Jean 21, 19
Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »
Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. »
Remarquez qu'il n'est pas facile de trouver quelqu'un de ceux qui sont prêts à quitter immédiatement cette vie. C'est pour cela que Jésus dit dès maintenant à Pierre: «Lorsque vous serez devenu vieux, vous étendrez vos mains».
Après avoir enseigné à Pierre le véritable caractère de l'amour qu'il devait avoir pour lui, il lui prédit le martyre qu'il devait souffrir pour son nom, et nous apprend ainsi comment nous devons l'aimer nous-mêmes: «En vérité, en vérité, je vous le dis, lorsque vous étiez plus jeune, vous vous ceigniez vous-même, et vous alliez où vous vouliez». Jésus lui rappelle le temps de sa jeunesse, parce qu'en effet, pour les affaires de la terre, le jeune homme seul a de la valeur, le vieillard n'en a presque point. Dans les choses divines, au contraire, c'est dans la vieillesse que la vertu a plus d'éclat, plus d'habileté, plus d'application, sans que l'âge y apporte aucun obstacle. Or, comme Pierre voulait toujours être au milieu des dangers avec Jésus-Christ, le Sauveur lui dit: «Ayez confiance, j'accomplirai votre désir; ce que vous n'avez pas souffert dans votre jeunesse, vous le souffrirez dans votre vieillesse»; preuve que Pierre n'était alors ni jeune ni vieux, mais dans la force de l'âge.
Jésus lui dit: «Vous serez conduit là où vous ne voudrez point», à cause de ce sentiment naturel à l'âme qui fait qu'elle se sépare malgré elle du corps par un sage conseil de la Providence divine qui s'oppose ainsi aux funestes desseins d'un grand nombre qui auraient fini leurs jours par une mort violente. L'Évangéliste élève ensuite plus haut nos pensées: «Jésus dit cela indiquant par quelle mort il devait glorifier Dieu». Il ne dit pas: de quelle mort il devait mourir, pour nous apprendre que c'est un h onneur et une gloire de souffrir pour Jésus-Christ. Or, jamais le chrétien ne consentirait à souffrir la mort pour Jésus-Christ si son esprit n'avait la certitude qu'il est vraiment Dieu. Aussi la mort des saints est-elle pour nous une preuve certaine de la gloire de Dieu.
C'est-à-dire vous serez crucifié, et pour vous conduire au supplice, un autre vous ceindra et vous conduira où vous ne voudrez pas. Jésus prédit d'abord l'événement et ensuite la manière dont il devait s'accomplir. Ce n'est pas lorsqu'il fut crucifié, mais avant d'être attaché à la croix, qu'il fut conduit là où il ne voulait pas. Il voulait bien être dépouillé de son corps pour être avec Jésus-Christ, mais, s'il eût été possible, il aurait désiré entrer dans la vie éternelle sans passer par les angoisses de la mort. C'est malgré lui qu'il fut conduit au supplice, mais c'est par sa volonté qu'il a triomphé des horreurs de cette mort et qu'il s'est dépouillé de ce sentiment de crainte et de répugnance pour la mort, sentiment tellement inhérent à notre nature que la vieillesse même ne put l'éteindre dans saint Pierre. Mais quelles que soient les souffrances dont la mort se montre environnée, nous devons en triom pher par la force de l'amour que nous avons pour celui qui, étant notre vie, a voulu souffrir la mort pour nous. Car s'il n'y avait que peu ou point de souffrance à endurer pour mourir, la gloire des martyrs serait beaucoup moins grande.
Telle fut donc la fin de Pierre. Après avoir renié Jésus-Christ, il l'aima de tout son coeur, et, sous l'impulsion de cet amour parfait il souffrit la mort pour celui pour qui, par une précipitation coupable, il avait promis de sacrifier sa vie. Il fallait d'abord, en effet, que Jésus-Christ souffrît la mort pour le salut de Pierre avant que Pierre donnât sa vie pour la foi de Jésus-Christ qu'il annonçait.
Voici que le Seigneur, après sa résurrection, apparaît de nouveau à ses disciples. Il interroge l'apôtre Pierre, il oblige celui-ci à confesser son amour, alors qu'il l'avait renié trois fois par peur. Le Christ est ressuscité selon la chair, et Pierre selon l'esprit. Comme le Christ était mort en souffrant, Pierre est mort en reniant. Le Seigneur Christ était ressuscité d'entre les morts, et il a ressuscité Pierre grâce à l'amour que celui-ci lui portait. Il a interrogé l'amour de celui qui le confessait maintenant, et il lui a confié son troupeau.
Qu'est-ce donc que Pierre apportait au Christ du fait qu'il aimait le Christ? Si le Christ t'aime, c'est profit pour toi, non pour le Christ. Si tu aimes le Christ, c'est encore profit pour toi, non pour lui. Cependant le Seigneur Christ, voulant nous montrer comment les hommes doivent prouver qu'ils l'aiment, nous le révèle clairement: en aimant ses brebis.
Simon, fils de Jean, m'aimes-tu? - Je t'aime. - Sois le pasteur de mes brebis. Et cela une fois, deux fois, trois fois. Pierre ne dit rien que son amour. Le Seigneur ne lui demande rien d'autre que de l'aimer, il ne lui confie rien d'autre que ses brebis. Aimons-nous donc mutuellement, et nous aimerons le Christ. Le Christ, en effet, éternellement Dieu, est né homme dans le temps. Il est apparu aux hommes comme un homme et un fils d'homme. Étant Dieu dans l'homme, il a fait beaucoup de miracles. Il a beaucoup souffert, en tant qu'homme, de la part des hommes, mais il est ressuscité après la mort, parce que Dieu était dans l'homme. Il a encore passé quarante jours sur la terre, comme un homme avec les hommes. Puis, sous leurs yeux, il est monté au ciel comme étant Dieu dans l'homme, et il s'est assis à la droite du Père. Tout cela nous le croyons, nous ne le voyons pas. Nous avons reçu l'ordre d'aimer le Christ Seigneur que nous ne voyons pas, et nous crions tous: "J'aime le Christ".
Mais, si tu n'aimes pas ton frère que tu vois, comment peux-tu aimer Dieu que tu ne vois pas (1Jn 4,20)? En aimant les brebis, montre que tu aimes le Pasteur, car justement, les brebis sont les membres du Pasteur. Pour que les brebis soient ses membres, le Pasteur a consenti à devenir la brebis conduite à la boucherie (Is 53,7). Pour que les brebis soient ses membres, il a été dit de lui: Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29). Mais cet agneau avait une grande force. Veux-tu savoir quelle force s'est manifestée chez cet agneau? L'agneau a été crucifié, et le lion a été vaincu.
Voyez et considérez avec quelle puissance le Seigneur Christ gouverne le monde, lui qui a vaincu le démon par sa mort. Aimons-le donc, et que rien ne nous soit plus cher que lui.
Qu'est-ce donc que Pierre apportait au Christ du fait qu'il aimait le Christ? Si le Christ t'aime, c'est profit pour toi, non pour le Christ. Si tu aimes le Christ, c'est encore profit pour toi, non pour lui. Cependant le Seigneur Christ, voulant nous montrer comment les hommes doivent prouver qu'ils l'aiment, nous le révèle clairement: en aimant ses brebis.
Simon, fils de Jean, m'aimes-tu? - Je t'aime. - Sois le pasteur de mes brebis. Et cela une fois, deux fois, trois fois. Pierre ne dit rien que son amour. Le Seigneur ne lui demande rien d'autre que de l'aimer, il ne lui confie rien d'autre que ses brebis. Aimons-nous donc mutuellement, et nous aimerons le Christ. Le Christ, en effet, éternellement Dieu, est né homme dans le temps. Il est apparu aux hommes comme un homme et un fils d'homme. Étant Dieu dans l'homme, il a fait beaucoup de miracles. Il a beaucoup souffert, en tant qu'homme, de la part des hommes, mais il est ressuscité après la mort, parce que Dieu était dans l'homme. Il a encore passé quarante jours sur la terre, comme un homme avec les hommes. Puis, sous leurs yeux, il est monté au ciel comme étant Dieu dans l'homme, et il s'est assis à la droite du Père. Tout cela nous le croyons, nous ne le voyons pas. Nous avons reçu l'ordre d'aimer le Christ Seigneur que nous ne voyons pas, et nous crions tous: "J'aime le Christ".
