Jean 21, 2

Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples.

Il y avait là, ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), Nathanaël, de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples.
Saint Thomas d'Aquin
2574. Par ces mots, l'Évangéliste présente l'apparition elle-même ; d'abord les personnes auxquelles elle a été faite, ensuite l'activité de ces personnes [n° 2576]. Il nous rapporte enfin la manière dont eut lieu l'apparition [n° 2583].

a) Les disciples auxquels elle a été faite.

2575. Les personnes auxquelles il se manifesta sont au nombre de sept ; c'est pourquoi il dit SIMON-PIERRE - celui qui avait renié -, THOMAS APPELÉ DIDYME - qui n'avait pas été là lors de la première apparition -, NATHANAEL QUI ÉTAIT DE CANA DE GALILÉE - qui, à ce qu'on croit, était frère de Philippe dont il a déjà été question -, ET LES FILS DE ZÉBÉDÉE, c'est-à-dire Jacques et Jean, AINSI QUE DEUX AUTRES, qui ne sont pas nommés expressément.

Par ce nombre est signifiée mystiquement la révélation de la gloire à venir qui aura lieu après le septième âge, c'est-à-dire au huitième, âge de ceux qui ressuscitent -Et il arrivera que de mois en mois, et de sabbat en sabbat, toute chair viendra adorer devant ma face.

b) Leur activité.

2576. L'activité qui les occupait alors était la pêche. L'Évangéliste montre d'abord l'invitation de Pierre à cette activité, puis l'acquiescement des autres [n° 2581], enfin son exécution [n° 2582].

2577. Simon-Pierre appelle les autres au service [de la pêche], qui au sens mystique signifie le service de la prédication - Je vous ferai devenir pêcheurs d'hommes. Pierre dit donc aux autres : JE VAIS PÊCHER, parce qu'il associe les autres à son souci et à sa prédication - Alors la charge sera plus légère pour toi, le fardeau étant partagé avec d'autres.

2578. Pourtant Luc dit : Quiconque ayant mis la main à la charrue, regarde en arrière, n'est pas apte au royaume de Dieu. Or il s'avère que Pierre avait renoncé à son métier de pêcheur ; comment donc y est-il retourné et a-t-il ainsi regardé en arrière ?

Réponse, selon Augustins'il était retourné à son métier de pêcheur avant que le Christ ne ressuscitât et leur montrât ses plaies, nous aurions pensé qu'il avait fait cela par désespoir. Mais, maintenant que le Christ leur a été rendu vivant du sépulcre, qu'ils ont examiné les marques de ses blessures et reçu de lui le souffle de l'Esprit Saint, ils sont redevenus ce qu'ils étaient, pêcheurs de poissons.

Par là il nous est donné à entendre que le prédicateur peut chercher ce qui lui est nécessaire pour sa subsistance par un travail licite, gardant l'intégrité de son apostolat, et s'il n'a rien venant d'ailleurs. En effet, si le bienheureux Paul dut apprendre un métier qu'il ignorait pour ne pas peser sur les autres et subvenir à ses besoins, combien plus Pierre pouvait-il faire cela par son travail qui était licite.

2579. Mais tu dis que cela ne s'impose que lorsqu'on n'a rien venant d'ailleurs. Mais il est manifeste que Pierre a et a toujours eu [le nécessaire], parce que le Seigneur l'a promis - Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses, c'est-à-dire celles qui sont nécessaires à la vie, vous seront données par surcroît.

Là il faut dire qu'il est vrai qu'elles nous sont données par surcroît, mais si nous coopérons, et c'est pourquoi le Seigneur a comblé Pierre, qui coopérait. Car qui d'autre que le Seigneur lui-même a pu faire venir ces poissons pour qu'ils puissent être pris ?

2580. Cependant il faut noter, selon Grégoire, qu'il y a deux sortes de charges. L'une accapare l'esprit et fait obstacle aux œuvres spirituelles. C'est à une telle charge, comme la perception de l'impôt ou une autre du même genre, qu'il ne faut pas revenir, et on ne doit pas chercher à s'en procurer de quoi vivre. C'est pourquoi nous ne lisons pas [dans l'Évangile] que Matthieu soit revenu au bureau de douane. Mais il y a une autre charge dont l'exercice n'implique aucun péché et n'accapare pas l'esprit, comme celui de la pêche et autres du même genre ; c'est pourquoi il n'y eut pas de faute pour les Apôtres à y revenir après leur conversion.

