Jean 17, 11

Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. Père saint, garde-les unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes.

Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. Père saint, garde-les unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes.
Saint Jean Chrysostome
A l'approche de sa mort, le Sauveur s'écriait: Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils (Jn 17,1). Or, sa gloire, c'est la croix. Comment donc pourrait-il avoir cherché à éviter ce qu'il sollicite à un autre moment? Que sa gloire soit la croix, l'Évangile nous l'enseigne en disant: L'Esprit Saint n'avait pas encore été donné, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié (Jn 7,39). Voici le sens de cette parole: la grâce n'avait pas encore été donnée, parce que le Christ n'était pas encore monté sur la croix pour mettre fin à l'hostilité entre Dieu et les hommes. En effet, c'est la croix qui a réconcilié les hommes avec Dieu, qui a fait de la terre un ciel, qui a réuni les hommes aux anges. Elle a renversé la citadelle de la mort, détruit la puissance du démon, délivré la terre de l'erreur, posé les fondements de l'Église. La croix, c'est la volonté du Père, la gloire du Fils, la jubilation de l'Esprit Saint. Elle est l'orgueil de saint Paul: Que la croix de notre Seigneur Jésus Christ reste mon seul orgueil (Ga 6,14)!

La croix est plus éclatante que le soleil, plus brillante que ses rayons. Car, lorsque le soleil s'obscurcit, c'est alors que la croix étincelle; et le soleil s'obscurcit non en ce sens qu'il serait anéanti, mais qu'il est vaincu par la splendeur de la croix. La croix a déchiré l'acte de notre condamnation, elle a brisé les chaînes de la mort. La croix est la manifestation de l'amour de Dieu: Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas (Jn 3,16).

La croix a ouvert le paradis, elle y a introduit le malfaiteur et elle a ramené au Royaume des cieux le genre humain voué à la mort, devenu indigne de la terre elle-même.

Puisque tous ces biens nous sont venus et nous viennent encore par la croix, comment le Sauveur aurait-il pu la refuser? Et s'il ne l'avait pas voulue, qui aurait pu l'y forcer? Pourquoi aurait-il envoyé des prophètes annoncer qu'il serait crucifié, si cela ne devait pas se faire, et qu'il ne l'eût pas voulu? Pour quel motif désignait-il la croix par le mot de "coupe", s'il ne voulait pas être crucifié? C'est ainsi qu'il montre combien il la désirait. De même que boire une coupe est doux aux assoiffés, de même pour lui être mis en croix. C'est pourquoi il a déclaré: J'ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous (Lc 22,15), quand il savait qu'il serait crucifié le lendemain.

Lui qui appelle ce sacrifice "sa gloire", qui réprimande le disciple qui veut l'en détourner, qui se fait reconnaître pour le Bon Pasteur à ce qu'il donne sa vie pour ses brebis, lui qui affirme désirer ardemment l'heure de sa Passion et qui s'y présente de son plein gré, comment demanderait-il qu'elle n'ait pas lieu?
Saint Cyrille d'Alexandrie
Notre Sauveur affirme avoir glorifié le nom de Dieu son Père, ce qui veut dire qu'il a rendu sa gloire illustre et éclatante par toute la terre. Comment cela? En se montrant lui-même son témoin et son annonciateur par des oeuvres extraordinaires. En effet, le Père est glorifié dans le Fils, comme dans une image et une empreinte de sa forme et de sa figure. Car les empreintes reflètent toujours la beauté de leurs archétypes.

Donc, le Fils unique a été glorifié, lui qui est substantiellement la sagesse et la vie, le créateur et l'architecte de l'univers, plus fort que la mort et la corruption, pur, immaculé, miséricordieux, saint, plein de bonté. Que son Père soit tout cela, c'est évident, car il ne peut pas différer en sa nature de celui qui procède de lui par nature. Le Père a donc rayonné dans la gloire du Fils comme dans l'image et l'empreinte de sa forme.

