Jean 19, 14
C’était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure, environ midi. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi. »
C’était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure, environ midi. Pilate dit aux Juifs : « Voici votre roi. »
La première moitié de ce verset contient deux indications
chronologiques, destinées à conserver le souvenir d’un jour et d’une heure si importants pour le salut du
monde ; mais ces indications ont-elles mêmes donné lieu à de graves difficultés exégétiques. - C’était le jour
de la préparation de la Pâque. Il faudrait entendre, suivant un grand nombre de commentateurs
contemporains, la vigile de la Pâque, le jour où l’on faisait les derniers préparatifs en vue de célébrer la fête,
par conséquent le 14 nisan. Et il suivrait de là que N.-S. Jésus-Christ, d’après S. Jean, aurait été crucifié dans
cette même journée du 14, et non le 15 comme nous l’avons admis. Mais c’est là une très fausse déduction.
Ainsi qu’on l’a souvent répété à la suite de Bochart, Hieroz., p. 567, « Les auteurs sacrés n’ont pas connu
d’autre Parascève ou préparation que celle du sabbat ». En d’autres termes, le Nouveau Testament n’emploie
ce nom de Parascève que pour désigner le vendredi, jour auquel les Juifs « préparaient » tout ce qui leur était
nécessaire pour le sabbat, les aliments surtout. Cf verset 31 ; Marc. 15, 42, passage si explicite ; Luc. 23, 54.
Cette dénomination n’aurait nullement convenu aux fêtes, attendu qu’elles ne rendaient pas tous les travaux
illicites, et en particulier la préparation des repas. Sur cette question voyez Patrizi, De evang. Lib. 3, dissert.
50, n. 30 et ss. ; Keil, Commentar über das Evang. des Johannes, p. 547. - Environ la sixième heure. S. Jean
n’a pris soin de noter les heures qu’en cinq endroits de son évangile : 1, 39 ; 4, 6, 52 ; 11, 9 ; et ici même.
Nous avons déjà dit que, « a priori » et selon toute vraisemblance, il a dû supputer les heures de la même
manière que les autres évangélistes, entre six heures du matin et six heures du soir. Voyez l’Évangile selon
S. Matth., p. 385. Mais alors, « il se présente une grande difficulté », S. Aug. Traité sur S. Jean, 116, 8. En
effet, « à cause du témoignage de l’Évangile de Marc (15, 25) qui dit : « Il était la troisième heure et ils le
crucifièrent » (ibid.). Et S. Jean ne se contredit-il pas lui-même ? Il nous a montré les Juifs amenant de très
grand matin N.-S. Jésus-Christ au prétoire (Cf. XVIII, 25) ; or où trouver assez de faits dans sa narration
pour remplir environ six heures ? Il y a plusieurs systèmes de conciliation.
- 1° Le chiffre trois, dans S. Marc, serait une erreur de copiste ; Γ, le signe de 3, aurait été substitué à ς ou à F, les signes de 6. Telle était l’opinion d’Eusèbe de Césarée au 4ème siècle (Cf. Mai, Nova Patrum Biblioth.,
t. 4, p. 299-300, et S. Jérôme, Brev. in Ps. 77). Rien n’est moins vraisemblable que cette opinion, qui a contre
elle presque l’unanimité des manuscrits et des versions.
- 2° D’après d’autres critiques (les PP. Patrizi, Corluy, etc.), c’est dans le texte de S. Jean qu’une erreur se
serait glissée, sixième au lieu de troisième. Ils s’appuient sur les manuscrits D, L, X, Δ, etc., sur Nonnus et le
Chronicon paschale ; mais également avec peu de probabilité, pour le motif déjà exprimé.
- 3° Ainsi que s’exprime M. Godet, h. l. à cette époque, « on divisait en gros le jour, comme la nuit, en
quatre portions de trois heures chacune. C’est ce qui explique pourquoi il n’est presque jamais fait mention,
dans tout le Nouveau Testament, que des troisième, sixième et neuvième heure, et pourquoi aussi.. les
expressions « A peu près, Environ », y sont si fréquentes (Matth. 27, 46 ; Luc, 23, 44 ; Joan. 4, 6 ; 19, 14 ;
Act. 10, 3, 9)… Il est certainement permis de prendre ici, soit chez S. Marc, soit chez S. Jean, des
moyennes… ! Comme la troisième heure de S. Marc peut s’étendre de 6 à 10 heures, la sixième de S. Jean
comprend certainement de onze à midi ». Cela, et un autre développement qu’il serait trop long de citer, nous
paraît plus subtil que réel. C’est prendre beaucoup trop de marge pour résoudre la difficulté.
- 4° Le système le plus facile et le plus simple consiste à dire que S. Jean comptait les heures de minuit à
minuit, comme nous le faisons nous-mêmes. De la sorte, l’expression Environ la sixième heure désignerait
environ 5 heures du matin. Wieseler, dans ses Beitraege, p. 252, allègue quelques faits pour démontrer qu’au
temps de Strabon et de Pline ce mode de supputation s’était déjà répandu dans l’Asie-Mineure, et son
raisonnement à convaincu un certain nombre d’exégètes distingués, entre autres MM. Wosdsworth,
Macclellan, Keil, Westcott, etc. Néanmoins, la démonstration nous paraît insuffisante pour ce qui concerne le
quatrième évangile. Et puis, à six heures on ne faisait guère qu’introduire Jésus au prétoire, et où trouver,
entre l’aube du jour et cette heure matinale, assez de temps pour placer tous les événements racontés par les
évangélistes réunis (Synopis evangelica, §§. 159-165) ?
- 5° Reste donc le cinquième et dernier système, le plus difficile de tous, mais aussi le plus probable, que
nous avons placé au début de cette petite dissertation. Nous pensons donc aujourd’hui, avec le plupart des
commentateurs (quoique nous ayons adopté autrefois un autre sentiment ; voyez l’Évangile selon S.
Matthieu, p. 551), que la numération de S. Jean est la même pour les heures du jour que celle des
synoptiques, parce que nous ne voyons aucun motif suffisant de supposer le contraire. Pour établir
l’harmonie avec S. Marc, nous nous réglons sur la particule environ, qui nous laisse quelque latitude ;
d’ailleurs, comme on l’a remarqué, S. Marc n’étant pas toujours parfaitement exact pour les indications de
temps, c’est en faveur de S. Jean qu’il faut trancher ici le différend (Schanz).
- Voici votre roi. Cf. verset 5. Là, Pilate était mû par un sentiment de pitié à l’égard de N.-S. Jésus-Christ ;
actuellement, il ne pense qu’à se moquer et à se venger des Juifs.
La préparation de la pâque ; c’est-à-dire la veille de pâque, le vendredi. ― La sixième heure, c’est-à-dire midi.