2581. L'Évangéliste nous rapporte ainsi l'acquiescement des autres, montrant par là aux prédicateurs et aux prélats que, selon cet exemple, ils doivent s'encourager mutuellement en vue de la conversion des hommes - Un frère qui est aidé par son frère est comme une ville forte . - Autour de lui était une couronne de frères, comme une plantation de cèdres sur le mont Liban.

2582. L'Évangéliste expose ensuite la réalisation de leur activité, et il touche les trois choses que doivent faire les prédicateurs.

En premier lieu, bien sûr, sortir (ILS SORTIRENT) de la compagnie des pécheurs - Sortez du milieu d'eux et séparez-vous, dit le Seigneur, et ne touchez pas à ce qui est impur et je vous recevrai ; se détacher des affections de la chair - Sors de ton pays, de ta parenté, et de la maison de ton père - et même quitter le repos de la contemplation en vue du labeur - Sortons dans la campagne, demeurons dans les vignes. Dès le matin, levons-nous pour aller dans les vignes.

Ensuite les prédicateurs doivent monter ([ILS] MONTÈRENT) dans la barque, c'est-à-dire progresser dans l'amour de l'unité de l'Église appelée aussi barque - Aux jours de Noé (...), pendant qu'on bâtissait l'arche dans laquelle peu de personnes, c'est-à-dire huit, furent sauvées à travers l'eau ; et encore, monter dans la barque de la Croix en assumant la mortification de la chair - Pour moi, puissé-je ne me vanter que de la Croix de Notre-Seigneur Jésus Christ par qui le monde est crucifié pour moi, et moi pour le monde. - Béni est le bois par lequel est faite la justice . Enfin, les prédicateurs doivent avoir une totale confiance en l'aide du Christ. Si durant toute cette nuit ILS NE PRIRENT RIEN, c'est que tant qu'elle reste privée du secours divin et de la prédication intérieure, la langue du prédicateur travaille en vain. Mais quand vient la lumière qui illumine les cœurs, alors ils « prennent » - Envoie ta lumière et ta vérité. C'est en ce sens que la privation du secours divin est appelée « nuit » - La nuit vient où personne ne peut travailler. On peut aussi comprendre CETTE NUIT-LÀ, c'est-à-dire l'ancienne Alliance, ILS NE PRIRENT RIEN puisqu'ils n'ont pu amener les païens à la foi - La nuit est déjà très avancée. Selon Luc , s'ils péchaient la nuit, c'est qu'ils restaient encore timides.

c) La manière dont eut lieu l’apparition.

2583. L'Évangéliste poursuit en rapportant ici la manière dont eut lieu l'apparition et l'ordre de ce qui arriva. Dans un premier temps Jésus se donne à voir de manière corporelle, puis il amène ses disciples à le reconnaître [n° 2587] et leur présente enfin un repas amical [n° 2597].

Ils voient Jésus physiquement.

2584. Dans la première partie, il montre d'abord la présence du Christ, puis l'ignorance des disciples. Or, au sens mystique, LE MATIN évoque la gloire de la Résurrection - Au soir seront réservés les pleurs, et au matin la joie - et encore les pleurs [d'émotion] de la vie éternelle - Dès le matin je me présenterai devant toi et je verrai.

2585. Mais puisqu'au cours d'un miracle semblable avant sa Passion, Jésus ne s'était pas tenu sur le rivage mais dans la barque, pourquoi après sa Passion se tient-il SUR LE RIVAGE ? La raison en est que la mer signifie l'agitation du siècle présent ; or le rivage marque la limite de la mer - Lui qui a posé le sable pour limite à la mer, précepte éternel qu'elle ne franchira pas. Certes, avant sa Passion, le Christ se tint sur la mer parce qu'il avait un corps mortel, tandis qu'après sa Résurrection, ayant quitté désormais la corruption de la chair, il SE TINT SUR LE RIVAGE.

2586. L'ignorance des disciples consiste en ce qu'ils NE CONNURENT PAS QUE C'ÉTAIT JÉSUS. Nous saisissons par là que, plongés dans la mer de cette agitation, nous ne pouvons pas connaître les secrets du Christ - L'œil n'a pas vu, ô Dieu, excepté toi, ce que tu as préparé pour ceux qui t'attendent.

