Jean 17, 1
Ainsi parla Jésus. Puis il leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie.
Ainsi parla Jésus. Puis il leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie.
L'Évangéliste nous montre ici l'ordre de la prière du Christ, puis sa manière de prier [n° 2179] ; enfin les paroles de sa prière [n° 2180].
a) L'ordre de sa prière.
2178. L'ordre de cette prière est opportun, parce qu'elle vient après une exhortation. En cela le Seigneur nous donne un exemple, afin que, ceux que nous instruisons par la parole, nous les aidions par le suffrage de nos prières, parce que c'est quand elle est soutenue par la prière où on implore le secours divin que la parole divine a le plus grand effet dans le cœur de ceux qui l'écoutent - Frères, priez aussi ensemble pour nous, afin que Dieu nous ouvre la porte de sa parole. Aussi la fin de notre parole doit-elle s'achever dans la prière divine - L'accomplissement des paroles, c'est Lui en toutes choses.
b) Sa manière de prier.
2179. La manière de prier convient bien. Il y a en effet une différence entre la prière du Christ et la nôtre : notre prière est seulement en vue d'une nécessité, alors que la prière du Christ est davantage pour notre instruction ; il n'y avait en effet pour lui aucune nécessité de prier, puisque c'est lui qui, avec le Père, exauce ceux qui prient.
Et pour cela il nous a instruits à la fois par la parole et par le geste. Par le geste, en LEVANT LES YEUX, afin que nous aussi, dans notre prière, nous levions les yeux vers le ciel - Vers toi j'ai levé les yeux, vers toi qui habites dans les deux . Et pas seulement les yeux, mais aussi tous nos actes, en les rapportant à Dieu - Levons nos cœurs avec nos mains vers le Seigneur, dans les deux.
c) Les paroles de sa prière.
Il nous a instruits par la parole aussi, car il a exprimé ouvertement sa prière. C'est pourquoi l'Évangéliste dit IL DIT, c'est-à-dire pour instruire en priant ceux qu'il avait instruits en les enseignant. Car ce sont non seulement les paroles du Christ mais aussi ses actes qui nous instruisent.
2180. Les paroles de sa prière sont efficaces, et cette efficacité est causée par trois choses. D'abord par l'amour de celui qui prie ; c'est en effet le Fils qui prie le Père, lui à qui il appartient, en raison de son amour, de chercher le Père et de le supplier. C'est pourquoi il dit PÈRE, pour nous faire comprendre que nous devons prier Dieu avec un amour filial - Tu m'appelleras Père et sans cesse tu marcheras à ma suite.
Deuxièmement, par la nécessité de prier, et c'est pourquoi il dit : ELLE EST VENUE L'HEURE de ma Passion, dont il est dit auparavant : Mon heure n'est pas encore venue. L'HEURE, dis-je, et non pas le moment, non pas le jour, parce qu'il allait être arrêté aussitôt. Non pas l'heure selon une nécessité fatale, mais l'heure selon Tordre de sa sagesse et de son bon plaisir. Et, comme il allait supplier, il convenait qu'il mît en avant ses tribulations, parce que c'est surtout dans les tribulations que Dieu exauce - Dans les tourments j'ai crié vers le Seigneur et il m'a exaucé. - Puisque nous ignorons ce que nous devons faire, nous n'avons plus qu'à diriger nos yeux vers toi.
Troisièmement, par le contenu de sa demande, et c'est pourquoi il dit : GLORIFIE TON FILS.
2181. Mais puisque le Fils de Dieu est la Sagesse même et puisque cette sagesse a la plus grande gloire - C'est une sagesse glorieuse qui jamais ne se ternit -, comment peut-on dire que la gloire est glorifiée, d'autant plus qu'il est lui-même splendeur du Père ?
