Jean 19, 30
Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.
Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit.
Ce n'est point parce qu'il expire qu'il baisse la tête, mais c'est après qu'il a baissé la tête qu'il expire, et l'Évangéliste veut nous montrer par toutes ces circonstances que Jésus est le maître de toutes choses.
Le spectacle qu'ils avaient sous les yeux, loin de les adoucir, ne fit qu'augmenter leur cruauté, et pour étancher sa soif, ils lui donnent le breuvage des condamnés, c'est pour cela qu'ils font usage d'hysope.
Quel autre s'endort si précisément quand il veut comme Jésus est mort au moment qu'il a voulu? Quelle espérance, mais aussi quelle crainte doit inspirer la puissance qu'il fera éclater au jour du jugement, alors que celle qu'il manifeste en mourant est déjà si grande?
L'homme qui apparaissait aux regards endurait toutes les souffrances qui étaient réglées par le Dieu qui demeurait caché. «Après cela, Jésus sachant que toutes choses étaient accomplies, afin que l'Ecriture», c'est-à-dire cette prédiction de l'Ecriture: «Et dans ma soif, ils m'ont abreuvé de vinaigre» ( Ps 69,22 ), reçût aussi son accomplissement, il dit: «J'ai soif». Il semble dire par là aux Juifs: Vous avez oublié ce dernier trait, donnez-moi ce que vous êtes. Les Juifs étaient en effet un vinaigre dégénéré du vin des patriarches et des prophètes. Or, il y avait là un vase plein de vinaigre, c'est-à-dire que les Juifs, dont le coeur, semblable à une éponge, renfermait mille cavités tortueuses comme autant de repaires de malice, puisèrent à plein vase et remplirent leur coeur de l'iniquité du monde: «Les soldats remplirent une éponge de vinaigre, et, l'environnant d'hysope, la lui présentèrent à la bouche».
L'hysope dont ils entourent l'éponge est une petite plante qui a une vertu purgative; elle représente justement l'humilité de Jésus-Christ qu'ils entourèrent de leurs criminelles intrigues et qu'ils crurent avoir circonvenue; car c'est l'humilité de Jésus-Christ qui nous purifie. Il ne faut pas s'étonner qu'ils aient pu approcher une éponge de la bouche de Jésus qui, sur la croix, était élevé bien au-dessus de la terre, car d'après les autres évangélistes qui nous rapportent cette circonstance, que celui-ci passe sous silence, ils le firent à l'ai de d'un roseau, afin que le breuvage contenu dans l'éponge pût arriver à la hauteur de la croix.
Et comme il ne restait plus rien de ce qui devait s'accomplir ava nt sa mort, l'Évangéliste ajoute: «Et baissant la tête, il rendit l'esprit», après avoir fait toutes les choses dont il attendait l'accomplissement pour mourir, agissant en tout comme celui qui avait le pouvoir de donner sa vie et le pouvoir de la reprendre.
L'esprit est mis ici pour l'âme, car si par esprit l'Évangéliste entendait autre chose que l'âme, il s'en suivrait que l'âme serait restée après le départ de l'esprit.
Mais comment concilier ce que dit ici saint Jean: «Après qu'il eut pris ce vinaigre», avec ce que rapporte un autre Évangéliste: «Qu'il n'en voulut point boire ?» Cette difficulté est facile à résoudre. Jésus prit le vinaigre non pour le boire, mais pour accomplir ce qui était écrit.
Le Sauveur remet son esprit a Dieu et à son Père, pour nous apprendre que les âmes des saints ne restent point dans les tombeaux, mais qu'elles reviennent dans les mains du Père de tous les hommes, tandis que les âmes des pécheurs sont envoyées dans un lieu de supplices, c'est-à-dire dans l'enfer.
Il en est qui pensent que ce roseau fut tout simplement l'hysope, parce que cette plante a des branches qui ressemblent au roseau.
