Jean 19, 26
Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. »
Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. »
Ayant donc vu sa mère. Quel coup douloureux ce fut pour le
cœur filial de Jésus ! Mais de sa douleur même il fera naître une consolation pour sa mère. - Et auprès d’elle
le disciple… Jean aussi se tenait fidèle, au poste d’honneur où l’avaient irrésistiblement conduit les saintes
tendresses dont il était l’objet, et qu’il ressentait si vivement lui-même. La formule « qu’il aimait » ne
pouvait manquer ici, car elle explique, à elle seule, pourquoi Jésus confia sa mère à S. Jean de préférence à
tout autre disciple. Cf. 13, 22 et le commentaire. - Jésus dit à sa mère. C’est en quelque sorte son testament
que N. S. Jésus-Christ va faire. « Mais que peut-il donner, nu, dépouillé comme il est, pauvre esclave qui n’a
plus rien en son pouvoir dont il puisse disposer… ? De quelque côté qu’il tourne les yeux, Jésus ne voit plus
rien qui lui appartienne. Je me trompe ; il voit Marie et S. Jean qui sont là pour lui dire : Nous sommes à
vous ! Voilà tout le bien qui lui reste ; il les donne l’un à l’autre. » Bossuet, Panégyrique de S. Jean, 2e partie.
- Femme. Sur cette appellation, voyez 2, 4 et la note. C’est en faisant un énorme et inepte contresens que
divers commentateurs incrédules ou hétérodoxes l’ont regardée comme un terme de froideur : Jésus,
ajoutent-ils, montrait ainsi à sa mère qu’il renonçait totalement à elle, pour se remettre entre les mains de son
Père céleste. Mais d’autres ont su mieux comprendre, malgré leurs préjugés. « Au point de vue
psychologique, écrit M. Reuss, h. l., rien n’est touchant comme ces paroles suprêmes, adressées à une mère
éplorée et à un disciple chéri. ». Et J. P. Lange trouve à bon droit que le nom de « femme » convenait alors
admirablement à celle qui fut la « femme idéale ». - Voilà (avec un double regard de ses yeux mourants, l’un
sur Marie, l’autre sur S. Jean) votre fils. On renonce à commenter de si grandes choses. « Comme Jésus
honore son disciple, en faisant de lui son propre frère ! Tant il est bon de se tenir auprès de la croix, et de
demeurer avec Jésus quand il souffre » ! Théophylacte, h. l. Il est tout à fait évident, ainsi que des
protestants même (Olshausen, Hengstenberg, etc. ) le déduisent de cette scène, que Marie n’avait pas
d’autres enfants ; autrement c’est à l’un d’eux que Jésus aurait confié sa mère. Mais combien de fils ne
reçut-elle pas avec S. Jean ! « Dans la personne de saint Jean la Vierge Marie a reçu tous les élus, comme le
testament de Jésus Christ mourant sur la croix ». Noël Alexandre, h. l. Et encore : « Il me semble qu’un
grand mystère est exprimé dans cela : car il nous a tous recommandés au soin, à la protection et à l’intercession de la bienheureuse Vierge », Tolet. Nous aussi, nous sommes donc devenus au Calvaire les
enfants de Marie et les frères de Jésus. L’exactitude exégétique demande néanmoins que nous ne regardions
cette pensée que comme une touchante adaptation, qui n’est pas contenue dans le sens littéral et qui est
relativement récente : « Pour autant que nous le sachions, on ne trouve chez aucun Père de l’Église avant
Rupert (12ième siècle) cette proposition voulant que la Bienheureuse Vierge Marie ait alors enfanté à la vie
tout le genre humain ; et que s’applique à tout disciple de Jésus ce qui a été dit à Jean. En conséquence, bien
que cette proposition ne puisse provenir de l’évangile que par extension, elle est quand même digne d’un
grand respect et d’une grande vénération ». Corluy, Comment. in evang. S. Joannis, p. 452 de la 2è édit. Cf.
van Steenkiste, Evang. S. Matth., 2è édit., t. 2, P. 586.
La bienheureuse Vierge avança dans son pèlerinage de foi, gardant fidèlement l’union avec son Fils jusqu’à la Croix où, non sans un dessein divin, elle était debout, souffrant cruellement avec son Fils unique, associée d’un cœur maternel à son sacrifice, donnant à l’immolation de la victime, née de sa chair, le consentement de son amour, pour être enfin, par le même Christ Jésus mourant sur la Croix, donnée comme sa Mère au disciple par ces mots : " Femme, voici ton fils " (Jn 19, 26-27) (LG 58).