Il faut dire que le Christ demandait à être glorifié par le Père de trois manières. A savoir dans sa Passion, et cela par les nombreux miracles qui alors furent manifestés lorsque le soleil s'obscurcit, que le rideau du Temple se déchira et que les tombeaux s'ouvrirent. Et à ce sujet il est dit plus haut : Et je l'ai glorifié, c'est-à-dire par les miracles, avant la Passion, et de nouveau je le glorifierai - dans la Passion. C'est pourquoi il dit en ce sens : Glorifie-moi, dans ma Passion, en montrant que je suis ton Fils : GLORIFIE TON FILS. Aussi le centurion, à la vue de ces miracles, a-t-il dit : Celui-ci était vraiment le Fils de Dieu.
Le Christ demandait à être glorifié par le Père aussi dans sa Résurrection. En effet, cette âme sainte fut toujours conjointe à Dieu , ayant la gloire qui vient de la vision de Dieu - Nous avons vu sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique plein de grâce et de vérité. Car dès le début de sa conception il eut, quant à son âme, la gloire , mais dans la Résurrection, il eut la splendeur de la gloire (gloriae claritatem) du corps, dont il est dit : Il transfigurera notre corps de misère pour le configurer à son corps de gloire .
Enfin, dans la connaissance qu'auraient de lui tous les peuples - Grâce à elle [la sagesse], j'aurai la gloire parmi les foules.
Et ainsi il dit : GLORIFIE TON FILS, c'est-à-dire : manifeste au monde entier que je suis ton Fils,c'est-à-dire ton propre Fils. Et cela de naissance, non pas par création, contre Arius qui dit que le Fils de Dieu est une créature ; en vérité et non pas par dénomination, contre Sabellius qui dit que c'est le même qui est nommé Père et qui est nommé Fils ; enfin par l'origine et non par adoption, contre Nestorius qui dit que le Christ est Fils adoptif.
B. LE CHRIST INDIQUE LE FRUIT DE SA DEMANDE
2182. Ici est montré le fruit de la glorification. D'abord il présente le fruit, ensuite il l'explicite [n° 2184].
a) Le Christ présente le fruit de sa demande.
2183. Il faut savoir qu'Arius, entendant le Seigneur dire GLORIFIE TON FILS, a conjecturé que le Père est plus grand que le Fils, ce qui est vrai certes selon l'humanité - Le Père est plus grand que moi. Et c'est pourquoi, pour montrer son égalité avec le Père selon la divinité, le Christ ajoute : AFIN QUE TON FILS TE GLORIFIE, à savoir dans la connaissance des hommes. La gloire en effet est une connaissance lumineuse accompagnée de louange. Autrefois, en effet, Dieu était manifeste chez les Juifs, parce qu'en Juda Dieu est connu. Mais après cela, c'est par le Fils qu'il fut connu par le monde entier. Mais les hommes saints eux aussi, par leurs bonnes œuvres, permettent une connaissance de Dieu plus lumineuse - Qu'ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les deux. - Moi, je ne cherche pas ma gloire : II en est un qui la cherche, et qui juge.
b) Le Christ explicite le fruit de sa demande.
2184. Maintenant le Christ explicite pour nous le fruit de sa demande et d'abord il expose le bienfait conféré par lui aux hommes ; deuxièmement, il montre que ce bienfait appartient à la gloire du Père [n° 2186].
2185. Il faut savoir en effet que l'intention de tout agent qui agit par un autre est d'amener son effet à manifester sa cause : car par l'action d'un principe qui provient d'un principe, est manifesté le principe lui-même. Or tout ce qu'a le Fils, il le tient du Père, aussi faut-il que par tout ce qu'il fait, il manifeste le Père, et c'est pourquoi il dit : TU LUI AS DONNÉ PUISSANCE sur tous les hommes. Mais le Fils lui aussi, par cette puissance, doit les conduire à la connaissance de toi, connaissance qui est la vie éternelle.
Et c'est le sens de : COMME TU LUI AS DONNÉ PUISSANCE SUR TOUTE CHAIR, c'est-à-dire sur tout homme - Et toute chair verra le salut de Dieu. TU [LA] LUI AS DONNÉE, dis-je, selon Hilaire, en lui donnant la nature divine par la génération éternelle qui lui donne le pouvoir de contenir toutes choses - Tout m'a été remis par mon Père, et plus haut : Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu'il fait. Ou bien, TU [LA] LUI AS DONNÉE, au Christ dans son humanité, en tant qu'elle participe à la personne de ton Fils, afin qu'ainsi la chair ait pouvoir sur la chair - Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. - II lui a donné, au Fils de l'homme, la puissance et l'honneur et le règne.
