Jean 19, 34

mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.

mais un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau.
Louis-Claude Fillion
Étant ensuite venus à Jésus, et le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes. C’eût été un acte inutile, puisque le “crurifragium” avait précisément pour but d’accélérer la mort. - Mais un des soldats. On le nomme « Longin » dans le Martyrologe romain (15 mars). Les peintres ont grand tort de le représenter à cheval ; leur erreur provient des dimensions gigantesques que l’on a attribuées sans raison à la croix de N.-S. Jésus-Christ. Voir, dans Baronius, Annal. ad ann. 34, n. 125, les légendes nombreuses rattachées à S. Longin. D’après Bartholinus, De latere Christi, c. 6, il y aurait eu, dans une église voisine de Lyon, un tombeau qui portait cette inscription : « Ici est gisant celui qui a percé d’une lance le côté du Sauveur » - Avec une lance. En latin, lancea ; en grec, λόγχῃ . Plusieurs critiques font remonter à ce mot grec l’origine du nom de « Longin ». Cf. Calmet, Comment., h. l. - Lui ouvrit le côté. La Vulgate a lu « ouvrir », de même la version syriaque de Philoxène, et tous nos lecteurs connaissent le saisissant commentaire que S. Augustin a fait de cette expression (Traité 120 sur S. Jean, 2). Mais la leçon authentique est certainement « percer » (verbe employé en ce seul endroit du N. T. ). D’ailleurs, nous verrons plus bas, 20, 27, que le fer de la lance produisit une large ouverture dans la poitrine sacrée de Jésus, puisque S. Thomas avait pu y introduire sa main entière. De quel côté le coup fut-il porté ? Au premier abord, il semblerait plus naturel de supposer que ce fut du côté gauche, puisque le soldat, debout devant la croix, tenait la lance de la main droite. La traduction éthiopienne et les Évangiles apocryphes de l’Enfance de Jésus et de Nicodème affirment au contraire que c’est le côté droit qui fut percé, et cette ancienne croyance a dû s’appuyer sur une base historique. Divers auteurs ont émis les deux opinions, en disant avec Prudence (De passione Chr., hymn. 8) : Passant d’un côté à l’autre, de l’eau et du sang coulèrent. Voyez Calmet et Cornel. a Lapide, h. l. Le but que se proposait le soldat était de rendre la mort complètement certaine, comme l’on fait par ce qu’on appelle le « coup de grâce ». - Et aussitôt… A la manière dont S. Jean note le trait qui suit, on voit qu’il le trouva très extraordinaire ; rien ne prouve cependant qu’il lui imputait un caractère miraculeux (Origène, Théophylacte, Euthymius, Meyer, Alford, Keil, etc.). - Il en sortit du sang et de l’eau. Ces deux liquides, le sang et l’eau, coulèrent simultanément de la plaie béante, mais tout en demeurant distincts pour le regard des témoins. Par « eau » il faut entendre la lymphe, qui contient en effet neuf parties d’eau sur dix ; non toutefois le « serum » séparé du « cruor », car cela eût marqué un commencement de décomposition qui ne pouvait avoir lieu en aucune manière. De ce détail les médecins ont conclu que le péricarde, sac membraneux qui enveloppe le cœur, dut être touché par la lance, de quelque côté d’ailleurs que le coup eût été frappé. Voyez C. F. Gruner, Comment. antiq. medic. de Jesu Christi morte vera, non simulata, Halle 1805, 74 et ss. ; A. Nebe, Die Leidensgeschichte unsers Herrn Jesu Christi nach den vier Evang., Wiesbaden 1881, t. 2, p. 400-401. - Dans le sang et l’eau qui sortirent du côté de N.