Jean 17, 6

J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole.

J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole.
Saint Thomas d'Aquin
2189. Ici est exposé le mérite grâce auquel sa demande sera exaucée. D'abord il rappelle ce mérite, ensuite il demande la récompense [n° 2191].

2190. Il rappelle ce double mérite. D'abord celui de l'enseignement, en disant : MOI, JE T'AI GLORIFIÉ en te faisant connaître aux hommes, en te manifestant par l'enseignement - Par vos enseignements, glorifiez Dieu Puis celui de l'obéissance, et là il dit : J'AI ACHEVÉ L'ŒUVRE.

Il utilise le passé pour le futur. JE T'AI GLORIFIÉ, c'est-à-dire je te glorifierai, et J'AI ACHEVÉ, c'est-à-dire je mènerai à son achèvement ; et cela parce que déjà l'œuvre avait été commencée, et encore parce qu'était imminente l'heure de sa Passion où cette œuvre fut achevée. L'ŒUVRE QUE TU M'AS DONNÉE, et non pas ce que tu m'as « ordonné » : en effet il ne suffit pas pour le Christ et pour nous d'être commandés divinement, parce que tout ce que le Christ a fait en tant qu'homme, et ce que nous aussi pouvons faire, cela provient d'un don de Dieu - J'ai compris que je ne peux rien garder, si Dieu ne me le donne. Il dit donc : L'ŒUVRE QUE TU M'AS DONNÉE, à moi, par le don de la grâce, pour que je la fasse, à savoir que je la mène à son achèvement – Il mettra tout son cœur à achever son œuvre.

2191. Mais, parce que la récompense de l'obéissance et de l'enseignement du Christ est la gloire - Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort, et la mort de la croix ; c'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné un nom qui est au-dessus de tout nom -, il demande cette récompense en disant : ET MAINTENANT TOI, PÈRE, GLORIFIE-MOI – Il ne faut pas comprendre, dit Augustin, comme certains l'ont pensé, que dans le Christ la nature humaine, une fois reçue par le Verbe, est changée en le Verbe, et que l'homme est changé en Dieu. Parce que ceci ne serait rien d'autre que de réduire à rien la nature elle-même. En effet, tout ce qui est ainsi changé en un autre, sans que ce en quoi il est changé soit augmenté, semble être réduit à rien. Or, en ce qui concerne le Verbe divin, rien ne peut être augmenté.

Et c'est pourquoi, selon Augustin, il faut comprendre ET MAINTENANT TOI, PÈRE, GLORIFIE-MOI de la prédestination du Christ homme . Car nous avons partà la prédestination divine, et aussi à sa réalisation. Or le Christ Jésus comme homme, comme aussi les autres hommes, fut prédestiné par Dieu le Père - II a été prédestiné à être Fils de Dieu .

Et pour cette raison il dit : ET MAINTENANT, c'est-à-dire maintenant que JE T'AI GLORIFIÉ et que J'AI ACHEVÉ L'ŒUVRE QUE TU M'AS DONNÉ À FAIRE, TOI, PÈRE, GLORIFIE-MOI AUPRÈS DE TOI, c'est-à-dire fais que je siège à ta droite , et cela DE LA GLOIRE QUE J'AVAIS AUPRÈS DE

TOI AVANT QUE LE MONDE FÛT, c'est-à-dire dans ta prédestination - Le Seigneur Jésus est monté dans le ciel et siège à la droite de Dieu.

2192. On peut le comprendre autrement, selon Hilaire, car la gloire des hommes est une certaine conformité à la gloire de Dieu, bien qu'inégale. Or le Christ en tant que Dieu eut de toute éternité la gloire auprès du Père, c'est-à-dire la gloire divine, et égale à celle du Père. Il demande donc ici d'être glorifié dans son humanité, pour que ce qui dans le temps était chair, et transformé en corruption, reçoive la gloire qui n'est pas dans le temps, la splendeur de la gloire. Cependant non pas une gloire « égale » mais semblable, afin que, de même que de toute éternité il fut immortel auprès du Père et siégeant avec lui à sa droite, de même, selon qu'il a été fait homme mortel, il soit aussi exalté à la droite de Dieu.

II – LE CHRIST PRIE POUR L'ASSEMBLÉE DES DISCIPLES

2193. Auparavant, le Seigneur a prié pour lui ; ici il prie pour le groupe des Apôtres, et d'abord il indique les raisons de sa prière, puis il donne le contenu de cette prière [n° 2212].