Ils reconnaissent Jésus.

2587. Ensuite Jésus amène les disciples à le reconnaître. D'abord l'Évangéliste montre comment il les a amenés à cette connaissance, puis souligne l'ordre [suivant lequel ils l'ont reconnu] [n° 2591].

2588. Dans cette première partie, il distingue trois choses.

D'abord la question posée par le Seigneur à propos de la nourriture. Les disciples en effet croyaient qu'il n'était pas le Christ mais un acheteur de poisson, qui leur parlait comme un acheteur. Or, au sens mystique, c'est à nous que, pour refaire (reficere) ses forces, il réclame cette nourriture qui est l'obéissance aux commandements de Dieu - Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et d'accomplir son œuvre.

ILS (c'est-à-dire les disciples) LUI RÉPONDIRENT : « NON », c'est-à-dire : « pas par nous-mêmes » car, comme le dit Paul, le vouloir réside en moi, mais accomplir le bien je ne l'y trouve pas.

2589. Ensuite l'Évangéliste nous rapporte ce commandement. Nous trouvons cependant, en Luc, qu'avant la Passion une chose semblable avait été faite sans qu'il leur commandât de lâcher le filet à droite comme ici. Par là est signifiée cette pêche par laquelle les prédestinés sont attirés vers la vie éternelle, vie dans laquelle ne sont introduits que les fils de la droite- Car les voies qui sont à droite, le Seigneur les connaît, mais perverses celles qui sont à gauche. - La droite du Seigneur a exercé sa puissance.

La pêche précédente, elle, signifie la vocation pour l'Église de ce siècle ; et c'est pourquoi le filet peut être jeté indifféremment d'un côté ou de l'autre, puisque les poissons sont attrapés et amenés un par un vers lui - Va vite dans les places et les rues de la ville .

2590. Par ces mots l'Évangéliste souligne l'obéissance des disciples, puis l'effet de cette obéissance, LA MULTITUDE DE POISSONS, c'est-à-dire de ceux qui doivent être sauvés - Je multiplierai ta postérité comme le sable qui est sur le rivage de la mer (...) parce que tu as obéi à ma voix. -J'ai vu une foule immense que nul ne pouvait dénombrer.

Cette pêche-ci diffère donc de celle que nous rapporte Luc où le filet se déchire ; ainsi l'Église souffre-t-elle de déchirures du fait de dissensions et d'hérésies. Mais ici le filet ne se déchire pas, puisqu'il ne peut exister de divisions dans la vie à venir. Aussi, tandis qu'à la première apparition les poissons sont tirés jusqu'à la barque, dans celle-ci ils sont amenés sur le rivage, car les saints qui sont dans cette gloire sont à présent cachés à nos yeux - Tu les cacheras dans le secret de ta face loin de la persécution des hommes.

2591. Après avoir exposé ce qui permit aux Apôtres de connaître le Christ, LA MULTITUDE DE POISSONS qu'il leur accorda, l'Évangéliste montre l'ordre suivant lequel ils le reconnurent, et d'abord comment Jean s'est comporté dans cette circonstance, puis Pierre [n° 2593], et enfin les autres disciples [n° 2595].

2592. Jean nous apparaît comme perspicace dans sa connaissance parce qu'aussitôt il reconnut le Christ ; c'est pourquoi, poussé à cela par la capture des poissons, il dit à Pierre, qu'il aimait plus que les autres, et aussi parce qu'il était le premier de tous : « C'EST LE SEIGNEUR ! » - C'est toi qui domines sur la puissance de la mer. - Tout ce qu'il a voulu, le Seigneur l'a fait dans le ciel et sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes. Et il dit seulement « C'EST LE SEIGNEUR ! », parce que c'est ainsi qu'ils avaient l'habitude de l'appeler - Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien car je le suis.

2593. Pierre est présenté dans sa ferveur à suivre. Celle-ci se traduit d'abord par sa promptitude. Ayant entendu, il ne tarda pas mais se prépara aussitôt à aller le rejoindre - Ne tarde pas à te tourner vers le Seigneur et ne diffère pas de jour en jour.

