Jean 18, 19

Le grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur son enseignement.

Le grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur son enseignement.
Saint Thomas d'Aquin
2311. Ici, Jésus est examiné par le grand prêtre. On expose d'abord l'interrogatoire, puis la réponse de Jésus [n° 2313], enfin la réprimande [d'un garde] à sa réponse [n° 2317].

2312. Deux choses étaient reprochées au Christ par les Juifs : d'une part une doctrine fausse et nouvelle - Quel est cet enseignement nouveau ? D'autre part, la sédition et le fait qu'il attirait les hommes à lui - Il remue les foules dans toute la Judée, commençant par la Galilée jusqu'ici. C'est pourquoi Anne l'interroge au sujet de ces deux choses. D'abord, certes, AU SUJET DE SES DISCIPLES qu'il semblait avoir séduits, puis au sujet DE SON ENSEIGNEMENT, en l'accusant de fausseté.

2313. Ici est exposée la réponse du Seigneur. D'abord il affirme le mode de son enseignement, puis il requiert le témoignage des autres [n° 2316]. À propos du premier point, il montre la manifestation de son enseignement, puis il l'explique [n° 2315].

2314. À cela on peut objecter que plus haut il a dit : Elle vient, l'heure où je ne vous parlerai plus en proverbes, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père. Si donc il n'avait pas encore parlé ouvertement aux disciples, comment a-t-il parlé au monde ouvertement ? Réponse : il faut dire qu'il ne parlait pas encore ouvertement aux disciples parce qu'il leur proposait des maximes excellentes, mais qu'il parla au monde ouvertement parce qu'il prêchait publiquement à tous.

2315. Il explique donc cela en disant : J'AI TOUJOURS ENSEIGNÉ DANS LA SYNAGOGUE ET DANS LE TEMPLE, OÙ TOUS LES JUIFS SE RASSEMBLENT, ET JE N'AI RIEN DIT

EN SECRET. On objectera qu'en Matthieuil est dit que Jésus enseignait à ses disciples, à part, beaucoup de choses sans paraboles. À cela, il y a trois réponses. L'une est que ce qu'il disait aux douze disciples n'était pas considéré comme dit d'une manière cachée. La deuxième, qu'il ne donnait pas ces choses aux disciples avec l'intention de les cacher, mais de les publier - Ce que vous entendez au creux de l'oreille, prêchez-le sur les toits. La troisième réponse est que, s'il se trouve une certaine vigueur dans sa parole, c'est parce que le Seigneur parle ici de l'enseignement qu'il livrait au peuple, enseignement qu'il n'a pas proposé à des petits groupes, mais qu'il a donné dans des lieux publics -J'ai annoncé ta justice dans la grande assemblée. - Je n'ai pas parlé dans le secret, en un lieu ténébreux de la terre.

2316. Le Christ réclame ici le témoignage des autres. D'abord il le renvoie au témoignage des autres ; puis il montre ceux dont il requiert le témoignage ; enfin, il donne la raison de ces choses. À propos du premier point, il dit : « POURQUOI M'INTERROGES-TU ? », comme pour dire : tu peux savoir cela par d'autres. C'est pourquoi - et c'est le second point - il ajoute : « INTERROGE CEUX QUI ONT ENTENDU. » Car, comme il est dit en Matthieu, Ils envoyèrent des hommes à Jésus pour qu'ils l'observent et le prennent dans sa parole, mais ces hommes ne purent rien trouver contre lui. Et c'est pourquoi il renvoie le grand prêtre à eux. Et il ajoute la raison de cela : « C'EST EUX QUI SAVENT CE QUE MOI J'AI DIT », donc ils peuvent témoigner de ces choses.

2317. Après la réponse du Seigneur, l'Évangéliste rapporte ici le blâme de cette réponse ; d'abord le blâme du serviteur, puis la justification du Seigneur [n° 2320].

2318. Le serviteur blâme la réponse du Seigneur d'abord par un geste, en lui faisant l'affront de lui donner une gifle. C'est pourquoi l'Évangéliste dit : QUAND IL, Jésus, EUT DIT CELA, L'UN DES SERVITEURS QUI SE TENAIT LÀ, c'est-à-dire un des serviteurs du grand prêtre, LUI DONNA UNE GIFLE. Ce qui n'arriva certes pas par hasard, mais avait été prophétisé longtemps auparavant et à plusieurs reprises : J'ai livré mon corps à ceux qui me frappaient et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe. - II tendra la joue à qui le frappe (...) - A coups de verge ils frapperont la joue du juge d'Israël. En second lieu, il le blâme par une parole en disant : C'EST AINSI QUE TU RÉPONDS AU GRAND PRÊTRE ?, où il est donné à entendre qu'Anne était grand prêtre et que Jésus n'avait pas encore été envoyé à Caïphe. C'est pourquoi Luc fait mention de ces deux grands prêtres : Sous les pontificats, dit-il, des grands prêtres Anne et Caïphe. Et si on parle de deux grands prêtres, c'est parce qu'ils revendiquaient à tour de rôle le pontificat pour eux-mêmes ; mais cette année-là, Caïphe était le prince des prêtres.