À propos du premier point, il fait deux choses. D'abord il mentionne les raisons quant à ses disciples, puis quant à lui [n° 2205].

En ce qui concerne les disciples, il donne trois raisons de prier pour eux : la première est qu'ils ont été instruits par lui ; la deuxième, qu'ils lui ont été donnés [n° 2196] ; et la troisième, qu'ils lui sont liés par l'obéissance et une soumission aimante [n° 2197].

2194. Il donne la première raison en disant J'AI MANIFESTÉ, comme s'il disait, selon Augustin afin que ton Fils te glorifie. Et certes, cette glorification a déjà été accomplie en partie parce que J'AI MANIFESTÉ TON NOM AUX HOMMES QUE TU M'AS DONNÉS DU MILIEU DU MONDE.

Ou bien, selon ChrysostomeJe dis que j'ai achevé l'œuvre que tu m'as donné à faire. Quelle œuvre ? Il l'ajoute : J'AI MANIFESTÉ TON NOM AUX HOMMES, ce qui est l'œuvre propre du Fils de Dieu, qui est le Verbe, dont le propre est de manifester par sa parole - Nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler. - Personne n'a jamais vu Dieu ; le Fils unique qui est dans le sein du Père, lui, l'a fait connaître.

2195. Mais ici, il y a un doute. Puisque Dieu le Père fut connu des hommes avant la venue du Christ, selon le psaume - En Juda, Dieu est connu -, pourquoi dit-il : J'AI MANIFESTÉ TON NOM ?

Je réponds : il faut dire que le nom de Dieu Père pouvait être connu de trois manières. La première, en tant qu'il est Créateur de tout. Et c'est de cette manière qu'il était connu des Gentils - Les choses invisibles de Dieu sont perçues par l'intelligence à travers les œuvres qu'il a faites - Dieu le leur a révélé.

D'une autre manière, en tant qu'il était le seul à qui devait être rendu le culte de latriede cette manière il n'était pas connu des Gentils qui rendaient aussi aux autres dieux un culte de latrie, mais seulement des Juifs qui seuls avaient comme précepte dans leur Loi de n'immoler [des victimes] qu'à Dieu - Qui immole à d'autres dieux sera tué, sauf au Seigneur seul.

D'une troisième manière, en tant que Père de son Fils unique Jésus Christ, et de cette manière il n'était connu de personne ; mais il se fit connaître par son Fils quand les Apôtres crurent qu'il était le Fils de Dieu.

2196. En disant cela il donne la deuxième raison. Et d'abord il traite du don, puis il en donne la raison ou le mode. Il dit donc : AUX HOMMES QUE TU M'AS DONNÉS DU MILIEU DU MONDE, à savoir ces hommes auxquels J'AI MANIFESTÉ TON NOM.

Mais le Fils ne les a-t-il pas eus comme le Père aussi les a eus ? Oui, certes, en tant que Dieu. Mais il dit : QUE TU M'AS DONNÉS DU MILIEU DU MONDE, à savoir à moi en tant qu'homme, pour qu'ils m'écoutent et m'obéissent - Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m'a envoyé ne l'attire. Or le fait que quelques-uns viennent au Christ provient d'un don et de la grâce de Dieu - C'est par grâce que vous êtes sauvés, c'est un don de Dieu .

QUE TU M'AS DONNÉS DU MILIEU DU MONDE, dis-je, c'est-à-dire choisis dans le monde ; plus haut : Parce que je vous ai choisis du milieu du monde. Car même si tout le monde était donné au Fils comme sa propriété, cependant les Apôtres, eux, ont été donnés au Fils pour lui obéir.

Il donne la raison de ce don. Ils sont donnés parce qu'ILS ÉTAIENT À TOI, et aussi à moi, et prédestinés selon la divinité de toute éternité, pour parvenir par la grâce à la gloire future - Il nous a choisis dans le Christ avant la fondation du monde. ET TU ME LES AS DONNÉS, c'est-à-dire ce à quoi dès l'origine tu les as prédestinés avec moi et en moi, tu l'as accompli par une œuvre, en faisant qu'ils adhèrent à moi.

