Jean 18, 30
Ils lui répondirent : « S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne t’aurions pas livré cet homme. »
Ils lui répondirent : « S’il n’était pas un malfaiteur, nous ne t’aurions pas livré cet homme. »
À propos du premier point, l'Évangéliste expose d'abord l'examen de Pilate, puis sa concession faite avec libéralité [n° 2338].
2336. Ici commence l'examen de Pilate, [une interrogation] suivie de la réponse pleine de malice des Juifs. Pilate, voyant Jésus ligoté et conduit par tant de monde pour être condamné, dit : « QUELLE ACCUSATION PORTEZ-VOUS CONTRE CET HOMME ? » ILS RÉPONDIRENT ET LUI DIRENT : « SI CE N'ÉTAIT PAS UN MALFAITEUR, NOUS NE TE L'AURIONS PAS LIVRÉ. » Autrement dit : « Nous, nous l'avons examiné et nous te le livrons déjà condamné, comme un homme qu'il faut punir » - comme si leur jugement suffisait à Pilate. Mais en disant qu'il est un malfaiteur ils mentent, parce qu'il est passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient opprimés par le diable. Cela, ils le font selon cette parole du psaume : Ils me rendaient le mal pour le bien.
2337. Il est dit en Luc qu'ils chargeaient le Christ de nombreux crimes - Il sème le trouble dans le peuple en enseignant dans toute la Judée, depuis la Galilée jusqu'ici. Mais là [ils ne l'accusent] de rien. À cela je réponds que les Juifs ont alors dit beaucoup de paroles à Pilate, comme le dit Augustin, mais que peut-être il y eut d'abord ce que Jean montre ici, et ensuite ce que dit Luc.
2338. Ensuite, on expose la concession que Pilate fit avec libéralité. D'abord cette concession, puis la récusation des Juifs [n° 2340], enfin la raison de cette récusation [n° 2342].
2339. Pilate dit donc : « PRENEZ-LE, VOUS, ET JUGEZ-LE SELON VOTRE LOI », soit en voulant leur accorder une grâce - comme Festus a dit à Paul : Veux-tu monter à Jérusalem pour y être jugé là-dessus en ma présence ? -, soit en les accusant car, selon lui, ils avaient eux-mêmes examiné et condamné le Christ, et c'est pourquoi il voulait que ceux qui l'avaient jugé comme un malfaiteur rendent la sentence. Parce que, comme il est dit dans les Actes des Apôtres, les Romains n'ont pas coutume de condamner un homme avant que l'accusé ait été mis en présence de ses accusateurs et ait reçu le moyen de se défendre pour être lavé des fautes [dont on l'accuse]. Le sens [de la phrase de Pilate] est alors celui-ci : Vous demandez notre jugement, mais PRENEZ-LE, VOUS, ET JUGEZ-LE SELON VOTRE LOI, moi je ne veux en aucune manière qu'on fasse de moi un tel juge.
2340. La récusation des Juifs est exposée aussitôt après. Mais il est dit dans l'Exode : Tu ne laisseras pas vivre les sorciers ; or ils considéraient Jésus comme un sorcier. Mais, selon Augustin, ils disent : IL NE NOUS EST PAS PERMIS DE TUER QUELQU'UN un jour de fête, mais un autre jour, oui. Ou bien, selon Chrysostome , les Juifs avait perdu beaucoup de pouvoir, parce que le jugement sur le péché d'ordre politique ne leur appartenait pas ; or ils avaient surtout l'intention de le condamner pour ce qui était contre l'État - Quiconque se fait roi s'oppose à César. C'est pourquoi ils disent : « IL NE NOUS EST PAS PERMIS DE TUER QUELQU'UN », c'est-à-dire celui qui agit contre l'État, alors que cela leur était permis pour un péché contre la Loi, dont le jugement leur était réservé. Ou bien il faut dire, autrement, que quelque chose n'est pas permis à quelqu'un soit parce que cela est défendu par la loi divine - et en ce sens cela ne leur était pas défendu -, soit parce que cela leur était défendu par une loi humaine - et en ce sens il ne leur était pas permis de tuer quelqu'un parce que ce pouvoir était détenu par le gouverneur.
2341. Là il reste une question, parce qu'ils ont lapidé Etienne. Mais à cela Chrysostome répond qu'aux Juifs les Romains avaient permis d'utiliser leurs propres lois ; et la peine de la lapidation, parce qu'elle était infligée par la Loi, leur avait été concédée par les Romains. Mais dans la Loi, la mort de la croix était un opprobre - Maudit soit celui qui est pendu au bois -, et c'est pourquoi ils n'avaient pas maintenu ce genre de mort. Or les Juifs, en raison de leur malice, n'étaient pas satisfaits de pouvoir lapider le Christ : ils voulaient le condamner à la mort la plus ignominieuse, comme il est dit au livre de la Sagesse. Et c'est pourquoi ils disent maintenant : « IL NE NOUS EST PAS PERMIS DE TUER QUELQU'UN », c'est-à-dire de la mort de la croix. Ou bien il faut dire qu'Etienne fut lapidé lors d'un changement de magistrature, où beaucoup de choses illicites sont usurpées, qui ne se feraient pas tant que dure le pouvoir.
2342. L'Évangéliste ajoute la raison de leur récusation. Le « pour » ne se réfère pas à l'intention des Juifs, mais à la disposition de la divine Providence. Jésus a dit en effet qu'il devait être tué par les païens et crucifié, mais en ayant été livré par les Juifs. Et c'est pourquoi, pour que cela fut accompli, ils ne voulurent pas le juger ni le tuer eux-mêmes.
b) Comment Pilate examine le Christ chez lui.
2343. Plus haut a été exposé l'examen du Christ par Pilate face à ses accusateurs ; ici, l'Évangéliste montre comment Pilate a examiné le Christ chez lui. Il traite d'abord de l'interrogation de Pilate qui examine, puis de la réponse du Christ examiné [n° 2349].