Le Fils a fait connaître le nom du Père non seulement en le révélant et en nous donnant un enseignement exact sur sa divinité. Car tout cela était proclamé avant la venue du Fils, par l'Écriture inspirée. Mais aussi en nous enseignant non seulement qu'il est vraiment Dieu, mais qu'il est aussi vraiment Père, et vraiment qualifié ainsi, ayant en lui-même et produisant hors de lui-même son Fils, co-éternel à sa nature.

Le nom de Père convient à Dieu plus proprement que le nom de Dieu: celui-ci est un nom de dignité, celui-là signifie une propriété substantielle. Car qui dit Dieu dit le Seigneur de l'univers. Mais celui qui nomme le Père précise la propriété de la personne: il montre que c'est lui qui engendre. Que ce nom de Père soit plus vrai et plus propre que celui de Dieu, le Fils lui-même nous le montre par l'emploi qu'il en fait. Il disait parfois, non pas "Moi et Dieu" mais: Moi et le Père, nous sommes un (Jn 10,30). Et il disait aussi: C'est lui, le Fils, que Dieu le Père a marqué de son empreinte (Jn 6,27).

Mais quand il a prescrit à ses disciples de baptiser toutes les nations, il a expressément ordonné que cela se ferait non pas au nom de Dieu, mais au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Saint Thomas d'Aquin
2205. À présent sont exposées, du point de vue du Christ, les raisons de sa prière. Il donne pour cela trois raisons.

2206. La première se prend du pouvoir qu'il avait reçu sur eux, et c'est pour cela qu'il dit : MOI JE PRIE POUR EUX - à savoir les disciples. D'abord il donne la raison elle-même, puis il l'explicite.

La raison pour laquelle une personne doit être écoutée et doit prier pour d'autres est si celles-là lui appartiennent de manière spéciale. Les prières générales, en effet, sont moins exaucées. Et c'est pourquoi il dit : MOI JE PRIE POUR EUX ; JE NE PRIE PAS POUR LE MONDE, c'est-à-dire pour ceux qui aiment le monde, MAIS POUR CEUX QUE TU M'AS DONNÉS comme disciples et qui m'obéissent de manière spéciale, bien que toutes choses soient à moi selon ma puissance - Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage.

2207. Objection : il semble que le Christ a prié pour tous - Nous avons un avocat auprès du Père, Jésus Christ le juste ; c'est lui qui est victime de propitiation pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres mais aussi pour ceux du monde entier. - Lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité.

Je réponds : il faut dire que le Christ, en ce qui le concerne, a prié pour tous, parce que sa prière, en elle-même, a une efficacité telle qu'elle vaut pour le monde entier ; cependant tous n'en reçoivent pas l'effet, si ce n'est les saints et les élus de Dieu : et cela à cause des choses du monde qui y font obstacle.

2208. Et il explicite cette raison en disant : ils étaient à toi, à savoir par la prédestination éternelle. Mais ils n'étaient pas au Père sans être au Fils, et ils ne sont pas non plus donnés au Fils en étant retirés au Père. C'est pourquoi il dit : ET TOUT CE QUI EST À MOI EST À TOI, ET TOUT CE QUI EST À TOI EST À MOI, ce par quoi nous est montrée l'égalité du Fils au Père, lui qui, selon qu'il est Dieu, a de toute éternité tout ce que le Père a.

2209. Mais il faut remarquer que le Père possède les choses qui appartiennent à son essence comme la sagesse, la bonté et autres, qui ne sont rien d'autre que sa propre essence, et cela le Fils affirme qu'il les possède quand il parle de la procession de l'Esprit Saint : C'est de mon bien qu'il recevra et il vous l'annoncera ; et cela parce que Tout ce qu'a le Père est à moi. Et il dit « tout » parce que, bien qu'il n'y ait qu'une chose en réalité, cependant selon la raison il y en a beaucoup.