-S. Jésus-Christ, les SS. Pères ont trouvé les plus touchants symboles. Ils y ont vu tantôt l’Église formée « du côté du Christ endormi », de même qu’Eve était née « du côté d’Adam » (Apollinaire de Laodicée, Tertullien, Théophylacte, S. Augustin, etc.), tantôt le double baptême « d’eau et de sang » (Tertullien, S. Cyrille de Jérusalem, S. Cyprien, S. Jérôme, etc. ), tantôt et le plus souvent les deux sacrements du Baptême et de l’Eucharisitie (S. Jean Damascène, S. Augustin, Euthymius, etc.). Cf. Westcott, St. John’s Gospel, p. 284 ET SS. ; la « Catena aurea » et la « Catena Corderii ». « Par là s'accomplit un grand et ineffable mystère : car « il en sortit du sang et de l'eau ». Ce n'est point sans sujet ou par hasard que ces deux sources ont coulé de l'ouverture du sacré côté du Sauveur : c'est d'elles que l’Église a été formée. Ceux qui sont initiés, ceux qui ont reçu le saint baptême, entendent bien ce que je dis : eux qui ont été régénérés par l'eau, et qui sont nourris de ce sang et de cette chair. C'est de cette heureuse et féconde source que coulent nos mystères et nos sacrements, afin que, lorsque vous approcherez de notre redoutable coupe, vous y veniez de même que si vous deviez boire à ce sacré flanc », S. J. Chrys., Homélie sur S. Jean 85, 3. C’est en grande partie pour perpétuer le souvenir de ce mystère que l’Église ordonne à ses prêtres de verser quelques gouttes d’eau dans le vin du saint sacrifice. Dans la liturgie romano-lyonnaise, le célébrant récite en même temps une prière dont voici le début : « Du côté de notre Seigneur Jésus Christ sortirent du sang et de l’eau pour la rédemption du monde ».
Fulcran Vigouroux
Un des soldats ouvrit son côté avec une lance. D’après une tradition consignée dans le martyrologe romain, au 15 mars, ce soldat s’appelait Longin et se convertit plus tard au christianisme. ― Avec une lance. « La lance, longue et légère, avec une tête large et plate servant à la fois de pique et de trait, avait une bride en cuir attachée au bois. » (RICH.)
Concile œcuménique
Ainsi le Fils vint, envoyé par le Père qui nous avait choisis en lui avant la création du monde et prédestinés à l’adoption filiale, selon son libre dessein de tout rassembler en lui (cf. Ep 1, 4-5.10). C’est pourquoi le Christ, pour accomplir la volonté du Père, inaugura le Royaume des cieux sur la terre, tout en nous révélant son mystère et, par son obéissance, effectua la rédemption. L’Église, qui est le règne de Dieu déjà mystérieusement présent, opère dans le monde, par la vertu de Dieu, sa croissance visible. Commencement et développement que signifient le sang et l’eau sortant du côté ouvert de Jésus crucifié (cf. Jn 19, 34) et que prophétisent les paroles du Seigneur disant de sa mort en croix : « Pour moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tous les hommes » (Jn 12, 32 grec). Toutes les fois que le sacrifice de la croix par lequel le Christ notre pâque a été immolé (1 Co 5, 7) se célèbre sur l’autel, l’œuvre de notre Rédemption s’opère. En même temps, par le sacrement du pain eucharistique, est représentée et réalisée l’unité des fidèles qui, dans le Christ, forment un seul corps (cf. 1 Co 10, 17). À cette union avec le Christ, lumière du monde, de qui nous procédons, par qui nous vivons, vers qui nous tendons, tous les hommes sont appelés.
Catéchisme de l'Église catholique
C’est dans sa Pâque que le Christ a ouvert à tous les hommes les sources du Baptême. En effet, il avait déjà parlé de sa passion qu’il allait souffrir à Jérusalem comme d’un " Baptême " dont il devait être baptisé (Mc 10, 38 ; cf. Lc 12, 50). Le Sang et eau qui ont coulé du côté transpercé de Jésus crucifié (Jn 19, 34) sont des types du Baptême et de l’Eucharistie, sacrements de la vie nouvelle (cf. 1 Jn 5, 6-8) : dès lors, il est possible " de naître de l’eau et de l’Esprit " pour entrer dans le Royaume de Dieu (Jn 3, 5).