Pilate interroge Jésus.
À propos du premier point, l'Évangéliste fait deux choses : d'abord il expose l'interrogation de Pilate, puis la cause de l'interrogation, à savoir l'examen [n° 2346].
2344. À propos du premier point, il faut savoir que Pilate, comme un juste juge, et traitant toutes choses avec soin, n'a pas acquiescé tout de suite à l'accusation du grand prêtre - Tu ne suivras pas la foule pour faire le mal, et dans un jugement tu n'acquiesceras pas à la sentence du plus grand nombre de sorte que tu dévies de ce qui est vrai. Mais il entra DE NOUVEAU DANS LE PRÉTOIRE, APPELA JÉSUS, c'est-à-dire à part, parce qu'il avait une grande suspicion à son sujet. C'est pourquoi il appela à lui le Christ, pour scruter toutes choses avec plus de soin et pour que le Christ, éloigné du tumulte des Juifs, répondît plus tranquillement - La cause que j'ignorais, je Vétudiais avec grande attention.
2345. Il lui dit alors : « ES-TU LE ROI DES JUIFS ? » D'où il est évident, comme le rapporte Luc, que les Juifs lui ont imputé ce crime, bien que Jean dise seulement : Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré, et qu'ils lui en reprochèrent beaucoup d'autres. Mais celui-ci toucha davantage le cœur de Pilate, et c'est pourquoi il l'interroge sur ce seul point - C'est de l'abondance du cœur que parle la bouche.
2346. Ensuite est exposé l'examen de l'interrogation ; l'Évangéliste rapporte d'abord l'interrogation du Christ, puis la réponse de Pilate [n° 2348].
2347. Il dit donc d'abord que Jésus, inversant l'interrogation, RÉPONDIT : « DIS-TU CELA DE TOI-MÊME, OU BIEN D'AUTRES TE L'ONT-ILS DIT DE MOI ? » II faut savoir ici que l'homme interroge pour deux causes : parfois pour connaître une réalité qu'auparavant il ignorait - et c'est ainsi que le disciple interroge le maître ; et parfois, au sujet d'une réalité connue, pour connaître la réponse au sujet de laquelle il interroge - et c'est ainsi que le maître interroge le disciple. Mais le Seigneur connaissait à la fois ce sur quoi il interrogeait et ce qu'on allait lui répondre. C'est pourquoi il n'interrogeait pas comme par ignorance, parce que toutes choses sont nues et à découvert devant ses yeux ; mais il interroge pour que nous sachions quelle opinion avaient de sa royauté les Juifs et les Gentils, et qu'en même temps nous soyons instruits de cette royauté.
2348. L'Évangéliste expose ensuite la réponse de Pilate : « EST-CE QUE JE SUIS JUIF, MOI ? » Mais pourquoi répond-il ainsi ? De toute évidence, c'est parce que le Seigneur lui avait demandé s'il avait dit cela de lui-même. Et c'est pourquoi Pilate montre que ce n'était pas à lui qu'il appartenait de chercher s'il était le roi des Juifs, mais plutôt aux Juifs dont il se disait roi, donnant par là à entendre que cela lui avait été dit par d'autres. Et c'est pourquoi Pilate ajoute : « TON PEUPLE ET TES GRANDS PRÊTRES T'ONT LIVRÉ À MOI » en lançant cette accusation contre toi. Et il dit : TON PEUPLE, parce que, dans son humanité, Jésus était né des Juifs - J'ai entendu en effet les outrages d'un grand nombre et la terreur tout autour de moi : « Poursuivez-le, et nous le poursuivrons » ; j'ai entendu aussi de tous les hommes qui vivaient en paix avec moi, et qui se tenaient à mes côtés : « Si en quelque manière il était trompé, et que nous prévalions contre lui, et que nous tirions vengeance de lui. » - Le fils fait outrage à son père, et la fille s'élève contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère ; les ennemis de l'homme sont ses serviteurs. Et s'il est dit TES GRANDS PRÊTRES, c'est parce que plus ils étaient grands dans le pouvoir, plus ils étaient puissants dans le crime - La main des pnnces et des magistrats fut la première dans cette transgression. - J'irai vers les grands et je leur parlerai : car ils ont connu les voies du Seigneur et le jugement de leur Dieu ; et voilà que, de plus, tous ensemble ont brisé le joug, ont rompu leurs liens. Si donc ils t'ont livré à moi, QU'AS-TU FAIT ? - autrement dit : il n'est pas croyable qu'ils t'aient livré à moi si ce n'est pas pour une cause grave.
La réponse du Christ.
2349. Ici nous est donnée la réponse du Christ. D'abord il écarte la fausseté du soupçon concernant son royaume, puis il établit la vérité [n° 2355]. À propos du premier point, il rejette d'abord le faux soupçon, puis il apporte comme preuve un signe [n° 2352].
2350. Il écarte le faux soupçon en disant : « MON ROYAUME N'EST PAS DE CE MONDE ». Comprenant mal cela, les manichéens disaient qu'il existe deux dieux et deux royaumes : un dieu bon, qui a son royaume dans la région de la lumière, et un dieu mauvais, qui a son royaume dans la région des ténèbres. Et ils disaient que cette dernière, c'est ce monde, parce que, selon eux, toutes les réalités corporelles étaient des ténèbres. Selon cette interprétation, MON ROYAUME N'EST PAS DE CE MONDE signifie que Dieu le Père, qui est bon, et moi, nous n'avons pas de royaume dans la région des ténèbres. Mais contre cela il dit dans le psaume : Dieu est le roi de toute la terre ; et encore : Tout ce qu'il a voulu, Dieu l'a fait, dans le ciel et sur la terre. C'est pourquoi il faut dire que le Christ a dit cela à cause de Pilate qui croyait que le Christ ambitionnait de posséder un royaume terrestre sur lequel il régnerait de manière terrestre (corporaliter), tout comme les hommes terrestres ; et pour cela, parce qu'il cherchait à avoir un royaume illicite, il devait être puni de mort.