Deuxièmement, le Père a ce qui relève de la possession de la sainteté et qui lui est consacré par la foi, comme le sont tous les saints et les élus au sujet desquels il dit plus haut : Ils étaient à toi. Et toutes ces choses aussi, le Fils affirme qu'il les possède lorsqu'il dit à présent en parlant d'elles : ET TOUT CE QUI EST À TOI EST À MOI, c'est-à-dire parce qu'ils ont été prédestinés pour jouir du Fils, comme aussi du Père.

Troisièmement, le Père a par mode de possession toutes les réalités créées - Au Seigneur la terre et sa plénitude. Et toutes ces choses sont au Fils, comme on le voit dans la parabole du fils prodigue où le Père dit à son fils aîné : Tout ce qui est à moi est à toi.

2210. La seconde raison se prend de la gloire que le Christ avait en eux, et pour cela il dit : ET JE SUIS GLORIFIÉ EN EUX, parce qu'ils connaissaient déjà en partie sa gloire et ils allaient la connaître encore davantage - Ce n'est pas en suivant des fables sophistiquées que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de Notre-Seigneur Jésus Christ, mais après avoir été faits témoins oculaires de sa majesté .

2211. La troisième raison est liée à l'absence où il les laissait en les quittant selon son corps. Là il faut savoir qu'on dit de deux manières que quelque chose est dans le monde : à savoir en s'attachant au monde affectivement - Tout ce qui est dans le monde est concupiscence de la chair et concupiscence des yeux, et orgueil de la vie. Mais en ce sens il ne faut pas dire que le Christ n'est plus dans le monde, puisqu'il n'a jamais été dans le monde en s'y attachant affectivement. Mais il faut le comprendre selon un autre sens, c'est-à-dire que désormais il ne serait plus présent dans le monde par son corps, parce qu'arrivait le moment où, lui qui avait été dans le monde selon son corps, allait le quitter corporellement. ET EUX - c'est-à-dire ses disciples -SONT DANS LE MONDE, c'est-à-dire par leur corps ; ET MOI JE VIENS VERS TOI, selon que je suis homme, pour participer à ta gloire et être élevé jusqu'à ta droite. Et c'est pourquoi il est juste que je prie pour eux que je vais bientôt quitter corporellement.

B. LE CONTENU DE LA PRIÈRE DU CHRIST

2212. Après avoir donné les raisons pour lesquelles Jésus prie pour ses Apôtres, l'Évangéliste expose ici les demandes qu'il adresse pour eux. Premièrement il demande qu'ils soient gardés du mal, deuxièmement il demande leur sanctification dans le bien [n° 2228].

a) Il demande que ses disciples soient gardés.

Concernant le premier point, d'abord il demande que ses disciples soient gardés, puis il en montre la nécessité [n° 2215].

2213. Concernant le premier point, il faut considérer celui auquel il demande, puis ce qu'il demande, enfin pour qui et en vue de quoi il demande.

C'est au Père qu'il demande. C'est pourquoi il dit : PÈRE, et à juste titre parce que c'est lui qui est le principe [la source] de tout bien - Tout don excellent, toute donation parfaite vient d'en haut et descend du Père des lumières. Mais il ajoute SAINT, parce que c'est aussi en lui que résident le principe [la source] et l'origine de toute sainteté, et parce qu'ultimement c'est la sainteté qu'il demandait - Vous serez saints parce que moi, votre Seigneur Dieu, je suis saint. - Nul n'est saint comme le Seigneur.

II demande qu'ils soient gardés. C'est pourquoi il dit : GARDE, parce que selon le psaume : Si le Seigneur ne garde pas la cité, il veille en vain celui qui la garde. En effet notre bien ne consiste pas seulement en ce que nous tenons de Dieu l'être : il faut aussi que nous soyons gardés par lui. Parce que, comme le dit Grégoire, « toutes choses seraient ramenées au néant si la main du Tout-Puissant ne les tenait » - Celui qui porte tout par la puissance de sa parole. Et c'est pourquoi le psalmiste implorait : Garde-moi, Seigneur, parce que j'ai espéré en toi. Or l'homme est gardé du mal et du péché dans le nom de Dieu. C'est pourquoi il dit : EN TON NOM, c'est-à-dire par la puissance de ton nom et de ta connaissance, parce qu'en lui sont la gloire et notre salut - Ceux-ci se confient dans les chars, ceux-là dans les chevaux, mais nous c'est le nom du Seigneur notre Dieu que nous invoquerons .

