Jean 15, 17

Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres.

Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres.
Saint Augustin
Le Sauveur, en parlant à ses disciples, souligne de plus en plus la grâce par laquelle nous sommes sauvés. Ce qui fait la gloire de mon Père, c'est que vous donniez beaucoup de fruit: ainsi vous serez pour moi des disciples (Jn 15,8).

Si Dieu le Père est glorifié de ce que nous produisons beaucoup de fruit et devenons les disciples du Christ, nous ne devons pas le mettre au crédit de notre gloire, comme si nous tenions tout cela de nous-mêmes. Car cette grâce vient de lui, et c'est pourquoi, dans ce sens, la gloire n'est pas à nous, mais à lui. Il a dit ailleurs: Que votre lumière brille devant les hommes: alors, en voyant ce que vous faites de bien... - ici, il devance en eux la pensée que ces bonnes oeuvres viendraient d'eux-mêmes, en ajoutant aussitôt: ils rendront gloire à votre Père qui est aux cieux (Mt 5,16). En effet, ce qui glorifie le Père, c'est que nous donnions beaucoup de fruit et que nous devenions disciples du Christ. Et par qui le devenons-nous, sinon par lui, dont la miséricorde nous a devancés? Car nous sommes son ouvrage, créés en Jésus Christ pour que nos oeuvres soient vraiment bonnes (cf. Ep 2,10).

Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez dans mon amour (Jn 15,9). Voilà d'où viennent nos oeuvres bonnes. Car d'où pourraient-elles venir, sinon de la foi agissant par la charité (Ga 5,6)? Et d'où viendrait que nous aimons, sinon de ce que nous sommes aimés en premier? C'est ce que notre évangéliste nous dit de la façon la plus claire dans son épître: Aimons Dieu parce que lui-même nous a aimés le premier (cf. 1Jn 4,19).

Certes le Père, qui aime le Christ, nous aime, nous aussi, mais en lui, parce que la gloire du Père est que nous donnions du fruit en étant unis à la vigne qui est son Fils, et que nous devenions ses disciples.

Demeurez, dans mon amour, leur dit-il. Comment demeurer? Écoutez ce qui suit: Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour (Jn 15,10). Est-ce l'amour qui rend fidèle aux commandements, ou est-ce l'observance des commandements qui engendre l'amour? Personne ne peut douter que l'amour vient en premier. C'est pourquoi il n'a aucun motif d'observer les commandements, celui qui est sans amour. Donc, lorsque le Seigneur dit: Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, il ne nous montre pas ce qui engendre l'amour, mais ce qui le manifeste. Il semble dire: ne vous imaginez pas que vous demeurez dans mon amour, si vous n'êtes pas fidèles à mes commandements: vous y demeurerez si vous les observez. C'est-à-dire: on verra que vous demeurez dans mon amour, si vous observez mes commandements. Ainsi, que personne ne se fasse d'illusion en se disant qu'il l'aime, alors qu'il n'observe pas ses commandements. Car nous l'aimons dans la mesure où nous observons ses commandements. Moins nous les observons, moins nous aimons.

Ce n'est donc pas afin d'obtenir son amour que nous observons d'abord ses commandements; mais, s'il ne nous aime pas, nous ne pouvons pas les observer. Telle est la grâce qui est lumineuse pour les humbles, mystérieuse pour les orgueilleux.
Saint Thomas More
Méditons profondément sur l'amour du Christ, notre Sauveur qui a aimé les siens jusqu'au bout (Jn 13,1), à tel point que pour leur bien, volontairement, il souffrit une mort douloureuse et manifesta le plus haut degré d'amour qui puisse exister. Car il a dit lui-même : Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis (Jn 15,13). Oui, c'est bien là le plus grand amour qu'on ait jamais montré. Et pourtant notre Sauveur en donna un plus grand encore, car il donna cette preuve d'amour à la fois pour ses amis et pour ses ennemis.

Quelle différence entre cet amour fidèle et les autres formes d'amour faux et inconstant que l'on trouve dans notre pauvre monde! Le flatteur prétend vous aimer parce qu'il fait chez vous de bons repas. Mais si l'adversité amoindrit vos revenus et qu'il ne trouve plus la table mise, alors: adieu! et voilà votre frère le flatteur parti chercher une autre table. Il pourrait même devenir votre ennemi et médire de vous cruellement.

Qui peut être sûr, dans l'adversité, de garder beaucoup de ses amis, quand notre Sauveur lui-même, lorsqu'il fut arrêté, est resté seul, abandonné des siens? Quand vous partez, qui voudra partir avec vous? Seriez-vous roi, votre royaume ne vous laisserait-il pas partir seul pour vous oublier aussitôt? Même votre famille ne vous laisserait-elle pas partir, comme une pauvre âme abandonnée qui ne sait où aller?

Alors, apprenons à aimer en tout temps, comme nous devrions aimer: Dieu par-dessus toute chose, et toutes les autres choses à cause de lui. Car tout amour qui ne se rapporte pas à cette fin, c'est-à-dire à la volonté de Dieu, est un amour tout à fait vain et stérile. Tout amour que nous portons à une créature quelconque et qui affaiblit notre amour envers Dieu est un amour détestable et un obstacle à notre marche vers le ciel. Dans l'amour que vous portez à vos enfants, que votre tendresse ne vous empêche jamais, au cas où Dieu vous le commanderait, d'être prêt à en faire le sacrifice, comme Abraham était prêt à sacrifier son fils Isaac. Et puisque Dieu ne le fera pas, offrez votre enfant au service de Dieu d'une autre façon. Car tout ce que nous aimons et qui nous fait enfreindre un commandement divin, si nous l'aimons plus que Dieu, c'est un amour mortel et condamnable.

Donc, puisque notre Seigneur nous a tant aimés pour notre salut, implorons assidûment sa grâce, de crainte qu'en comparaison de son grand amour, nous soyons convaincus d'ingratitude.
Louis-Claude Fillion
Après les beaux développements (versets 13-16) donnés au précepte de l’amour fraternel (verset 12), Jésus réitère avec vigueur ce précepte : Ce que je vous commande... Dans le texte grec, le pronom traduit par ce que est cette fois au pluriel, parce qu’il ne retombe pas sur les mots qui suivent (de vous aimer les uns les autres), mais sur les détails donnés précédemment, versets 12-16. La vraie traduction est donc : Je vous prescris ces choses, afin que vous vous aimiez les uns les autres. - « Luthardt fait observer que, dans les dix-sept premiers versets de ce chapitre, il ne se rencontre pas une seule particule de liaison, ce qui confère au texte une solennité particulière. C’est ici la dernière volonté de Jésus parlant aux siens… Un tel style ne saurait appartenir à un auteur grec ; cette parole est sortie d’une pensée hébraïque. » Godet, h. l. C’est donc là une de ces preuves intrinsèques d’authenticité qui sont répandues à travers toute la narration de S. Jean .