Pour cette raison il dit : TU LUI AS DONNÉ, afin que, de même que tu as un pouvoir tel que tu ne reçois rien de l'homme, mais que c'est toi qui te donnes à lui, de même tu te donnes au Christ homme, AFIN QUE (...) À TOUS CEUX QUE TU LUI AS DONNÉS par la prédestination éternelle, IL DONNE, à ceux qui lui ont été ainsi donnés, LA VIE ÉTERNELLE - Mes brebis écoutent ma voix, et moi je les connais.
2186. Mais la vie éternelle donnée aux hommes appartient-elle à la gloire du Père ? Oui, parce que LA VIE ÉTERNELLE, C'EST QU'ILS TE CONNAISSENT, TOI, LE SEUL VRAI DIEU, ET CELUI QUE TU AS ENVOYÉ, JÉSUS CHRIST, c'est-à-dire pour que le Père soit glorifié dans la connaissance que les hommes ont de lui.
Mais ici il faut préciser deux choses. D'abord ce qu'il dit : OR LA VIE ÉTERNELLE, C'EST QU'ILS TE CONNAISSENT. À ce propos il faut savoir qu'à proprement parler, sont dites vivantes les réalités qui se meuvent elles-mêmes en vue de leur opération. En effet, toutes les réalités qui ne sont mues que par d'autres ne sont pas dites vivantes, mais mortes. C'est pourquoi toutes les opérations vers lesquelles le sujet se meut lui-même sont appelées opérations vitales ; ainsi vouloir, connaître (intelligere), sentir, croître, se mouvoir...
On dit que quelque chose « vit » de deux manières : ou bien parce qu'il possède en puissance les opérations vitales et ainsi, quand il dort, on dit qu'il vit selon la vie sensitive parce qu'il a la puissance de se mouvoir, bien qu'il ne se meuve pas en acte ; ou bien parce que déjà il exerce en acte les opérations vitales, et alors on dit qu'il vit quelque chose de manière parfaite c'est pourquoi le sommeil est une demi-vie.
Or, parmi les opérations vitales, la plus élevée est celle de l'intelligence, qui est l'intellection, et c'est pourquoi l'opération de l'intelligence est au plus haut point la vie. Or, de même que la sensation en acte est semblable au sensible en acte, ainsi celui qui intellige en acte est la chose intelligée en acte. Donc, puisque l'intelligence est la vie et qu'intelliger c'est vivre, il s'ensuit qu'intelliger une réalité éternelle est la vie éternelle. Or Dieu est éternel, donc intelliger Dieu et le voir est une vie éternelle.
Et c'est pourquoi le Seigneur dit que la vie éternelle consiste principalement, selon toute sa substance, en une vision. Certes l'amour nous meut vers elle et en est un certain achèvement : car de la joie causée par la jouissance divine, que réalise la charité, naissent l'achèvement et la beauté de la béatitude, mais sa substance consiste en une vision - Nous le verrons comme il est.
2187. Il est manifeste en effet que le Christ s'adressait à son Père. Et puisqu'il dit : TOI, LE SEUL VRAI DIEU, il semblerait que seul Dieu le Père soit vrai Dieu. Ce que les ariens acceptent, eux qui disent que le Fils diffère du Père par l'essence, puisqu'il est une substance créée, mais que cependant parmi toutes les créatures il participe davantage et plus parfaitement à la divinité du Père en tant qu'il est appelé Dieu, mais non pas vrai Dieu, parce qu'il n'est pas Dieu par nature, ce que seul le Père est.