Or il fait cette demande pour ceux qui lui ont été donnés - Examine toutes les œuvres de Dieu, personne ne peut corriger celui qu'il aura méprisé. Nul en effet ne peut être gardé du mal si ce n'est par l'élection divine, qu'il désigne en disant : CEUX QUE TU M'AS DONNÉS, c'est-à-dire par le don de ta grâce pour qu'ils s'attachent à moi - Tous ne saisissent pas cette parole, mais ceux auxquels cela est donné . En effet ce sont ceux qui sont ainsi donnés au Christ qui sont gardés du ma1.

II ajoute cela pour montrer en vue de quoi il demande qu'ils soient préservés. Et cela peut être rattaché de deux manières à ce qui précède. En un sens, « pour » (ut) désigne la manière de les garder ; le sens est alors : « Ils seront gardés de telle sorte qu'ils soient un. » Car toute réalité est gardée dans l'être aussi longtemps qu'elle est « une », et n'est pas divisée - Tout royaume divisé contre lui-même sera ruiné. Et c'est pourquoi l'Église peut être gardée, et les hommes aussi, à condition d'être un. En un autre sens, « pour » (ut) marque la fin de cette conservation ; le sens est alors : « Et c'est pour cela qu'ils sont gardés : pour qu'ils soient un. » Car c'est dans l'unité de l'esprit que réside toute notre perfection - Soucieux de garder l'unité de l'Esprit dans le lien de la paix. - Voyez qu'il est bon, qu'il est doux, d'habiter en frères dans l'unité.

2214. Mais il ajoute : COMME NOUS sommes un. On peut objecter cependant que s'ils sont un selon l'essence, nous aussi serons donc un par essence. Mais cela n'est pas vrai.

Voici la réponse. Il faut dire que la perfection de chaque homme n'est rien d'autre que la participation à la ressemblance divine. En effet, c'est dans la mesure où nous sommes bons que nous ressemblons à Dieu. Notre unité est donc parfaite en tant qu'elle participe de l'unité divine. Or l'unité est double dans les réalités divines : à savoir l'unité de nature - Moi et le Père nous sommes un - et l'unité d'amour dans le Père et le Fils, qui est l'unité de l'Esprit. Et l'une et l'autre sont en nous, non pas, certes, par égalité mais par une certaine similitude. En effet le Père et le Fils sont de même nature par le nombre ; mais nous, nous sommes un dans la nature selon l'espèce. De même eux sont un par un amour qui n'est pas participé, venant du don de quelqu'un, mais qui procède d'eux ; car le Père et le Fils s'aiment dans l'Esprit Saint, mais nous, nous nous aimons par un amour participé de quelqu'un de plus grand.

2215. Il expose la nécessité de cette conservation, nécessité qui provient de deux causes : premièrement de son départ, deuxièmement de la haine du monde [n° 2221].

La nécessité due à son départ

Concernant la première, il fait trois choses. Il commence par exposer cette ardeur à les garder que le Seigneur leur a montrée quand il était présent. Puis il laisse entendre son départ pour retourner vers le Père [n° 2219], Enfin, il donne la raison pour laquelle il prononce ces paroles [n° 2220].

Concernant le premier point il met en avant la manière de les garder, puis le fait qu'il se doit de les garder [n° 2217], enfin l'efficacité avec laquelle il les garde [n° 2218].