Mais, si tu n'aimes pas ton frère que tu vois, comment peux-tu aimer Dieu que tu ne vois pas (1Jn 4,20)? En aimant les brebis, montre que tu aimes le Pasteur, car justement, les brebis sont les membres du Pasteur. Pour que les brebis soient ses membres, le Pasteur a consenti à devenir la brebis conduite à la boucherie (Is 53,7). Pour que les brebis soient ses membres, il a été dit de lui: Voici l'Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (Jn 1,29). Mais cet agneau avait une grande force. Veux-tu savoir quelle force s'est manifestée chez cet agneau? L'agneau a été crucifié, et le lion a été vaincu.
Voyez et considérez avec quelle puissance le Seigneur Christ gouverne le monde, lui qui a vaincu le démon par sa mort. Aimons-le donc, et que rien ne nous soit plus cher que lui.
Quand vous entendez le Seigneur demander: Pierre, m'aimes-tu?, considérez Pierre comme un miroir et regardez-vous en lui. Est-ce que Pierre représentait autre chose que la figure de l'Église? Lorsque le Seigneur interrogeait Pierre, c'est nous, c'est l'Église qu'il interrogeait. Pour comprendre que Pierre était la figure de l'Église, souvenez-vous de ce passage de l'Évangile: Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église; et la puissance de la mort ne l'emportera pas sur elle. Je te donnerai les clés du Royaume des cieux (Mt 16,18-19). Un seul homme les a reçues et le Christ en personne a expliqué ce que sont ces clés du Royaume des cieux: Tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux. Et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux (Mt 16,19). Si c'est à Pierre seul que cette parole fut adressée, si c'est lui seul qui a pu faire cela, maintenant qu'il est mort, qu'il nous a quittés, quel est donc celui qui peut lier, qui peut délier? J'ose le dire, ces clés nous les possédons nous aussi. Irai-je jusqu'à dire que c'est nous qui lions et qui délions? Mais vous aussi, vous liez, vous aussi vous déliez. Car celui qui est lié, c'est de votre communauté qu'il est retranché, et quand il en est retranché, c'est par vous qu'il est lié. Et quand il est réconcilié, c'est par vous qu'il est délié, parce que c'est vous encore qui priez Dieu pour lui.
Nous tous, nous aimons le Christ, nous sommes ses membres. Lorsqu'il confie ses brebis à leurs pasteurs, tous ces pasteurs ne font qu'un dans le corps du pasteur unique. Vous devez savoir que tous les pasteurs ne font qu'un dans le corps unique de l'unique Pasteur. Pierre est pasteur, et il l'est pleinement. Paul est pasteur, et pleinement pasteur. Jean est pasteur, Jacques est pasteur, André est pasteur, et tous les autres Apôtres sont pasteurs. Tous les saints évêques sont certainement et pleinement pasteurs.
Alors, comment est-il vrai qu'il n'y aura plus qu'un seul troupeau et un seul pasteur (Jn 10,16)? Oui, s'il est vrai qu'il n'y aura plus qu'un seul troupeau et un seul pasteur, c'est que toute la foule innombrable des pasteurs se réduit au corps de l'unique pasteur. Mais, vous aussi, vous en êtes, et vous êtes ses membres. Ce sont ces membres que Saul piétinait tandis que leur chef intercédait pour eux: ce Saul, d'abord persécuteur, ensuite prédicateur, qui ne respirait que meurtres et qui repoussait la foi chrétienne. Une seule parole a jeté à terre toute sa rage. Quelle parole? Saul, Saul, pourquoi me persécuter? (Ac 9,4) <> Mais quel mal Saul pouvait-il faire à celui qui siège dans le ciel? Quel mal pouvait lui faire une parole ou un cri? Saul ne pouvait rien faire contre Jésus, et pourtant celui-ci lui criait: Tu me persécutes. Quand il criait cela, il indiquait que nous sommes tous ses membres. C'est pourquoi l'amour du Christ que nous aimons en vous, l'amour du Christ que vous aussi aimez en nous, puisse-t-il, parmi les tentations, les travaux, les sueurs, les soucis, les misères, les gémissements, puisse-t-il nous conduire là où il n'y a ni labeur, ni misère, ni gémissement, ni soupir ni chagrin. Là où personne ne naît, là où personne ne meurt, où personne ne craint la colère d'un puissant, parce que tous ont les yeux fixés sur le Tout-Puissant.
Nous tous, nous aimons le Christ, nous sommes ses membres. Lorsqu'il confie ses brebis à leurs pasteurs, tous ces pasteurs ne font qu'un dans le corps du pasteur unique. Vous devez savoir que tous les pasteurs ne font qu'un dans le corps unique de l'unique Pasteur. Pierre est pasteur, et il l'est pleinement. Paul est pasteur, et pleinement pasteur. Jean est pasteur, Jacques est pasteur, André est pasteur, et tous les autres Apôtres sont pasteurs. Tous les saints évêques sont certainement et pleinement pasteurs.
Alors, comment est-il vrai qu'il n'y aura plus qu'un seul troupeau et un seul pasteur (Jn 10,16)? Oui, s'il est vrai qu'il n'y aura plus qu'un seul troupeau et un seul pasteur, c'est que toute la foule innombrable des pasteurs se réduit au corps de l'unique pasteur. Mais, vous aussi, vous en êtes, et vous êtes ses membres. Ce sont ces membres que Saul piétinait tandis que leur chef intercédait pour eux: ce Saul, d'abord persécuteur, ensuite prédicateur, qui ne respirait que meurtres et qui repoussait la foi chrétienne. Une seule parole a jeté à terre toute sa rage. Quelle parole? Saul, Saul, pourquoi me persécuter? (Ac 9,4) <> Mais quel mal Saul pouvait-il faire à celui qui siège dans le ciel? Quel mal pouvait lui faire une parole ou un cri? Saul ne pouvait rien faire contre Jésus, et pourtant celui-ci lui criait: Tu me persécutes. Quand il criait cela, il indiquait que nous sommes tous ses membres. C'est pourquoi l'amour du Christ que nous aimons en vous, l'amour du Christ que vous aussi aimez en nous, puisse-t-il, parmi les tentations, les travaux, les sueurs, les soucis, les misères, les gémissements, puisse-t-il nous conduire là où il n'y a ni labeur, ni misère, ni gémissement, ni soupir ni chagrin. Là où personne ne naît, là où personne ne meurt, où personne ne craint la colère d'un puissant, parce que tous ont les yeux fixés sur le Tout-Puissant.
Saint Pierre fut consolé en entendant Jésus lui prédire sa mort comme un témoignage de charité. Les Apôtres présents apprirent que son reniement relevait de l'économie de Dieu et de sa miséricorde, non de l'intention profonde de Pierre. Notre Sauveur et Seigneur avait lui-même suggéré cette interprétation quand il avait dit: Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le froment. Mais j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Mais toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères (Lc 22,31-32).
De même, veut-il dire, que je te soutiens quand tu es secoué en tous sens, de même toi, deviens aussi un soutien pour ceux de tes frères qui sont troublés, et accorde-leur un peu de la protection dont tu bénéficies. Ne pousse pas ceux qui sont en train de glisser, mais redresse-les dans le danger. Je permets que tu butes, mais je t'empêcherai de tomber, afin que tu m'aides à maintenir debout ceux qui sont secoués.
Ainsi, cette grande colonne qu'était saint Pierre a soutenu le monde agité et n'a pas permis qu'il s'effondre complètement, mais il l'a redressé, il l'a rendu plus solide. Chargé de paître les brebis de Dieu, il a supporté d'être injurié pour elles, et sous les coups il était rempli de joie. En sortant du Grand Conseil hostile, il se réjouissait avec ses compagnons d'avoir été digne de subir ces humiliations pour le nom du Maître (Ac 5,41).
Jeté en prison, il était content et tout heureux. Lorsque, sous Néron, il fut condamné à mourir en croix pour le Crucifié, il priait les bourreaux de ne pas le clouer sur la croix de la même façon que le Maître, mais en sens inverse, par crainte, semble-t-il, que l'identité de la Passion lui valût, chez les ignorants, une vénération égale.
