Jean 17, 24
Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde.
Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde.
2252. Plus haut le Seigneur a demandé pour ses disciples la perfection de l'unité [n° 2232], à présent il demande pour eux la gloire de la vision. D'abord il précise les personnes pour lesquelles il fait cette demande, ensuite il expose sa manière de demander [n° 2254], enfin ce qu'il demande [n° 2255].
2253. Il demande pour ceux qui lui ont été donnés. Il faut savoir qu'est dit « donné à quelqu'un » ce qui est soumis à sa volonté, c'est-à-dire pour qu'il en fasse ce qu'il veut. Or la volonté du Christ est double : de miséricorde et de justice. Mais la volonté de miséricorde lui appartient en premier lieu et par elle-même, parce que sa miséricorde s'étend à toutes ses œuvres - II veut que tous les hommes soient sauvés ; quant à la volonté de justice de celui qui punit, elle ne lui appartient pas de manière première, mais présuppose le péché - Dieu en effet ne se réjouit pas de la perdition des hommes. - Je ne veux pas la mort du pécheur, cela est vrai en soi, mais cependant il la veut par voie de conséquence à cause du péché.
Tous les hommes ont donc été donnés au Fils. Tu lui as donné puissance sur toute chair, c'est-à-dire sur tout homme, pour qu'il réalise en eux sa volonté, soit de miséricorde pour sauver, soit de justice pour punir - Il est en effet le juge établi par Dieu pour les vivants et les morts .
Mais ceux qui lui ont été donnés au sens absolu sont ceux qui lui ont été donnés pour qu'il réalise en eux sa volonté de miséricorde en vue du salut ; aussi dit-il de ceux-ci : CEUX QUE TU M'AS DONNÉS dans ta prédestination, de toute éternité - Me voici, moi et les enfants que le Seigneur m'a donnés.
2254. Sa manière de demander est indiquée quand il dit : JE VEUX, ce qui peut désigner soit son autorité, soit son mérite. L'autorité, si nous l'entendons de sa volonté qui, en tant qu'il est Dieu, est la même volonté que celle du Père ; car c'est par sa volonté qu'il justifie et sauve les hommes - II fait miséricorde à qui il veut. Et le mérite si nous l'entendons de sa volonté en tant qu'il est homme, volonté qui nous mérite le salut. En effet, si les volontés des justes qui sont les membres du Christ ont le mérite d'obtenir - Tout ce que vous demanderez vous sera accordé -, combien plus la volonté du Christ homme, qui est la Tête de tous les saints.
2255. Ici il ajoute ce qu'il demande. Il demande d'abord l'union des membres à la Tête, puis la manifestation de sa gloire à ses membres [n° 2259].
2256. Cela peut s'entendre de deux manières. En un sens cela se rapporterait au Christ homme. Car le Christ en tant qu'homme allait bientôt monter au ciel - Je monte vers mon Père et votre Père'. Cela signifie alors : Je veux que dans le ciel, où moi je serai bientôt, ceux-ci aussi - c'est-à-dire les croyants - soient avec moi, même quant au lieu - Où il y aura un corps, là se rassembleront aussi les aigles , c'est-à-dire les saints. En effet, c'est ce qu'il avait promis - Réjouissez-vous, exultez, parce que votre récompense est abondante dans le ciel.
2257. Mais un doute subsiste parce que, puisqu'il n'était pas encore au ciel, il aurait dû dire : « où moi je serai », et non pas LÀ OÙ JE SUIS. De même, pourquoi a-t-il dit plus haut : Et personne n'est monté au ciel si ce n'est celui qui est descendu du ciel ?
À la première objection, il faut répondre que le Christ qui parlait était à la fois Dieu et homme, et c'est pourquoi, bien qu'il ne fut pas au ciel selon son humanité, il y était cependant selon sa divinité, si bien qu'ainsi, tout en étant sur terre, il était au ciel ; et c'est pourquoi il dit : LÀ OÙ JE SUIS. À la seconde, il faut répondre que ce qu'il dit plus haut - Personne n'est descendu du ciel sinon le Fils de l'homme qui descend du ciel -se comprend parce qu'il est au ciel selon sa divinité, qu'il en descend en assumant une nature humaine et qu'il y monte selon cette nature humaine désormais glorifiée. Et ainsi, pourvu que nous soyons avec lui nous sommes déjà un. Il est donc venu seul, lui-même, en descendant du ciel, et il y est aussi retourné seul en montant pour nous au ciel, selon Grégoire.