2216. La manière de les garder convient bien, parce que c'est par la puissance du Père. C'est pourquoi il dit : QUAND J'ÉTAIS AVEC EUX, c'est-à-dire par ma présence physique - Ensuite il est apparu sur terre et il a conversé avec les hommes -, moi, c'est-à-dire le Fils de l'homme, JE LES GARDAIS, c'est-à-dire je les protégeais du mal et du péché ; par une puissance non pas humaine, mais au contraire divine, car JE LES GARDAIS EN TON NOM, lequel est commun au Père, au Fils et au Saint-Esprit - Les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Espnt. Et cela est vrai parce que le Père et le Fils sont un seul Dieu et parce que dans le nom du Père est aussi compris le nom du Fils : est dit père celui qui a un fils.

Mais remarque qu'auparavant, alors qu'il avait nié avoir un démon, il ne nia pas qu'il était un Samaritain, c'est-à-dire un gardien, parce qu'il est un gardien - Veilleur, où en est la nuit ?, celle de ce monde. En effet lui-même, comme un berger, garde son troupeau.

2217. Il montre le devoir qu'il a de les garder. Un gardien, en effet, est tenu de garder ceux qui ont été confiés à sa garde - Garde cet homme. —Je me tiendrai à mon poste de garde. C'est ainsi que se tient le prélat quand il veille avec diligence sur ceux qui lui ont été confiés - II y avait des bergers dans la même région qui veillaient et qui gardaient leurs troupeaux pendant les veilles de la nuit.

2218. Et l'efficacité de la garde est parfaite parce qu'AUCUN D'EUX NE S'EST PERDU - Mes brebis écoutent ma voix (...) et nul ne les arrachera de ma main . - Que quiconque (...) croit en lui ait la vie éternelle !. Mais de cette efficacité, un seul est exclu, à savoir LE FILS DE PERDITION, c'est-à-dire Judas, appelé fils de perdition comme si d'avance il avait été connu et prédestiné à la perdition perpétuelle . Ainsi, en effet, certains assignés à la mort sont appelés fils de la mort - Vous tous êtes des fils de la mort. - Vous parcourez mer et terre ferme pour faire un seul disciple et vous en faites un fils de la mort, deux fois plus que vous .

Mais note ce que dit la Glose interlinéaire : « Fils de la mort », c'est-à-dire prédestiné à la perdition, bien que cependant on trouve rarement que la prédestination soit en vue d'un ma1. C'est pourquoi ici, cela est compris communément comme la science ou l'ordre de la sagesse de Dieu (ordinatione). La prédestination est toujours pour un bien, précisément parce qu'elle possède le double effet de la grâce et de la gloire. Et Dieu ordonne vers l'une et l'autre. Mais dans la réprobation il y a deux choses, la faute et la peine temporelles. Et Dieu ordonne seulement vers l'une des deux, à savoir la peine et non pour elle-même. POUR QUE L'ÉCRITURE, par laquelle tu as prédit que je serais trahi, S'ACCOMPLISSE - Dieu, ne tais pas ma louange parce que la bouche du pécheur et la bouche du méchant s'ouvrent contre moi.

2219. MAINTENANT JE VIENS VERS TOI, les quittant selon ma présence corporelle - De nouveau je quitte le monde et je vais vers le Père. Mais ces paroles dans le cœur de ceux qui comprennent mal pourraient engendrer le scandale de l'infidélité, comme s'il ne pouvait pas les garder en s'éloignant d'eux, ou comme si le Père auparavant ne les avait pas gardés. Mais assurément le Père aussi les gardait auparavant, c'est pourquoi il dit : JE LES GARDAIS EN TON NOM, et le Fils aussi après son départ pouvait les garder.

2220. C'est comme s'il disait : J'ai parlé comme un homme qui prie, mais JE DIS CES CHOSES pour la consolation de mes disciples qui pensent que je ne suis qu'un homme (hominem purum), afin qu'au moins ils soient consolés par le fait que c'est à toi, Père, toi qu'ils croient plus grand, que je les confie ; et qu'ils se réjouissent d'être sous la protection du Père. Et cela selon Chrysostome.