Cette ferveur apparaît ensuite dans le respect qu'il manifesta à l'égard du Christ puisque, par pudeur, il ne voulut pas le rejoindre nu, mais NOUA SA TUNIQUE À LA CEINTURE, CAR IL ÉTAIT NU en raison de la chaleur du pays, et aussi pour ne pas être gêné dans son travai1. Là il faut comprendre que ceux qui viennent au Christ doivent se dépouiller du vieil homme et revêtir l'homme nouveau créé selon Dieu dans la foi - Celui qui aura vaincu sera ainsi vêtu de blanc, et je n'effacerai pas son nom du livre de vie.

Sa ferveur se manifeste enfin dans la sûreté de son action ; car, en raison de son trop grand amour, il ne voulut pas aller avec la barque parce qu'il aurait été retardé, mais il SE JETA À LA MER, pour parvenir plus vite au Christ.

2594. Au sens mystique, la mer représente l'agitation de ce siècle ; aussi ceux qui ont un grand désir de gagner le Christ se jettent-ils à la mer, sans fuir les tribulations de ce monde - C'est par beaucoup de tribulations qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu . - Mon fils, entrant au service de Dieu, sois ferme dans la justice et dans la crainte, et prépare ton âme à la tentation .

Pierre se jeta donc à la mer et cependant parvint indemne auprès du Christ, parce que des tribulations le serviteur du Christ sort sain et sauf- C'est toi qui as tracé sur la mer une voie et au milieu des flots un sentier très assuré.

Et, selon Chrysostome, c'est bien ici que nous sont le mieux révélés ce que sont Pierre et Jean : Jean est le plus élevé par son intelligence et Pierre le plus fervent dans son amour.

2595. Quant aux autres disciples, ils s'avancèrent avec la barque. C'est pourquoi l'Évangéliste nous présente premièrement ce qu'ils firent : ILS VINRENT AVEC LA BARQUE, parce qu'ils étaient moins fervents. Or cette barque signifie l'Église - L'espoir du globe de la terre se réfugiant dans un vaisseau conserva au monde un germe de renaissance -, selon la première épître de Pierre . QUANT AUX AUTRES, ILS VINRENT AVEC LA BARQUE, c'est-à-dire dans le sein protecteur de l'Église redoutable comme une armée rangée en bataille. - Tu les abriteras dans ton tabernacle contre la contradiction des langues .

2596. Deuxièmement, il donne l'explication de ce qu'il vient de dire : CAR ILS N'ÉTAIENT PAS LOIN DE LA TERRE. C'est peut-être parce que la barque était proche de la terre que Pierre se jeta à l'eau, et que les autres disciples parvinrent rapidement au rivage. D'autre part, s'ils n'étaient pas loin, c'est que l'Église n'est pas loin de la terre des vivants puisqu'elle est maison de Dieu et porte du Ciel, et c'est bien cette terre que les saints contemplent chaque jour - Parce que nous ne considérons pas les choses qui se voient mais celles qui ne se voient pas. - Pour nous, notre vie est dans les deux .

Jean précise : MAIS À ENVIRON DEUX CENTS COUDÉES, ce qui signifie la même chose que les deux navires dans Luc, c'est-à-dire deux peuples du milieu desquels les élus se trouvent entraînés vers la vie éternelle - Pour créer les deux en un seul peuple.

Quant à ce filet dans lequel les poissons sont traînés, c'est la doctrine de la foi par laquelle d'une part Dieu nous attire en nous inspirant de l'intérieur - Nul ne peut venir à moi si le Père qui m'a envoyé ne l'attire -, et par laquelle d'autre part les Apôtres nous attirent en nous exhortant comme ici.

Le repas que Jésus partagea avec eux.

2597. L'Évangéliste nous présente ici la manière dont le Christ a offert à ses disciples de partager un repas amical avec lui. Il présente d'abord la préparation du repas, puis l'invitation du Christ au repas [n° 2607], et enfin le repas lui-même [n° 2610].

L'Évangéliste nous rapporte la préparation de ce repas en décrivant d'abord ce que le Christ lui-même a préparé, puis ce que les Apôtres ont apporté [n° 2600].

Ce que le Christ lui-même a préparé

2598. Le Christ a préparé trois choses, à savoir les braises, le poisson et le pain. Aussi dit-il UNE FOIS DESCENDUS À TERRE, ILS VIRENT DES BRAISES DISPOSÉES, que le Christ par sa puissance avait créées à partir de rien, ou bien qu'il avait formées à partir d'une matière déjà existante.