Et s'il dit JE SUIS, en mettant un présent au lieu du futur, c'est soit parce qu'il devait y être bientôt, soit parce que cela se rapporte au Christ Dieu.
2258. Mais alors, dans ce cas, puisque Dieu est partout - Moi j'emplis le ciel et la terre -, les saints, semble-t-il, seront aussi partout.
À ce sujet il faut dire que Dieu est pour nous comme ce que la lumière est pour les hommes. Or la lumière se diffuse partout grâce au soleil qui est au-dessus de la terre. Et la lumière a beau être avec les hommes, tous cependant ne sont pas dans la lumière du soleil, mais seulement ceux qui la voient. Ainsi donc, puisque Dieu est partout, il est avec tous en tous lieux ; cependant tous ne sont pas avec Dieu, si ce n'est ceux qui lui sont unis par la foi et l'amour et qui seront finalement unis à lui dans la jouissance parfaite - Et moi je suis toujours avec toi. — Ainsi nous serons toujours avec le Seigneur.
Le sens est donc : CEUX QUE TU M'AS DONNÉS, JE VEUX QUE LÀ OÙ JE SUIS, en ta divinité que j'ai par nature, EUX AUSSI SOIENT AVEC MOI, par la participation de la grâce - II a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu . - Qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu en lui.
2259. Il expose ensuite la manifestation de la gloire à ses membres. D'abord il présente la demande, puis il montre l'origine de la gloire [n° 2261], et enfin il donne le sens (ratio) de cette gloire [n° 2262].
2260. Il dit donc : JE VEUX, non seulement qu'ils soient avec moi, mais QU'ILS VOIENT, à savoir dans la vision béatifique - Quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est -, LA GLOIRE QUE TU M'AS DONNÉE, ce qui peut s'entendre de sa gloire selon son humanité, celle dont il a été illuminé dans la Résurrection - Il transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire -, ou de sa gloire selon sa divinité. Il est en effet la splendeur de la gloire et la figure de la substance du Père, sa blancheur est celle de la lumière éternelle . Et les saints dans la gloire verront l'une et l'autre gloire. Car il est dit de la première : Ils verront le roi dans sa beauté . Mais celle-là, les impies la verront seulement lors du jugement - Alors ils verront le Fils de l'homme venant avec puissance et majesté. Et Marc dit : Venant dans la gloire, c'est-à-dire dans la clarté (in claritate). Mais la vision de cette gloire leur sera retirée après le jugement, selon une autre parole : Que l'impie soit enlevé pour qu'il ne voie pas la gloire de Dieu . Mais la seconde gloire, celle de sa divinité, les saints la verront pour toujours - Dans ta lumière, celle de la grâce, nous verrons la lumière, celle de la gloire, que les mauvais ne verront jamais. - Dans ses mains^ c'est-à-dire aux orgueilleux, il cache la lumière, (...) et il annonce à son ami que la lumière est son partage.
2261. L'origine de cette gloire vient du Père ; c'est pourquoi il dit : QUE TU M'AS DONNÉE. Il lui a donné la gloire du corps dans la Résurrection, mais parce que cela était déjà accompli dans l'ordonnance [de la sagesse] divine, bien que ce fût encore à venir dans la réalité, il dit : TU M'AS DONNÉE - Tu l'as couronné de gloire et d'honneur. Mais il lui a donné la gloire divine de toute éternité, parce que de toute éternité le Fils provient du Père comme la splendeur provient de la lumière.
2262. Il donne ensuite le sens (ratio) de la gloire qui lui fut donnée. Et si cela se rapporte au Christ homme, le PARCE QUE indique alors la cause. En effet, de même que l'amour et la prédestination éternelle sont cause de ce que nous avons à présent la splendeur de la grâce et plus tard celle de la gloire jusque dans notre corps - Il nous a élus en lui dès avant la création du monde -, de même aussi ils sont cause de la gloire du Christ en tant qu'il est homme - Qui a été prédestiné Fils de Dieu dans la puissance.