Ou bien, selon Augustin, ces paroles se rapportent à ce qu'il a dit plus haut : pour qu'ils soient un comme nous. Et ainsi elles expriment les fruits de l'unité, comme s'il disait : POUR QU'ILS AIENT EN EUX-MÊMES MA JOIE, ce qu'il a déjà exprimé auparavant, c'est-à-dire qu'ils se réjouissent en moi, ou bien parce que la joie leur vient de moi. EN EUX-MÊMES (...) EN PLÉNITUDE, ce qu'ils obtiennent par l'unité de l'esprit, unité par laquelle ils parviennent à la joie de la vie éternelle, qui est plénière. La joie suit l'unité, parce que l'unité et la paix ont pour effet la joie parfaite - Ceux qui entrent dans les conseils de paix, la joie les suit. - Le fruit de l’Esprit est amour, joie, paix (...)

La nécessité due à la haine du monde

2221. À présent l'Évangéliste expose une autre nécessité à cette protection, provenant de la haine du monde ; et d'abord il met en avant le bienfait qu'il avait accordé aux disciples, deuxièmement la haine du monde qu'ils avaient encourue [n° 2223]. Troisièmement, il demande le secours du Père afin qu'il les protège [n° 2225].

2222. Il dit donc d'abord : MOI JE LEUR AI DONNÉ TA PAROLE, c'est-à-dire celle que j'ai reçue de toi. Auparavant il a dit la même chose : LES PAROLES QUE TU M'AS DONNÉES, JE LES LEUR AI DONNÉES ; ET ILS LES ONT REÇUES. Ou JE LEUR AI DONNÉ, c'est-à-dire je leur donnerai par l'inspiration du Paraclet, TA PAROLE, celle qui vient de toi, parce qu'en vérité c'est là le plus grand don et le plus grand bienfait -Je vous donnerai un don excellent : n'abandonnez pas ma loi.

2223. Mais de cela s'ensuit la haine du monde, puisque c'est parce qu'ils ont reçu ta parole que LE MONDE LES A EUS EN HAINE - Bienheureux serez-vous lorsque les hommes vous haïront et Ne vous étonnez pas si le monde vous hait. La cause de cette haine est le fait qu'ils se sont séparés du monde. En effet la Parole de Dieu fait que les hommes se séparent du monde, car elle unit à Dieu, à qui nul ne peut être uni s'il ne se sépare pas du monde. Car si quelqu'un aime le monde, le parfait amour (perfecta caritas) de Dieu n'est pas en lui. Et c'est pourquoi il dit : PARCE QU'ILS NE SONT PAS DU MONDE - Parce que je vous ai choisis dans le monde, pour cela le monde vous hait. En effet il est naturel pour tout homme d'aimer son semblable - Tout être vivant aime son semblable et hait celui qui est différent de lui. - Sa vue nous est à charge car son genre de vie ne ressemble pas aux autres.

2224. Et pour cela il donne un exemple indiquant la manière dont ils ne sont pas du monde : COMME MOI-MÊME JE NE SUIS PAS DU MONDE, ce qu'il faut entendre quant à l'amour, parce que de même que le Christ n'était pas dans le monde par affection pour le monde, de même eux non plus. Mais ils le sont quant à l'origine, parce qu'il y a eu un temps où ils étaient du monde. Mais le Christ, jamais, puisque même selon la naissance charnelle, il est né du Saint-Esprit - Vous êtes du monde, moi je ne suis pas du monde.

2225. Il réclame alors un secours contre cette haine. D'abord il présente sa demande, et ensuite il donne la raison de cette demande [n° 2227].

2226. Concernant le premier point, il présente deux choses. L'une, qu'il dit ne pas demander, à savoir qu'ils soient retirés du monde. Cependant comment peuvent-ils être retirés du monde, eux qui ne sont pas du monde ? En effet, déjà auparavant il avait dit : ILS NE SONT PAS DU MONDE. Mais disons qu'affectivement ils n'étaient pas du monde par un attachement, comme il l'a dit plus haut, mais qu'ils étaient du monde par leur vie corporelle ; et c'est pour cette raison qu'il ne voulut pas qu'ils fussent retirés du monde. Et cela pour le bien des croyants qui, par eux, allaient croire - Allez dans le monde entier, prêchez l'Évangile à toute créature .