Cependant Hilaire réfute cela. Il s'avère en effet que lorsque nous voulons savoir d'une réalité si elle est vraie, nous pouvons le savoir en fonction de deux choses : d'après sa nature et d'après sa puissance. En effet, est vrai l'or qui a la vraie espèce de l'or, ce que nous constatons s'il fait l'œuvre de l'or vrai. Si donc nous considérons, à propos du Fils, qu'il a la vraie nature de Dieu, et cela parce qu'il réalise l'œuvre vraie de la divinité, il est manifeste qu'il est vrai Dieu. Quant au fait que le Fils réalise les œuvres vraies de la divinité, cela apparaît plus haut : Tout ce que fait le Père, le Fils aussi le fait pareillement. Et il dit de nouveau : De même que le Père a la vie en lui-même, certes non pas participée, de même il a aussi donné au Fils d'avoir la vie en lui-même. - Pour que nous soyons en son vrai Fils Jésus Christ. Celui-ci est le vrai Dieu et la vie éternelle .
Or il dit TOI, LE SEUL VRAI DIEU, selon Hilaire, sans exclure quelque chose. C'est pourquoi il ne dit pas de manière absolue TOI, LE SEUL, mais il ajoute : ET CELUI QUE TU AS ENVOYÉ, JÉSUS CHRIST, comme s'il disait : pour qu'ils connaissent que toi, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ, êtes un seul et vrai Dieu, selon cette expression : « Toi seul est le Très-Haut, Jésus Christ, avec le Saint-Esprit. » Dans sa prière le Christ ne parle pas de l'Esprit Saint, parce que chaque fois que sont mentionnés le Père et le Fils, et principalement en ce qui appartient à la majesté de la divinité, l'Esprit Saint est inclus (cointelligitur), lui qui est le nœud des deux.
2188. Ou bien, selon Augustin, il dit cela pour exclure l'erreur de ceux qui affirment qu'il est faux de dire : Le Père est Dieu, le Fils est Dieu, l'Esprit Saint est Dieu ; mais cela est vrai : Le Père, le Fils et l'Esprit Saint sont un seul Dieu.
Et le raisonnement de ceux-là était que, selon ce que dit l'Apôtre, le Christ est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Or il est manifeste que nul ne peut dire que quelqu'un est Dieu s'il n'a pas la puissance et la sagesse divines. Et donc, puisque ceux-là voulaient que le Père fût la Sagesse, qui est le Fils, ils disaient en outre que le Père sans le Fils ne serait pas considéré comme Dieu ; donc, pour exclure cela il dit : C'EST QU'ILS TE CONNAISSENT, TOI, LE SEUL VRAI DIEU, comme si le Père sans le Fils pouvait être considéré comme Dieu, et de même le Fils et l'Esprit Saint. Et parce que dans sa mission est signifiée l'Incarnation du Fils de Dieu, par le fait même qu'il dit : ET CELUI QUE TU AS ENVOYÉ, JÉSUS CHRIST, il nous est donné à entendre que, dans la vie éternelle, nous nous réjouirons aussi de l'humanité du Christ - Ils verront le roi, le Christ, dans sa beauté, et plus haut : Il entrera et trouvera des pâturages.
a) L'ordre de sa prière.
2178. L'ordre de cette prière est opportun, parce qu'elle vient après une exhortation. En cela le Seigneur nous donne un exemple, afin que, ceux que nous instruisons par la parole, nous les aidions par le suffrage de nos prières, parce que c'est quand elle est soutenue par la prière où on implore le secours divin que la parole divine a le plus grand effet dans le cœur de ceux qui l'écoutent - Frères, priez aussi ensemble pour nous, afin que Dieu nous ouvre la porte de sa parole. Aussi la fin de notre parole doit-elle s'achever dans la prière divine - L'accomplissement des paroles, c'est Lui en toutes choses.
b) Sa manière de prier.
2179. La manière de prier convient bien. Il y a en effet une différence entre la prière du Christ et la nôtre : notre prière est seulement en vue d'une nécessité, alors que la prière du Christ est davantage pour notre instruction ; il n'y avait en effet pour lui aucune nécessité de prier, puisque c'est lui qui, avec le Père, exauce ceux qui prient.
Et pour cela il nous a instruits à la fois par la parole et par le geste. Par le geste, en LEVANT LES YEUX, afin que nous aussi, dans notre prière, nous levions les yeux vers le ciel - Vers toi j'ai levé les yeux, vers toi qui habites dans les deux . Et pas seulement les yeux, mais aussi tous nos actes, en les rapportant à Dieu - Levons nos cœurs avec nos mains vers le Seigneur, dans les deux.
c) Les paroles de sa prière.