C'est pourquoi il supplia qu'on le clouât les mains en bas et les pieds en haut. Il avait appris, en effet, à choisir la dernière place non seulement dans l'honneur, mais aussi dans la honte. Et s'il avait pu mourir ainsi dix fois, cinquante fois, il l'eût accepté avec grande joie, parce qu'il brûlait du désir de Dieu. C'est ainsi que saint Paul s'écriait parfois: Tous les jours je suis exposé à la mort, aussi vrai, frères, que vous êtes mon orgueil dans le Christ Jésus (1Co 15,31). Et parfois: Je suis crucifié avec le Christ; je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20).
De même, veut-il dire, que je te soutiens quand tu es secoué en tous sens, de même toi, deviens aussi un soutien pour ceux de tes frères qui sont troublés, et accorde-leur un peu de la protection dont tu bénéficies. Ne pousse pas ceux qui sont en train de glisser, mais redresse-les dans le danger. Je permets que tu butes, mais je t'empêcherai de tomber, afin que tu m'aides à maintenir debout ceux qui sont secoués.
Ainsi, cette grande colonne qu'était saint Pierre a soutenu le monde agité et n'a pas permis qu'il s'effondre complètement, mais il l'a redressé, il l'a rendu plus solide. Chargé de paître les brebis de Dieu, il a supporté d'être injurié pour elles, et sous les coups il était rempli de joie. En sortant du Grand Conseil hostile, il se réjouissait avec ses compagnons d'avoir été digne de subir ces humiliations pour le nom du Maître (Ac 5,41).
Jeté en prison, il était content et tout heureux. Lorsque, sous Néron, il fut condamné à mourir en croix pour le Crucifié, il priait les bourreaux de ne pas le clouer sur la croix de la même façon que le Maître, mais en sens inverse, par crainte, semble-t-il, que l'identité de la Passion lui valût, chez les ignorants, une vénération égale.
C'est pourquoi il supplia qu'on le clouât les mains en bas et les pieds en haut. Il avait appris, en effet, à choisir la dernière place non seulement dans l'honneur, mais aussi dans la honte. Et s'il avait pu mourir ainsi dix fois, cinquante fois, il l'eût accepté avec grande joie, parce qu'il brûlait du désir de Dieu. C'est ainsi que saint Paul s'écriait parfois: Tous les jours je suis exposé à la mort, aussi vrai, frères, que vous êtes mon orgueil dans le Christ Jésus (1Co 15,31). Et parfois: Je suis crucifié avec le Christ; je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20).
2628. Le Seigneur a désormais confié à Pierre son service de pasteur ; maintenant il lui annonce qu'il aura à souffrir le martyre ; et cela convient bien, car il revient au bon pasteur de livrer son âme pour ses brebis . Or il ne fut pas donné à Pierre de livrer son âme pour le Christ dans sa jeunesse, mais déjà vieux et pour ses brebis.
C'est bien ce que lui annonce le Christ dans cette prédiction ; il lui rappelle d'abord la condition de sa vie passée, puis il lui annonce la perfection de sa vie future [n° 2630]. Enfin l'Évangéliste rapporte les paroles du Seigneur [n° 2633].
2629. Or la condition passée de Pierre ne fut pas sans défauts car dans sa jeunesse il fut trop présomptueux et trop attaché à sa volonté propre - ce qui est en effet le propre des jeunes, comme le dit le Philosophe dans sa Rhétorique. Aussi l'Ecclésiaste dit-il, comme par manière de blâme : Réjouis-toi donc, jeune homme, en ton adolescence, et qu'heureux soit ton cœur dans les jours de ta jeunesse ; marche dans les voies de ton cœur. C'est ce que signifie cette parole du Seigneur : LORSQUE TU ÉTAIS PLUS JEUNE, TU METTAIS TOI-MÊME TA CEINTURE ET TU ALLAIS OÙ TU VOULAIS, c'est-à-dire : tu te maintenais à l'écart de certaines choses illicites et superflues, comme si tu ne supportais pas, selon ton jugement propre, de te maintenir à l'écart de quelque chose. Voilà aussi pourquoi, quand il s'agit d'accomplir des bonnes œuvres, c'est toujours dans les dangers que tu veux être à ma place.
Cependant il ne t'a pas été donné de souffrir pour moi quand tu étais jeune ; mais, QUAND TU AURAS VIEILLI, je comblerai ton désir pour que, ce que tu n'auras pas souffert dans ta jeunesse, tu le souffres comme vieillard car TU ÉTENDRAS TES MAINS ET UN AUTRE TE CEINDRA. Admirable annonce ! C'est toute la durée de sa vie et sa passion qu'elle présente. Car entre le moment où ces paroles ont été dites et la mort de Pierre se sont écoulées presque trente-sept années ; il était donc en effet bien vieux.
2630. Selon Chrysostome, il dit : QUAND TU AURAS VIEILLI, parce qu'il en va autrement dans les choses humaines et dans les choses divines. Dans les choses humaines, les jeunes par leurs affaires sont utiles, mais les vieillards inutiles. Mais dans les choses divines, la vertu ne disparaît pas avec la vieillesse, au contraire elle est parfois plus forte - Ma vieillesse est comblée d'une miséricorde abondante. - Comme les jours de ta jeunesse, ainsi sera ta vieillesse. Mais cela s'entend, comme l'affirme Tullius, de ceux qui pendant leur jeunesse s'exercent en vue du bien. Par contre ceux qui, jeunes, s'adonnent à l'oisiveté, ne valent pas beaucoup ou rien quand ils sont vieux.
Par là on comprend aussi, comme le dit Origène dans son commentaire sur ce passage de Matthieu Longtemps après, le maître revint, qu'en effet on trouve rarement des maîtres et des enseignants dans l'Église qui soient utiles et qui ne vivent que peu de temps. Il donne alors l'exemple de Paul dont on lit dans les Actes qu'il était adolescent, et qui plus tard écrit à Philémon : Puisque tu es comme moi, le vieux Paul. La raison en est que, parce qu'on trouve bien peu d'hommes capables pour cela, quand on en trouve quelques-uns, le Seigneur les maintient en vie plus longtemps.
2631. Il lui annonce aussi le mode de sa passion : TU ÉTENDRAS TES MAINS, car Pierre fut crucifié ; cependant non pas avec des clous mais avec des cordes, pour le maintenir en vie plus longtemps. Et c'est cela que le Christ appelle « ceinture ».
À propos de la passion des saints, il nous faut considérer trois aspects.
D'abord le mouvement de l'affection naturelle, car il y a entre l'âme et le corps un lien naturel tel que jamais l'âme ne voudrait être séparée du corps et inversement - Nous ne voulons pas être dépouillés, mais revêtus par-dessus. - Mon âme est triste jusqu'à la mort. Aussi le Christ dit-il : OÙ TU NE VEUX PAS, c'est-à-dire selon l'instinct de ta nature, si naturel que même la vieillesse ne pourra l'enlever à Pierre. Pourtant le désir de la grâce parvient à le vaincre, c'est pourquoi l'Apôtre dit : J'ai le désir de disparaître et d'être avec le Christ. — Oui, nous sommes pleins d'audace, nous aimons mieux sortir de ce corps, et être présents à Dieu.
Ensuite, la divergence entre l'intention des saints et celle de leurs persécuteurs : ET T'EMMÈNERA LÀ OÙ TU NE VEUX PAS.
Enfin, nous devons être prêts à souffrir mais non à tuer, c'est pourquoi il dit : TU ÉTENDRAS TES MAINS. Et c'est évident de Pierre : alors que le peuple voulait fomenter une révolte contre Néron et sauver Pierre, lui-même l'en empêcha - Le Christ a souffert pour nous, nous laissant un exemple.
2632. On pourrait croire que T'EMMÈNERA doit précéder l'affirmation UN AUTRE TE CEINDRA, comme pour dire : il te ceindra parce qu'il T'EMMÈNERA LÀ OÙ TU NE VEUX PAS. Mais pour qu'on ne croie pas que cela ait été dit en vain, cela a été écrit après la mort de Pierre. Car Pierre fut tué à l'époque de Néron tandis que Jean écrivit son Évangile après son retour d'exil, sous l'empereur Domitien. Or il y eut plusieurs empereurs entre Néron et Domitien.
2633. L'Évangéliste nous rapporte cet événement encore à venir comme s'il était déjà arrivé en disant : OR IL DIT CELA - c'est-à-dire Jésus à Pierre - POUR SIGNIFIER PAR QUELLE MORT IL GLORIFIERAIT DIEU ; en effet, la mort des saints, et non pas seulement leur vie, est en vue de la gloire du Christ - Le Christ sera glorifié dans mon corps soit par la vie, soit par la mort. - Qu'aucun de vous ne souffre comme voleur ou comme homicide (...) ; et, si c'est comme chrétien, qu'il ne rougisse pas, mais qu'il glorifie Dieu en ce nom. C'est ainsi qu'est manifestée la grandeur du Seigneur, lorsqu'au nom de sa vérité et de leur foi en lui les saints s'exposent ainsi à la mort.