«Jésus ayant donc pris le vinaigre dit: Tout est accompli». Qu'est-cequi est accompli? Ce que les prophètes avaient prédit si longtemps auparavant.
L'opportunité de la mort est montrée en ce que désormais TOUT EST ACCOMPLI – Aussi, concernant cet accomplissement, d'abord est mise en avant la connaissance que le Christ avait de cet accomplissement même, puis est accompli ce qui restait à accomplir [n° 2451], en troisième lieu est exprimé l'accomplissement même.
2445. Concernant le premier point, il dit donc : APRÈS, c'est-à-dire après toutes les choses qui ont été exposées avant, JÉSUS, SACHANT QUE TOUT ÉTAIT ACCOMPLI, tout ce que les Prophètes et la Loi avaient annoncé à son sujet - II faut que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi, les Prophètes et les Psaumes . - J'ai vu la fin de tout accomplissement.
2446. Mais, parce qu'il y avait encore autre chose de la prophétie de l'Écriture qui devait être accompli, il ajoute : POUR QUE L'ÉCRITURE FÛT ACCOMPLIE, [JÉSUS] DIT : « J'AI SOIF. »
D'abord, l'Évangéliste nous rapporte la parole que le Christ a prononcée ; ensuite il nous dit qu'il convenait que sa demande fût exaucée [n° 2448] ; enfin, il nous rapporte le fait qu'on lui proposa un service qu'il n'avait pas voulu [n° 2449].
2447. Là, il faut savoir que POUR QUE n'est pas causal mais consécutif. En effet, il n'a pas fait cette demande POUR QUE L'ÉCRITURE - l'Ancien Testament - FÛT ACCOMPLIE, mais c'est parce qu'elles devaient être accomplies par le Christ que ces choses ont été dites. En effet, si nous disions que le Christ a fait ces choses parce que les Écritures les ont annoncées, il s'ensuivrait que le Nouveau Testament existerait à cause de l'Ancien et pour l'accomplir, alors que c'est le contraire. Ainsi donc elles ont été annoncées parce qu'elles devaient être accomplies par le Christ.
En disant « J'AI SOIF », il montre que sa mort est vraie, non pas imaginaire. De même nous est montré son désir ardent du salut du genre humain - Il veut que tous les hommes soient sauvés. - Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Or nous exprimons habituellement un désir véhément par la soif - Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant.
2448. Ici nous est montré qu'il convenait que sa demande fut exaucée : du fait qu'IL Y AVAIT LÀ, au pied de la croix, UN VASE PLEIN DE VINAIGRE. Par ce vase est désignée la synagogue des Juifs qui, à partir du vin des patriarches et des prophètes, avait dégénéré en vinaigre, c'est-à-dire en malice et cruauté de la part des grands prêtres.
2449. L'Évangéliste rapporte ensuite le service qu'il n'avait pas voulu. OR IL Y AVAIT LÀ, au pied de la croix, UN VASE PLEIN DE VINAIGRE. ILS MIRENT DONC AUTOUR D'UNE BRANCHE D'HYSOPE UNE ÉPONGE IMBIBÉE DE VINAIGRE ET L'APPROCHÈRENT DE SA BOUCHE.
De là naît une question littérale : Comment présentèrent-ils cette éponge à la bouche du Christ suspendu en hauteur ? L'Évangile de Matthieu répond à cela qu'ils la fixèrent à une tige de roseau. Ou bien, selon certains, à une branche d'hysope qui était grande, et c'est pourquoi elle est appelée roseau par Matthieu.
2450. Or, au sens mystique, sont signifiés par là trois maux qu'il y avait chez les Juifs : par le vinaigre, la jalousie ; par la capacité d'absorber et de rejeter qu'a l'éponge, la fourberie ; par l'amertume de l'hysope, la malice.
