Jean 16, 22

Vous aussi, maintenant, vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera.

Vous aussi, maintenant, vous êtes dans la peine, mais je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera.
Saint Jean Chrysostome
Après avoir répandu la joie dans l'âme de ses disciples, par la promesse qu'il leur a faite de leur envoyer l'Esprit saint, le Sauveur les attriste de nouveau en leur disant: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus». Il agit de la sorte pour les préparer, par ce langage triste et sévère, à l'idée de sa séparation prochaine; car rien n'est plus propre à calmer l'âme plongée dans la tristesse et l'affliction, comme la pensée fréquente des motifs qui ont produit en elle cette tristesse.

En méditant sérieusement ces paroles: «Parce que je m'en vais à mon Père», on y trouve un motif de consolation, car Notre-Seigneur montre ainsi qu'il ne doit point périr sans retour, et que sa mort n'est qu'un passage de ce monde à son Père. Il les console, encore en ajoutant: «Et encore un peu de temps, et vous me verrez»; car il leur apprend ainsi qu'il reviendra, que la séparation sera courte, et que la réunion avec eux durera éternellement.

Ils ne comprenaient pas, soit à cause de la tristesse qui les empêchait de penser à ce qu'il leur disait, soit à cause de l'obscurité des paroles elles-mêmes, qui paraissaient renfermer deux choses contradictoires, mais qui ne l'étaient pas en réalité; car, si nous vous voyons, pouvaient-ils dire, comment vous en allez-vous? Et si vous vous en allez, comment pourrons-nous vous voir? C'est pour cela qu'ils se demandent l'un à l'autre: «Qu'est-ce qu'il nous dit: Encore un peu de temps? Nous ne savons ce qu'il veut dire».

Notre-Seigneur voulant ensuite leur montrer que la tristesse engendre la joie, comme aussi que cette tristesse sera courte, tandis que leur joie n'aura point de fin, emprunte cette comparaison aux choses du monde: «Une femme, lorsqu'elle enfante, a de la tristesse, parce que son heure est venue; mais lorsqu'elle a mis un enfant au jour, elle ne se souvient plus de ses douleurs, à cause de sa joie, parce qu'un homme est né au monde».
Saint Augustin
Ces paroles du Sauveur étaient obscures pour les disciples avant l'accomplissement des événements qu'elles avaient pour objet. Aussi: «Plusieurs de ses disciples se dirent l'un à l'autre: Qu'est-ce qu'il nous dit: Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus: et encore un peu de temps, et vous me verrez, parce que je vais à mon Père ?»

On peut entendre ces paroles de la tristesse des apôtres après la mort du Sauveur, et de la joie que leur fit éprouver sa résurrection; et le monde alors (c'est-à-dire les ennemis de Jésus-Christ, qui le firent mourir), se réjouit de la mort du Sauveur, tandis que ses disciples étaient dans la tristesse. «Le monde se réjouira», etc.

Dans ce qui précède, Notre-Seigneur, en leur disant: «Je vais à mon Père», sans ajouter: «Dans un peu de temps, vous ne me verrez plus», leur avait parlé ouvertement. Mais ce qui put alors leur paraître obscur, et qui leur fut bientôt dévoilé, nous est aussi parfaitement connu. En effet, la passion et la mort du Sauveur arrivèrent quelque temps après, et ils ne le virent plus; puis, peu de temps après, il ressuscita et ils le virent de nouveau. Il leur dit aussi: «Et vous ne me verrez plus», parce qu'ils ne devaient plus voir Jésus-Christ dans la nature mortelle dont il était revêtu.