B. CE QUE LE CHRIST RÉVÉLA A JEAN
2634. Après avoir exposé ce que le Seigneur a révélé à Pierre, l'Évangéliste nous raconte ici ce qu'il révéla à Jean, c'est-à-dire à lui-même. Il présente d'abord la recommandation du disciple par le Christ, puis celle de son Évangile [n° 2652].
C'est bien ce que lui annonce le Christ dans cette prédiction ; il lui rappelle d'abord la condition de sa vie passée, puis il lui annonce la perfection de sa vie future [n° 2630]. Enfin l'Évangéliste rapporte les paroles du Seigneur [n° 2633].
2629. Or la condition passée de Pierre ne fut pas sans défauts car dans sa jeunesse il fut trop présomptueux et trop attaché à sa volonté propre - ce qui est en effet le propre des jeunes, comme le dit le Philosophe dans sa Rhétorique. Aussi l'Ecclésiaste dit-il, comme par manière de blâme : Réjouis-toi donc, jeune homme, en ton adolescence, et qu'heureux soit ton cœur dans les jours de ta jeunesse ; marche dans les voies de ton cœur. C'est ce que signifie cette parole du Seigneur : LORSQUE TU ÉTAIS PLUS JEUNE, TU METTAIS TOI-MÊME TA CEINTURE ET TU ALLAIS OÙ TU VOULAIS, c'est-à-dire : tu te maintenais à l'écart de certaines choses illicites et superflues, comme si tu ne supportais pas, selon ton jugement propre, de te maintenir à l'écart de quelque chose. Voilà aussi pourquoi, quand il s'agit d'accomplir des bonnes œuvres, c'est toujours dans les dangers que tu veux être à ma place.
Cependant il ne t'a pas été donné de souffrir pour moi quand tu étais jeune ; mais, QUAND TU AURAS VIEILLI, je comblerai ton désir pour que, ce que tu n'auras pas souffert dans ta jeunesse, tu le souffres comme vieillard car TU ÉTENDRAS TES MAINS ET UN AUTRE TE CEINDRA. Admirable annonce ! C'est toute la durée de sa vie et sa passion qu'elle présente. Car entre le moment où ces paroles ont été dites et la mort de Pierre se sont écoulées presque trente-sept années ; il était donc en effet bien vieux.
2630. Selon Chrysostome, il dit : QUAND TU AURAS VIEILLI, parce qu'il en va autrement dans les choses humaines et dans les choses divines. Dans les choses humaines, les jeunes par leurs affaires sont utiles, mais les vieillards inutiles. Mais dans les choses divines, la vertu ne disparaît pas avec la vieillesse, au contraire elle est parfois plus forte - Ma vieillesse est comblée d'une miséricorde abondante. - Comme les jours de ta jeunesse, ainsi sera ta vieillesse. Mais cela s'entend, comme l'affirme Tullius, de ceux qui pendant leur jeunesse s'exercent en vue du bien. Par contre ceux qui, jeunes, s'adonnent à l'oisiveté, ne valent pas beaucoup ou rien quand ils sont vieux.
Par là on comprend aussi, comme le dit Origène dans son commentaire sur ce passage de Matthieu Longtemps après, le maître revint, qu'en effet on trouve rarement des maîtres et des enseignants dans l'Église qui soient utiles et qui ne vivent que peu de temps. Il donne alors l'exemple de Paul dont on lit dans les Actes qu'il était adolescent, et qui plus tard écrit à Philémon : Puisque tu es comme moi, le vieux Paul. La raison en est que, parce qu'on trouve bien peu d'hommes capables pour cela, quand on en trouve quelques-uns, le Seigneur les maintient en vie plus longtemps.
2631. Il lui annonce aussi le mode de sa passion : TU ÉTENDRAS TES MAINS, car Pierre fut crucifié ; cependant non pas avec des clous mais avec des cordes, pour le maintenir en vie plus longtemps. Et c'est cela que le Christ appelle « ceinture ».
À propos de la passion des saints, il nous faut considérer trois aspects.
D'abord le mouvement de l'affection naturelle, car il y a entre l'âme et le corps un lien naturel tel que jamais l'âme ne voudrait être séparée du corps et inversement - Nous ne voulons pas être dépouillés, mais revêtus par-dessus. - Mon âme est triste jusqu'à la mort. Aussi le Christ dit-il : OÙ TU NE VEUX PAS, c'est-à-dire selon l'instinct de ta nature, si naturel que même la vieillesse ne pourra l'enlever à Pierre. Pourtant le désir de la grâce parvient à le vaincre, c'est pourquoi l'Apôtre dit : J'ai le désir de disparaître et d'être avec le Christ. — Oui, nous sommes pleins d'audace, nous aimons mieux sortir de ce corps, et être présents à Dieu.
Ensuite, la divergence entre l'intention des saints et celle de leurs persécuteurs : ET T'EMMÈNERA LÀ OÙ TU NE VEUX PAS.
Enfin, nous devons être prêts à souffrir mais non à tuer, c'est pourquoi il dit : TU ÉTENDRAS TES MAINS. Et c'est évident de Pierre : alors que le peuple voulait fomenter une révolte contre Néron et sauver Pierre, lui-même l'en empêcha - Le Christ a souffert pour nous, nous laissant un exemple.
2632. On pourrait croire que T'EMMÈNERA doit précéder l'affirmation UN AUTRE TE CEINDRA, comme pour dire : il te ceindra parce qu'il T'EMMÈNERA LÀ OÙ TU NE VEUX PAS. Mais pour qu'on ne croie pas que cela ait été dit en vain, cela a été écrit après la mort de Pierre. Car Pierre fut tué à l'époque de Néron tandis que Jean écrivit son Évangile après son retour d'exil, sous l'empereur Domitien. Or il y eut plusieurs empereurs entre Néron et Domitien.
2633. L'Évangéliste nous rapporte cet événement encore à venir comme s'il était déjà arrivé en disant : OR IL DIT CELA - c'est-à-dire Jésus à Pierre - POUR SIGNIFIER PAR QUELLE MORT IL GLORIFIERAIT DIEU ; en effet, la mort des saints, et non pas seulement leur vie, est en vue de la gloire du Christ - Le Christ sera glorifié dans mon corps soit par la vie, soit par la mort. - Qu'aucun de vous ne souffre comme voleur ou comme homicide (...) ; et, si c'est comme chrétien, qu'il ne rougisse pas, mais qu'il glorifie Dieu en ce nom. C'est ainsi qu'est manifestée la grandeur du Seigneur, lorsqu'au nom de sa vérité et de leur foi en lui les saints s'exposent ainsi à la mort.
B. CE QUE LE CHRIST RÉVÉLA A JEAN
2634. Après avoir exposé ce que le Seigneur a révélé à Pierre, l'Évangéliste nous raconte ici ce qu'il révéla à Jean, c'est-à-dire à lui-même. Il présente d'abord la recommandation du disciple par le Christ, puis celle de son Évangile [n° 2652].
Concernant ce premier point, il nous précise d'abord l'occasion [qu'a le Christ] de recommander ce disciple, puis il l'expose [n° 2638].
L'occasion de cette recommandation.
2635. L'occasion de cette recommandation de Jean fut l'appel du Christ invitant Pierre à le suivre. En effet, c'est APRÈS AVOIR DIT CELA - ce qui concernait sa mission et son martyre - que Jésus dit à Pierre : « SUIS-MOI ! »>
Selon Augustin cela est dit en référence au martyre, c'est-à-dire « en souffrant pour moi » ; car il ne suffit pas de souffrir de n'importe quelle manière, mais seulement en suivant le Christ, c'est-à-dire à cause de lui - Vous serez heureux lorsque les hommes vous haïront à cause du Fils de l'homme. - Le Christ même a souffert pour nous vous laissant un exemple.
2636. Mais beaucoup d'autres, parmi les disciples présents à ce moment, ont souffert à cause du Christ, et notamment Jacques qui fut mis à mort le premier - II fit mourir par le glaive Jacques, frère de Jean. Pourquoi dit-il spécialement à Pierre « SUIS-MOI ! » ?