Il nous a instruits par la parole aussi, car il a exprimé ouvertement sa prière. C'est pourquoi l'Évangéliste dit IL DIT, c'est-à-dire pour instruire en priant ceux qu'il avait instruits en les enseignant. Car ce sont non seulement les paroles du Christ mais aussi ses actes qui nous instruisent.
2180. Les paroles de sa prière sont efficaces, et cette efficacité est causée par trois choses. D'abord par l'amour de celui qui prie ; c'est en effet le Fils qui prie le Père, lui à qui il appartient, en raison de son amour, de chercher le Père et de le supplier. C'est pourquoi il dit PÈRE, pour nous faire comprendre que nous devons prier Dieu avec un amour filial - Tu m'appelleras Père et sans cesse tu marcheras à ma suite.
Deuxièmement, par la nécessité de prier, et c'est pourquoi il dit : ELLE EST VENUE L'HEURE de ma Passion, dont il est dit auparavant : Mon heure n'est pas encore venue. L'HEURE, dis-je, et non pas le moment, non pas le jour, parce qu'il allait être arrêté aussitôt. Non pas l'heure selon une nécessité fatale, mais l'heure selon Tordre de sa sagesse et de son bon plaisir. Et, comme il allait supplier, il convenait qu'il mît en avant ses tribulations, parce que c'est surtout dans les tribulations que Dieu exauce - Dans les tourments j'ai crié vers le Seigneur et il m'a exaucé. - Puisque nous ignorons ce que nous devons faire, nous n'avons plus qu'à diriger nos yeux vers toi.
Troisièmement, par le contenu de sa demande, et c'est pourquoi il dit : GLORIFIE TON FILS.
2181. Mais puisque le Fils de Dieu est la Sagesse même et puisque cette sagesse a la plus grande gloire - C'est une sagesse glorieuse qui jamais ne se ternit -, comment peut-on dire que la gloire est glorifiée, d'autant plus qu'il est lui-même splendeur du Père ?
Il faut dire que le Christ demandait à être glorifié par le Père de trois manières. A savoir dans sa Passion, et cela par les nombreux miracles qui alors furent manifestés lorsque le soleil s'obscurcit, que le rideau du Temple se déchira et que les tombeaux s'ouvrirent. Et à ce sujet il est dit plus haut : Et je l'ai glorifié, c'est-à-dire par les miracles, avant la Passion, et de nouveau je le glorifierai - dans la Passion. C'est pourquoi il dit en ce sens : Glorifie-moi, dans ma Passion, en montrant que je suis ton Fils : GLORIFIE TON FILS. Aussi le centurion, à la vue de ces miracles, a-t-il dit : Celui-ci était vraiment le Fils de Dieu.
Le Christ demandait à être glorifié par le Père aussi dans sa Résurrection. En effet, cette âme sainte fut toujours conjointe à Dieu , ayant la gloire qui vient de la vision de Dieu - Nous avons vu sa gloire, gloire qu'il tient de son Père comme Fils unique plein de grâce et de vérité. Car dès le début de sa conception il eut, quant à son âme, la gloire , mais dans la Résurrection, il eut la splendeur de la gloire (gloriae claritatem) du corps, dont il est dit : Il transfigurera notre corps de misère pour le configurer à son corps de gloire .
Enfin, dans la connaissance qu'auraient de lui tous les peuples - Grâce à elle [la sagesse], j'aurai la gloire parmi les foules.
Et ainsi il dit : GLORIFIE TON FILS, c'est-à-dire : manifeste au monde entier que je suis ton Fils,c'est-à-dire ton propre Fils. Et cela de naissance, non pas par création, contre Arius qui dit que le Fils de Dieu est une créature ; en vérité et non pas par dénomination, contre Sabellius qui dit que c'est le même qui est nommé Père et qui est nommé Fils ; enfin par l'origine et non par adoption, contre Nestorius qui dit que le Christ est Fils adoptif.