2351. Or il faut savoir qu'on appelle « royaume » (regnum) tantôt le peuple sur qui on règne, tantôt le pouvoir royal lui-même [la royauté]. Prenant le terme « royaume » selon la première manière de le comprendre, Augustin dit que MON ROYAUME, c'est-à-dire ceux qui croient en moi - II a fait de nous pour notre Dieu un royaume et des prêtres ; et nous régnerons sur la terre -, N'EST PAS DE CE MONDE. Il ne dit pas : « n'est pas dans ce monde », alors qu'il est dit plus haut : Eux sont dans le monde, mais N'EST PAS DE CE MONDE par l'amour et l'imitation, étant arraché à ce monde par l'élection de la grâce. C'est ainsi, en effet, que Dieu nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et transportés dans le royaume de son amour (caritatis).
Chrysostome explique en prenant « royaume » au second sens [ma royauté] et dit : MON ROYAUME, c'est-à-dire mon pouvoir et l'autorité par laquelle je suis roi, N'EST PAS DE CE MONDE, c'est-à-dire ne tient pas son origine de causes mondaines et du choix des hommes, mais d'ailleurs, c'est-à-dire du Père lui-même - Son pouvoir est un pouvoir éternel qui ne sera pas enlevé et son règne, un règne qui ne se corrompra pas.
2352. Ici, le Seigneur apporte l'évidence d'un signe pour prouver que son royaume n'est pas de ce monde. D'abord il donne le signe, puis il conclut ce qui était son intention [n° 2354].
2353. À propos du premier point, il faut savoir qu'il est nécessaire à celui qui possède un royaume terrestre, que ce soit d'une manière juste ou par la violence, d'avoir des associés et des hommes à son service (ministros) par lesquels il soit soutenu dans le pouvoir. La raison en est qu'il n'est pas puissant par lui-même mais par ses serviteurs - II y eut une longue guerre entre la maison de Saül et celle de David : David avançait, et toujours plus fort, alors que la maison de Saül s'affaiblissait de jour en jour. Mais un roi « d'en haut » (supernus), parce qu'il est puissant par lui-même, donne la puissance à ses serviteurs (servis) ; il n'a donc pas besoin de serviteurs (ministros) pour son royaume. C'est pourquoi le Christ dit que son royaume n'est pas de ce monde ; car SI MON ROYAUME ÉTAIT DE CE MONDE, MES SERVITEURS AURAIENT COMBATTU POUR QUE JE NE SOIS PAS LIVRÉ AUX JUIFS. De là vient que Pierre, voulant combattre pour le Christ, ne se rendait pas compte que son royaume n'était pas de ce monde, comme on l'a vu plus haut. Le Seigneur avait cependant d'autres serviteurs, à savoir les anges, qui auraient pu l'arracher aux mains des Juifs. Mais le Seigneur ne voulut pas être arraché - Ne puis-je pas faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d'anges ?
2354. Parce qu'il ne cherche pas de tels serviteurs (ministros), il conclut que son royaume N'EST PAS D'ICI, c'est-à-dire qu'il ne tient pas son principe de ce monde. Il est cependant ici, puisqu'il est partout - Il s'étend avec force d'une extrémité du monde à Vautre et dispose tout avec douceur. - Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage, et pour domaine les limites de la terre. - Il lui a donné le pouvoir, l'honneur et le royaume ; et tous les peuples, les tribus et les langues le serviront.
2355. Le Seigneur manifeste ici la vérité concernant ce qu'est son royaume. On expose d'abord l'occasion de la manifestation, puis la manifestation elle-même [n° 2357], enfin l'effet de la manifestation [n° 2364].
2356. À propos du premier point, il faut savoir que Pilate, à partir des paroles susdites du Seigneur, comprenant ce royaume comme matériel et loin de ses frontières - L'homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu -, haletait [dans son désir] de connaître la vérité, et c'est pourquoi il s'enquiert en disant : « DONC, TU ES ROI ? », c'est-à-dire aussi Seigneur.
2357. Là, il confesse d'abord qu'il est roi ; puis il montre la raison de sa royauté [n° 2359] ; enfin, il donne à entendre sur qui il règne [n° 2361].
2358. À propos du premier point, il faut savoir que le Seigneur, répondant à la question au sujet de sa royauté, a tempéré sa réponse de telle sorte qu'il ne déclare pas ouvertement qu'il est roi, puisqu'il n'est pas roi à la manière dont Pilate le comprenait, et qu'il ne le nie pas non plus, puisqu'il est spirituellement Roi des rois. Il dit donc : « C'EST TOI QUI DIS QUE JE SUIS ROI », c'est-à-dire charnellement, mode selon lequel je ne suis pas roi ; mais moi je suis roi d'une autre manière - Voici que le roi régnera dans la justice.
2359. Le Christ montre le mode et la raison de sa royauté, ce qui s'explique de deux façons. D'une première manière, selon Augustin, en ce sens que le royaume du Christ sont ceux qui croient en lui, comme on l'a dit plus haut. Ainsi, le Christ règne sur les croyants. Et il est venu dans le monde pour que, rassemblant avec lui les croyants, il acquière pour lui un royaume comme Y homme noble qui s'en alla dans une région lointaine pour prendre possession d'un royaume. Le sens est alors celui-ci : MOI, JE SUIS NÉ, c'est-à-dire d'une naissance charnelle, (...) POUR CECI... Et il l'explique en disant : ET JE SUIS VENU DANS LE MONDE en naissant charnellement ; c'est ainsi en effet qu'il est venu, engendré d'une femme - Dieu a envoyé son Fils dans le monde -, POUR CECI – RENDRE TÉMOIGNAGE À LA VÉRITÉ, c'est-à-dire à moi, qui suis la Venté. - Et si je me rends témoignage à moi-même, mon témoignage est vrai. Et c'est dans la mesure où je manifeste que je suis la vérité, que je me prépare un royaume. En effet, cela ne peut se faire que par la manifestation de la vérité, manifestation qui ne pouvait se réaliser que par moi qui suis la Lumière - L'unique engendré, qui est dans le sein du Père, lui l'a révélé. - Ces choses qui ont commencé d'être révélées par le Seigneur (...) .
