Jean 19, 16

Alors, il leur livra Jésus pour qu’il soit crucifié. Ils se saisirent de Jésus.

Alors, il leur livra Jésus pour qu’il soit crucifié. Ils se saisirent de Jésus.
Saint Jean Chrysostome
Pilate était sorti sous le prétexte de procéder à un nouvel interrogatoire, mais au fond il n'en fait rien, et il abandonne Jésus aux Juifs, espérant les fléchir par cette condescendance: «Et il dit aux Juifs: Voilà votre roi».

Dieu ne les a livrés au châtiment que parce qu'ils l'avaient choisi de leur pleine volonté. Ils ont repoussé unanimement le règne de Dieu, et Dieu les a rendus victimes de leur propre jugement. Ils ont repoussé le règne de Jésus-Christ et ils ont appelé sur eux le règne de César.

Tout ce que Pilate leur avait déjà dit devait suffire pour apaiser leur fureur, mais ils craignaient qu'une fois délivré, Jésus n'entraînât de nouveau la multitude après lui; car l'ambition est pleine d'artifices, et elle est capable de conduire une âme à sa perte. Aussi les Juifs redoublent-ils leurs instances: «Mais eux criaient: Otez-le, ôtez-le du monde». Ils s'efforcent de le faire mourir de la plus ignominieuse des morts, et c'est pour cela qu'ils ajoutent: «Crucifiez-le», tant ils redoutent que sa renommée survive à sa mort.

Mais comment pouvez-vous prouver qu'il a voulu se faire roi? Par la pourpre dont il était revêtu? par son diadème? par ses chars? par ses soldats? Est-ce qu'il ne marchait pas toujours seul avec ses douze disciples, ne se servant que de ce qu'il y avait de plus commun pour sa nourriture, pour son vêtement, pour son habitation ?

Pilate quitte les Juifs pour examiner plus sérieusement encore cette affaire, ce qu'indiquent ces paroles: «Il s'assit sur son tribunal».
Saint Augustin
Pilate cherche encore à surmonter la terreur que lui a inspiré le nom de César: «Pilate leur demanda: Crucifierai-je votre roi ?» Il veut fléchir par la considération de leur propre ignominie ceux qu'il n'a pu adoucir par le spectacle des ignominies de Jésus-Christ.

Pourquoi donc saint Marc rapporte-t-il que ce fut à la troisième heure qu'ils le crucifièrent? C'est-à-dire, qu'il fut crucifié à la troisième heure par les langues des Juifs, et qu'il le fut à la sixième heure par les mains des soldats. Il nous faut donc comprendre que la cinquième heure était passée, et la sixième commencée lorsque Pilate s'assit sur son tribunal à la sixième heure, comme le dit saint Jean, et que cette sixième heure s'écoula tout entière, pendan t le trajet du Calvaire, le crucifiement et les différentes circonstances qui se passèrent au pied de la croix. C'est depuis cette heure jusqu'à la neuvième que le soleil s'obscurcit, et que les ténèbres se répandirent sur toute la terre, comme l'affirment les trois évangélistes saint Matthieu, saint Marc et saint Luc. Mais comme les Juifs ont cherché à rejeter sur les Romains (c'est-à-dire sur Pilate et ses soldats), le crime d'avoir mis à mort Jésus-Christ, saint Marc passe sous silence l'heure à laquelle les soldats crucifièrent le Sauveur, et rappelle de préférence la troisième heure, pour nous faire comprendre que ce ne sont pas seulement les soldats qui l'ont crucifié, mais encore les Juifs qui ont demandé à grands cris, à la troisième heure, qu'il fût crucifié. On peut encore expliquer autrement cette difficulté en prenant cette sixième heure comme la sixième heure de la préparation et non la sixième heure du jour. En effet, saint Jean ne dit pas: C'était vers la sixième heure du jour, mais: «C'était vers la sixième heure de la préparation». Le mot parascere signifie eu latin proeparatio, et, comme le dit l'Apôtre: «Jésus-Christ, notre Agneau pascal, a été immolé». ( 1Co 5 ) Or, si nous comptons la préparation de cette pâque, depuis la neuvième heure de la nuit, où les princes des prêtres prononcèrent l'arrêt de mort du Sauveur, en disant: «Il est digne de mort», jusqu'à la troisième heure du jour, où l'évangéliste saint Marc rapporte qu'il fut crucifié, nous trouvons six heures, trois heures de nuit et trois heures de jour.