Mais il demande autre chose, c'est-à-dire que, bien qu'ils demeurent par leur corps dans le monde, TU LES GARDES DU MAL, le mal qui est dans le monde. En effet il est difficile qu'un homme vivant parmi des mauvais reste préservé du mal, surtout parce que le monde entier a été placé sous le pouvoir du malin - Quand tu traverseras les eaux, je serai avec toi, et les flots ne te recouvriront pas.

2227. Voilà la raison de sa demande. Il semble qu'il y ait là une confusion de mots et une répétition inutile puisqu'il a dit précédemment les mêmes paroles. Mais en fait ce n'est pas une répétition inutile, parce qu'elles sont dites là pour une raison, et ici pour une autre. Précédemment, en effet, elles sont dites pour montrer la cause pour laquelle le monde les tient en haine, mais ici pour donner la raison pour laquelle ils doivent être gardés par Dieu.

Par là il nous est donné à comprendre que la raison pour laquelle les saints sont haïs du monde et aimés de Dieu est la même : le mépris du monde - Dieu ne vous a-t-il pas choisis pauvres en ce monde, riches dans la foi et héritiers du royaume que Dieu a promis à ceux qui l'aiment ? -, et c'est pourquoi l'homme, quel que soit le bien qu'il fait, est rendu haïssable pour le monde mais bien-aimé de Dieu - Nous offrirons à notre Seigneur Dieu des sacrifices abominés par les Égyptiens.
Louis-Claude Fillion
La prière du Sauveur devient de plus en plus touchante. Ses courtes phrases, qu’entrecoupe l’émotion, sont simples et grandioses. Après avoir dit à son Père que ses disciples méritaient sa divine protection, Jésus signale maintenant les circonstances qui la rendaient nécessaire. Voici qu’il va les quitter, les laissant seuls au milieu de nombreux dangers. - Et déjà je ne suis plus dans le monde. Il a eu si peu de temps à vivre, qu’il peut regarder son séjour sur la terre comme ayant déjà pris fin. - Mais eux, ils sont dans le monde. Eux, au contraire, ils demeurent dans ce monde hostile et corrompu ; car le moment n’est pas venu pour eux d’accompagner leur Maître. Cf. 13, 33, 36-37, etc. - Et moi (accentué) je viens à vous. Sans doute, c’est bonheur et gloire pour Jésus de remonter au ciel ; mais son mode d’action sur ses apôtres sera nécessairement changé par la séparation. Remarquez les « et » et le « mais », qui juxtaposent et coordonnent simplement les propositions, à la manière hébraïque. - Père saint. Il y a dans cette appellation un argument très fort, quoique tacite, pour obtenir au collège apostolique une grâce spéciale de sanctification. Cf. vv. 17 et 19. - Gardez. C’est la substance même de la prière qui apparaît enfin. Que Dieu, d’abord, préserve les apôtres de la contagion du monde ; que son regard paternel veille constamment sur eux. Eux-mêmes n’ont-ils pas « gardé » la parole du Père (v. 6) ? - En votre nom. Ce nom béni, par lequel Notre-Seigneur avait protégé jusqu’alors ses disciples (v. 12), est envisagé ici comme un domaine sûr et sacré, dans lequel on vit à l’abri des pièges du monde. - Ceux que vous m’avez donnés. La Recepta a une leçon identique. Peut-être vaudrait-il mieux adopter la variante des manuscrits N, A, B, C et de quelques Pères : « le nom que tu m’as donné à manifester ». - Afin qu’ils soient un. (neutre énergétique. Cf. 12, 30 et la note). Tel est le but en vue duquel le Sauveur demande spécialement la protection du Père sur les apôtres : qu’il y ait toujours entre les brebis du troupeau mystique, même après la disparition du pasteur, une sainte et parfaite harmonie, analogue à celle qui unit les personnes divines : comme nous. Jésus ne pouvait citer un plus admirable modèle d’unité. Cf. v. 23. Le pronom « nous » ainsi employé est une revendication aussi forte que possible de l’identité de nature avec Dieu.
Catéchisme de l'Église catholique
Cette demande, qui les contient toutes, est exaucée par la prière du Christ, comme les six autres demandes qui suivent. La prière à notre Père est notre prière si elle est priée " dans le Nom " de Jésus (cf. Jn 14, 13 ; 15, 16 ; 16, 24. 26). Jésus demande dans sa prière sacerdotale : " Père saint, garde en ton Nom ceux que tu m’as donnés " (Jn 17, 11).