2360. Chrysostome explique cela d'une autre manière : « Tu demandes si je suis roi ; et moi je te dis que oui. Mais par un pouvoir divin, parce que c'est POUR CECI que JE SUIS NÉ du Père, d'une nativité éternelle, comme Dieu de Dieu, et de même Roi de Roi » - comme dit le psaume : Moi j'ai été établi roi par lui ; et un peu plus loin : Moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. Mais ce que le Christ ajoute - ET JE SUIS VENU DANS LE MONDE POUR CECI - n'est pas donné comme une explication, mais doit s'entendre de la nativité temporelle, comme s'il disait : « Bien que je sois un roi éternel, cependant JE SUIS VENU DANS LE MONDE POUR CECI – RENDRE TÉMOIGNAGE À LA VÉRITÉ, c'est-à-dire du fait que je suis roi par Dieu le Père. »
2361. Ici, il montre sur qui il règne. Là, il faut noter que plus haut il s'est dit pasteur et qu'il appelle « brebis » ceux qui lui sont soumis, et c'est la même chose que ce qu'il dit ici : il se dit roi et appelle « royaume » ceux qui lui sont soumis. Car le rapport du roi aux sujets (subditos) et du pasteur aux brebis est le même : comme le pasteur fait paître les brebis - N'est-ce pas les troupeaux que les pasteurs font paître ? -, de même aussi le roi est le soutien de ses sujets. Et entre autres le Christ a dit spécialement : Mes brebis écoutent ma voix. C'est pourquoi ici il dit : « QUICONQUE EST DE LA VÉRITÉ ÉCOUTE MA VOIX », non seulement de l'extérieur, mais intérieurement en croyant et en aimant, et par l'œuvre à accomplir - Quiconque écoute le Père et s'est mis à son école vient à moi. Mais d'où vient à l'homme qu'il ÉCOUTE MA VOIX ? De ce qu'il EST DE LA VÉRITÉ, qui est Dieu.
2362. Mais alors, puisque tous sont de Dieu, tous sont de la vérité et écoutent sa voix ? À cela je réponds que certains sont de Dieu par la création, et de cette manière tous sont de Dieu. Mais d'autres sont de Dieu par l'amour et l'imitation. C'est pourquoi il est dit plus haut : Vous n'êtes pas de Dieu, c'est-à-dire selon l'amour (affectus), mais vous l'êtes par la création. Celui-là donc ÉCOUTE la VOIX en croyant et en aimant, qui EST DE LA VÉRITÉ, c'est-à-dire qui reçoit ce don d'aimer la vérité.
2363. Mais remarque qu'il ne dit pas : « quiconque écoute ma voix est de la vérité », parce qu'alors nous serions de la vérité parce que nous croyons. Alors que nous croyons parce que nous sommes de la vérité, c'est-à-dire en tant que nous recevons le don de Dieu par lequel nous croyons et aimons la vérité - C'est le don de Dieu. - II vous a été donné, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui.
2364. L'Évangéliste rapporte ici l'effet de la réponse. Là il est donné à entendre que Pilate, ayant écarté l'idée d'un royaume terrestre et comprenant que le Christ est roi dans l'enseignement de la vérité, désire connaître la vérité et devenir membre de son royaume. C'est pourquoi il dit : « QU'EST-CE QUE LA VÉRITÉ ? », ne cherchant pas quelle est la définition de la vérité, mais ce qu'est la vérité par la puissance de laquelle il deviendrait membre de son royaume, donnant par là à entendre que la vérité était inconnue du monde et avait disparu de presque tous puisqu'ils étaient incrédules - La venté s'est corrompue sur les places. - Les vérités ont été diminuées par les fils des hommes. Mais Pilate n'a pas attendu la réponse.
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2365. Il faut donc, quant à cette question, savoir que nous trouvons dans l'Évangile deux vérités : l'une, incréée et créatrice (facientem), et celle-ci est le Christ - Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. L'autre, faite (factam) - La grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Or la vérité, selon sa raison propre, implique une proportion entre la réalité et l'intelligence (intellectus). Mais le rapport de l'intelligence à la réalité est de deux sortes : il y a d'une part l'Intelligence qui existe comme mesure des réalités, et il s'agit de Celui qui est cause des réalités ; et d'autre part l'intelligence qui est mesurée par la réalité, chez celui dont la connaissance est causée par la réalité. La vérité n'est donc pas dans l'intellect divin parce qu'il est adéquat aux réalités, mais parce que les réalités sont adéquates à l'intellect divin lui-même ; alors que la vérité est dans notre intelligence parce que celle-ci connaît les réalités telles qu'elles sont. Ainsi, la Vérité incréée, l'intellect divin, est une vérité qui n'est pas mesurée ni faite, mais une vérité qui mesure et qui fait une double vérité : l'une dans les réalités elles-mêmes, en tant qu'elle les fait être selon qu'elles sont dans l'intellect divin ; l'autre qu'elle fait dans nos âmes, et qui est une vérité seulement mesurée et non mesurante. Et de là vient que la vérité incréée de l'intellect divin est appropriée au Fils qui est la conception même de l'intellect divin et le Verbe de Dieu. En effet, la vérité suit la conception de l'intellect.
2336. Ici commence l'examen de Pilate, [une interrogation] suivie de la réponse pleine de malice des Juifs. Pilate, voyant Jésus ligoté et conduit par tant de monde pour être condamné, dit : « QUELLE ACCUSATION PORTEZ-VOUS CONTRE CET HOMME ? » ILS RÉPONDIRENT ET LUI DIRENT : « SI CE N'ÉTAIT PAS UN MALFAITEUR, NOUS NE TE L'AURIONS PAS LIVRÉ. » Autrement dit : « Nous, nous l'avons examiné et nous te le livrons déjà condamné, comme un homme qu'il faut punir » - comme si leur jugement suffisait à Pilate. Mais en disant qu'il est un malfaiteur ils mentent, parce qu'il est passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient opprimés par le diable. Cela, ils le font selon cette parole du psaume : Ils me rendaient le mal pour le bien.