Ou encore, l'hysope signifie l'humilité du Christ parce que c'est une herbe qui purifie le cœur, que l'on purifie surtout par l'humilité - Purifie-moi Seigneur avec l’hysope, je serai pur.
2451. L'accomplissement ultime est montré : QUAND DONC JÉSUS EUT PRIS LE VINAIGRE, IL DIT : « TOUT EST ACCOMPLI », ce qui peut se rapporter à l'accomplissement de sa mort - Il était digne de celui pour qui et par qui sont toutes choses, qui voulait conduire une multitude d'enfants à la gloire, d'accomplir par les souffrances l'auteur de leur salut -, ou bien à l'accomplissement de notre sanctification, par sa Passion et par sa Croix - Car par une oblation unique, il a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés - ; ou encore à l'accomplissement des Écritures - Tout ce qui a été écrit par les prophètes au sujet du Fils de l'homme sera accompli.
2445. Concernant le premier point, il dit donc : APRÈS, c'est-à-dire après toutes les choses qui ont été exposées avant, JÉSUS, SACHANT QUE TOUT ÉTAIT ACCOMPLI, tout ce que les Prophètes et la Loi avaient annoncé à son sujet - II faut que s'accomplisse tout ce qui est écrit de moi dans la Loi, les Prophètes et les Psaumes . - J'ai vu la fin de tout accomplissement.
2446. Mais, parce qu'il y avait encore autre chose de la prophétie de l'Écriture qui devait être accompli, il ajoute : POUR QUE L'ÉCRITURE FÛT ACCOMPLIE, [JÉSUS] DIT : « J'AI SOIF. »
D'abord, l'Évangéliste nous rapporte la parole que le Christ a prononcée ; ensuite il nous dit qu'il convenait que sa demande fût exaucée [n° 2448] ; enfin, il nous rapporte le fait qu'on lui proposa un service qu'il n'avait pas voulu [n° 2449].
2447. Là, il faut savoir que POUR QUE n'est pas causal mais consécutif. En effet, il n'a pas fait cette demande POUR QUE L'ÉCRITURE - l'Ancien Testament - FÛT ACCOMPLIE, mais c'est parce qu'elles devaient être accomplies par le Christ que ces choses ont été dites. En effet, si nous disions que le Christ a fait ces choses parce que les Écritures les ont annoncées, il s'ensuivrait que le Nouveau Testament existerait à cause de l'Ancien et pour l'accomplir, alors que c'est le contraire. Ainsi donc elles ont été annoncées parce qu'elles devaient être accomplies par le Christ.
En disant « J'AI SOIF », il montre que sa mort est vraie, non pas imaginaire. De même nous est montré son désir ardent du salut du genre humain - Il veut que tous les hommes soient sauvés. - Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Or nous exprimons habituellement un désir véhément par la soif - Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant.
2448. Ici nous est montré qu'il convenait que sa demande fut exaucée : du fait qu'IL Y AVAIT LÀ, au pied de la croix, UN VASE PLEIN DE VINAIGRE. Par ce vase est désignée la synagogue des Juifs qui, à partir du vin des patriarches et des prophètes, avait dégénéré en vinaigre, c'est-à-dire en malice et cruauté de la part des grands prêtres.
2449. L'Évangéliste rapporte ensuite le service qu'il n'avait pas voulu. OR IL Y AVAIT LÀ, au pied de la croix, UN VASE PLEIN DE VINAIGRE. ILS MIRENT DONC AUTOUR D'UNE BRANCHE D'HYSOPE UNE ÉPONGE IMBIBÉE DE VINAIGRE ET L'APPROCHÈRENT DE SA BOUCHE.
De là naît une question littérale : Comment présentèrent-ils cette éponge à la bouche du Christ suspendu en hauteur ? L'Évangile de Matthieu répond à cela qu'ils la fixèrent à une tige de roseau. Ou bien, selon certains, à une branche d'hysope qui était grande, et c'est pourquoi elle est appelée roseau par Matthieu.