Là Augustin répond que Pierre a non seulement souffert la mort pour le Christ, mais aussi qu'il l'a suivi jusque dans le genre de mort, c'est-à-dire celui de la croix - Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il porte sa croix et qu'il me suive.
Ou encore, selon Chrysostome, il dit « SUIS-MOI ! » dans le service de prélat ; comme si Jésus disait : « Suis-moi, comme moi j'ai reçu de Dieu le Père le soin de l'Église - Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage -, afin que tu deviennes à ma place le chef de l'Église tout entière. »
2637. Comment expliquer alors qu'après l'Ascension du Christ, Jacques ait reçu après lui la primauté à Jérusalem ? À cela il faut dire qu'il reçut l'autorité spéciale sur ce lieu. Mais Pierre lui, reçut l'autorité universelle sur les fidèles de toute l'Église.
La recommandation elle-même.
2638. L'Évangéliste expose ici la recommandation de Jean par le Christ, d'abord quant aux choses passées, puis quant aux choses futures [n° 2644].
En ce qui concerne les choses passées, c'est en vertu d'un triple privilège que Jean est recommandé par le Christ.
2639. D'abord à cause de cette dilection particulière du Christ pour lui. C'est pourquoi Jean nous dit : S'ÉTANT RETOURNÉ, PIERRE - qui avait déjà commencé à suivre Jésus, même physiquement - VIT QUE LE DISCIPLE QUE JÉSUS AIMAIT LES SUIVAIT. En cela il est donné à entendre que Pierre, désormais fait pasteur, veillait attentivement sur les autres - Et toi, une fois converti, confirme tes frères. Or Jésus aimait Jean sans pour autant exclure les autres, comme il l'a dit auparavant : Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Mais il l'a préféré aux autres en raison d'une dilection spéciale. Et cela pour trois raisons.
D'abord à cause de la perspicacité de son intelligence ; les maîtres en effet aiment spécialement les disciples intelligents - Un ministre intelligent est bien accueilli du roi.
Ensuite à cause de la pureté de son cœur, puisqu'il était vierge - Celui qui aime la pureté du cœur, à cause de la grâce de ses lèvres aura pour ami le roi.
Enfin à cause de sa jeunesse ; en effet, nous nous laissons davantage attendrir par les enfants et ceux qui sont démunis, et nous leur montrons des signes de familiarité. Ainsi aussi le Christ envers le jeune Jean - Parce qu'Israël était un enfant, je l'ai aimé. Nous voyons par là que Dieu chérit spécialement ceux qui se mettent à son service dès leur plus jeune âge - Mon âme a désiré quelques figues précoces.
2640. Cependant l'Écriture dit : Moi, j'aime ceux qui m'aiment. Or c'est Pierre qui aimait davantage le Christ, comme nous l'avons vu : Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? Le Christ aurait donc dû aimer davantage Pierre que Jean.
Voici la réponse. On pourrait dire que Jean, parce qu'il a été plus aimé, fut plus heureux, mais que Pierre, étant plus aimant, fut meilleur.
Mais cela serait contraire à la justice. Aussi cela nous renvoie-t-il au mystère. En effet, ces deux disciples manifestent deux aspects de la vie, c'est-à-dire la vie active et la vie contemplative. De l'une comme de l'autre, le Christ est la fin et l'objet. Mais la vie active, représentée par Pierre, aime davantage Dieu que la vie contemplative, représentée par Jean, parce qu'elle ressent davantage les angoisses de la vie présente et désire avec plus d'ardeur en être libérée et aller vers Dieu.
Quant à la vie contemplative, Dieu l'aime plus puisqu'il la conserve plus ; en effet, elle ne s'achève pas avec la vie du corps comme la vie active - Le Seigneur aime les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob.
2641. Certains, voulant expliquer littéralement ce passage, distinguent dans le Christ deux dilections différentes, en raison de sa volonté divine et de sa volonté humaine. Ils affirment que le Christ a aimé davantage Pierre d'une dilection divine, et Jean d'une dilection humaine. Mais dans le Christ, la volonté humaine était totalement conforme à la volonté divine. Ainsi celui qu'il aimait le plus selon sa volonté divine, il l'aimait plus aussi selon sa volonté humaine.
Il faut donc répondre qu'il aimait davantage celui auquel il voulait un bien plus grand. Or il aimait plus Pierre pour faire de lui le disciple le plus aimant, mais Jean, il l'aimait en vue d'autre chose : la perspicacité de son intelligence - Le Seigneur l’α comblé d'un esprit de sagesse et d'intelligence. Selon cela, Pierre est meilleur parce que la charité l'emporte sur la science - La charité ne finira jamais. Quant à Jean, il est plus grand selon la perspicacité de l'intelligence. Mais il appartient à Dieu seul de peser leurs mérites - Celui qui pèse les esprits, c'est Dieu.
D'autres encore affirment, ce qui paraît plus juste, que Pierre aima plus le Christ à travers ses membres, et qu'ainsi il fut plus aimé du Christ qui, pour cela, lui confia son Église. Jean quant à lui l'aima davantage pour lui-même, et pour cette raison il fut plus aimé du Christ, et c'est pourquoi celui-ci lui confia sa Mère.
On peut dire encore que Pierre aima le Christ par son empressement et sa ferveur, mais que Jean fut plus aimé si l'on considère les marques de familiarité que le Christ lui prodiguait davantage, en raison de sa jeunesse et de sa pureté.
2642. Aussi, lorsque Jean ajoute CELUI QUI À LA CÈNE REPOSA SUR SA POITRINE, il est mis en lumière en vertu d'un second privilège, à savoir celui de son intimité spéciale avec le Christ, ce que nous avons exposé plus haut.
2643. Enfin Jean est mis en lumière selon ce privilège de la confiance spéciale qu'il avait dans le Christ, si bien que, confiant plus que tous les autres, c'est lui qui pouvait l'interroger. C'est pourquoi il dit : ET DIT : « SEIGNEUR, QUI EST CELUI QUI TE LIVRERA ? » - ce que nous avons également montré.
Chrysostome affirme que, si Jean nous rappelle ainsi ses propres privilèges, c'est afin de recommander Pierre. On aurait pu croire en effet que Pierre, parce qu'il avait renié le Christ, ne serait plus reçu dans la même intimité qu'auparavant. Aussi, pour exclure cela, Jean montre qu'il était reçu dans une intimité plus grande ; car lui qui, à la Cène, n'osait pas interroger le Seigneur mais en confia le soin à Jean, devient après la Passion le porte-parole de ses frères et n'interroge plus seulement le maître pour lui-même, mais aussi pour les autres et pour Jean.
En cela il est donné à entendre que ceux qui sont tombés dans le péché renaissent parfois pour une grâce plus grande - Car comme votre sentiment a été d'errer loin de Dieu, en revenant à lui vous le rechercherez dix fois plus fort.
2644. Aussitôt après, l'Évangéliste nous rapporte cette interrogation : « ET DE LUI, SEIGNEUR, QU'EN SERA-T-IL ? » Nous voyons ici le fait de recommander Jean quant au futur. Cela implique en premier lieu l'interrogation de Pierre, puis la réponse du Christ [n° 2646], après quoi il nous est montré comment fut comprise cette réponse [n° 2651].
2645. En ce qui concerne cette question de Pierre, il faut savoir qu'en réponse à l'appel du Seigneur : « SUIS-MOI ! », Pierre commença à le suivre physiquement, lui emboîtant le pas, et Jean aussi avec lui. Et donc, voyant Jean le suivre, Pierre interroge le Christ à son sujet : « ET DE LUI (...) QU'EN SERA-T-IL ? », comme s'il disait : « Voici que moi je te suis dans ta Passion, mais celui-ci, mourra-t-il ? » Jean aussi aurait voulu poser cette question, mais il n'osait pas.