2337. Il est dit en Luc qu'ils chargeaient le Christ de nombreux crimes - Il sème le trouble dans le peuple en enseignant dans toute la Judée, depuis la Galilée jusqu'ici. Mais là [ils ne l'accusent] de rien. À cela je réponds que les Juifs ont alors dit beaucoup de paroles à Pilate, comme le dit Augustin, mais que peut-être il y eut d'abord ce que Jean montre ici, et ensuite ce que dit Luc.
2338. Ensuite, on expose la concession que Pilate fit avec libéralité. D'abord cette concession, puis la récusation des Juifs [n° 2340], enfin la raison de cette récusation [n° 2342].
2339. Pilate dit donc : « PRENEZ-LE, VOUS, ET JUGEZ-LE SELON VOTRE LOI », soit en voulant leur accorder une grâce - comme Festus a dit à Paul : Veux-tu monter à Jérusalem pour y être jugé là-dessus en ma présence ? -, soit en les accusant car, selon lui, ils avaient eux-mêmes examiné et condamné le Christ, et c'est pourquoi il voulait que ceux qui l'avaient jugé comme un malfaiteur rendent la sentence. Parce que, comme il est dit dans les Actes des Apôtres, les Romains n'ont pas coutume de condamner un homme avant que l'accusé ait été mis en présence de ses accusateurs et ait reçu le moyen de se défendre pour être lavé des fautes [dont on l'accuse]. Le sens [de la phrase de Pilate] est alors celui-ci : Vous demandez notre jugement, mais PRENEZ-LE, VOUS, ET JUGEZ-LE SELON VOTRE LOI, moi je ne veux en aucune manière qu'on fasse de moi un tel juge.
2340. La récusation des Juifs est exposée aussitôt après. Mais il est dit dans l'Exode : Tu ne laisseras pas vivre les sorciers ; or ils considéraient Jésus comme un sorcier. Mais, selon Augustin, ils disent : IL NE NOUS EST PAS PERMIS DE TUER QUELQU'UN un jour de fête, mais un autre jour, oui. Ou bien, selon Chrysostome , les Juifs avait perdu beaucoup de pouvoir, parce que le jugement sur le péché d'ordre politique ne leur appartenait pas ; or ils avaient surtout l'intention de le condamner pour ce qui était contre l'État - Quiconque se fait roi s'oppose à César. C'est pourquoi ils disent : « IL NE NOUS EST PAS PERMIS DE TUER QUELQU'UN », c'est-à-dire celui qui agit contre l'État, alors que cela leur était permis pour un péché contre la Loi, dont le jugement leur était réservé. Ou bien il faut dire, autrement, que quelque chose n'est pas permis à quelqu'un soit parce que cela est défendu par la loi divine - et en ce sens cela ne leur était pas défendu -, soit parce que cela leur était défendu par une loi humaine - et en ce sens il ne leur était pas permis de tuer quelqu'un parce que ce pouvoir était détenu par le gouverneur.
2341. Là il reste une question, parce qu'ils ont lapidé Etienne. Mais à cela Chrysostome répond qu'aux Juifs les Romains avaient permis d'utiliser leurs propres lois ; et la peine de la lapidation, parce qu'elle était infligée par la Loi, leur avait été concédée par les Romains. Mais dans la Loi, la mort de la croix était un opprobre - Maudit soit celui qui est pendu au bois -, et c'est pourquoi ils n'avaient pas maintenu ce genre de mort. Or les Juifs, en raison de leur malice, n'étaient pas satisfaits de pouvoir lapider le Christ : ils voulaient le condamner à la mort la plus ignominieuse, comme il est dit au livre de la Sagesse. Et c'est pourquoi ils disent maintenant : « IL NE NOUS EST PAS PERMIS DE TUER QUELQU'UN », c'est-à-dire de la mort de la croix. Ou bien il faut dire qu'Etienne fut lapidé lors d'un changement de magistrature, où beaucoup de choses illicites sont usurpées, qui ne se feraient pas tant que dure le pouvoir.
2342. L'Évangéliste ajoute la raison de leur récusation. Le « pour » ne se réfère pas à l'intention des Juifs, mais à la disposition de la divine Providence. Jésus a dit en effet qu'il devait être tué par les païens et crucifié, mais en ayant été livré par les Juifs. Et c'est pourquoi, pour que cela fut accompli, ils ne voulurent pas le juger ni le tuer eux-mêmes.
b) Comment Pilate examine le Christ chez lui.
2343. Plus haut a été exposé l'examen du Christ par Pilate face à ses accusateurs ; ici, l'Évangéliste montre comment Pilate a examiné le Christ chez lui. Il traite d'abord de l'interrogation de Pilate qui examine, puis de la réponse du Christ examiné [n° 2349].
Pilate interroge Jésus.
À propos du premier point, l'Évangéliste fait deux choses : d'abord il expose l'interrogation de Pilate, puis la cause de l'interrogation, à savoir l'examen [n° 2346].
2344. À propos du premier point, il faut savoir que Pilate, comme un juste juge, et traitant toutes choses avec soin, n'a pas acquiescé tout de suite à l'accusation du grand prêtre - Tu ne suivras pas la foule pour faire le mal, et dans un jugement tu n'acquiesceras pas à la sentence du plus grand nombre de sorte que tu dévies de ce qui est vrai. Mais il entra DE NOUVEAU DANS LE PRÉTOIRE, APPELA JÉSUS, c'est-à-dire à part, parce qu'il avait une grande suspicion à son sujet. C'est pourquoi il appela à lui le Christ, pour scruter toutes choses avec plus de soin et pour que le Christ, éloigné du tumulte des Juifs, répondît plus tranquillement - La cause que j'ignorais, je Vétudiais avec grande attention.