2450. Or, au sens mystique, sont signifiés par là trois maux qu'il y avait chez les Juifs : par le vinaigre, la jalousie ; par la capacité d'absorber et de rejeter qu'a l'éponge, la fourberie ; par l'amertume de l'hysope, la malice.
Ou encore, l'hysope signifie l'humilité du Christ parce que c'est une herbe qui purifie le cœur, que l'on purifie surtout par l'humilité - Purifie-moi Seigneur avec l’hysope, je serai pur.
2451. L'accomplissement ultime est montré : QUAND DONC JÉSUS EUT PRIS LE VINAIGRE, IL DIT : « TOUT EST ACCOMPLI », ce qui peut se rapporter à l'accomplissement de sa mort - Il était digne de celui pour qui et par qui sont toutes choses, qui voulait conduire une multitude d'enfants à la gloire, d'accomplir par les souffrances l'auteur de leur salut -, ou bien à l'accomplissement de notre sanctification, par sa Passion et par sa Croix - Car par une oblation unique, il a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il a sanctifiés - ; ou encore à l'accomplissement des Écritures - Tout ce qui a été écrit par les prophètes au sujet du Fils de l'homme sera accompli.
2452. Ici, l'Évangéliste décrit la mort du Christ. Et d'abord il expose la cause de sa mort. En effet, il ne faut pas comprendre que c'est parce qu'il a remis l'esprit qu'il a incliné la tête, mais le contraire. Car l'inclination de la tête désigne l'obéissance, au nom de laquelle il a supporté la mort - Il s'est fait obéissant jusqu'à la mort.
En second lieu nous est montrée la puissance de celui qui meurt parce qu'IL REMIT L'ESPRIT par sa propre puissance - Personne ne me l'enlève [mon âme], mais moi je la livre de moi-même. Car, comme le dit Augustin, nul n'a ainsi en son pouvoir de dormir quand il veut, comme le Christ de mourir quand il le voulut.
2453. Mais remarquons que du fait qu'IL REMIT L'ESPRIT, certains affirment qu'il y a en l'homme deux âmes ; à savoir une âme intellectuelle qu'ils appellent esprit, et une autre âme, animale - végétative et sensitive - qui anime le corps, et c'est surtout elle qu'on appelle « l'âme ». C'est pourquoi ils disent que le Christ a seulement remis son âme intellectuelle.
Mais cela est faux ; d'une part parce que, dans le livre des dogmes de l'Église, qu'il y ait en l'homme deux âmes est compté parmi les erreurs ; d'autre part parce que s'il avait remis l'esprit tandis que son âme demeurait encore, il ne serait pas mort. Et donc, parce qu'il n'y a aucun autre esprit dans l'homme que son âme, il faut dire qu'il remit l'esprit, c'est-à-dire son âme .
Par là est aussi exclue l'erreur de ceux qui disent que les âmes des hommes morts ne vont pas aussitôt après la mort au paradis, en enfer ou au purgatoire, mais qu'elles demeurent dans les tombeaux jusqu'au jour du jugement. Car le Seigneur a aussitôt remis l'esprit à son Père, par où il nous est donné de comprendre que les âmes des justes sont dans la main de Dieu.
En second lieu nous est montrée la puissance de celui qui meurt parce qu'IL REMIT L'ESPRIT par sa propre puissance - Personne ne me l'enlève [mon âme], mais moi je la livre de moi-même. Car, comme le dit Augustin, nul n'a ainsi en son pouvoir de dormir quand il veut, comme le Christ de mourir quand il le voulut.
2453. Mais remarquons que du fait qu'IL REMIT L'ESPRIT, certains affirment qu'il y a en l'homme deux âmes ; à savoir une âme intellectuelle qu'ils appellent esprit, et une autre âme, animale - végétative et sensitive - qui anime le corps, et c'est surtout elle qu'on appelle « l'âme ». C'est pourquoi ils disent que le Christ a seulement remis son âme intellectuelle.