2197. Il donne la troisième raison qui est la soumission aimante des disciples. D'abord il montre cette soumission aimante à l'égard du Fils. Puis il montre qu'elle rejaillit en gloire pour le Père [n° 2199]. Et en troisième lieu, il en donne la raison [n° 2200].

2198. Il dit donc, en ce qui concerne le premier point : ET TU ME LES AS DONNÉS parce qu'ILS ÉTAIENT À TOI ; mais eux aussi ont agi avec amour parce qu'ILS ONT GARDÉ TA PAROLE dans leur cœur par la foi et dans leurs actes en l'accomplissant- Garde mes commandements afin de vivre. - Si vous gardez mes commandements vous demeurerez dans mon amour.

2199. Mais le fait même qu'ils aient ainsi gardé la parole rejaillit pour ta gloire, Père. Car telle est ma parole, parce que tout ce que j'ai, je le tiens de toi : MAINTENANT ILS ONT CONNU QUE TOUT CE QUE TU M'AS DONNÉ, à savoir à ton Fils comme homme, VIENT DE TOI - Nous avons vu la gloire qu'il tient du Père comme Fils unique, c'est-à-dire que nous l'avons vu comme celui qui tient tout du Père. Et parce qu'ils ont reconnu cela, le Père est glorifié dans leur esprit.

2200. Ici il donne la raison de cette glorification, du fait que l'obéissance des disciples à l'égard du Fils rejaillit en gloire pour le Père. D'abord, il donne l'ordre selon lequel les disciples sont connus par le Père. Puis, il présente l'ordre selon lequel l'esprit des disciples est ramené vers le Père [n° 2202].

2201. Premièrement, il le montre par le don de l'enseignement que nous a fait le Père. Et ce don est double. Le premier est celui que le Père a donné au Fils, et c'est pourquoi il dit : LES PAROLES QUE TU M'AS DONNÉES selon la génération éternelle, dans laquelle le Père a donné ses paroles au Fils, bien que cependant le Fils soit lui-même Verbe du Père De telles paroles ne sont rien d'autre que l'intelligibilité de toutes les choses à venir que le Père, éternellement, a toutes données au Fils en l'engendrant. Ou : TU M'AS DONNÉES, à savoir au Christ homme, parce que son âme très sainte fut comblée dès l'instant même de sa conception de toute la connaissance de la vérité - Plein de grâce et de vérité, c'est-à-dire de la connaissance de toute vérité. - En lui sont tous les trésors de la sagesse et de la science.

Le deuxième don est celui que le Christ fait à ses disciples : LES PAROLES QUE TU M'AS DONNÉES, JE LES LEUR AI DONNÉES en les enseignant intérieurement et extérieurement - Toutes les choses que j'ai entendues de mon Père, je vous les ai fait connaître. En cela il se montre médiateur entre Dieu et les hommes, parce que ce qu'il a reçu de son Père, il le transmet à ses disciples - J'ai été l'intermédiaire entre le Seigneur et vous en ce temps, pour vous annoncer ses paroles.

2202. Il montre ensuite le retour de l'esprit des disciples vers Dieu en disant : ET ILS LES ONT REÇUES. Il y a là un double accueil correspondant au double don dont nous avons parlé. Le premier accueil répond au deuxième don : ET ILS LES ONT REÇUES de moi, sans être rebelles - Le Seigneur a ouvert mon oreille et moi je ne contredis pas. - Quiconque s'est mis à l'écoute du Père et à son école vient à moi. Et en les recevant, ILS ONT CONNU que c'est toi qui m'as donné toutes choses, ce qui répond au premier don.

2203. Ces paroles, selon Augustin, explicitent le développement de celles qui précèdent. En effet il existe une double connaissance des choses divines : l'une parfaite qui est celle de la gloire par la pleine vision, l'autre, imparfaite, qui est la connaissance de celui qui chemine dans la foi - Nous voyons à présent dans un miroir, par énigme (c'est la seconde connaissance), mais alors ce sera face à face (c'est la première).

ET ILS ONT CONNU VRAIMENT QUE C'EST DE TOI QUE JE SUIS SORTI – Mais de quelle connaissance ? celle de la Patrie ? Non, mais celle de la foi. C'est pourquoi il ajoute ET ILS ONT CRU, comme si c'était la même chose de connaître et de croire. ILS ONT CRU, dis-je, vraiment, c'est-à-dire avec fermeté et stabilité - Maintenant vous croyez ? c'est-à-dire avec stabilité. Voici que l'heure est venue, puisque vous croyez d'une manière parfaite. Et il utilise le passé pour parler du futur, d'une part en raison de la certitude de la réalité à venir, d'autre part en raison de l'infaillibilité de la prédestination divine.