Cette comparaison n'est pas difficile à comprendre, parce que les termes en sont connus, puisque c'est celui même qui la propose qui enfait l'application: «Vous donc aussi, vous avez maintenant de la tristesse; mais je vous reverrai, et votre coeur se réjouira». Le travail de l'enfantement est ici comparé à la tristesse, et la délivrance à la joie, qui est ordinairement d'autant plus grande, que ce n'est pas une fille, mais un garçon qu'on a mis au monde. Il ajoute: «Et personne ne vous ravira votre joie», parce que Jésus est lui-même leur joie, et que, comme le dit l'Apôtre: «Jésus-Christ, ressuscité d'entre les morts, ne meurt plus, et la mort n'a plus d'empire sur lui». ( Rm 6, 9). Par la comparaison qui précède, il veut aussi exprimer, d'une manière figurée, qu'il s'est délivré des étreintes de la mort, et qu'il a lui-même régénéré le nouvel homme. Et il ne dit pas qu'il n'aura point de tribulation, mais qu'il ne s'en souviendra point, tant sera grande la joie qui lui succédera: et il en sera de même pour les saints. Il ne dit pas non plus: Parce qu'un enfant, mais: «Parce qu'un homme est venu au monde», annonçant ainsi, en termes couverts, sa résurrection.

Mais je crois qu'il est mieux d'entendre de la vision et de la joie des cieux, ces paroles: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus»; et alors, ce peu de temps, c'est toute la durée du siècle présent. C'est pour cela que Notre-Seigneur ajoute: «Parce que je vais à mon Père», paroles qui se rapportent à la première proposition: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus»; et non à la seconde: «Encore un peu de temps, et vous me verrez», car c'est en allant à son Père qu'il est devenu invisible pour eux. Il leur dit donc, à ceux qui le voyaient corporellement: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus», parce qu'il devait aller à son Père, et qu'ils ne devaient plus le voir désormais dans cette nature mortelle, qu'ils voyaient de leurs yeux, lorsqu'il leur tenait ce langage. Ce qu'il ajoute: «Et encore un peu de temps, et vous me verrez», est une promesse qui s'adresse à toute l'Eglise. Ce peu de temps nous paraît bien long, parce qu'il dure encore; mais lorsqu'il sera écoulé, nous comprendrons alors combien courte a été sa durée.

Et cependant jusque dans l'enfantement de cette joie, notre tristesse elle-même n'est pas s ans quelque joie, car, comme le dit l'Apôtre: «Nous nous réjouissons en espérance» ( Rm 12), parce qu'en effet, la femme à laquelle Jésus-Christ nous compare, se réjouit beaucoup plus de l'enfant qu'elle doit mettre au monde, qu'elle n'est triste des douleurs actuelles qu'elle ressent.

L'Eglise enfante maintenant par ses désirs le fruit de tous ses travaux, elle l'enfantera alors par la contemplation, elle enfantera par conséquent un enfant mâle, parce que tous les devoirs de la vie active se rapportent à ce fruit de la contemplation; le seul fruit vraiment libre est celui qu'on recherche pour soi, et qui ne se rapporte pas à un autre, la vie active lui est subordonnée, car toutes les bonnes oeuvres se rapportent à lui, c'est la fin qui nous suffit; ce fruit sera donc éternel, car la seule fin qui puisse nous suffire est celle qui n'a pas de fin. C'est de cette fin qui doit combler tous nos désirs que le Sauveur nous dit à juste titre: «Et personne ne vous ravira votre joie».
Saint Bède le Vénérable
Il dit: «Encore un peu de temps, et vous ne me verrez plus,» parce qu'il fut arrêté cette nuit par les Juifs, crucifié le jour suivant, enseveli vers le soir, et qu'il disparut ainsi aux regards des hommes.

Il ne doit point nous paraître étrange d'entendre parler de la naissance de celui qui sort de cette vie, car de même qu'on dit de celui qui sort du sein de sa mère pour voir cette lumière sensible, qu'il naît à la vie; ainsi on peut dire de celui qui, délivré des liens de la chair, est élevé jusqu'à la contemplation de la lumière éternelle, qu'il naît à une nouvelle vie, et c'est pour cela que les fêtes des saints sont appelées les anniversaires, non de leur mort, mais de leur naissance.
Alcuin d'York
«En vérité, en vérité, je vous le dis, vous pleurerez et vous gémirez». Ce bon Maître, qui voit leur ignorance, répond au doute que ses paroles avaient fait naître, en leur expliquant le sens de ce qu'il vient de leur dire.