2345. Il lui dit alors : « ES-TU LE ROI DES JUIFS ? » D'où il est évident, comme le rapporte Luc, que les Juifs lui ont imputé ce crime, bien que Jean dise seulement : Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré, et qu'ils lui en reprochèrent beaucoup d'autres. Mais celui-ci toucha davantage le cœur de Pilate, et c'est pourquoi il l'interroge sur ce seul point - C'est de l'abondance du cœur que parle la bouche.
2346. Ensuite est exposé l'examen de l'interrogation ; l'Évangéliste rapporte d'abord l'interrogation du Christ, puis la réponse de Pilate [n° 2348].
2347. Il dit donc d'abord que Jésus, inversant l'interrogation, RÉPONDIT : « DIS-TU CELA DE TOI-MÊME, OU BIEN D'AUTRES TE L'ONT-ILS DIT DE MOI ? » II faut savoir ici que l'homme interroge pour deux causes : parfois pour connaître une réalité qu'auparavant il ignorait - et c'est ainsi que le disciple interroge le maître ; et parfois, au sujet d'une réalité connue, pour connaître la réponse au sujet de laquelle il interroge - et c'est ainsi que le maître interroge le disciple. Mais le Seigneur connaissait à la fois ce sur quoi il interrogeait et ce qu'on allait lui répondre. C'est pourquoi il n'interrogeait pas comme par ignorance, parce que toutes choses sont nues et à découvert devant ses yeux ; mais il interroge pour que nous sachions quelle opinion avaient de sa royauté les Juifs et les Gentils, et qu'en même temps nous soyons instruits de cette royauté.
2348. L'Évangéliste expose ensuite la réponse de Pilate : « EST-CE QUE JE SUIS JUIF, MOI ? » Mais pourquoi répond-il ainsi ? De toute évidence, c'est parce que le Seigneur lui avait demandé s'il avait dit cela de lui-même. Et c'est pourquoi Pilate montre que ce n'était pas à lui qu'il appartenait de chercher s'il était le roi des Juifs, mais plutôt aux Juifs dont il se disait roi, donnant par là à entendre que cela lui avait été dit par d'autres. Et c'est pourquoi Pilate ajoute : « TON PEUPLE ET TES GRANDS PRÊTRES T'ONT LIVRÉ À MOI » en lançant cette accusation contre toi. Et il dit : TON PEUPLE, parce que, dans son humanité, Jésus était né des Juifs - J'ai entendu en effet les outrages d'un grand nombre et la terreur tout autour de moi : « Poursuivez-le, et nous le poursuivrons » ; j'ai entendu aussi de tous les hommes qui vivaient en paix avec moi, et qui se tenaient à mes côtés : « Si en quelque manière il était trompé, et que nous prévalions contre lui, et que nous tirions vengeance de lui. » - Le fils fait outrage à son père, et la fille s'élève contre sa mère, la belle-fille contre sa belle-mère ; les ennemis de l'homme sont ses serviteurs. Et s'il est dit TES GRANDS PRÊTRES, c'est parce que plus ils étaient grands dans le pouvoir, plus ils étaient puissants dans le crime - La main des pnnces et des magistrats fut la première dans cette transgression. - J'irai vers les grands et je leur parlerai : car ils ont connu les voies du Seigneur et le jugement de leur Dieu ; et voilà que, de plus, tous ensemble ont brisé le joug, ont rompu leurs liens. Si donc ils t'ont livré à moi, QU'AS-TU FAIT ? - autrement dit : il n'est pas croyable qu'ils t'aient livré à moi si ce n'est pas pour une cause grave.
La réponse du Christ.
2349. Ici nous est donnée la réponse du Christ. D'abord il écarte la fausseté du soupçon concernant son royaume, puis il établit la vérité [n° 2355]. À propos du premier point, il rejette d'abord le faux soupçon, puis il apporte comme preuve un signe [n° 2352].
2350. Il écarte le faux soupçon en disant : « MON ROYAUME N'EST PAS DE CE MONDE ». Comprenant mal cela, les manichéens disaient qu'il existe deux dieux et deux royaumes : un dieu bon, qui a son royaume dans la région de la lumière, et un dieu mauvais, qui a son royaume dans la région des ténèbres. Et ils disaient que cette dernière, c'est ce monde, parce que, selon eux, toutes les réalités corporelles étaient des ténèbres. Selon cette interprétation, MON ROYAUME N'EST PAS DE CE MONDE signifie que Dieu le Père, qui est bon, et moi, nous n'avons pas de royaume dans la région des ténèbres. Mais contre cela il dit dans le psaume : Dieu est le roi de toute la terre ; et encore : Tout ce qu'il a voulu, Dieu l'a fait, dans le ciel et sur la terre. C'est pourquoi il faut dire que le Christ a dit cela à cause de Pilate qui croyait que le Christ ambitionnait de posséder un royaume terrestre sur lequel il régnerait de manière terrestre (corporaliter), tout comme les hommes terrestres ; et pour cela, parce qu'il cherchait à avoir un royaume illicite, il devait être puni de mort.
2351. Or il faut savoir qu'on appelle « royaume » (regnum) tantôt le peuple sur qui on règne, tantôt le pouvoir royal lui-même [la royauté]. Prenant le terme « royaume » selon la première manière de le comprendre, Augustin dit que MON ROYAUME, c'est-à-dire ceux qui croient en moi - II a fait de nous pour notre Dieu un royaume et des prêtres ; et nous régnerons sur la terre -, N'EST PAS DE CE MONDE. Il ne dit pas : « n'est pas dans ce monde », alors qu'il est dit plus haut : Eux sont dans le monde, mais N'EST PAS DE CE MONDE par l'amour et l'imitation, étant arraché à ce monde par l'élection de la grâce. C'est ainsi, en effet, que Dieu nous a arrachés au pouvoir des ténèbres et transportés dans le royaume de son amour (caritatis).