Selon Chrysostome, Pierre n'entendait pas s'informer de sa passion mais du fait qu'il soit prélat. En effet il aimait Jean plus que tous les autres disciples, et on les voit toujours ensemble dans les Évangiles et les Actes. Et c'est pourquoi il voulait l'avoir pour compagnon dans son service de prédicateur par toute la terre. Voilà pourquoi il demande : « ET DE LUI (...) QU'EN SERA-T-IL ? » - sous-entendu : « Que fera-t-il ? Qu'il vienne avec moi ! »
2646. Voici la réponse du Christ. Sachons que dans le texte grec il est dit non pas « ainsi », mais « si » JE VEUX QU'IL DEMEURE. Mais cela importe peu. Quel que soit ce qui a été dit, il a semblé aux Apôtres que le sens de ces paroles était que Jean ne mourrait pas. En effet le Christ dit : SI JE VEUX QU'IL DEMEURE JUSQU'À CE QUE JE VIENNE, comme s'il disait : il ne mourra pas jusqu'à mon second avènement. Mais ceci est exclu par ce qui suit : OR JÉSUS NE LUI A PAS DIT : « IL NE MOURRA PAS. »
2647. Certains cependant, voulant soutenir cette signification, prétendent que Jean a ajouté cela, non pas pour exclure cette interprétation, mais pour montrer que le Seigneur ne l'a pas exprimée par les mots : IL NE MOURRA PAS mais seulement par ceux-ci : SI JE VEUX QU'IL DEMEURE. Et pour cette raison, ils disent que Jean n'est pas encore mort.
Cependant, concernant sa sépulture, il y a eu des opinions variées. Il est vrai en effet selon tous qu'il entra dans un sépulcre et cela apparaît encore. Mais quelques-uns disent qu'il est entré vivant dans ce sépulcre et que, par la puissance divine, il en sortit, transporté auprès d'Énoch et d'Élie, où il est gardé jusqu'à la fin du monde. Il faudrait donc comprendre : JE VEUX QU'IL DEMEURE vivant jusqu'à la fin du monde. Alors il souffrira pour moi, avec ces deux hommes, le martyre infligé par l'Antichrist. En effet il est inconvenant qu'il ne meure pas. Car tout ce qui naît doit mourir -II est arrêté que les hommes meurent une fois.
D'autres au contraire affirment qu'il entra vivant dans son sépulcre qui se trouve près d'Éphèse et qu'il y vit encore maintenant, endormi, jusqu'à ce que le Christ revienne. Ils ont pour argument qu'à cet endroit la terre se soulève comme en bouillonnant, ce qui, disent-ils, est dû au souffle de l'Apôtre. Augustin cependant exclut cela, disant qu'il est moindre pour l'Apôtre de vivre endormi que de vivre en bienheureux. Pourquoi donc le Christ aurait-il accordé, au disciple qu'il aimait plus que les autres, ce long sommeil comme une grande récompense, et l'aurait-il privé de ce si grand bien en vue duquel Paul désirait être dissous pour être avec le Christ ?
Voilà pourquoi on ne doit pas croire cela, mais qu'il mourut et ressuscita aussi en son corps. Et le signe en est qu'on ne retrouve pas son corps ; ainsi il demeure bienheureux avec le Christ comme celui-ci l'y invita - Celui qui rend témoignage de ces choses dit : Oui, je viens bientôt.
2648. Selon Augustin, il faut comprendre cela d'une manière mystique : ne pas entendre « demeurer » au sens de « rester », mais au sens d'« attendre », selon ce verset - Vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut.
C'est ainsi que le Seigneur dit de Jean, c'est-à-dire de la vie contemplative : SI JE VEUX QU'IL DEMEURE - c'est-à-dire qu'il attende - JUSQU'À CE QUE JE VIENNE, soit à la fin du monde, soit à la mort de tout contemplatif, car la vie contemplative commencée ici, sur terre, n'y atteint pas sa perfection, elle demeure inchoative et dans l'attente de la venue du Christ, devant être achevée quand il viendra - On leur dit d'attendre en repos encore un peu de temps jusqu’à ce que fût accompli le nombre de ceux qui servaient Dieu comme eux. - Marie a choisi la meilleure part et elle ne lui sera pas enlevée. - La longueur des jours est dans sa droite ; et dans sa gauche sont les richesses et la gloire.
Mais la vie active, parfaite, formée à l'exemple de la Passion du Christ, le suit pendant ce temps en souffrant pour lui.
2649. Mais selon Chrysostome il faut lire ainsi : JE VEUX QU'IL DEMEURE, c'est-à-dire qu'il reste en Judée, dans ce pays-là, pour prêcher ; mais toi, je veux que tu me suives en prenant soin du monde entier et en souffrant pour moi, et cela, JUSQU'À CE QUE JE VIENNE pour confondre les Juifs. ET QUE T'IMPORTE ?, comme pour dire : il m'appartient d'ordonner. Car, et les récits historiques nous le confirment, Jean ne quitta pas la Judée jusqu'à ce que Vespasien vînt en Judée et prît Jérusalem ; c'est alors que Jean quitta ce lieu pour l'Asie.
2650. Ou bien, selon Jérôme , il faut comprendre : TOI, SUIS-MOI, c'est-à-dire par ta passion, mais SI JE VEUX QU'IL, c'est-à-dire Jean, DEMEURE sans souffrir le martyre et la mort JUSQU'À CE QUE JE VIENNE pour l'appeler auprès de moi - De nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi -, QUE T'IMPORTE ? - sous-entendu « ce privilège ». Voilà pourquoi il est dit dans la légende du bienheureux Jean que, alors qu'il avait quatre-vingt-dix ans, le Seigneur Jésus Christ lui apparut et l'invita à son festin.
2651. Ensuite, lorsqu'il dit LE BRUIT SE RÉPANDIT DONC PARMI LES FRÈRES QUE CE DISCIPLE NE MOURRAIT PAS, il nous montre la manière dont les disciples comprirent ces paroles du Seigneur, c'est-à-dire qu'il NE MOURRAIT PAS. Et c'est ce qu'il dit : LE BRUIT SE RÉPANDIT, c'est-à-dire on divulgua parmi les frères, c'est-à-dire parmi les disciples - Voyez qu'il est bon et qu'il est doux d'habiter en frères tous ensemble ! - QUE CE DISCIPLE, Jean, NE MOURRAIT PAS. L'Évangéliste corrige aussitôt cette manière de comprendre, en disant : OR JÉSUS NE LUI A PAS DIT : « IL NE MOURRA PAS » - Et vous aussi êtes-vous encore sans intelligence ?
Toutes les autres choses ont déjà été exposées.
L'occasion de cette recommandation.
2635. L'occasion de cette recommandation de Jean fut l'appel du Christ invitant Pierre à le suivre. En effet, c'est APRÈS AVOIR DIT CELA - ce qui concernait sa mission et son martyre - que Jésus dit à Pierre : « SUIS-MOI ! »>
Selon Augustin cela est dit en référence au martyre, c'est-à-dire « en souffrant pour moi » ; car il ne suffit pas de souffrir de n'importe quelle manière, mais seulement en suivant le Christ, c'est-à-dire à cause de lui - Vous serez heureux lorsque les hommes vous haïront à cause du Fils de l'homme. - Le Christ même a souffert pour nous vous laissant un exemple.
2636. Mais beaucoup d'autres, parmi les disciples présents à ce moment, ont souffert à cause du Christ, et notamment Jacques qui fut mis à mort le premier - II fit mourir par le glaive Jacques, frère de Jean. Pourquoi dit-il spécialement à Pierre « SUIS-MOI ! » ?
Là Augustin répond que Pierre a non seulement souffert la mort pour le Christ, mais aussi qu'il l'a suivi jusque dans le genre de mort, c'est-à-dire celui de la croix - Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il porte sa croix et qu'il me suive.
Ou encore, selon Chrysostome, il dit « SUIS-MOI ! » dans le service de prélat ; comme si Jésus disait : « Suis-moi, comme moi j'ai reçu de Dieu le Père le soin de l'Église - Demande-moi et je te donnerai les nations en héritage -, afin que tu deviennes à ma place le chef de l'Église tout entière. »
2637. Comment expliquer alors qu'après l'Ascension du Christ, Jacques ait reçu après lui la primauté à Jérusalem ? À cela il faut dire qu'il reçut l'autorité spéciale sur ce lieu. Mais Pierre lui, reçut l'autorité universelle sur les fidèles de toute l'Église.
La recommandation elle-même.
2638. L'Évangéliste expose ici la recommandation de Jean par le Christ, d'abord quant aux choses passées, puis quant aux choses futures [n° 2644].
En ce qui concerne les choses passées, c'est en vertu d'un triple privilège que Jean est recommandé par le Christ.