Mais on se rappelle que précédemment, avant sa Passion, il a rassasié la foule par la multiplication des pains. Or maintenant, après sa Passion, il crée ou forme d'une manière nouvelle, miraculeusement, parce qu'il n'est plus temps désormais de montrer la faiblesse mais de manifester la puissance. En effet ce qu'il a fait précédemment, avant sa Passion, montrait sa volonté de s'abaisser car, s'il l'avait voulu, il aurait pu créer ou former les pains de cette nouvelle manière - à partir de rien.

2599. Nous comprenons par là que pour le repas spirituel quelque chose est préparé par le Christ. Et si ce repas est pris allégoriquement, pour le repas de l'Église, le Christ prépare alors ces trois choses. D'abord les BRAISES de la charité - Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger, s’il a soif, donne-lui à boire : tu amasseras des charbons ardents sur sa tête. - Remplis ta main de charbons ardents de feu. Ces braises, le Christ les a apportées du ciel pour les répandre sur la terre - Je vous donne un commandement nouveau, aimez-vous les uns les autres. - Je suis venu jeter un feu sur la terre.

Ayant disposé les braises, il prépare aussi LE POISSON - qui est le Christ - qu'il pose DESSUS. En effet, ce poisson grillé (assus) est bien le Christ immolé (passus), placé sur les braises lorsque, enflammé par la charité, il s'immole pour nous sur la Croix - Et il s'est livré lui-même pour nous en oblation à Dieu et en hostie de suave odeur. - Soyez donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés ; et marchez dans l'amour comme le Christ nous a aimés.

Enfin il prépare le PAIN qui refait nos forces, et ce pain, c'est lui-même. Car le Christ, qui demeure caché en raison de sa divinité, est symbolisé par le poisson dont le propre est de rester caché sous les eaux - Vraiment tu es un Dieu caché. Mais en tant qu'il refait nos forces par son enseignement, et même nous donne son propre corps en nourriture, il est vraiment le pain - Moi, je suis le pain vivant. — Et le pain, produit des grains de la terre, sera très abondant et gras.

À ce repas doit être apporté quelque chose de la part des ministres de l'Église, cependant rien, si cela ne préexiste pas pour nous comme venant de Dieu .

Ce que les disciples ont apporté

2600. Ce qu'ils apportent nous est ici indiqué. Dans ce verset l'Évangéliste nous rapporte ce commandement du Seigneur, puis son exécution par le disciple [n° 2603].

2601. Il leur demande donc d'apporter de ces poissons qu'ils ont pris eux-mêmes, comme s'il disait : Moi, je vous ai fait le don de la charité, j'ai livré mon corps (assavi corpus) sur la croix et je vous ai présenté le pain de la doctrine grâce auquel l'Église est perfectionnée et fortifiée ; vous, il vous appartient d'aller pêcher les autres, c'est-à-dire ceux qui se convertissent à la prédication des Apôtres - Apportez au Seigneur les petits des béliers. - Ils ramèneront tous vos frères de toutes les nations comme un don au Seigneur.

2602. Si l'on prend ce repas pour un repas spirituel, alors le Christ prépare en premier lieu, pour le repas de l'âme, les BRAISES de la charité - La charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs. - Je suis venu jeter un feu sur la terre ; aussi LE POISSON, c'est-à-dire la foi qui demeure mystérieuse (abscondita) puisqu'elle a pour objet des réalités qu'on ne voit pas ; et encore LE PAIN, c'est-à-dire la doctrine solide - Mais c'est pour les parfaits qu'est la nourriture solide.

Mais pour ce repas, il nous est demandé, à nous, de bien utiliser la grâce qui nous est accordée - C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis, et sa grâce en moi ne fut pas vaine. Et c'est pourquoi Jésus commande : « APPORTEZ DE CES POISSONS QUE VOUS VENEZ DE PRENDRE », c'est-à-dire apportez vos bonnes œuvres, celles qu'il vous a été donné d'accomplir - Qu'ainsi brille votre lumière devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes œuvres.