2319. Le serviteur fut poussé à frapper Jésus du fait qu'il avait fait appel au témoignage de ses auditeurs. Or plus haut, alors que les grands prêtres avaient envoyé des serviteurs pour l'appréhender, ceux-ci, saisis par les paroles de Jésus, revinrent en disant que jamais un homme n'avait parlé comme cet homme. Voulant donc ici se justifier en montrant qu'il n'était pas de ceux-là, le serviteur le frappa, en conjecturant que le Christ avait mal répondu au grand prêtre. En effet, en disant : Pourquoi m'interroges-tu ?, il semblait avoir blâmé le grand prêtre par une interrogation imprudente, alors qu'il est écrit : Ne maudis pas le chef de ton peuple.

2320. Ensuite, Jésus se justifie avec raison quand il dit : SI J'AI MAL PARLÉ en répondant au grand prêtre, PORTE TÉMOIGNAGE AU SUJET DU MA1. Autrement dit : si, à partir des paroles que j'ai prononcées, tu as quelque chose que tu puisses me reprocher, montre ce que j'aurais dit de ma1. Car c'est sur la parole de deux ou trois témoins que tout fait sera établi. MAIS SI J'AI BIEN PARLÉ, c'est-à-dire si tu ne peux pas montrer cela, POURQUOI ME FRAPPES-TU ?, autrement dit : Pourquoi te déchaînes-tu contre moi ?

Cela peut aussi se rapporter à ce qu'il a dit plus haut : Interroge ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit, et le sens est alors celui-ci : SI J'AI MAL PARLÉ, dans la synagogue et dans le temple, ce que je n'aurais pas dû faire, PORTE TÉMOIGNAGE AU SUJET DU MAL, donc de ce que j'ai dit, en face du prince des prêtres. Mais cela, le serviteur n'aurait pas pu le montrer, car il n'a pas commis le péché. - Qui d'entre vous me convaincra de péché ? MAIS SI J'AI BIEN PARLÉ, c'est-à-dire enseigné, POURQUOI ME FRAPPES-TU ? Autrement dit, c'est injuste - Le mal se rend-il pour le bien, qu'ils creusent une fosse pour mon âme ?

2321. Mais il y a ici une question, parce que le Seigneur a prescrit à ses disciples : Si quelqu'un te frappe sur la joue droite, présente-lui encore l'autre, et Luc parle de ce que Jésus a fait et enseigné. Il aurait donc dû faire ce qu'il a enseigné. Mais cela, il ne l'a pas fait ; bien plus, il semble avoir fait le contraire, il a protesté. À cela il faut répondre, selon Augustin, que les paroles et les préceptes de l'Écriture Sainte peuvent être interprétés et compris à partir des actions des saints, puisque ceux-ci agissent sous la motion du même Esprit Saint qui a inspiré les Prophètes et les autres auteurs de l'Écriture Sainte. En effet, comme le dit Pierre, c'est inspirés par l'Esprit Saint que les saints hommes de Dieu ont parlé ; et Paul : Ceux qui sont mus par l'Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Ainsi, l'Écriture Sainte doit être comprise telle que le Christ et les autres saints l'ont gardée. Or le Christ n'a pas présenté l'autre joue au serviteur, et Paul non plus . Il ne faut donc pas comprendre que le Christ avait ordonné que l'on tendît au sens littéral, matériellement, l'autre joue à celui qui en frappe une. Mais il faut comprendre que l'âme doit se préparer afin que, si cela était nécessaire, elle soit dans une disposition telle qu'elle ne s'émeuve pas contre celui qui frappe, mais soit prête à supporter quelque chose de semblable et même davantage. Et cela, le Seigneur l'a observé, lui qui a livré son corps à la mort. Ainsi la protestation du Seigneur fut utile à notre instruction.
Louis-Claude Fillion
Le récit nous ramène à N.-S. Jésus-Christ, après l’interruption des vv. 15-18. Nous avons dit plus haut que le « pontifex » enquêteur est maintenant Caïphe, qu’entourait tout le grand Conseil rassemblé en toute hâte. - La première question du pontife portait sur deux points : ses disciples (leur nombre, leur condition, leur résidence, etc.) et sa doctrine (la substance générale de l’enseignement de Jésus). Elle était habilement posée et Caïphe était en droit d’espérer qu’il trouverait dans les réponses de Jésus de quoi formuler aussitôt contre lui une accusation officielle ; elle montre en outre que le grand prêtre connaissait dans le détail la vie et les habitudes du divin prévenu, sa manière de faire en tant que docteur.