Cela signifie donc : Je dis que tu m'as donné la gloire, et ceci PARCE QUE TU M'AS AIMÉ, c'est-à-dire parce que dans ton amour tu m'as prédestiné, et cela AVANT LA FONDATION DU MONDE, pour que cet homme soit uni au Fils de Dieu dans la personne - Heureux ton élu, ton familier, il demeure en tes parvis .
Mais si cela se rapporte au Christ en tant qu'il est Dieu, le PARCE QUE indique alors un signe. En effet, ce n'est pas parce qu'il l'a aimé qu'il lui a donné la gloire, car dans le don que le Père a fait au Fils est désignée la génération éternelle. Or l'amour, si on le prend essentiellement (essentialiter), implique la volonté divine ; alors que si on regarde la notion (notionaliter), c'est la notion de l'Esprit Saint qui est signifiée. Mais le Père a donné la gloire à son Fils par nature et non par sa volonté, parce qu'il l'a engendré par nature ; ce n'est donc pas non plus parce qu'il a spire l'Esprit Saint qu'il a donné la gloire au Fils.
B. LA RAISON POUR LAQUELLE LA PRIÈRE DU CHRIST EST EXAUCÉE
2263. Ici, l'Évangéliste donne la raison pour laquelle sa demande est exaucée. Plus haut le Seigneur a inclus dans sa demande même ceux qui allaient croire - Ce n'est pas seulement pour eux que je prie, mais aussi pour ceux qui, par leurs paroles, croiront en moi -, et il a exclu le inonde et les incroyants ; c'est pourquoi il a dit : Moi je prie pour eux ; je ne prie pas pour le monde. Il en donne donc la raison, en montrant d'abord le défaut du monde puis le progrès des disciples [n° 2666].
a) Le défaut du monde.
2264. Mais remarque que, quand il a demandé leur sanctification, il a appelé le Père saint, c'est pourquoi il a dit : Père saint ; mais à présent, demandant la rétribution, il l'appelle JUSTE - Dieu le juge juste. Par là est exclue l'erreur des anciens affirmant qu'autre est le Dieu juste, c'est-à-dire celui de l'Ancien Testament, autre le Dieu bon, le Dieu du Nouveau Testament.
Le défaut du monde concerne la connaissance de Dieu. Aussi dit-il : LE MONDE, non pas le monde réconcilié mais le monde damné, NE T'A PAS CONNU - Le monde a été fait par lui. Et le monde ne l’α pas connu.
2265. Mais pourtant : Ce que l’on connaît de Dieu est manifeste en eux, ce qu'il a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence, à travers ses œuvres.
Réponse. Disons qu'il y a deux connaissances : l'une spéculative et l'autre affective ; et le monde n'a connu Dieu parfaitement ni par l'une, ni par l'autre. En effet, bien que quelques-uns des Gentils l'aient connu selon ce que la raison pouvait en connaître, cependant lui, en tant qu'il est Père du Fils unique qui lui est consubstantiel, ils ne l'ont pas connu : et c'est de cette connaissance que parle le Seigneur. Et de là vient que l'Apôtre dit : ce que l'on connaît, c'est-à-dire ce qui peut être connu de Dieu. Mais même s'ils connaissaient quelque chose de Dieu par la connaissance spéculative [de la raison], leur connaissance était souillée de nombreuses erreurs : tandis que certains l'évinçaient de la Providence sur toutes les réalités, d'autres disaient qu'il est l'âme du monde, d'autres honoraient en même temps que lui beaucoup d'autres dieux. Aussi dit-on qu'ils ignoraient Dieu. En effet, si on peut en partie connaître et en partie ignorer les réalités composées, les réalités simples cependant, tant qu'elles ne sont pas atteintes parfaitement, sont ignorées. C'est pourquoi, même si ceux-là se trompaient très peu dans leur connaissance de Dieu, on peut dire qu'ils l'ignoraient totalement. On peut donc dire que ceux qui ne connaissent pas l'excellence singulière de Dieu l'ignorent - Puisque, ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme à un Dieu, gloire et action de grâces ; mais ils se sont perdus dans leurs pensées et leur cœur insensé s'est obscurci. - N'étant pas attentifs à ses œuvres ils n'ont pas su quel en était l'artisan. De manière semblable, le monde ne l'a pas connu d'une connaissance affective parce qu'il ne l'aime pas - Comme les peuples qui ignorent Dieu. Il dit donc : LE MONDE NE T'A PAS CONNU sans erreur et, en tant que Père, par l'amour.