Or un tel combat et une telle victoire ne sont possibles que dans la prière. C’est par sa prière que Jésus est vainqueur du Tentateur, dès le début (cf. Mt 4, 1-11) et dans l’ultime combat de son agonie (cf. Mt 26, 36-44). C’est à son combat et à son agonie que le Christ nous unit dans cette demande à notre Père. La vigilance du cœur est rappelée avec insistance (cf. Mc 13, 9. 23. 33-37 ; 14, 38 ; Lc 12, 35-40) en communion à la sienne. La vigilance est " garde du cœur " et Jésus demande au Père de " nous garder en son Nom " (Jn 17, 11). L’Esprit Saint cherche à nous éveiller sans cesse à cette vigilance (cf. 1 Co 16, 13 ; Col 4, 2 ; 1 Th 5, 6 ; 1 P 5, 8). Cette demande prend tout son sens dramatique par rapport à la tentation finale de notre combat sur terre ; elle demande la persévérance finale. " Je viens comme un voleur : heureux celui qui veille ! " (Ap 16, 15).

La tradition chrétienne l’appelle à juste titre la prière " sacerdotale " de Jésus. Elle est celle de notre Grand Prêtre, elle est inséparable de son Sacrifice, de son " passage " [pâque] vers le Père où il est " consacré " tout entier au Père (cf. Jn 17, 11. 13. 19).

Jésus a tout accompli de l’œuvre du Père et sa prière, comme son Sacrifice, s’étend jusqu’à la consommation du temps. La prière de l’Heure emplit les derniers temps et les porte vers leur consommation. Jésus, le Fils à qui le Père a tout donné, est tout remis au Père, et, en même temps, il s’exprime avec une liberté souveraine (cf. Jn 17, 11. 13. 19. 24) de par le pouvoir que le Père lui a donné sur toute chair. Le Fils, qui s’est fait Serviteur, est le Seigneur, le Pantocratôr. Notre Grand Prêtre qui prie pour nous est aussi Celui qui prie en nous et le Dieu qui nous exauce.
Pape Saint Jean-Paul II
a voie que l'Église parcourt en ces premières années du troisième millénaire est aussi un chemin d'engagement œcuménique renouvelé. Les dernières décennies du deuxième millénaire, qui ont culminé avec le grand Jubilé, nous ont poussés dans cette direction, encourageant tous les baptisés à ré- pondre à la prière de Jésus « ut unum sint » (Jn 17, 11). Un tel chemin est long, hérissé d'obstacles qui dépassent les forces humaines; mais nous avons l'Eucharistie, et, en sa présence, nous pouvons entendre au fond de notre cœur, comme si elles nous étaient adressées, les paroles mêmes qu'entendit le prophète Élie: « Lève-toi et mange, autrement le chemin sera trop long pour toi » (1 R 19, 7). Le trésor eucharistique que le Seigneur a mis à notre disposition nous pousse vers l'objectif du partage plénier de ce trésor avec tous les frères auxquels nous unit le même Baptême. Toutefois, pour ne pas gaspiller un tel trésor, il faut respecter les exigences liées au fait qu'il est le Sacrement de la communion dans la foi et dans la succession apostolique.