2639. D'abord à cause de cette dilection particulière du Christ pour lui. C'est pourquoi Jean nous dit : S'ÉTANT RETOURNÉ, PIERRE - qui avait déjà commencé à suivre Jésus, même physiquement - VIT QUE LE DISCIPLE QUE JÉSUS AIMAIT LES SUIVAIT. En cela il est donné à entendre que Pierre, désormais fait pasteur, veillait attentivement sur les autres - Et toi, une fois converti, confirme tes frères. Or Jésus aimait Jean sans pour autant exclure les autres, comme il l'a dit auparavant : Comme le Père m'a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Mais il l'a préféré aux autres en raison d'une dilection spéciale. Et cela pour trois raisons.
D'abord à cause de la perspicacité de son intelligence ; les maîtres en effet aiment spécialement les disciples intelligents - Un ministre intelligent est bien accueilli du roi.
Ensuite à cause de la pureté de son cœur, puisqu'il était vierge - Celui qui aime la pureté du cœur, à cause de la grâce de ses lèvres aura pour ami le roi.
Enfin à cause de sa jeunesse ; en effet, nous nous laissons davantage attendrir par les enfants et ceux qui sont démunis, et nous leur montrons des signes de familiarité. Ainsi aussi le Christ envers le jeune Jean - Parce qu'Israël était un enfant, je l'ai aimé. Nous voyons par là que Dieu chérit spécialement ceux qui se mettent à son service dès leur plus jeune âge - Mon âme a désiré quelques figues précoces.
2640. Cependant l'Écriture dit : Moi, j'aime ceux qui m'aiment. Or c'est Pierre qui aimait davantage le Christ, comme nous l'avons vu : Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? Le Christ aurait donc dû aimer davantage Pierre que Jean.
Voici la réponse. On pourrait dire que Jean, parce qu'il a été plus aimé, fut plus heureux, mais que Pierre, étant plus aimant, fut meilleur.
Mais cela serait contraire à la justice. Aussi cela nous renvoie-t-il au mystère. En effet, ces deux disciples manifestent deux aspects de la vie, c'est-à-dire la vie active et la vie contemplative. De l'une comme de l'autre, le Christ est la fin et l'objet. Mais la vie active, représentée par Pierre, aime davantage Dieu que la vie contemplative, représentée par Jean, parce qu'elle ressent davantage les angoisses de la vie présente et désire avec plus d'ardeur en être libérée et aller vers Dieu.
Quant à la vie contemplative, Dieu l'aime plus puisqu'il la conserve plus ; en effet, elle ne s'achève pas avec la vie du corps comme la vie active - Le Seigneur aime les portes de Sion plus que toutes les tentes de Jacob.
2641. Certains, voulant expliquer littéralement ce passage, distinguent dans le Christ deux dilections différentes, en raison de sa volonté divine et de sa volonté humaine. Ils affirment que le Christ a aimé davantage Pierre d'une dilection divine, et Jean d'une dilection humaine. Mais dans le Christ, la volonté humaine était totalement conforme à la volonté divine. Ainsi celui qu'il aimait le plus selon sa volonté divine, il l'aimait plus aussi selon sa volonté humaine.
Il faut donc répondre qu'il aimait davantage celui auquel il voulait un bien plus grand. Or il aimait plus Pierre pour faire de lui le disciple le plus aimant, mais Jean, il l'aimait en vue d'autre chose : la perspicacité de son intelligence - Le Seigneur l’α comblé d'un esprit de sagesse et d'intelligence. Selon cela, Pierre est meilleur parce que la charité l'emporte sur la science - La charité ne finira jamais. Quant à Jean, il est plus grand selon la perspicacité de l'intelligence. Mais il appartient à Dieu seul de peser leurs mérites - Celui qui pèse les esprits, c'est Dieu.
D'autres encore affirment, ce qui paraît plus juste, que Pierre aima plus le Christ à travers ses membres, et qu'ainsi il fut plus aimé du Christ qui, pour cela, lui confia son Église. Jean quant à lui l'aima davantage pour lui-même, et pour cette raison il fut plus aimé du Christ, et c'est pourquoi celui-ci lui confia sa Mère.
On peut dire encore que Pierre aima le Christ par son empressement et sa ferveur, mais que Jean fut plus aimé si l'on considère les marques de familiarité que le Christ lui prodiguait davantage, en raison de sa jeunesse et de sa pureté.
2642. Aussi, lorsque Jean ajoute CELUI QUI À LA CÈNE REPOSA SUR SA POITRINE, il est mis en lumière en vertu d'un second privilège, à savoir celui de son intimité spéciale avec le Christ, ce que nous avons exposé plus haut.
2643. Enfin Jean est mis en lumière selon ce privilège de la confiance spéciale qu'il avait dans le Christ, si bien que, confiant plus que tous les autres, c'est lui qui pouvait l'interroger. C'est pourquoi il dit : ET DIT : « SEIGNEUR, QUI EST CELUI QUI TE LIVRERA ? » - ce que nous avons également montré.
Chrysostome affirme que, si Jean nous rappelle ainsi ses propres privilèges, c'est afin de recommander Pierre. On aurait pu croire en effet que Pierre, parce qu'il avait renié le Christ, ne serait plus reçu dans la même intimité qu'auparavant. Aussi, pour exclure cela, Jean montre qu'il était reçu dans une intimité plus grande ; car lui qui, à la Cène, n'osait pas interroger le Seigneur mais en confia le soin à Jean, devient après la Passion le porte-parole de ses frères et n'interroge plus seulement le maître pour lui-même, mais aussi pour les autres et pour Jean.
En cela il est donné à entendre que ceux qui sont tombés dans le péché renaissent parfois pour une grâce plus grande - Car comme votre sentiment a été d'errer loin de Dieu, en revenant à lui vous le rechercherez dix fois plus fort.
2644. Aussitôt après, l'Évangéliste nous rapporte cette interrogation : « ET DE LUI, SEIGNEUR, QU'EN SERA-T-IL ? » Nous voyons ici le fait de recommander Jean quant au futur. Cela implique en premier lieu l'interrogation de Pierre, puis la réponse du Christ [n° 2646], après quoi il nous est montré comment fut comprise cette réponse [n° 2651].
2645. En ce qui concerne cette question de Pierre, il faut savoir qu'en réponse à l'appel du Seigneur : « SUIS-MOI ! », Pierre commença à le suivre physiquement, lui emboîtant le pas, et Jean aussi avec lui. Et donc, voyant Jean le suivre, Pierre interroge le Christ à son sujet : « ET DE LUI (...) QU'EN SERA-T-IL ? », comme s'il disait : « Voici que moi je te suis dans ta Passion, mais celui-ci, mourra-t-il ? » Jean aussi aurait voulu poser cette question, mais il n'osait pas.
Selon Chrysostome, Pierre n'entendait pas s'informer de sa passion mais du fait qu'il soit prélat. En effet il aimait Jean plus que tous les autres disciples, et on les voit toujours ensemble dans les Évangiles et les Actes. Et c'est pourquoi il voulait l'avoir pour compagnon dans son service de prédicateur par toute la terre. Voilà pourquoi il demande : « ET DE LUI (...) QU'EN SERA-T-IL ? » - sous-entendu : « Que fera-t-il ? Qu'il vienne avec moi ! »
2646. Voici la réponse du Christ. Sachons que dans le texte grec il est dit non pas « ainsi », mais « si » JE VEUX QU'IL DEMEURE. Mais cela importe peu. Quel que soit ce qui a été dit, il a semblé aux Apôtres que le sens de ces paroles était que Jean ne mourrait pas. En effet le Christ dit : SI JE VEUX QU'IL DEMEURE JUSQU'À CE QUE JE VIENNE, comme s'il disait : il ne mourra pas jusqu'à mon second avènement. Mais ceci est exclu par ce qui suit : OR JÉSUS NE LUI A PAS DIT : « IL NE MOURRA PAS. »
2647. Certains cependant, voulant soutenir cette signification, prétendent que Jean a ajouté cela, non pas pour exclure cette interprétation, mais pour montrer que le Seigneur ne l'a pas exprimée par les mots : IL NE MOURRA PAS mais seulement par ceux-ci : SI JE VEUX QU'IL DEMEURE. Et pour cette raison, ils disent que Jean n'est pas encore mort.