2603. L'Évangéliste poursuit en nous montrant l'exécution par le disciple de l'ordre donné par le Christ. Il s'agit de Pierre, qui était plus fervent. Aussi dit-il : SIMON-PIERRE MONTA, c'est-à-dire saisit le gouvernail de l'Église - Je monterai sur le palmier. — II a disposé dans son cœur des degrés pour s'élever -, ET TIRA À TERRE LE FILET, parce que c'est encore à lui qu'a été confiée la sainte Église et à lui spécialement qu'il a été dit : Pais mes brebis, comme nous le verrons par la suite .

Et ce que le Christ indique par ces mots : pais mes brebis, c'est précisément ce que le travail (opus) de Pierre préfigure. En effet, c'est lui qui tire les poissons sur la terre ferme, manifestant ainsi aux croyants la stabilité de la patrie éternelle .

2604. Il dit : LE FILET PLEIN DE (...) GROS POISSONS parce que ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés - Ces hommes grands en puissance et pourvus de leur prudence, ils ont montré parmi les prophètes la dignité de prophètes et ils ont commandé aux peuples de leur temps et, en vertu de leur prudence, ils ont donné aux peuples de très saintes paroles. Pour l'autre pêche, Luc ne mentionne pas le nombre comme ici : il y en eut en effet CENT CINQUANTE-TROIS.

C'est que les bons comme les mauvais sont par vocation entraînés à former l'Église présente - Des insensés infini est le nombre. C'est pourquoi il est dit dans la Genèse à Abraham à propos de cette vocation : Ta postérité sera comme le sable qui est sur le rivage de la mer. Il s'agit là de ceux qui sont mauvais. Au contraire il est dit des autres : Regarde le ciel et compte les étoiles si tu le peux. Tels sont en effet ceux que Dieu compte parmi les siens, ceux qui ont du prix à ses yeux - Lui qui compte la multitude des étoiles.

2605. Mais n'y aura-t-il pas plus de cent cinquante-trois élus ? Au contraire, bien davantage. Ce nombre a ici un sens mystique. En effet, nul ne peut venir à la Patrie s'il n'observe le Décalogue. Or on ne peut l'observer sans la grâce septiforme de l'Esprit Saint dont Isaïe a dit : L'esprit du Seigneur reposera sur lui, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de piété, et l'esprit de crainte du Seigneur le remplira. On lit dans la Genèse que cette sanctification a été faite d'abord le septième jour : Dieu bénit le septième jour et le sanctifia.

Or dix et sept font dix-sept. Si donc on calcule de cette façon, en prenant d'abord un et deux qui font trois, et trois qui font six, six et quatre qui font dix, dix et cinq qui font quinze... et ainsi de suite en additionnant le nombre qui suit jusqu'à dix-sept, on obtient bien cent cinquante-trois.

On peut interpréter différemment. Les disciples auxquels le Christ apparut étaient sept. Or en multipliant ce nombre par sept - les sept dons du Saint-Esprit -, on obtient quarante-neuf, auxquels on ajoute un, signe de la perfection de l'unité dans laquelle doivent être les fils de Dieu qui sont mus par l'Esprit de Dieu ; cela fait cinquante. Si on multiplie par trois ce nombre, et qu'on y ajoute encore trois - pour signifier cette foi en la Trinité que confessent notre cœur, notre langue et nos œuvres -, cela fait cent cinquante-trois. Cela nous montre que ceux que l'Esprit Saint a sanctifiés par ses sept dons et qui ont été unis dans la foi à la Trinité, accèdent ainsi à la Patrie.

2606. Dans ce passage, Jean nous dit : ET, BIEN QU'IL Y EN EÛT AUTANT - par la taille et par le nombre -, LE FILET NE SE DÉCHIRA PAS, tandis que lors de l'autre pêche le filet se déchirait. C'est que l'Église présente, dont cette pêche-là était le symbole, souffre de nombreuses déchirures dues aux schismes, aux hérésies, aux insoumissions, sans pour autant être entièrement déchirée, en vertu de la promesse du Christ : Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles.

Mais dans la patrie future, préfigurée ici, c'est-à-dire dans cette paix des saints, il ne saurait y avoir de schismes - C'est lui qui a établi sur tes confins, c'est-à-dire la Jérusalem céleste, la paix.

2607. L'Évangéliste nous rapporte ensuite l'invitation au repas préparé. Il nous montre d'abord cette invitation du Christ, puis l'attitude des disciples lors de ce repas [n° 2609].

