-dire moi ; donc vous savez aussi où je vais, parce qu'on ne peut avoir la connaissance de moi-même sans la connaissance du Père. Et c'est ce qu'il dit : SI VOUS M'AVIEZ CONNU, VOUS AURIEZ CONNU AUSSI MON PÈRE.
1878. Plus haut il dit aux Juifs : Si vous me connaissiez, vous connaîtriez peut-être aussi mon Père ! Pourquoi donc dit-il : SI VOUS M'AVIEZ CONNU, VOUS AURIEZ CONNU AUSSI MON PÈRE, alors que plus haut il dit peut-être ? Il semble que là il ait douté de ce qu'ici il affirme.
Mais il faut dire qu'alors il parlait aux Juifs qu'il blâmait ; et c'est pourquoi il ajoute peut-être, non qu'il doute, mais parce qu'il les blâme. Mais ici, il parle aux disciples qu'il instruit : et c'est pourquoi il leur présente la vérité avec une affirmation, en disant : SI VOUS M'AVIEZ CONNU, VOUS AURIEZ CONNU AUSSI MON PÈRE, comme s'il disait : Si vous connaissiez ma grâce et ma dignité, vous connaîtriez aussi celles du Père. Car rien ne fait mieux connaître une réalité que son verbe et son image ; or le Fils est le Verbe du Père - Dans le Principe était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu. - Et le Verbe s'est fait chair, et il a habité parmi nous. Nous avons vu sa gloire, gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. Le Fils est aussi l'image du Père - [Lui] qui est l'image du Dieu invisible. - Lui qui étant la splendeur de sa gloire et l'empreinte de sa substance. Donc, c'est dans le Fils que le Père est connu, comme dans son Verbe et sa propre image.
1879. Mais il faut remarquer que, dans la mesure où une chose accède à la ressemblance du Verbe du Père, dans cette même mesure le Père est connu en elle, et de même dans la mesure où cette réalité a quelque chose de l'image du Père. Or, puisque tout verbe créé est une certaine similitude de ce Verbe, et que dans toute réalité on trouve une similitude de la divinité - ou une similitude d'image ou une similitude de vestige -, mais une similitude imparfaite, de là vient que ce que Dieu est en lui-même ne peut être connu parfaitement par aucune créature ni par aucune intelligence ni conception d'une intelligence créée ; mais seul le Verbe, l'unique engendré, qui est parfait et qui est la parfaite image du Père, connaît et comprend cela même qui est du Père.
Aussi, selon Hilaire, ces paroles peuvent s'enchaîner autrement. Car quand le Seigneur dit : PERSONNE NE VIENT AU PÈRE SINON PAR MOI, Arius, interrogé sur la manière d'aller au Père par le Fils, répond que c'est par l'enseignement de sa doctrine, c'est-à-dire dans la mesure où le Fils instruit les hommes à propos du Père par sa doctrine - Père, j'ai manifesté ton nom aux hommes. Mais le Seigneur, excluant ceci, dit : SI VOUS M'AVIEZ CONNU, VOUS AURIEZ CONNU AUSSI MON PÈRE, comme pour dire : Arius ou tout autre homme peut bien parler du Père, mais nul n'est assez grand pour que, étant connu, le Père soit connu, si ce n'est le Fils qui est de même nature que lui.
1880. Il montre ensuite où en sont les disciples par rapport à la connaissance du Père. Or le Seigneur avait dit plus haut à ses disciples qu'ils connaissaient le Père, en disant : Où moi je vais vous le savez. Et cela Thomas l'a nié, en disant : Seigneur, nous ne savons pas où tu vas . Et c'est pourquoi ici le Seigneur montre que d'une certaine manière ils connaissent le Père, afin de montrer que sa parole est vraie, et que d'une autre manière ils ne le connaissent pas, de sorte que la parole de Thomas est vraie. Il expose par rapport à cela une double connaissance du Père : l'une à venir, l'autre qui était dans le passé.
Donc il dit que DORÉNAVANT VOUS LE CONNAÎTREZ. Il dit DORÉNAVANT puisqu'il y a deux connaissances à propos du Père. L'une parfaite, qui est par la vision immédiate de Dieu, et que nous aurons dans la Patrie - Quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui ; l'autre imparfaite, qui existe par un miroir et en énigme, et que nous avons par la foi - Nous voyons maintenant par un miroir, en énigme . Donc cette parole peut s'entendre de chacune des deux ; et le sens serait : DORÉNAVANT VOUS LE CONNAÎTREZ, selon une connaissance parfaite, dans la Patrie - Je vous annoncerai des choses à propos du Père ouvertement -, comme s'il disait : C'est vrai que vous ne le connaissez pas d'une connaissance parfaite, mais DORÉNAVANT VOUS LE CONNAÎTREZ, quand le mystère de ma Passion aura été accompli. Ou : DORÉNAVANT, c'est-à-dire après ma Résurrection et mon Ascension et l'envoi de l'Esprit Saint, VOUS LE CONNAÎTREZ d'une connaissance parfaite de foi, parce que, quand viendra l'Esprit Paraclet, celui-là vous enseignera tout. Ainsi donc, tu dis vrai parce que tu ne le connais pas d'une connaissance parfaite ; mais moi je dis vrai, parce que vous l'avez vu - Après cela il a été vu sur la terre et il a vécu avec les hommes. Ils ont vu en effet le Christ, selon qu'il a assumé notre chair en laquelle était le Verbe, et dans le Verbe, le Père : c'est pourquoi en lui ils ont vu le Père - C'est de lui que je suis, et c'est lui qui m'a envoyé.
1881. Mais remarque que le Père n'était pas dans la chair par l'unité de personne, mais il était dans le Verbe incarné par une unité de nature, et le Père était vu dans le Christ incarné - Nous avons vu sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de venté .
Jésus insiste sur cette idée
souverainement consolante du ciel, où il va et où les apôtres le rejoindront plus tard ; mais il ajoute ici un
détail important, relatif au chemin qui y conduit. - Vous en savez... En effet, « Les disciples savaient, mais ils
ne savaient pas qu’ils savaient » (S. Augustin, h. l.), par suite de leur embarras et de leur trouble. Cf. v. 5. -
Le chemin. La Recepta et les manuscrits A, Δ, etc., ont la même leçon que la Vulgate pour tout ce verset.
D'autres nombreux témoins ( א, B, C, L, Q, X, etc.) ont la variante qui suit, très énergique dans sa brièveté
« où je vais vous savez le chemin ».