Ou encore, selon Chrysostome, il parle de ce qui est passé. Et il dit que ces choses sont arrivées parce qu'elles étaient déjà commencées. Il faut donc dire, pour être en accord avec l'un et l'autre sens, qu'elles étaient déjà toutes commencées mais qu'elles devaient maintenant être achevées. Donc en tant que cela appartient au commencement, il parle de ce qui est passé ; mais en tant que cela relève de l'achèvement, il parle du futur, des choses qui devaient se faire par la venue de l'Esprit Saint.

2204. Mais que crurent-ils ? QUE C'EST TOI QUI M'AS ENVOYÉ - Dieu a envoyé son Fils -, ce qui selon Augustin est la même chose que : C'EST DE TOI QUE JE SUIS SORTI – Mais cela va contre ce que dit Hilaire car selon lui, comme on l'a dit, « sortir » relève de la génération éternelle, alors qu'« être envoyé » relève de l'Incarnation.

Mais il faut dire que nous pouvons parler du Christ de deux manières : selon sa divinité, et ainsi, pour le Fils de Dieu, autre chose est de sortir, autre chose d'être envoyé, comme le dit Hilaire ; ou bien selon son humanité, et ainsi, pour le Fils de l'homme, c'est la même chose de sortir et d'être envoyé, comme le dit Augustin.
Louis-Claude Fillion
J’ai manifesté : j’ai rendu visible. Cf. 1, 31 ; 2, 11 ; 7, 4 ; 21, 1. Ce verbe correspond à « je vous ai glorifié, j’ai accompli l’œuvre... » des versets précédents. - Votre nom aux hommes que vous m’avez donnés. Jésus n’a pas communiqué ses révélations célestes aux premiers venus d’entre les hommes, mais à ceux que son Père lui avait spécialement choisis. Cf. vv. 9, 11, 22, 24. - Du milieu du monde. Cf. 15, 16 et l’explication. Les apôtres aussi avaient appartenu au monde coupable. - Ils étaient à vous. Pas seulement d’une manière générale, comme tous les hommes, mais d’une façon très spéciale, à cause du choix dont ils avaient été l’objet. Jésus reviendra dans un instant (v. 9) sur ce trait, pour en faire un pressant motif de sa prière. - Et vous me les avez donnés : c’est au moment de cette donation que le Sauveur lui-même avait élu les Douze pour ses apôtres. Cf. 6, 70 ; 15, 16. Voyez aussi les passages 6, 37, 44, 66 ; 10, 29 ; 18, 9, qui nous montrent également le Père conduisant les hommes à son Christ, ou les lui donnant. - Et ils ont gardé votre parole. Cette parole ne diffère pas de celle du Fils, et est transmise par lui. « ils ont gardé », pour décrire une vigilante attention et un fidèle accomplissement dans le passé. Obéissance très méritoire, parce qu’elle était tout à fait libre. Cf. 1, 11, 12 ; 3, 18, 19 ; 12, 47, 48, etc.
Catéchisme de l'Église catholique
C’est en entrant dans le saint Nom du Seigneur Jésus que nous pouvons accueillir, du dedans, la prière qu’il nous apprend : " Notre Père ! ". Sa prière sacerdotale inspire, du dedans, les grandes demandes du Pater : le souci du Nom du Père (cf. Jn 17, 6. 11. 12. 26), la passion de son Règne (la Gloire ; cf. Jn 17, 1. 5. 10. 24. 23-26), l’accomplissement de la volonté du Père, de son Dessein de salut (cf. Jn 17, 2. 4. 6. 9. 11. 12. 24) et la libération du mal (cf. Jn 17, 15).
Pape Saint Jean-Paul II
Dans l'annonce de cet Evangile, nous ne devons pas craindre l'hostilité ou l'impopularité, refusant tout compromis et toute ambiguïté qui nous conformeraient à la mentalité de ce monde (cf. Rm 12, 2). Nous devons être dans le monde mais non pas du monde (cf. Jn 15, 19; 17, 16), avec la force qui nous vient du Christ, vainqueur du monde par sa mort et sa résurrection (cf. Jn 16, 33).