Enfin Pilate se laisse vaincre par la crainte: «Alors, il le leur livra pour être crucifié». Il aurait paru, en effet, se déclarer ouvertement contre César en persistant à vouloir donner un autre roi à ceux qui déclaraient n'avoir d'autre roi que César, et en accordant l'impunité à celui dont ils lui demandaient la mort parce qu'il avait osé aspirer à la royauté. L'Évangéliste ne dit pas: Il le leur livra pour qu'ils le crucifiassent, mais: «Afin qu'il fût crucifié», en vertu du jugement et du pouvoir du gouverneur. Mais il dit positivement que Jésus leur fut livré pour montrer qu'ils étaient étroitement associés au crime dont ils s'efforçaient d'éloigner d'eux le soupçon; car jamais Pilate ne serait arrivé à cette extrémité s'il n'avait voulu en cela satisfaire leurs plus vifs désirs.

Les Juifs s'imaginèrent qu'en menaçant Pilate de César, ils lui inspireraient une crainte plus grande encore, et qu'ils obtiendraient de lui la condamnation de Jésus plus efficacement que lorsqu'ils lui avaient dit: «Nous avons une loi, et selon notre loi il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu». Mais les Juifs criaient: «Si vous le délivrez, vous n'êtes point ami de César, car quiconque se fait roi n'est pas ami de César».

La crainte de la loi des Juifs n'avait eu aucune influence sur Pilate pour le déterminer à faire mourir Jésus-Christ; il avait craint bien plus de livrer à la mort le Fils de Dieu. Mais il ne put se résoudre à ne pas tenir compte de César, de qui venait son pouvoir, comme il avait fait pour la loi d'un peuple étranger. Aussi, dit l'Évangéliste, «Pilate, ayant entendu ces paroles, fit amener Jésus dehors, et il s'assit sur son tribunal au lieu qui est appelé lithostrotos, en hébreu gabatha ».
Saint Bède le Vénérable
Le mot lithostrotos, qui signifie terrain pavé de pierres, était un lieu élevé comme l'indique le mot hébreu. C'était le jour de la préparation de la Pâque, vers la sixième heure.
Alcuin d'York
Le mot parasceve veut dire préparation. C'est le nom que l'on donnait au sixième jour de la semaine, parce que l'on préparait en ce jour ce qui était nécessaire pour le jour du sabbat, comme Dieu l'avait recommandé pour la manne: «Le sixième jour, vous en recueillerez le double» ( Ex 16). L'homme a été créé le sixième jour, et Dieu s'est reposé le septième, c'est pour cela que le Sauveur a voulu souffrir le sixième jour, et reposer le septième jour dans le sépulcre: «C'était vers la sixième heure».
La Glose
Le tribunal est pour les juges ce que le trône est pour les rois, ce que la chaire est pour les docteurs.
Saint Théophylacte d'Ohrid
C'est-à-dire: Voilà cet homme que vous accusez de vouloir usurper la royauté; dans cet étal d'humiliation, il ne peut rien entreprendre de semblable.