2608. C'est en effet le Christ qui invite au repas en nous inspirant de l'intérieur par lui-même - Venez à moi vous tous qui prenez de la peine et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. — Mangez mes amis et buvez, enivrez-vous mes biens-aimés -, et de l'extérieur, par l'enseignement et les exhortations d'autres personnes - Un homme fit un grand souper. (...) Et à l'heure du souper, il envoya son serviteur dire aux invités de venir.

2609. Selon Augustin, cette attitude des disciples manifeste qu'ils étaient sûrs de la Résurrection du Christ. Ils étaient en effet tellement certains que c'était le Christ qu'aucun des convives n'osa douter que ce fût bien lui. Et parce que l'interrogation est signe d'un doute, nul n'osait l'interroger : « TOI, QUI ES-TU ? », selon cette parole : En ce jour-là, vous ne m'interrogerez plus sur rien.

Chrysostome y voit une marque de respect des disciples à l'égard du Christ, plus grande encore que d'habitude : ils l'auraient volontiers interrogé, mais le Christ leur apparut sous une apparence magnifique et une gloire admirable, si bien que, saisis de stupeur et de respect, ils n'osaient plus l'interroger. Et ce qui surtout les retenait de l'interroger, c'est qu'ils savaient QU'IL EST LE SEIGNEUR.

2610. L'Évangéliste poursuit en nous rapportant ce repas que les disciples prirent sur l'ordre du Christ - Toi, tu ouvres ta main, et tu combles tout vivant de bénédiction. C'est lui en effet qui leur donne la nourriture au temps opportun.

2611. Mais le Christ a-t-il mangé avec eux ? Il faut dire que oui. Bien que cela ne soit pas indiqué ici, Luc dit expressémentqu'il mangea avec eux, et de même il est dit dans les Actes : Ensuite, mangeant avec eux, il leur commanda de ne pas s'éloigner de Jérusalem .

2612. Mais s'agissait-il d'une véritable manducation ? Je réponds qu'un acte est dit vrai de deux manières, à savoir quant à la vérité de ce qu'il signifie, et quant à la vérité de son espèce.

Au premier sens, un acte est vrai s'il est conforme à la réalité signifiée. Ainsi, admettons que je veuille signifier quelque chose par une parole : si ce que je signifie est vrai et concorde avec la réalité signifiée, alors ma parole est vraie quant à sa signification, sans être pour autant conforme à la vérité de l'espèce. Ainsi, lorsque le Christ dit : Moi, je suis la vraie vigne, cela est vrai, bien qu'il ne soit pas une vraie vigne selon l'espèce « vigne », mais seulement selon ce que ce terme [vigne] signifie.

Selon la vérité de l'espèce, une chose est dite vraie lorsqu'elle a ce qui relève de la vérité de l'espèce. Or relèvent de cette vérité les principes de l'espèce mais non pas les effets qui en découlent. Ainsi l'affirmation : « L'homme est un animal » est vraie au premier sens parce qu'elle signifie quelque chose de vrai, mais selon la vérité de l'espèce elle n'est pas vraie si elle n'est pas formulée par la bouche d'un vivant parlant avec les organes qui conviennent. Et pour cette vérité, l'effet de la parole n'est pas requis, par exemple qu'elle soit entendue et autres choses de ce genre.

Ainsi il faut dire, au sujet de la manducation, qu'il en existe une qui n'est vraie que quant à sa signification, comme la « manducation des anges », puisque ceux-ci n'ont pas de membres ordonnés à la manducation. Mais ce qui est vrai, c'est ce qu'eux-mêmes signifiaient par cette expression, à savoir le désir qu'ils avaient du salut des hommes.

Quant à la manducation du Christ après la Résurrection, elle fut vraie selon la vérité de signification, puisqu'il le faisait pour montrer qu'il avait une nature humaine- et il l'avait en vérité ; et selon la vérité de l'espèce, puisqu'il avait les organes propres à la manducation. Cependant cette manducation ne fut pas suivie des effets de cet acte parce que cette nourriture ne fut pas transformée en celui qui la mangeait étant donné qu'il avait un corps glorifié et incorruptible. Mais elle fut dissoute par la puissance divine en la matière qui était là. Or de tels effets ne contribuent pas à la vérité de l'espèce comme nous l'avons dit.