B. LE CHRIST INDIQUE LE FRUIT DE SA DEMANDE
2182. Ici est montré le fruit de la glorification. D'abord il présente le fruit, ensuite il l'explicite [n° 2184].
a) Le Christ présente le fruit de sa demande.
2183. Il faut savoir qu'Arius, entendant le Seigneur dire GLORIFIE TON FILS, a conjecturé que le Père est plus grand que le Fils, ce qui est vrai certes selon l'humanité - Le Père est plus grand que moi. Et c'est pourquoi, pour montrer son égalité avec le Père selon la divinité, le Christ ajoute : AFIN QUE TON FILS TE GLORIFIE, à savoir dans la connaissance des hommes. La gloire en effet est une connaissance lumineuse accompagnée de louange. Autrefois, en effet, Dieu était manifeste chez les Juifs, parce qu'en Juda Dieu est connu. Mais après cela, c'est par le Fils qu'il fut connu par le monde entier. Mais les hommes saints eux aussi, par leurs bonnes œuvres, permettent une connaissance de Dieu plus lumineuse - Qu'ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les deux. - Moi, je ne cherche pas ma gloire : II en est un qui la cherche, et qui juge.
b) Le Christ explicite le fruit de sa demande.
2184. Maintenant le Christ explicite pour nous le fruit de sa demande et d'abord il expose le bienfait conféré par lui aux hommes ; deuxièmement, il montre que ce bienfait appartient à la gloire du Père [n° 2186].
2185. Il faut savoir en effet que l'intention de tout agent qui agit par un autre est d'amener son effet à manifester sa cause : car par l'action d'un principe qui provient d'un principe, est manifesté le principe lui-même. Or tout ce qu'a le Fils, il le tient du Père, aussi faut-il que par tout ce qu'il fait, il manifeste le Père, et c'est pourquoi il dit : TU LUI AS DONNÉ PUISSANCE sur tous les hommes. Mais le Fils lui aussi, par cette puissance, doit les conduire à la connaissance de toi, connaissance qui est la vie éternelle.
Et c'est le sens de : COMME TU LUI AS DONNÉ PUISSANCE SUR TOUTE CHAIR, c'est-à-dire sur tout homme - Et toute chair verra le salut de Dieu. TU [LA] LUI AS DONNÉE, dis-je, selon Hilaire, en lui donnant la nature divine par la génération éternelle qui lui donne le pouvoir de contenir toutes choses - Tout m'a été remis par mon Père, et plus haut : Le Père aime le Fils et lui montre tout ce qu'il fait. Ou bien, TU [LA] LUI AS DONNÉE, au Christ dans son humanité, en tant qu'elle participe à la personne de ton Fils, afin qu'ainsi la chair ait pouvoir sur la chair - Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. - II lui a donné, au Fils de l'homme, la puissance et l'honneur et le règne.
Pour cette raison il dit : TU LUI AS DONNÉ, afin que, de même que tu as un pouvoir tel que tu ne reçois rien de l'homme, mais que c'est toi qui te donnes à lui, de même tu te donnes au Christ homme, AFIN QUE (...) À TOUS CEUX QUE TU LUI AS DONNÉS par la prédestination éternelle, IL DONNE, à ceux qui lui ont été ainsi donnés, LA VIE ÉTERNELLE - Mes brebis écoutent ma voix, et moi je les connais.
2186. Mais la vie éternelle donnée aux hommes appartient-elle à la gloire du Père ? Oui, parce que LA VIE ÉTERNELLE, C'EST QU'ILS TE CONNAISSENT, TOI, LE SEUL VRAI DIEU, ET CELUI QUE TU AS ENVOYÉ, JÉSUS CHRIST, c'est-à-dire pour que le Père soit glorifié dans la connaissance que les hommes ont de lui.
Mais ici il faut préciser deux choses. D'abord ce qu'il dit : OR LA VIE ÉTERNELLE, C'EST QU'ILS TE CONNAISSENT. À ce propos il faut savoir qu'à proprement parler, sont dites vivantes les réalités qui se meuvent elles-mêmes en vue de leur opération. En effet, toutes les réalités qui ne sont mues que par d'autres ne sont pas dites vivantes, mais mortes. C'est pourquoi toutes les opérations vers lesquelles le sujet se meut lui-même sont appelées opérations vitales ; ainsi vouloir, connaître (intelligere), sentir, croître, se mouvoir...