Il en est qui résolvent cette difficulté en rejetant cette variante sur la négligence d'un copiste parmi les Grecs, chez qui les lettres de l'alphabet font l'office de chiffres. En effet, la lettre grec appelée Üììá qui est caracte risée par la, désigne la troisième heure, tandis qu'une autre lettre qui a quelque ressemblance avec la première, c'est-à-dire, la lettre, signifie la sixième heure. Or, il a pu très-bien arriver que, par la négligence des copistes, u n de ces signes ait été employé pour l'autre.
Saint Thomas d'Aquin
2411. L'Évangéliste traite ici de la crucifixion du Christ. Il expose d'abord l'ignominie de la croix, puis il rapporte ce qui suit la crucifixion [n° 2418]. Il décrit l'ignominie de la croix quant à la condition de ceux qui crucifièrent Jésus, quant à la manière de l'y mener [n° 2413], quant au lieu [n° 2415] et quant à l'entourage [n° 2417].

2412. La condition de ceux qui le crucifièrent est décrite : ce sont des soldats. C'est pourquoi il dit : ILS PRIRENT DONC JÉSUS. Ce sont des soldats, de fait, car il est écrit ensuite : Quand donc les soldats l'eurent crucifié, mais des Juifs par leur religion : parce qu'eux-mêmes firent, puis réduirent à rien tout ce qui a été fait. Par là est signifié que les Juifs devaient perdre l'utilité de la Croix du Christ, et les Gentils l'obtenir - Le royaume de Dieu vous sera enlevé pour être donné à un peuple qui lui fera porter du fruit.

2413. La manière de le mener fut ignominieuse - PORTANT LUI-MÊME SA CROIX - car la mort de la croix était la plus ignominieuse. Aussi est-il dit : Maudit soit celui qui pend au bois. Et c'est pourquoi, évitant le bois de la croix comme profane et ne voulant pas le toucher, ils en chargent Jésus condamné.

2414. Cependant il est dit qu'ils réquisitionnèrent un certain Simon qui venait de la ville, pour porter la croix.

Réponse : il faut dire que le Christ la porta depuis le début. Mais tandis qu'il avançait, les Juifs trouvèrent cet homme, et le réquisitionnèrent par conformité à leur religion. Et cela n'est pas sans mystère, parce que c'est lui qui le premier a supporté la Passion de la Croix et, après cela, les autres, et surtout les étrangers, les Gentils, en l'imitant - Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un exemple. - Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il se renie lui-même, qu'il porte sa croix et qu'il me suive.

Mais le fait que le Christ a porté lui-même sa croix, même si c'est pour les impies et les incroyants un grand sujet de moquerie, est cependant pour les croyants et les hommes pieux un grand mystère - Le langage de la Croix est folie pour ceux qui se perdent ; mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance de Dieu. Le Christ porte sa croix comme un roi son sceptre au sein de la gloire qui est son pouvoir universel sur toutes choses - Le Seigneur a régné par le bois. - II a reçu le pouvoir sur son épaule, et il sera appelé merveilleux conseiller, Dieu fort, Père du siècle à venir, Prince de la paix. Il la porte comme le vainqueur porte le trophée de sa victoire - Dépouillant les principautés et les puissances, il les a menées captives avec hardiesse, triomphant d'elles hautement en lui-même. Ou encore comme un docteur porte le lampadaire où devait être déposée la lampe de sa doctrine, parce que le langage de la Croix est puissance de Dieu pour les croyants - Personne n'allume une lampe et la pose sous un boisseau, mais sur un lampadaire, afin que ceux qui entrent voient sa lumière.

2415. Le lieu de la Passion est ignominieux quant à deux choses. Premièrement parce qu'il était en dehors de la cité, et c'est pourquoi l'Évangéliste dit : IL SORTIT, c'est-à-dire en dehors des remparts de la ville, POUR ALLER AU LIEU QUI EST APPELÉ CALVAIRE - C'est pourquoi Jésus, pour sanctifier le peuple par son sang, a souffert hors de la porte.

Et cela pour deux raisons : d'abord pour montrer que la puissance de sa Passion ne devait pas se limiter aux frontières du peuple juif ; ensuite pour montrer que tous ceux qui veulent obtenir le fruit de la Passion doivent quitter le monde, au moins quant à leur cœur. L'Apôtre ajoute donc aussitôt : Sortons donc vers lui en dehors du camp.