2253. Il demande pour ceux qui lui ont été donnés. Il faut savoir qu'est dit « donné à quelqu'un » ce qui est soumis à sa volonté, c'est-à-dire pour qu'il en fasse ce qu'il veut. Or la volonté du Christ est double : de miséricorde et de justice. Mais la volonté de miséricorde lui appartient en premier lieu et par elle-même, parce que sa miséricorde s'étend à toutes ses œuvres - II veut que tous les hommes soient sauvés ; quant à la volonté de justice de celui qui punit, elle ne lui appartient pas de manière première, mais présuppose le péché - Dieu en effet ne se réjouit pas de la perdition des hommes. - Je ne veux pas la mort du pécheur, cela est vrai en soi, mais cependant il la veut par voie de conséquence à cause du péché.
Tous les hommes ont donc été donnés au Fils. Tu lui as donné puissance sur toute chair, c'est-à-dire sur tout homme, pour qu'il réalise en eux sa volonté, soit de miséricorde pour sauver, soit de justice pour punir - Il est en effet le juge établi par Dieu pour les vivants et les morts .
Mais ceux qui lui ont été donnés au sens absolu sont ceux qui lui ont été donnés pour qu'il réalise en eux sa volonté de miséricorde en vue du salut ; aussi dit-il de ceux-ci : CEUX QUE TU M'AS DONNÉS dans ta prédestination, de toute éternité - Me voici, moi et les enfants que le Seigneur m'a donnés.
2254. Sa manière de demander est indiquée quand il dit : JE VEUX, ce qui peut désigner soit son autorité, soit son mérite. L'autorité, si nous l'entendons de sa volonté qui, en tant qu'il est Dieu, est la même volonté que celle du Père ; car c'est par sa volonté qu'il justifie et sauve les hommes - II fait miséricorde à qui il veut. Et le mérite si nous l'entendons de sa volonté en tant qu'il est homme, volonté qui nous mérite le salut. En effet, si les volontés des justes qui sont les membres du Christ ont le mérite d'obtenir - Tout ce que vous demanderez vous sera accordé -, combien plus la volonté du Christ homme, qui est la Tête de tous les saints.
2255. Ici il ajoute ce qu'il demande. Il demande d'abord l'union des membres à la Tête, puis la manifestation de sa gloire à ses membres [n° 2259].
2256. Cela peut s'entendre de deux manières. En un sens cela se rapporterait au Christ homme. Car le Christ en tant qu'homme allait bientôt monter au ciel - Je monte vers mon Père et votre Père'. Cela signifie alors : Je veux que dans le ciel, où moi je serai bientôt, ceux-ci aussi - c'est-à-dire les croyants - soient avec moi, même quant au lieu - Où il y aura un corps, là se rassembleront aussi les aigles , c'est-à-dire les saints. En effet, c'est ce qu'il avait promis - Réjouissez-vous, exultez, parce que votre récompense est abondante dans le ciel.
2257. Mais un doute subsiste parce que, puisqu'il n'était pas encore au ciel, il aurait dû dire : « où moi je serai », et non pas LÀ OÙ JE SUIS. De même, pourquoi a-t-il dit plus haut : Et personne n'est monté au ciel si ce n'est celui qui est descendu du ciel ?
À la première objection, il faut répondre que le Christ qui parlait était à la fois Dieu et homme, et c'est pourquoi, bien qu'il ne fut pas au ciel selon son humanité, il y était cependant selon sa divinité, si bien qu'ainsi, tout en étant sur terre, il était au ciel ; et c'est pourquoi il dit : LÀ OÙ JE SUIS. À la seconde, il faut répondre que ce qu'il dit plus haut - Personne n'est descendu du ciel sinon le Fils de l'homme qui descend du ciel -se comprend parce qu'il est au ciel selon sa divinité, qu'il en descend en assumant une nature humaine et qu'il y monte selon cette nature humaine désormais glorifiée. Et ainsi, pourvu que nous soyons avec lui nous sommes déjà un. Il est donc venu seul, lui-même, en descendant du ciel, et il y est aussi retourné seul en montant pour nous au ciel, selon Grégoire.