Jésus nous a tous et chacun connus et aimés durant sa vie, son agonie et sa passion et il s’est livré pour chacun de nous : " Le Fils de Dieu m’a aimé et s’est livré pour moi " (Ga 2, 20). Il nous a tous aimés d’un cœur humain. Pour cette raison, le Cœur sacré de Jésus, transpercé par nos péchés et pour notre salut (cf. Jn 19, 34), " est considéré comme le signe et le symbole éminents... de cet amour que le divin Rédempteur porte sans cesse au père éternel et à tous les hommes sans exception " (Pie XII, Enc. " Haurietis aquas " : DS 3924 ; cf. DS 3812).

L’eau. Le symbolisme de l’eau est significatif de l’action de l’Esprit Saint dans le Baptême, puisque, après l’invocation de l’Esprit Saint, elle devient le signe sacramentel efficace de la nouvelle naissance : de même que la gestation de notre première naissance s’est opérée dans l’eau, de même l’eau baptismale signifie réellement que notre naissance à la vie divine nous est donnée dans l’Esprit Saint. Mais " baptisés dans un seul Esprit ", nous sommes aussi " abreuvés d’un seul Esprit " (1 Co 12, 13) : l’Esprit est donc aussi personnellement l’Eau vive qui jaillit du Christ crucifié (cf. Jn 19, 34 ; 1 Jn 5, 8) comme de sa source et qui en nous jaillit en Vie éternelle (cf. Jn 4, 10-14 ; 7, 38 ; Ex 17, 1-6 ; Is 55, 1 ; Za 14, 8 ; 1 Co 10, 4 ; Ap 21, 6 ; 22, 17).
Pape Saint Jean-Paul II
C'est le sang purificateur. Le sang des sacrifices de l'Ancienne Alliance en avait été le signe symbolique et l'anticipation: le sang des sacrifices par lesquels Dieu montrait sa volonté de communiquer sa vie aux hommes, en les purifiant et en les consacrant (cf. Ex 24, 8; Lv 17, 11). Tout cela s'accomplit et se manifeste désormais dans le Christ: son sang est celui de l'aspersion qui rachète, purifie et sauve; c'est le sang du Médiateur de la Nouvelle Alliance, « répandu pour une multitude en rémission des péchés » (Mt 26, 28). Ce sang, qui coule du côté transpercé du Christ en croix (cf. Jn 19, 34), est « plus éloquent » que celui d'Abel; celui-ci, en effet, exprime et demande une « justice » plus profonde, mais il implore surtout la miséricorde, il devient intercesseur auprès du Père pour les frères (cf. He 7, 25), il est source de rédemption parfaite et don de vie nouvelle.

Mais il y a encore un autre événement précis qui attire mon regard et suscite mon ardente méditation: « Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit: "Tout est achevé" et, inclinant la tête, il remit l'esprit » (Jn 19, 30). Et le soldat romain, « de sa lance, lui perça le côté, et il en sortit aussitôt du sang et de l'eau » (Jn 19, 34).

C'est dans la Croix salvifique de Jésus, dans le don de l'Esprit Saint, dans les sacrements qui naissent du côté transpercé du Rédempteur (cf. Jn 19, 34) que le croyant trouve la grâce et la force de toujours observer la Loi sainte de Dieu, même au milieu des plus graves difficultés. Comme le dit saint André de Crète : « En vivifiant la Loi par la grâce, Dieu a mis la loi au service de la grâce, dans un accord harmonieux et fécond, sans mêler à l'une ce qui appartient à l'autre, mais en transformant de manière vraiment divine ce qui était pénible, asservissant et insupportable, pour le rendre léger et libérateur »
Pape Benoît XVI
Dans le débat philosophique et théologique, ces distinctions ont souvent été radicalisées jusqu'à les mettre en opposition entre elles : l’amour descendant, oblatif, précisément l’agapè, serait typiquement chrétien; à l'inverse, la culture non chrétienne, surtout la culture grecque, serait caractérisée par l’amour ascendant, possessif et sensuel, c’est-à-dire par l’eros. Si on voulait pousser à l’extrême cette antithèse, l’essence du christianisme serait alors coupée des relations vitales et fondamentales de l’existence humaine et constituerait un monde en soi, à considérer peut-être comme admirable mais fortement détaché de la complexité de l’existence humaine. En réalité, eros et agapè – amour ascendant et amour descendant – ne se laissent jamais séparer complètement l’un de l’autre. Plus ces deux formes d’amour, même dans des dimensions différentes, trouvent leur juste unité dans l’unique réalité de l’amour, plus se réalise la véritable nature de l’amour en général. Même si, initialement, l’eros est surtout sensuel, ascendant – fascination pour la grande promesse de bonheur –, lorsqu’il s’approche ensuite de l’autre, il se posera toujours moins de questions sur lui-même, il cherchera toujours plus le bonheur de l’autre, il se préoccupera toujours plus de l’autre, il se donnera et il désirera «être pour» l’autre. C’est ainsi que le moment de l’agapè s’insère en lui ; sinon l'eros déchoit et perd aussi sa nature même. D’autre part, l’homme ne peut pas non plus vivre exclusivement dans l’amour oblatif, descendant. Il ne peut pas toujours seulement donner, il doit aussi recevoir. Celui qui veut donner de l’amour doit lui aussi le recevoir comme un don. L’homme peut assurément, comme nous le dit le Seigneur, devenir source d’où sortent des fleuves d’eau vive (cf. Jn 7, 37-38). Mais pour devenir une telle source, il doit lui-même boire toujours à nouveau à la source première et originaire qui est Jésus Christ, du cœur transpercé duquel jaillit l’amour de Dieu (cf. Jn 19, 34).