Mais cela est faux ; d'une part parce que, dans le livre des dogmes de l'Église, qu'il y ait en l'homme deux âmes est compté parmi les erreurs ; d'autre part parce que s'il avait remis l'esprit tandis que son âme demeurait encore, il ne serait pas mort. Et donc, parce qu'il n'y a aucun autre esprit dans l'homme que son âme, il faut dire qu'il remit l'esprit, c'est-à-dire son âme .
Par là est aussi exclue l'erreur de ceux qui disent que les âmes des hommes morts ne vont pas aussitôt après la mort au paradis, en enfer ou au purgatoire, mais qu'elles demeurent dans les tombeaux jusqu'au jour du jugement. Car le Seigneur a aussitôt remis l'esprit à son Père, par où il nous est donné de comprendre que les âmes des justes sont dans la main de Dieu.
Quand Jésus eut pris le vinaigre. Détail spécial. Jésus avait refusé le breuvage
narcotique qu’on lui avait offert avant de l’attacher à la croix (Cf. Matth. 28, 34 et le commentaire) ; il
accepte au contraire ce dernier rafraîchissement. - Il dit : Tout est accompli. Cf. Ps. 30, 6. Accompli comme
plus haut. « Cette parole était dans le cœur de Jésus (v. 28). Maintenant il l’exprime par la bouche », Bengel.
Dans sa brièveté cette formule embrasse toute l’œuvre de N.-S. Jésus-Christ, prédite par les oracles et les
figures de l’Ancien testament, puis réalisée si adéquatement par lui. C’est tout ensemble un cri d’obéissance
et de triomphe. - Et inclinant la tête. Autre particularité si dramatique. Jusque-là Jésus avait tenu la tête droite
sur la croix, il la pencha alors doucement. - Il rendit l’esprit. Il le livra, le remit à son père, en pleine liberté.
Cf. Luc. 23, 46 ; Gal. 2, 10 ; Eph. 5, 2, 25 ; 1 Petr. 2, 23, etc. « Il a déposé son âme quand il l’a voulu
lui-même », Origène. « Qui est-ce qui s'endort à son gré, comme Jésus est mort au moment qu'il a choisi ?
Qui est-ce qui se dépouille d'un vêtement quand il le veut, comme Jésus s'est dépouillé de son corps à l'heure
voulue par lui ? Qui est-ce qui s'en va selon son désir, comme Jésus est sorti de ce monde lorsqu'il y a
consenti ? », S. Aug., Traités sur S. Jean, 119, 6. Aussi combien est grande l’erreur des exégètes qui,
s’appuyant sur les assertions de quelques médecins anglais et allemands contemporains, prétendent que N.-S.
Jésus-Christ mourut de la rupture d’un anévrisme. Voyez Stroud, the physical cause of the Death of Christ, p
73 et ss. ; Hanna, The last day of Our Lord’s Passion, p. 296 et ss., 333 et ss. ; Sepp, Leben Jesu Christi, t. 6,
p. 392 et ss. De la 2è édit. ; etc. Malgré les raisons ingénieuses par lesquelles on a essayé de défendre ce
sentiment, il ne saurait résister à un examen sérieux, sous le double rapport de la pathologie et de la
théologie. Des médecins célèbres l’ont réfuté, en prouvant que l’anévrisme suppose ou un âge avancé ou un
état maladif, ce qui n’était nullement le cas pour N.-S. Jésus-Christ. Les théologiens le rejettent aussi, parce
qu’il contredit ce qui est communément enseigné sur la perfection du corps sacré de l’Homme-Dieu. Aussi
M. Milligan, The Gospel of St. John, p. 215, a-t-il raison de le trouver « choquant ». Comme le dit fort bien
Luthardt, de même que Jésus n’était pas rentré en ce monde à la manière des autres hommes, il en sortit
aussi d’une façon différente de la leur, par conséquent, point par la maladie.