Chrysostome explique en prenant « royaume » au second sens [ma royauté] et dit : MON ROYAUME, c'est-à-dire mon pouvoir et l'autorité par laquelle je suis roi, N'EST PAS DE CE MONDE, c'est-à-dire ne tient pas son origine de causes mondaines et du choix des hommes, mais d'ailleurs, c'est-à-dire du Père lui-même - Son pouvoir est un pouvoir éternel qui ne sera pas enlevé et son règne, un règne qui ne se corrompra pas.
2352. Ici, le Seigneur apporte l'évidence d'un signe pour prouver que son royaume n'est pas de ce monde. D'abord il donne le signe, puis il conclut ce qui était son intention [n° 2354].
2353. À propos du premier point, il faut savoir qu'il est nécessaire à celui qui possède un royaume terrestre, que ce soit d'une manière juste ou par la violence, d'avoir des associés et des hommes à son service (ministros) par lesquels il soit soutenu dans le pouvoir. La raison en est qu'il n'est pas puissant par lui-même mais par ses serviteurs - II y eut une longue guerre entre la maison de Saül et celle de David : David avançait, et toujours plus fort, alors que la maison de Saül s'affaiblissait de jour en jour. Mais un roi « d'en haut » (supernus), parce qu'il est puissant par lui-même, donne la puissance à ses serviteurs (servis) ; il n'a donc pas besoin de serviteurs (ministros) pour son royaume. C'est pourquoi le Christ dit que son royaume n'est pas de ce monde ; car SI MON ROYAUME ÉTAIT DE CE MONDE, MES SERVITEURS AURAIENT COMBATTU POUR QUE JE NE SOIS PAS LIVRÉ AUX JUIFS. De là vient que Pierre, voulant combattre pour le Christ, ne se rendait pas compte que son royaume n'était pas de ce monde, comme on l'a vu plus haut. Le Seigneur avait cependant d'autres serviteurs, à savoir les anges, qui auraient pu l'arracher aux mains des Juifs. Mais le Seigneur ne voulut pas être arraché - Ne puis-je pas faire appel à mon Père, qui me fournirait sur-le-champ plus de douze légions d'anges ?
2354. Parce qu'il ne cherche pas de tels serviteurs (ministros), il conclut que son royaume N'EST PAS D'ICI, c'est-à-dire qu'il ne tient pas son principe de ce monde. Il est cependant ici, puisqu'il est partout - Il s'étend avec force d'une extrémité du monde à Vautre et dispose tout avec douceur. - Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage, et pour domaine les limites de la terre. - Il lui a donné le pouvoir, l'honneur et le royaume ; et tous les peuples, les tribus et les langues le serviront.
2355. Le Seigneur manifeste ici la vérité concernant ce qu'est son royaume. On expose d'abord l'occasion de la manifestation, puis la manifestation elle-même [n° 2357], enfin l'effet de la manifestation [n° 2364].
2356. À propos du premier point, il faut savoir que Pilate, à partir des paroles susdites du Seigneur, comprenant ce royaume comme matériel et loin de ses frontières - L'homme naturel ne perçoit pas ce qui est de l'Esprit de Dieu -, haletait [dans son désir] de connaître la vérité, et c'est pourquoi il s'enquiert en disant : « DONC, TU ES ROI ? », c'est-à-dire aussi Seigneur.
2357. Là, il confesse d'abord qu'il est roi ; puis il montre la raison de sa royauté [n° 2359] ; enfin, il donne à entendre sur qui il règne [n° 2361].
2358. À propos du premier point, il faut savoir que le Seigneur, répondant à la question au sujet de sa royauté, a tempéré sa réponse de telle sorte qu'il ne déclare pas ouvertement qu'il est roi, puisqu'il n'est pas roi à la manière dont Pilate le comprenait, et qu'il ne le nie pas non plus, puisqu'il est spirituellement Roi des rois. Il dit donc : « C'EST TOI QUI DIS QUE JE SUIS ROI », c'est-à-dire charnellement, mode selon lequel je ne suis pas roi ; mais moi je suis roi d'une autre manière - Voici que le roi régnera dans la justice.
2359. Le Christ montre le mode et la raison de sa royauté, ce qui s'explique de deux façons. D'une première manière, selon Augustin, en ce sens que le royaume du Christ sont ceux qui croient en lui, comme on l'a dit plus haut. Ainsi, le Christ règne sur les croyants. Et il est venu dans le monde pour que, rassemblant avec lui les croyants, il acquière pour lui un royaume comme Y homme noble qui s'en alla dans une région lointaine pour prendre possession d'un royaume. Le sens est alors celui-ci : MOI, JE SUIS NÉ, c'est-à-dire d'une naissance charnelle, (...) POUR CECI... Et il l'explique en disant : ET JE SUIS VENU DANS LE MONDE en naissant charnellement ; c'est ainsi en effet qu'il est venu, engendré d'une femme - Dieu a envoyé son Fils dans le monde -, POUR CECI – RENDRE TÉMOIGNAGE À LA VÉRITÉ, c'est-à-dire à moi, qui suis la Venté. - Et si je me rends témoignage à moi-même, mon témoignage est vrai. Et c'est dans la mesure où je manifeste que je suis la vérité, que je me prépare un royaume. En effet, cela ne peut se faire que par la manifestation de la vérité, manifestation qui ne pouvait se réaliser que par moi qui suis la Lumière - L'unique engendré, qui est dans le sein du Père, lui l'a révélé. - Ces choses qui ont commencé d'être révélées par le Seigneur (...) .