Et s'il dit JE SUIS, en mettant un présent au lieu du futur, c'est soit parce qu'il devait y être bientôt, soit parce que cela se rapporte au Christ Dieu.
2258. Mais alors, dans ce cas, puisque Dieu est partout - Moi j'emplis le ciel et la terre -, les saints, semble-t-il, seront aussi partout.
À ce sujet il faut dire que Dieu est pour nous comme ce que la lumière est pour les hommes. Or la lumière se diffuse partout grâce au soleil qui est au-dessus de la terre. Et la lumière a beau être avec les hommes, tous cependant ne sont pas dans la lumière du soleil, mais seulement ceux qui la voient. Ainsi donc, puisque Dieu est partout, il est avec tous en tous lieux ; cependant tous ne sont pas avec Dieu, si ce n'est ceux qui lui sont unis par la foi et l'amour et qui seront finalement unis à lui dans la jouissance parfaite - Et moi je suis toujours avec toi. — Ainsi nous serons toujours avec le Seigneur.
Le sens est donc : CEUX QUE TU M'AS DONNÉS, JE VEUX QUE LÀ OÙ JE SUIS, en ta divinité que j'ai par nature, EUX AUSSI SOIENT AVEC MOI, par la participation de la grâce - II a donné pouvoir de devenir enfants de Dieu . - Qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu en lui.
2259. Il expose ensuite la manifestation de la gloire à ses membres. D'abord il présente la demande, puis il montre l'origine de la gloire [n° 2261], et enfin il donne le sens (ratio) de cette gloire [n° 2262].
2260. Il dit donc : JE VEUX, non seulement qu'ils soient avec moi, mais QU'ILS VOIENT, à savoir dans la vision béatifique - Quand il apparaîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu'il est -, LA GLOIRE QUE TU M'AS DONNÉE, ce qui peut s'entendre de sa gloire selon son humanité, celle dont il a été illuminé dans la Résurrection - Il transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire -, ou de sa gloire selon sa divinité. Il est en effet la splendeur de la gloire et la figure de la substance du Père, sa blancheur est celle de la lumière éternelle . Et les saints dans la gloire verront l'une et l'autre gloire. Car il est dit de la première : Ils verront le roi dans sa beauté . Mais celle-là, les impies la verront seulement lors du jugement - Alors ils verront le Fils de l'homme venant avec puissance et majesté. Et Marc dit : Venant dans la gloire, c'est-à-dire dans la clarté (in claritate). Mais la vision de cette gloire leur sera retirée après le jugement, selon une autre parole : Que l'impie soit enlevé pour qu'il ne voie pas la gloire de Dieu . Mais la seconde gloire, celle de sa divinité, les saints la verront pour toujours - Dans ta lumière, celle de la grâce, nous verrons la lumière, celle de la gloire, que les mauvais ne verront jamais. - Dans ses mains^ c'est-à-dire aux orgueilleux, il cache la lumière, (...) et il annonce à son ami que la lumière est son partage.
2261. L'origine de cette gloire vient du Père ; c'est pourquoi il dit : QUE TU M'AS DONNÉE. Il lui a donné la gloire du corps dans la Résurrection, mais parce que cela était déjà accompli dans l'ordonnance [de la sagesse] divine, bien que ce fût encore à venir dans la réalité, il dit : TU M'AS DONNÉE - Tu l'as couronné de gloire et d'honneur. Mais il lui a donné la gloire divine de toute éternité, parce que de toute éternité le Fils provient du Père comme la splendeur provient de la lumière.
2262. Il donne ensuite le sens (ratio) de la gloire qui lui fut donnée. Et si cela se rapporte au Christ homme, le PARCE QUE indique alors la cause. En effet, de même que l'amour et la prédestination éternelle sont cause de ce que nous avons à présent la splendeur de la grâce et plus tard celle de la gloire jusque dans notre corps - Il nous a élus en lui dès avant la création du monde -, de même aussi ils sont cause de la gloire du Christ en tant qu'il est homme - Qui a été prédestiné Fils de Dieu dans la puissance.