On dit que quelque chose « vit » de deux manières : ou bien parce qu'il possède en puissance les opérations vitales et ainsi, quand il dort, on dit qu'il vit selon la vie sensitive parce qu'il a la puissance de se mouvoir, bien qu'il ne se meuve pas en acte ; ou bien parce que déjà il exerce en acte les opérations vitales, et alors on dit qu'il vit quelque chose de manière parfaite c'est pourquoi le sommeil est une demi-vie.
Or, parmi les opérations vitales, la plus élevée est celle de l'intelligence, qui est l'intellection, et c'est pourquoi l'opération de l'intelligence est au plus haut point la vie. Or, de même que la sensation en acte est semblable au sensible en acte, ainsi celui qui intellige en acte est la chose intelligée en acte. Donc, puisque l'intelligence est la vie et qu'intelliger c'est vivre, il s'ensuit qu'intelliger une réalité éternelle est la vie éternelle. Or Dieu est éternel, donc intelliger Dieu et le voir est une vie éternelle.
Et c'est pourquoi le Seigneur dit que la vie éternelle consiste principalement, selon toute sa substance, en une vision. Certes l'amour nous meut vers elle et en est un certain achèvement : car de la joie causée par la jouissance divine, que réalise la charité, naissent l'achèvement et la beauté de la béatitude, mais sa substance consiste en une vision - Nous le verrons comme il est.
2187. Il est manifeste en effet que le Christ s'adressait à son Père. Et puisqu'il dit : TOI, LE SEUL VRAI DIEU, il semblerait que seul Dieu le Père soit vrai Dieu. Ce que les ariens acceptent, eux qui disent que le Fils diffère du Père par l'essence, puisqu'il est une substance créée, mais que cependant parmi toutes les créatures il participe davantage et plus parfaitement à la divinité du Père en tant qu'il est appelé Dieu, mais non pas vrai Dieu, parce qu'il n'est pas Dieu par nature, ce que seul le Père est.
Cependant Hilaire réfute cela. Il s'avère en effet que lorsque nous voulons savoir d'une réalité si elle est vraie, nous pouvons le savoir en fonction de deux choses : d'après sa nature et d'après sa puissance. En effet, est vrai l'or qui a la vraie espèce de l'or, ce que nous constatons s'il fait l'œuvre de l'or vrai. Si donc nous considérons, à propos du Fils, qu'il a la vraie nature de Dieu, et cela parce qu'il réalise l'œuvre vraie de la divinité, il est manifeste qu'il est vrai Dieu. Quant au fait que le Fils réalise les œuvres vraies de la divinité, cela apparaît plus haut : Tout ce que fait le Père, le Fils aussi le fait pareillement. Et il dit de nouveau : De même que le Père a la vie en lui-même, certes non pas participée, de même il a aussi donné au Fils d'avoir la vie en lui-même. - Pour que nous soyons en son vrai Fils Jésus Christ. Celui-ci est le vrai Dieu et la vie éternelle .
Or il dit TOI, LE SEUL VRAI DIEU, selon Hilaire, sans exclure quelque chose. C'est pourquoi il ne dit pas de manière absolue TOI, LE SEUL, mais il ajoute : ET CELUI QUE TU AS ENVOYÉ, JÉSUS CHRIST, comme s'il disait : pour qu'ils connaissent que toi, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ, êtes un seul et vrai Dieu, selon cette expression : « Toi seul est le Très-Haut, Jésus Christ, avec le Saint-Esprit. » Dans sa prière le Christ ne parle pas de l'Esprit Saint, parce que chaque fois que sont mentionnés le Père et le Fils, et principalement en ce qui appartient à la majesté de la divinité, l'Esprit Saint est inclus (cointelligitur), lui qui est le nœud des deux.