Quand l’Heure est venue où Il accomplit le Dessein d’amour du Père, Jésus laisse entrevoir la profondeur insondable de sa prière filiale, non seulement avant de se livrer librement (" Abba... non pas ma volonté, mais la tienne " : Lc 22, 42), mais jusque dans ses dernières paroles sur la Croix, là où prier et se donner ne font qu’un : " Mon Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font " (Lc 23, 34) ; " En vérité, je te le dis, dès aujourd’hui tu seras avec moi dans le Paradis " (Lc 24, 43) ; " Femme, voici ton fils " – " Voici ta mère " (Jn 19, 26-27) ; " J’ai soif ! " (Jn 19, 28) ; " Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? " (Mc 15, 34 ; cf. Ps 22, 2) ; " Tout est achevé " (Jn 19, 30) ; " Père, je remets mon esprit entre tes mains " (Lc 23, 46), jusqu’à ce " grand cri " où il expire en livrant l’esprit (cf. Mc 15, 37 ; Jn 19, 30b).
Jésus est le Fils unique de Marie. Mais la maternité spirituelle de Marie (cf. Jn 19, 26-27 ; Ap 12, 17) s’étend à tous les hommes qu’il est venu sauver : " Elle engendra son Fils, dont Dieu a fait ‘l’aîné d’une multitude de frères’ (Rm 8, 29), c’est-à-dire de croyants, à la naissance et à l’éducation desquels elle apporte la coopération de son amour maternel " (LG 63).
Comme l'Eglise, Marie a dû vivre sa maternité sous le signe de la souffrance: « Cet enfant... doit être un signe en butte à la contradiction, — et toi-même, une épée te transpercera l'âme — afin que se révèlent les pensées intimes de bien des cœurs » (Lc 2, 34-35). Dans les paroles que Syméon adresse à Marie dès l'aube de l'existence du Sauveur, se trouve exprimé synthétiquement le refus opposé à Jésus et à Marie avec lui, qui culminera sur le Calvaire. « Près de la Croix de Jésus » (Jn 19, 25), Marie participe au don que son Fils fait de lui-même: elle offre Jésus, le donne, l'enfante définitivement pour nous. Le « oui » du jour de l'Annonciation mûrit pleinement le jour de la Croix, quand vient pour Marie le temps d'accueillir et d'enfanter comme fils tout homme devenu disciple, reportant sur lui l'amour rédempteur du Fils: « Jésus donc, voyant sa Mère et, se tenant près d'elle, le disciple qu'il aimait, dit à sa Mère: "Femme, voici ton fils" » (Jn 19, 26).
Sainte Marie, tu appartenais aux âmes humbles et grandes en Israël qui, comme Syméon, attendaient « la consolation d'Israël » (Lc 2, 25) et qui, comme Anne, attendaient « la délivrance de Jérusalem » (Lc 2, 38). Tu vivais en contact intime avec les Saintes Écritures d'Israël, qui parlaient de l'espérance – de la promesse faite à Abraham et à sa descendance (cf. Lc 1, 55). Ainsi nous comprenons la sainte crainte qui t'assaillit quand l'ange du Seigneur entra dans ta maison et te dit que tu mettrais au jour Celui qui était l'espérance d'Israël et l'attente du monde. Par toi, par ton « oui », l'espérance des millénaires devait devenir réalité, entrer dans ce monde et dans son histoire. Toi tu t'es inclinée devant la grandeur de cette mission et tu as dit « oui »: « Voici la servante du Seigneur; que tout se passe pour moi selon ta parole » (Lc 1, 38). Quand remplie d'une sainte joie tu as traversé en hâte les monts de Judée pour rejoindre ta parente Élisabeth, tu devins l'image de l'Église à venir qui, dans son sein, porte l'espérance du monde à travers les monts de l'histoire. Mais à côté de la joie que, dans ton Magnificat, par les paroles et par le chant tu as répandue dans les siècles, tu connaissais également les affirmations obscures des prophètes sur la souffrance du serviteur de Dieu en ce monde. Sur la naissance dans l'étable de Bethléem brilla la splendeur des anges qui portaient la bonne nouvelle aux bergers, mais en même temps on a par trop fait en ce monde l'expérience de la pauvreté de Dieu. Le vieillard Syméon te parla de l'épée qui transpercerait ton cœur (cf. Lc 2, 35), du signe de contradiction que ton Fils serait dans ce monde. Quand