Ces paroles du Seigneur peuvent s'appliquer à tous les chrétiens qui tendent aux joies éternelles par les larmes et les souffrances de cette vie; tandis que les justes pleurent, le monde se réjouit, parce qu'il ne connaît que les joies de la vie présente, et n'espère en aucune façon les joies de l'autre vie.

On peut dire encore que ce peu de temps pendant lequel ils ne le verront pas, ce sont les trois jours qu'il fut déposé dans le sépulcre, et que ce peu de temps après lequel ils le reverront, c e sont les quarante jours qui suivirent sa passion et sa résurrection, et pendant lesquels il leur apparut plusieurs fois jusqu'au jour de son ascension. Pendant ce court espace de temps, vous me verrez, jusqu'au jour où je m'eu irai à mon Père; car je ne dois pas toujours rester corporellement sur cette terre, mais je dois remonter dans le ciel avec l'humanité que j'ai prise dans mon incarnation.

Cette femme, c'est la sainte Eglise qui est féconde en bonnes oeuvres, et qui engendre à Dieu des enfants spirituels. Cette femme, tant que dure pour elle le travail de l'enfantement (c'est-à-dire, tant qu'elle s'applique à faire des progrès dans la vertu, tant qu'elle est exposée aux tentations et aux épreuves), a de la tristesse, parce que l'heure de la souffrance est venue pour elle; car il n'est personne qui ait de la haine pour sa propre chair ( Ep 5, 30).

Mais lorsqu'elle a mis au monde son enfant (c'est-à-dire, lorsqu'ayant triomphé de toutes ses épreuves, elle arrive à recueillir les palmes de la victoire), elle ne se souvient plus des douleurs qui ont précédé, tant est grande la joie de la récompense qui lui est donnée, en effet de même qu'une femme se réjouit d'avoir mis un homme au monde, ainsi l'Eglise est remplie d'une juste allégresse, en voyant le peuple des fidèles qu'elle a enfanté à la vie éternelle.

Notre-Seigneur dit à ses Apôtres: «Je vous verrai de nouveau», c'est-à-dire, je vous prendrai avec moi, ou bien: «Je vous verrai de nouveau», c'est-à-dire, j'apparaîtrai de nouveau à vos regards, «et votre coeur se réjouira».
Louis-Claude Fillion
Jésus applique aux apôtres cette belle comparaison. - Vous donc aussi. Vous aussi, comme la femme qui enfante. La particule donc relie ce verset au 20e. - Vous êtes maintenant dans la tristesse. C'est une nécessité, mais ce sera rapide ; et la peine même est une condition des joies qu'apportera sûrement l'avenir. - En effet, continue le Sauveur, je vous verrai de nouveau (Voyez la note du v.16 ). Nuance pleine d'intérêt. Plus haut, vv. 16 et 17, Jésus avait dit : « Vous me verrez » ; il présente maintenant un autre heureux aspect de la situation ; lui aussi il aura le bonheur de voir ses chers amis. Cf. 14, 18. - Et votre cœur se réjouira. Le grec donne au pronom votre une place emphatique. Quelles délices, en effet, pour les apôtres à revoir N.-S. Jésus-Christ après une séparation si cruelle ! - Mais ce qui y mettra le comble, c'est que, ne dépendant point de la présence extérieure, elles seront permanentes, sans fin : et personne ne vous ravira votre joie. Une mère a souvent le chagrin de perdre ses enfants ; nous pouvons ne perdre jamais Jésus. Au lieu du futur (B, D, avec la Vulgate), א, A, C, etc., ont le verbe au présent.