Jean 20, 14

Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus.

Ayant dit cela, elle se retourna ; elle aperçoit Jésus qui se tenait là, mais elle ne savait pas que c’était Jésus.
Saint Thomas d'Aquin
Il mentionne premièrement la vision que la femme a du Christ, puis il rapporte les paroles du Christ [n° 2507].

2505. Il dit donc d'abord LORSQU'ELLE, Marie-Madeleine, EUT DIT CELA, aux anges, ELLE SE RETOURNA EN ARRIÈRE. Mais Chrysostome demande : cette femme qui parlait avec les anges, qu'elle considérait au moins comme des hommes respectables, pourquoi se retourne-t-elle sans attendre la réponse à ce qu'elle leur avait dit ?

Réponse : il faut dire qu'après que la femme eût répondu aux anges, le Christ vint, et que les anges lui manifestèrent leur révérence en se levant ; voyant cela, la femme, étonnée, regarda en arrière pour savoir devant quoi ils s'étaient levés. De là vient que Luc rapporte que les anges ont été vus debout. Ainsi, s'étant retournée en arrière pour regarder, ELLE (...) VIT JÉSUS DEBOUT ; ET ELLE NE SAVAIT PAS QUE C'ÉTAIT JÉSUS. En effet, elle voyait sous une apparence non glorieuse celui que les anges, le voyant glorieux, honoraient.

Il nous est aussi montré par là que si quelqu'un désire voir le Christ, il doit se tourner vers lui - Tournez-vous vers moi, dit le Seigneur des armées, et je me tournerai vers vous. Ceux-là parviennent à le voir qui se convertissent totalement à lui par l'amour - Elle [la Sagesse] se porte au-devant de ceux qui la désirent. Au sens mystique, cela signifie que cette femme avait tourné le dos au Christ par l'infidélité ; mais quand son âme s'est convertie pour le connaître, elle s'est retournée en arrière.

2506. Mais pourquoi ne l'a-t-elle pas reconnu, puisqu'il était le même ? Disons qu'il en fut ainsi soit parce que celui qu'elle avait vu mort, elle ne le croyait pas ressuscité, soit parce que ses yeux étaient empêchés de le reconnaître, comme il est dit des deux disciples allant à Emmaus.

2507. L'Évangéliste expose d'abord l'interrogation du Christ, puis la réponse de la femme [n° 2509].

2508. Au sujet du premier point, il faut savoir que cette femme progresse peu à peu ; car les anges s'enquièrent de la cause de ses pleurs, mais le Christ interroge pour savoir ce qu'elle cherche. En effet, les pleurs étaient causés par le désir de la recherche. Il interroge donc pour savoir qui elle cherche pour augmenter son désir, afin qu'en nommant qui elle cherchait, son amour devienne plus ardent et qu'ainsi elle recherche toujours - Recherchez sans cesse sa face. - Le chemin des justes est comme une lumière de l'aube dont l'éclat grandit jusqu'au plein jour.

2509. L'Évangéliste rapporte ensuite la réponse de la femme, et d'abord l'opinion qu'elle avait de celui qui interrogeait. Puis il rapporte les paroles de sa réponse [n° 2513].

2510. Elle pensait que C'ÉTAIT LE JARDINIER, car elle savait que les gardes, terrifiés à cause des anges, avaient déjà fui et que personne n'occupait les lieux, sauf celui qui les cultivait. Comme le dit Grégoire, cette femme tout en se trompant ne se trompa pas en croyant que le Christ était le jardinier ; car il plantait dans son cœur les semences des vertus par la force de son amour - J'ai dit : j'arroserai les plantations de mon jardin, et j'enivrerai le fruit de ma prairie.

2511. Elle lui répondit : SEIGNEUR, SI C'EST TOI QUI L'AS EMPORTÉ, DIS-MOI – elle l'appelle SEIGNEUR pour capter sa bienveillance. Mais comme celui-ci venait d'arriver et qu'elle ne lui avait pas dit qui elle cherchait, pourquoi dit-elle : SI C'EST TOI QUI L'AS EMPORTÉ ? Qui, lui ?

Il faut dire que la force de l'amour réalise ceci dans l'âme, qu'elle croit que nul autre n'ignore celui auquel elle pense toujours. De là vient que lorsque le Seigneur demanda en Luc : Quelles sont ces paroles que vous échangiez entre vous ? on lui répondit : Tu es le seul pèlerin à Jérusalem à ignorer ce qui y est arrivé ces jours-ci !