Cela signifie donc : Je dis que tu m'as donné la gloire, et ceci PARCE QUE TU M'AS AIMÉ, c'est-à-dire parce que dans ton amour tu m'as prédestiné, et cela AVANT LA FONDATION DU MONDE, pour que cet homme soit uni au Fils de Dieu dans la personne - Heureux ton élu, ton familier, il demeure en tes parvis .
Mais si cela se rapporte au Christ en tant qu'il est Dieu, le PARCE QUE indique alors un signe. En effet, ce n'est pas parce qu'il l'a aimé qu'il lui a donné la gloire, car dans le don que le Père a fait au Fils est désignée la génération éternelle. Or l'amour, si on le prend essentiellement (essentialiter), implique la volonté divine ; alors que si on regarde la notion (notionaliter), c'est la notion de l'Esprit Saint qui est signifiée. Mais le Père a donné la gloire à son Fils par nature et non par sa volonté, parce qu'il l'a engendré par nature ; ce n'est donc pas non plus parce qu'il a spire l'Esprit Saint qu'il a donné la gloire au Fils.
B. LA RAISON POUR LAQUELLE LA PRIÈRE DU CHRIST EST EXAUCÉE
2263. Ici, l'Évangéliste donne la raison pour laquelle sa demande est exaucée. Plus haut le Seigneur a inclus dans sa demande même ceux qui allaient croire - Ce n'est pas seulement pour eux que je prie, mais aussi pour ceux qui, par leurs paroles, croiront en moi -, et il a exclu le inonde et les incroyants ; c'est pourquoi il a dit : Moi je prie pour eux ; je ne prie pas pour le monde. Il en donne donc la raison, en montrant d'abord le défaut du monde puis le progrès des disciples [n° 2666].
a) Le défaut du monde.
2264. Mais remarque que, quand il a demandé leur sanctification, il a appelé le Père saint, c'est pourquoi il a dit : Père saint ; mais à présent, demandant la rétribution, il l'appelle JUSTE - Dieu le juge juste. Par là est exclue l'erreur des anciens affirmant qu'autre est le Dieu juste, c'est-à-dire celui de l'Ancien Testament, autre le Dieu bon, le Dieu du Nouveau Testament.
Le défaut du monde concerne la connaissance de Dieu. Aussi dit-il : LE MONDE, non pas le monde réconcilié mais le monde damné, NE T'A PAS CONNU - Le monde a été fait par lui. Et le monde ne l’α pas connu.
2265. Mais pourtant : Ce que l’on connaît de Dieu est manifeste en eux, ce qu'il a d'invisible depuis la création du monde se laisse voir à l'intelligence, à travers ses œuvres.
Réponse. Disons qu'il y a deux connaissances : l'une spéculative et l'autre affective ; et le monde n'a connu Dieu parfaitement ni par l'une, ni par l'autre. En effet, bien que quelques-uns des Gentils l'aient connu selon ce que la raison pouvait en connaître, cependant lui, en tant qu'il est Père du Fils unique qui lui est consubstantiel, ils ne l'ont pas connu : et c'est de cette connaissance que parle le Seigneur. Et de là vient que l'Apôtre dit : ce que l'on connaît, c'est-à-dire ce qui peut être connu de Dieu. Mais même s'ils connaissaient quelque chose de Dieu par la connaissance spéculative [de la raison], leur connaissance était souillée de nombreuses erreurs : tandis que certains l'évinçaient de la Providence sur toutes les réalités, d'autres disaient qu'il est l'âme du monde, d'autres honoraient en même temps que lui beaucoup d'autres dieux. Aussi dit-on qu'ils ignoraient Dieu. En effet, si on peut en partie connaître et en partie ignorer les réalités composées, les réalités simples cependant, tant qu'elles ne sont pas atteintes parfaitement, sont ignorées. C'est pourquoi, même si ceux-là se trompaient très peu dans leur connaissance de Dieu, on peut dire qu'ils l'ignoraient totalement. On peut donc dire que ceux qui ne connaissent pas l'excellence singulière de Dieu l'ignorent - Puisque, ayant connu Dieu, ils ne lui ont pas rendu comme à un Dieu, gloire et action de grâces ; mais ils se sont perdus dans leurs pensées et leur cœur insensé s'est obscurci. - N'étant pas attentifs à ses œuvres ils n'ont pas su quel en était l'artisan. De manière semblable, le monde ne l'a pas connu d'une connaissance affective parce qu'il ne l'aime pas - Comme les peuples qui ignorent Dieu. Il dit donc : LE MONDE NE T'A PAS CONNU sans erreur et, en tant que Père, par l'amour.