Cependant, concernant sa sépulture, il y a eu des opinions variées. Il est vrai en effet selon tous qu'il entra dans un sépulcre et cela apparaît encore. Mais quelques-uns disent qu'il est entré vivant dans ce sépulcre et que, par la puissance divine, il en sortit, transporté auprès d'Énoch et d'Élie, où il est gardé jusqu'à la fin du monde. Il faudrait donc comprendre : JE VEUX QU'IL DEMEURE vivant jusqu'à la fin du monde. Alors il souffrira pour moi, avec ces deux hommes, le martyre infligé par l'Antichrist. En effet il est inconvenant qu'il ne meure pas. Car tout ce qui naît doit mourir -II est arrêté que les hommes meurent une fois.
D'autres au contraire affirment qu'il entra vivant dans son sépulcre qui se trouve près d'Éphèse et qu'il y vit encore maintenant, endormi, jusqu'à ce que le Christ revienne. Ils ont pour argument qu'à cet endroit la terre se soulève comme en bouillonnant, ce qui, disent-ils, est dû au souffle de l'Apôtre. Augustin cependant exclut cela, disant qu'il est moindre pour l'Apôtre de vivre endormi que de vivre en bienheureux. Pourquoi donc le Christ aurait-il accordé, au disciple qu'il aimait plus que les autres, ce long sommeil comme une grande récompense, et l'aurait-il privé de ce si grand bien en vue duquel Paul désirait être dissous pour être avec le Christ ?
Voilà pourquoi on ne doit pas croire cela, mais qu'il mourut et ressuscita aussi en son corps. Et le signe en est qu'on ne retrouve pas son corps ; ainsi il demeure bienheureux avec le Christ comme celui-ci l'y invita - Celui qui rend témoignage de ces choses dit : Oui, je viens bientôt.
2648. Selon Augustin, il faut comprendre cela d'une manière mystique : ne pas entendre « demeurer » au sens de « rester », mais au sens d'« attendre », selon ce verset - Vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut.
C'est ainsi que le Seigneur dit de Jean, c'est-à-dire de la vie contemplative : SI JE VEUX QU'IL DEMEURE - c'est-à-dire qu'il attende - JUSQU'À CE QUE JE VIENNE, soit à la fin du monde, soit à la mort de tout contemplatif, car la vie contemplative commencée ici, sur terre, n'y atteint pas sa perfection, elle demeure inchoative et dans l'attente de la venue du Christ, devant être achevée quand il viendra - On leur dit d'attendre en repos encore un peu de temps jusqu’à ce que fût accompli le nombre de ceux qui servaient Dieu comme eux. - Marie a choisi la meilleure part et elle ne lui sera pas enlevée. - La longueur des jours est dans sa droite ; et dans sa gauche sont les richesses et la gloire.
Mais la vie active, parfaite, formée à l'exemple de la Passion du Christ, le suit pendant ce temps en souffrant pour lui.
2649. Mais selon Chrysostome il faut lire ainsi : JE VEUX QU'IL DEMEURE, c'est-à-dire qu'il reste en Judée, dans ce pays-là, pour prêcher ; mais toi, je veux que tu me suives en prenant soin du monde entier et en souffrant pour moi, et cela, JUSQU'À CE QUE JE VIENNE pour confondre les Juifs. ET QUE T'IMPORTE ?, comme pour dire : il m'appartient d'ordonner. Car, et les récits historiques nous le confirment, Jean ne quitta pas la Judée jusqu'à ce que Vespasien vînt en Judée et prît Jérusalem ; c'est alors que Jean quitta ce lieu pour l'Asie.
2650. Ou bien, selon Jérôme , il faut comprendre : TOI, SUIS-MOI, c'est-à-dire par ta passion, mais SI JE VEUX QU'IL, c'est-à-dire Jean, DEMEURE sans souffrir le martyre et la mort JUSQU'À CE QUE JE VIENNE pour l'appeler auprès de moi - De nouveau je viendrai et je vous prendrai près de moi -, QUE T'IMPORTE ? - sous-entendu « ce privilège ». Voilà pourquoi il est dit dans la légende du bienheureux Jean que, alors qu'il avait quatre-vingt-dix ans, le Seigneur Jésus Christ lui apparut et l'invita à son festin.
2651. Ensuite, lorsqu'il dit LE BRUIT SE RÉPANDIT DONC PARMI LES FRÈRES QUE CE DISCIPLE NE MOURRAIT PAS, il nous montre la manière dont les disciples comprirent ces paroles du Seigneur, c'est-à-dire qu'il NE MOURRAIT PAS. Et c'est ce qu'il dit : LE BRUIT SE RÉPANDIT, c'est-à-dire on divulgua parmi les frères, c'est-à-dire parmi les disciples - Voyez qu'il est bon et qu'il est doux d'habiter en frères tous ensemble ! - QUE CE DISCIPLE, Jean, NE MOURRAIT PAS. L'Évangéliste corrige aussitôt cette manière de comprendre, en disant : OR JÉSUS NE LUI A PAS DIT : « IL NE MOURRA PAS » - Et vous aussi êtes-vous encore sans intelligence ?
Toutes les autres choses ont déjà été exposées.
Note exégétique du narrateur, pour expliquer le langage figuré dont avait usé Notre-Seigneur. - Pour
marquer : symbolisant, indiquant un signe, une image. - Par quelle mort, par quel genre de mort particulier.
Cf. 12, 33. - Il devait glorifier Dieu. Belle et noble appellation du martyre. Cf. 7, 39 ; 12, 23 ; 13, 31 ; 17, 1 ;
Phil. 1, 20 ; 1 Petr. 4, 16. Sacrifier pour Dieu ce que nous avons de plus cher, notre vie, c'est en effet la
meilleure manière que nous ayons de le glorifier. - Le crucifiement de S. Pierre à Rome est un fait historique
rigoureusement démontré. Les témoignages remontent jusqu'à S. Clément pape, Epist. 1 ad Cor. 5, 4, et à
Tertullien, Scorp. 15. Cf. Gehbardt, Patr. apostolic. opera, 2e édit., p. 13 et ss. Sur l'humble et courageuse
demande adressée par S. Pierre à ses bourreaux, pour obtenir d'être crucifié la tête en bas, voyez Eusèbe
(Hist. eccles. 3, 1, 2), qui cite le témoignage d'Origène. Le prince des apôtres était déjà mort depuis d'assez
nombreuses années lorsque S. Jean transcrivait l'oracle de Jésus.
Transition à une nouvelle
scène et à un second oracle. - Suis-moi. « Et en même temps, le Sauveur se mit à marcher et S. Pierre à le
suivre. Jésus voulait marquer par cette action que Pierre le suivrait au supplice de la croix. » Calmet ; h. l. Cf.
S. Jean Chrysost., Tolet, Maldonat, etc. Il faut donc interpréter tout ensemble au propre et au figuré ce
Suis-moi du divin Maître : au propre comme le comprirent S. Pierre (s’étant retourné, v. 20) et S. Jean
(derrière lui, ibid.) ; au figuré d'après le contexte et la tradition. C'est encore le riche symbolisme qui
parcourt en entier le quatrième évangile à la façon d'un fil d'or.
Saint Pierre mourut sur une croix, à Rome, la tête en bas, l’an 67 de notre ère. Ce n’est que plusieurs années après le martyre du prince des apôtres que saint Jean rappelait dans son Evangile cette prophétie du Sauveur.
L'Evangile de Matthieu décrit et précise la mission pastorale de Pierre dans l'Eglise: « Tu es heureux, Simon fils de Jonas, car cette révélation t'est venue, non de la chair et du sang, mais de mon Père qui est dans les cieux. Eh bien! moi je te dis: tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l'enfer ne tiendront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux: ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux » (16, 17-19). Luc fait ressortir que le Christ recommande à Pierre d'affermir ses frères, mais qu'il lui montre en même temps sa faiblesse humaine et son besoin de conversion (cf. Lc 22, 31-32). C'est comme si, à partir de la faiblesse humaine de Pierre, il devenait pleinement manifeste que son ministère spécifique dans l'Eglise est entièrement l'effet de la grâce; c'est comme si le Maître s'employait spécialement à sa conversion pour le préparer à la tâche qu'il s'apprête à lui confier dans son Eglise et comme s'il était très exigeant avec lui. Le rôle même de Pierre, toujours lié à l'affirmation réaliste de sa faiblesse, se retrouve dans le quatrième Evangile: « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci? ... Pais mes brebis » (cf. Jn 21, 15-19). Il est significatif encore que, selon la première Lettre de Paul aux Corinthiens, le Christ ressuscité apparaisse d'abord à Céphas puis aux Douze (cf. 15, 5).