2512. Mais pourquoi dit-elle : SI C'EST TOI QUI L'AS EMPORTÉ, DIS-MOI OÙ TU L'AS MIS, ET MOI J'IRAI LE PRENDRE ? Admirable audace de cette femme, que l'aspect d'un mort ne terrifie pas et qui dans sa vaillance désire plus qu'elle ne le peut : emporter le lourd cadavre d'un mort ! Mais c'est bien ce que dit la première épître aux Corinthiens : La charité espère tout. Elle voulait donc le prendre, de peur que les Juifs ne s'acharnent sur le corps inanimé, et désirait le transporter dans un autre lieu inconnu.
Louis-Claude Fillion
Ayant dit cela... Ce qui suit eut lieu immédiatement après la réponse de Marie ; elle agit comme si elle ne tenait en rien à poursuivre un entretien qui paraissait ne lui être d'aucun secours dans ses recherches. « Elle ne prête pas attention à ce qui est dit dans le sépulcre. C’est Jésus qu’elle cherche », Bengel, l. c. - Elle se retourna. Détail très graphique. Le mouvement de Marie-Madeleine fut-il un simple effet du hasard ? ou bien, se retournait-elle instinctivement pour voir si elle découvrirait Jésus ? avait-elle le sentiment intime de sa présence ? quelque bruit s'était-il fait entendre ? Toutes ces suppositions ont été faites, sans qu'il soit possible de dire laquelle est la meilleure. Au dire de S. Jean Chrysostome et de ses abréviateurs accoutumés, Théophylacte et Euthymius, les deux anges, au moment de la soudaine apparition de Notre-Seigneur, auraient témoigné leur admiration par leurs gestes et leurs regards ; ce qui aurait excité Marie à se retourner. Opinion plus gracieuse que vraisemblable. - Et vit Jésus debout. Les moindres circonstances continuent d'être notées ; on devine de qui S. Jean les avait apprises. - Mais elle ne savait pas que c’était Jésus. Elle était si troublée, disent les uns, et s'attendait si peu à voir N.-S. Jésus-Christ, qu'elle ne le reconnut point de prime-abord. Il est préférable de supposer, avec la majorité des interprètes, que l'apparence extérieure de Jésus était transfigurée par sa glorieuse résurrection ; ou encore, qu'il ne voulait pas être reconnu au premier instant. Cf. 21, 4 ; Marc, 16, 12, et surtout Luc. 24, 16 : « Mais leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître ».
Pape Francois
La connexion entre la vision et l’écoute, comme organes de connaissance de la foi, apparaît avec la plus grande clarté dans l’Évangile de Jean. Selon le quatrième Évangile, croire c’est écouter et, en même temps, voir. L’écoute de la foi advient selon la forme de connaissance qui caractérise l’amour : c’est une écoute personnelle, qui distingue la voix et reconnaît celle du Bon Pasteur (cf. Jn 10, 3-5) ; une écoute qui requiert la sequela, comme cela se passe avec les premiers disciples qui, « entendirent ses paroles et suivirent Jésus » (Jn 1, 37). D’autre part, la foi est liée aussi à la vision. Parfois, la vision des signes de Jésus précède la foi, comme avec les juifs qui, après la résurrection de Lazare, « avaient vu ce qu’il avait fait, crurent en lui » (Jn 11, 45). D’autres fois, c’est la foi qui conduit à une vision plus profonde : « si tu crois, tu verras la gloire de Dieu » (Jn 11, 40). Enfin, croire et voir s’entrecroisent : « Qui croit en moi (…) croit en celui qui m’a envoyé ; et qui me voit, voit celui qui m’a envoyé » (Jn 12, 44-45). Grâce à cette union avec l’écoute, la vision devient un engagement à la suite du Christ, et la foi apparaît comme une marche du regard, dans lequel les yeux s’habituent à voir en profondeur. Et ainsi, le matin de Pâques, on passe de Jean qui, étant encore dans l’obscurité devant le tombeau vide, « vit et crut » (Jn 20, 8) ; à Marie de Magdala qui, désormais, voit Jésus (cf. Jn 20, 14) et veut le retenir, mais est invitée à le contempler dans sa marche vers le Père ; jusqu’à la pleine confession de la même Marie de Magdala devant les disciples : « j’ai vu le Seigneur ! » (cf. Jn 20, 18).