ensuite commença l'activité publique de Jésus, tu as dû te mettre à l'écart, afin que puisse grandir la nouvelle famille, pour la constitution de laquelle Il était venu et qui devait se développer avec l'apport de ceux qui écouteraient et observeraient sa parole (cf. Lc 11, 27s.). Malgré toute la grandeur et la joie des tout débuts de l'activité de Jésus, toi, tu as dû faire, déjà dans la synagogue de Nazareth, l'expérience de la vérité de la parole sur le « signe de contradiction » (cf. Lc 4, 28ss). Ainsi tu as vu le pouvoir grandissant de l'hostilité et du refus qui progressivement allait s'affirmant autour de Jésus jusqu'à l'heure de la croix, où tu devais voir le Sauveur du monde, l'héritier de David, le Fils de Dieu mourir comme quelqu'un qui a échoué, exposé à la risée, parmi les délinquants. Tu as alors accueilli la parole: « Femme, voici ton fils! » (Jn 19, 26). De la croix tu reçus une nouvelle mission. À partir de la croix tu es devenue mère d'une manière nouvelle: mère de tous ceux qui veulent croire en ton Fils Jésus et le suivre. L'épée de douleur transperça ton cœur. L'espérance était-elle morte? Le monde était-il resté définitivement sans lumière, la vie sans but? À cette heure, probablement, au plus intime de toi-même, tu auras écouté de nouveau la parole de l'ange, par laquelle il avait répondu à ta crainte au moment de l'Annonciation: « Sois sans crainte, Marie! » (Lc 1, 30). Que de fois le Seigneur, ton fils, avait dit la même chose à ses disciples: N'ayez pas peur! Dans la nuit du Golgotha, tu as entendu de nouveau cette parole. À ses disciples, avant l'heure de la trahison, il avait dit: « Ayez confiance: moi, je suis vainqueur du monde » (Jn 16, 33). « Ne soyez donc pas bouleversés et effrayés » (Jn 14, 27). « Sois sans crainte, Marie! » À l'heure de Nazareth l'ange t'avait dit aussi: « Son règne n'aura pas de fin » (Lc 1, 33). Il était peut-être fini avant de commencer ? Non, près de la croix, sur la base de la parole même de Jésus, tu étais devenue la mère des croyants. Dans cette foi, qui était aussi, dans l'obscurité du Samedi Saint, certitude de l'espérance, tu es allée à la rencontre du matin de Pâques. La joie de la résurrection a touché ton cœur et t'a unie de manière nouvelle aux disciples, appelés à devenir la famille de Jésus par la foi. Ainsi, tu fus au milieu de la communauté des croyants qui, les jours après l'Ascension, priaient d'un seul cœur pour le don du Saint-Esprit (cf. Ac 1, 14) et qui le reçurent au jour de la Pentecôte. Le « règne » de Jésus était différent de ce que les hommes avaient pu imaginer. Ce « règne » commençait à cette heure et n'aurait jamais de fin. Ainsi tu demeures au milieu des disciples comme leur Mère, comme Mère de l'espérance. Sainte Marie, Mère de Dieu, notre Mère, enseigne-nous à croire, à espérer et à aimer avec toi. Indique-nous le chemin vers son règne! Étoile de la mer, brille sur nous et conduis-nous sur notre route!
Appelée à s’incarner en tout lieu et présente pendant des siècles partout sur la terre – c’est le sens de “catholique” – l’Église peut comprendre, à partir de son expérience de grâce et de péché, la beauté de l’invitation à l’amour universel. Car « tout ce qui est humain nous regarde. […] Partout où les assemblées des peuples se réunissent pour établir les droits et les devoirs de l’homme, nous sommes honorés quand ils nous permettent de nous asseoir au milieu d’eux ». Pour de nombreux chrétiens, ce chemin de fraternité a aussi une Mère, appelée Marie. Elle a reçu au pied de la Croix cette maternité universelle (cf. Jn 19, 26) et elle est pleine de sollicitude, non seulement pour Jésus, mais aussi pour le « reste de ses enfants » (Ap 12, 17). Forte du pouvoir du Ressuscité, elle veut enfanter un monde nouveau où nous serons tous frères, où il y aura de la place pour chacun des exclus de nos sociétés, où resplendiront la justice et la paix.