2416. Deuxièmement parce que c'était le lieu le plus basAU LIEU QUI EST APPELÉ CALVAIRE, lieu du Crâne - J'ai été compté parmi ceux qui descendent à la fosse. Et selon Chrysostome, certains disent que dans ce lieu, appelé Calvaire, Adam mourut et fut enterré - d'où « Calvaire », à cause du crâne du premier homme - pour que, de même que la mort a régné là, de même à cet endroit le Christ établisse son trophée. Mais, comme le dit Jérôme, une interprétation de ce genre a la faveur du peuple et charme ses oreilles, cependant elle n'est pas vraie, car Adam a été enseveli en Hebron - Adam était l'homme le plus grand des Anaquim . Et c'est pourquoi il faut dire que c'était un lieu à l'extérieur des portes de Jérusalem, où étaient tranchées les têtes des condamnés. C'est pourquoi ce lieu prit le nom de Crâne, à cause des crânes des décapités qui y gisaient.

2417. L'entourage et les compagnons de la Passion indiquent son ignominie. ILS LE CRUCIFIÈRENT, ET AVEC LUI DEUX AUTRES, à savoir des brigands, comme le dit Luc. Et il dit : L'UN D'UN CÔTÉ, L'AUTRE DE L'AUTRE CÔTÉ, c'est-à-dire l'un à droite et l'autre à gauche, ET JÉSUS AU MILIEU.

Et remarque bien que le Christ, même dans sa Passion, se tient au milieu. Mais ceci, quant à l'intention des Juifs, lui a été fait pour [le couvrir] d'ignominie, c'est-à-dire pour que la cause de sa mort fût jugée semblable à celle de la mort des brigands - II a été compté parmi les criminels.

Mais si on est attentif au mystère, cela appartient à la gloire du Christ, car par là est montré que le Christ, par sa Passion, méritait le pouvoir de juger - Ta cause a été jugée comme celle d'un impie, mais tu recevras le jugement et la cause. En effet, se tenir au milieu est le propre du juge ; c'est pourquoi, selon le Philosophe aussi, aller vers le juge, c'est aller vers le juste milieu. Et c'est pourquoi il est placé au milieu, et l'un à sa droite, l'autre à sa gauche, parce qu'au jugement assurément il établira les brebis à sa droite mais les boucs à sa gauche. Aussi, le larron à sa droite, celui qui a cru, est libéré, et l'autre à sa gauche, celui qui l'insulte, a été condamné.
Louis-Claude Fillion
Alors... A la bassesse des Juifs correspondit celle de Pilate. De part et d’autre il y eut un meurtre judiciaire. - Il le leur livra. S. Matthieu, S. Marc et S. Luc ont aussi une phrase à peu près identique. C’est aux Juifs que Pilate livra Jésus, les Juifs furent les vrais bourreaux de Notre Seigneur (« Ils extorquèrent des suffrages par la violence », dit énergiquement Tertullien, Apol. 21) : les soldats romains n’ont été que les exécuteurs matériels de la sentence. Mais Pilate aussi commit alors un suicide politique ; car il perdit plus tard sa place, à laquelle il avait sacrifié, malgré les réclamations de sa conscience, le sang d’un innocent. Voyez l’Évangile selon S. Matth., p. 540.

Ils prirent donc Jésus. Cette phrase est corrélative de « il le leur livra » (verset 16a) ; le sujet du verbe est « princes des prêtres », du verset 15, quoiqu’en réalité les soldats romains soient désormais les acteurs immédiats, comme nous venons de le dire. - Et l’emmenèrent. Immédiatement, car, dans l’antiquité, l’exécution suivait de très près la sentence. L’authenticité du verbe est suffisamment garantie, malgré son absence dans les manuscrits B, L.