2360. Chrysostome explique cela d'une autre manière : « Tu demandes si je suis roi ; et moi je te dis que oui. Mais par un pouvoir divin, parce que c'est POUR CECI que JE SUIS NÉ du Père, d'une nativité éternelle, comme Dieu de Dieu, et de même Roi de Roi » - comme dit le psaume : Moi j'ai été établi roi par lui ; et un peu plus loin : Moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. Mais ce que le Christ ajoute - ET JE SUIS VENU DANS LE MONDE POUR CECI - n'est pas donné comme une explication, mais doit s'entendre de la nativité temporelle, comme s'il disait : « Bien que je sois un roi éternel, cependant JE SUIS VENU DANS LE MONDE POUR CECI – RENDRE TÉMOIGNAGE À LA VÉRITÉ, c'est-à-dire du fait que je suis roi par Dieu le Père. »
2361. Ici, il montre sur qui il règne. Là, il faut noter que plus haut il s'est dit pasteur et qu'il appelle « brebis » ceux qui lui sont soumis, et c'est la même chose que ce qu'il dit ici : il se dit roi et appelle « royaume » ceux qui lui sont soumis. Car le rapport du roi aux sujets (subditos) et du pasteur aux brebis est le même : comme le pasteur fait paître les brebis - N'est-ce pas les troupeaux que les pasteurs font paître ? -, de même aussi le roi est le soutien de ses sujets. Et entre autres le Christ a dit spécialement : Mes brebis écoutent ma voix. C'est pourquoi ici il dit : « QUICONQUE EST DE LA VÉRITÉ ÉCOUTE MA VOIX », non seulement de l'extérieur, mais intérieurement en croyant et en aimant, et par l'œuvre à accomplir - Quiconque écoute le Père et s'est mis à son école vient à moi. Mais d'où vient à l'homme qu'il ÉCOUTE MA VOIX ? De ce qu'il EST DE LA VÉRITÉ, qui est Dieu.
2362. Mais alors, puisque tous sont de Dieu, tous sont de la vérité et écoutent sa voix ? À cela je réponds que certains sont de Dieu par la création, et de cette manière tous sont de Dieu. Mais d'autres sont de Dieu par l'amour et l'imitation. C'est pourquoi il est dit plus haut : Vous n'êtes pas de Dieu, c'est-à-dire selon l'amour (affectus), mais vous l'êtes par la création. Celui-là donc ÉCOUTE la VOIX en croyant et en aimant, qui EST DE LA VÉRITÉ, c'est-à-dire qui reçoit ce don d'aimer la vérité.
2363. Mais remarque qu'il ne dit pas : « quiconque écoute ma voix est de la vérité », parce qu'alors nous serions de la vérité parce que nous croyons. Alors que nous croyons parce que nous sommes de la vérité, c'est-à-dire en tant que nous recevons le don de Dieu par lequel nous croyons et aimons la vérité - C'est le don de Dieu. - II vous a été donné, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui.
2364. L'Évangéliste rapporte ici l'effet de la réponse. Là il est donné à entendre que Pilate, ayant écarté l'idée d'un royaume terrestre et comprenant que le Christ est roi dans l'enseignement de la vérité, désire connaître la vérité et devenir membre de son royaume. C'est pourquoi il dit : « QU'EST-CE QUE LA VÉRITÉ ? », ne cherchant pas quelle est la définition de la vérité, mais ce qu'est la vérité par la puissance de laquelle il deviendrait membre de son royaume, donnant par là à entendre que la vérité était inconnue du monde et avait disparu de presque tous puisqu'ils étaient incrédules - La venté s'est corrompue sur les places. - Les vérités ont été diminuées par les fils des hommes. Mais Pilate n'a pas attendu la réponse.
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2365. Il faut donc, quant à cette question, savoir que nous trouvons dans l'Évangile deux vérités : l'une, incréée et créatrice (facientem), et celle-ci est le Christ - Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie. L'autre, faite (factam) - La grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Or la vérité, selon sa raison propre, implique une proportion entre la réalité et l'intelligence (intellectus). Mais le rapport de l'intelligence à la réalité est de deux sortes : il y a d'une part l'Intelligence qui existe comme mesure des réalités, et il s'agit de Celui qui est cause des réalités ; et d'autre part l'intelligence qui est mesurée par la réalité, chez celui dont la connaissance est causée par la réalité. La vérité n'est donc pas dans l'intellect divin parce qu'il est adéquat aux réalités, mais parce que les réalités sont adéquates à l'intellect divin lui-même ; alors que la vérité est dans notre intelligence parce que celle-ci connaît les réalités telles qu'elles sont. Ainsi, la Vérité incréée, l'intellect divin, est une vérité qui n'est pas mesurée ni faite, mais une vérité qui mesure et qui fait une double vérité : l'une dans les réalités elles-mêmes, en tant qu'elle les fait être selon qu'elles sont dans l'intellect divin ; l'autre qu'elle fait dans nos âmes, et qui est une vérité seulement mesurée et non mesurante. Et de là vient que la vérité incréée de l'intellect divin est appropriée au Fils qui est la conception même de l'intellect divin et le Verbe de Dieu. En effet, la vérité suit la conception de l'intellect.
Les juifs sont pris au dépourvu, c’est évident, par cette question des plus simples. Ils
espéraient emporter de pied levé, sans le moindre contrôle, la confirmation de leur propre sentence ; ils
redoutent maintenant une instruction qui pourrait bien se terminer par l’élargissement de leur ennemi. Leur
première réponse est évasive, embarrassée. - Si ce n’était pas un malfaiteur. C’est un gros mot qu’ils
emploient là contre Jésus ; mais ce mot est si vague qu’il ne signifie rien dans la circonstance. La justice
demande des délits bien déterminés. - Nous ne te l’aurions pas livré. Voyez le v. suivant et l’explication.
Comme ils affectent de paraître fiers et froissés ! Comme ils se réfugient derrière leur conscience et leur
honneur ! C’était une nécessité pour eux : « Au manque de preuves, ils ont voulu suppléer de leur propre
autorité », Grotius ; car, s’ils le peuvent, ils feront de Pilate un simple instrument, « l’exécuteur d’une
sentence, non l’arbitre d’une cause », dit S. Léon, Serm. 2 in Pass.