Jésus boit du vinaigre pour accomplir les prophéties de la passion. « Jésus avait tout prévu, et sachant les prophéties, il les accomplissait toutes avec connaissance. C’est ce qu’il fit jusqu’à la mort ; et c’est pourquoi, jusque sur la croix, voyant que tout s’accomplissait, et qu’il ne lui restait plus rien à accomplir durant sa vie que cette prophétie de David : Ils m’ont donné du fiel à boire, et, dans ma soif, ils m’ont abreuvé avec du vinaigre, il dit : J’ai soif. On lui présenta le breuvage qui lui avait été prédestiné ; il en goûta autant qu’il fallait pour accomplir la prophétie ; après il dit : Tout est accompli ; il n’y a plus qu’à rendre l’âme ; à l’instant il baissa la tête, et se mit volontairement en la posture d’un homme mourant, et il expira. Jésus donc savait ce qu’il voulait, qui était l’accomplissement des prophéties ; mais une vertu cachée exécutait tout le reste. Il se trouva précisément un vaisseau où il y avait du vinaigre [mêlé de fiel] ; il se trouva une éponge dans laquelle on lui pouvait présenter à la croix le vinaigre où on la trempa ; on l’attacha au bout d’une lance et on la lui mit sur la bouche. La haine implacable de ses ennemis, que le démon animait, mais que Dieu gouvernait secrètement, fit tout le préparatif nécessaire à l’accomplissement de la prophétie. » (BOSSUET.) ― Il rendit l’esprit. Voir Matthieu, 27, 50. ― Tout est consommé : « Les prophéties sont réalisées, les décrets éternels de mon Père sont exécutés, l’œuvre de la rédemption du monde est accomplie. Ce fut un vendredi que le premier homme fut créé, un vendredi que Jésus naquit, un vendredi qu’il expira et racheta l’humanité. » (CRAMPON, 1885)
Mais il y a encore un autre événement précis qui attire mon regard et suscite mon ardente méditation: « Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit: "Tout est achevé" et, inclinant la tête, il remit l'esprit » (Jn 19, 30). Et le soldat romain, « de sa lance, lui perça le côté, et il en sortit aussitôt du sang et de l'eau » (Jn 19, 34).
En ce sens, il est vrai que celui qui ne connaît pas Dieu, tout en pouvant avoir de multiples espérances, est dans le fond sans espérance, sans la grande espérance qui soutient toute l'existence (cf. Ep 2, 12). La vraie, la grande espérance de l'homme, qui résiste malgré toutes les désillusions, ce ne peut être que Dieu – le Dieu qui nous a aimés et qui nous aime toujours « jusqu'au bout », « jusqu'à ce que tout soit accompli » (cf. Jn 13, 1 et 19, 30). Celui qui est touché par l'amour commence à comprendre ce qui serait précisément « vie ». Il commence à comprendre ce que veut dire la parole d'espérance que nous avons rencontrée dans le rite du Baptême: de la foi j'attends la « vie éternelle » – la vie véritable qui, totalement et sans menaces, est, dans toute sa plénitude, simplement la vie. Jésus, qui a dit de lui-même être venu pour que nous ayons la vie et que nous l'ayons en plénitude, en abondance (cf. Jn 10, 10), nous a aussi expliqué ce que signifie « la vie »: « La vie éternelle, c'est de te connaître, toi le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ » (Jn 17, 3). La vie dans le sens véritable, on ne l'a pas en soi, de soi tout seul et pas même seulement par soi: elle est une relation. Et la vie dans sa totalité est relation avec Celui qui est la source de la vie. Si nous sommes en relation avec Celui qui ne meurt pas, qui est Lui-même la Vie et l'Amour, alors nous sommes dans la vie. Alors nous « vivons ».