2188. Ou bien, selon Augustin, il dit cela pour exclure l'erreur de ceux qui affirment qu'il est faux de dire : Le Père est Dieu, le Fils est Dieu, l'Esprit Saint est Dieu ; mais cela est vrai : Le Père, le Fils et l'Esprit Saint sont un seul Dieu.
Et le raisonnement de ceux-là était que, selon ce que dit l'Apôtre, le Christ est puissance de Dieu et sagesse de Dieu. Or il est manifeste que nul ne peut dire que quelqu'un est Dieu s'il n'a pas la puissance et la sagesse divines. Et donc, puisque ceux-là voulaient que le Père fût la Sagesse, qui est le Fils, ils disaient en outre que le Père sans le Fils ne serait pas considéré comme Dieu ; donc, pour exclure cela il dit : C'EST QU'ILS TE CONNAISSENT, TOI, LE SEUL VRAI DIEU, comme si le Père sans le Fils pouvait être considéré comme Dieu, et de même le Fils et l'Esprit Saint. Et parce que dans sa mission est signifiée l'Incarnation du Fils de Dieu, par le fait même qu'il dit : ET CELUI QUE TU AS ENVOYÉ, JÉSUS CHRIST, il nous est donné à entendre que, dans la vie éternelle, nous nous réjouirons aussi de l'humanité du Christ - Ils verront le roi, le Christ, dans sa beauté, et plus haut : Il entrera et trouvera des pâturages.
La première moitié de ce verset forme
une petite introduction historique, pleine de suavité. On dirait que le narrateur combine ici toutes les paroles
de Notre Seigneur qu’il a antérieurement relatés. Il y ajoute cette note simple et sublime : les yeux levés au
ciel. Ce geste convenait merveilleusement à la circonstance, car il marquait une confiance filiale, la certitude
d’être exaucé. Cf. 6, 5 ; 11, 41. Quel contraste avec l’attitude de Jésus à Gethsémani dans quelques instants :
Cf. Matth. 26, 39. - Et dit : au milieu du silence ému des onze apôtres. - Père (Marc. 14, 36 ; Rom. 8, 15 ;
Gal. 4, 6), tel fut le premier mot de la prière du Sauveur, laquelle est en réalité constamment la prière d’un
fils à son père. Nous le retrouverons cinq autres fois : vv. 5, 11, 21, 24, 25 (deux fois avec une épithète, vv.
11 et 25). C’est aussi le premier mot de la formule d’intercession que le Seigneur nous a laissée, Matth. 6, 9.
- L’heure est venue. La voilà, cette heure depuis si longtemps annoncée (Cf. 2, 4), et préparée par les crises
multiples que le disciple bien-aimé a exposées avec la plus admirable fidélité. - Glorifiez votre fils. Le v. 5
dira de quelle manière Jésus souhaite d’être glorifié. Votre fils, dont la gloire doit vous être si chère. Il eût été
beaucoup moins expressif de dire : Glorifiez-moi ! - Afin que votre Fils vous glorifie. Voyez, sur cette
réciprocité de glorification, 13, 31, 32 et le commentaire.
Marie est présente à Cana de Galilée en tant que Mère de Jésus et il est significatif qu'elle contribue au «commencement des signes» qui révèlent la puissance messianique de son Fils: «Or il n'y avait plus de vin. La Mère de Jésus lui dit: "Ils n'ont pas de vin". Jésus lui dit: "Que me veux-tu, femme? Mon heure n'est pas encore arrivée"» (Jn 2, 3-4). Dans l'Evangile de Jean, cette «heure» signifie le moment fixé par le Père où le Fils accomplit son œuvre et doit être glorifié (cf. Jn 7, 30; 8, 20; 12, 23. 27; 13, 1; 17, 1; 19, 27). Même si la réponse de Jésus à sa Mère paraît s'entendre comme un refus (surtout si l'on considère, plus que la question, l'affirmation tranchante: «Mon heure n'est pas encore arrivée»), Marie ne s'en adresse pas moins aux servants et leur dit: «Tout ce qu'il vous dira, faites-le» (Jn 2, 5). Jésus ordonne alors aux servants de remplir d'eau les jarres, et l'eau devient du vin meilleur que celui qui avait été d'abord servi aux hôtes du banquet nuptial.