Deuxième demande du Sauveur pour son Église : la bienheureuse éternité.
« Ce sera le dernier mot de l’Incarnation : l’Église attachée à Jésus-Christ comme les soldats à leur chef,
Jésus-Christ uni à Dieu comme le Fils au père, enfin la création heureusement ramenée au créateur comme à
son point de départ… C’est l’admirable réalisation du programme ainsi résumé par saint Paul : Ramener
toutes choses à leur principe dans le Christ ; « nous somme au Christ, et le Christ est à Dieu (Eph. 1. 10 ; 1
Cor. 3, 23). » Le Camus, La vie de N.-S. Jésus-Christ, t. 3, p. 487. - Père. Encore l’appellation filiale, pour
mieux toucher le cœur de Dieu. - Ceux que vous m’avez donnés. Cette proposition est mise en avant par
emphase : c’est un motif tacite que le Fils présente au Père. Les manuscrits B, D, etc., lisent « ce que vous
m’avez donné » : Jésus envisageait ici tous les fidèles présents et à venir comme une catégorie, avant de les
considérer ensuite individuellement (« ils soient avec moi »). - Je veux. Un ordre, énergique au milieu d’une
prière ! parce que c’est la prière du Fils de Dieu. Jésus confie donc à son père sa volonté divine. Sur sa
volonté humaine dans l’agonie du jardin, voyez Matth. 26, 39 et ss. - Que là où je suis (majestueux)… Telle
est la clause finale de son testament : il lègue à tous les membres fidèles de son Église le ciel où il réside de
toute l’éternité, le ciel où il se transporte par anticipation comme Fils de l’homme, car il y montera bientôt.
- Y soient aussi avec moi. ( pronom également emphatique : Moi le chef, eux les membres). Voilà notre
bienheureux terme, car N.-S. Jésus-Christ ne veut pas se séparer de nous ; de même qu’entre amis dévoués
on souhaite une union sans fin. - Afin qu’ils voient (au sens de contempler) ma gloire (« la gloire, la
mienne », la gloire qui m’est propre). Jésus décrit ainsi en une ligne l’occupation et le bonheur des élus dans
le ciel : contempler et contempler toujours sa gloire d’Homme-Dieu (Cf. v. 5, 22), et en jouir eux-mêmes
éternellement. Que vous m’avez donnée est encore une formule d’anticipation. - Parce que vous m’avez aimé
… Pourquoi le Père a-t-il réservé une si grande gloire au Fils de l’homme ? A cause de l’amour éternel qu’il
lui a porté. L’expression avant la création du monde revient à trois reprises sur les lèvres de Notre-Seigneur
dans les récits évangéliques : ici, Matth. 25, 34, et Luc. 11, 50. S. Pierre et S. Jean l’emploient de leur côté : 1
Petr. 1, 20 ; Apoc. 13, 8 ; 17, 8. Comparez aussi Eph. 1, 4 ; Hebr. 4, 3 ; 9, 26 ; 11, 11.
73. Nous savons qu’Il s’adressait au Père avec le mot araméen “Abba”, c’est-à-dire “papa”. À l’époque, certains furent gênés par cette familiarité (cf. Jn 5, 18). C’est l’expression que Jésus a utilisée pour communiquer avec le Père lorsque l’angoisse de la mort est apparue : « Abba ! tout t’est possible, éloigne de moi cette coupe, pourtant pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36). Il s’est toujours reconnu aimé du Père : « Tu m’as aimé avant la fondation du monde » (Jn 17, 24). Et Jésus, dans son cœur d’homme, s’extasiait en entendant le Père lui dire : « Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur » (Mc 1, 11).