C. ÉPILOGUE DES APPARITIONS

2613. L'Évangéliste met ainsi un terme au récit des apparitions. Mais selon Augustin, si ces mots : C'ÉTAIT DÉJÀ LA TROISIÈME FOIS, se rapportent au nombre d'apparitions, cela n'est pas vrai car, comme on l'a dit, il apparut cinq fois le premier jour, et de même cinq fois avant son Ascension : la première fois, le huitième jour quand Thomas était avec eux ; la seconde, celle-ci, au bord du lac ; la troisième, sur la montagne de Galilée, selon l'Évangile de Matthieu ; la quatrième fois, il apparut pendant que les Onze étaient à table comme le mentionne Marc ; enfin la cinquième fois, le jour de l'Ascension, quand il fut élevé sous leurs yeux - Eux le voyant, il s'éleva, et une nuée le déroba à leurs yeux. Bien qu'il soit apparu plusieurs autres fois durant ces quarante jours, cela ne fut pourtant pas écrit.

C'ÉTAIT DÉJÀ LA TROISIÈME FOIS, se réfère donc plutôt aux jours où il leur apparut. Le premier jour fut en effet l'apparition du soir même de la Résurrection ; le second, celle de l'octave de la Résurrection - et huit jours après ; le troisième jour, ce fut l'apparition rapportée ici.

Ou encore, on peut dire que, même en se rapportant au nombre d'apparitions, la vérité de ce qui a été dit est sauve parce qu'on ne dit pas qu'il apparut à de nombreux disciples réunis si ce n'est une première fois, le soir, alors que les portes étaient closes, une deuxième huit jours plus tard, alors que les disciples se trouvaient réunis, et une troisième, celle-ci. C'est pourquoi il dit clairement : JÉSUS SE MANIFESTAIT À SES DISCIPLES.

CE QUE LE CHRIST CONFIA PLUS SPÉCIALEMENT AUX DEUX DISCIPLES QU'IL AIMAIT D'UN AMOUR DE PRÉDILECTION

2614. L'Évangéliste a exposé précédemment ce que le Seigneur a révélé aux disciples d'une manière commune, mais ici il nous révèle ce qu'il confia plus spécialement aux deux qu'il aimait d'un amour de prédilection ; d'abord à Pierre, puis à Jean [n° 2624],

A. CE QUE LE CHRIST RÉVÉLA A PIERRE

Dans cette première partie, le Seigneur révèle à Pierre deux choses : d'abord il lui confère sa charge de pasteur, puis il lui annonce le martyre qu'il aura à souffrir [n° 2628].
Louis-Claude Fillion
De l'acteur principal, N.-S. Jésus-Christ, nous passons aux héros secondaires, qui furent au nombre de sept, y compris Simon-Pierre, leur chef. Si S. Jean ne donne nulle part la liste proprement dite des apôtres, il nous fournit du moins ici une nomenclature partielle. - Simon-Pierre. Cf. Matth. 10, 2 : « le premier, Simon, appelé Pierre ». - Thomas, appelé Didyme. Il est placé aussitôt après S. Pierre, parce qu'il a paru récemment sur la scène. Aucun évangéliste ne parle de lui autant que S. Jean. - Et Nathanaël... Voyez 1, 46 et le commentaire. S. Jean seul le signale sous ce nom. Nous avons déterminé autrefois (2, 1 et la note) la situation de Cana en Galilée. - Et les fils de Zébédée. S. Jacques le Majeur et S. Jean. Voilà bien encore la manière accoutumée de notre évangéliste, de ne mentionner qu'indirectement soit son frère, soit lui même. Le nom de « fils de Zébédée » n'apparaît pas ailleurs dans son récit. - Et deux autres. Inutile de se perdre en conjectures pour retrouver ces deux disciples innommés (on a dit, par exemple, que c'étaient André et Philippe, attendu qu'ils se trouvaient avec S. Pierre, S. Jacques, S. Jean et Nathanaël au début de l'évangile, 1, 40, 43). On peut du moins affirmer avec beaucoup de vraisemblance qu'ils appartenaient comme les cinq autres au collège apostolique (« de ses disciples », dans le sens strict). S. Jean, n'ayant pas eu l'occasion de citer leurs noms dans les pages qui précèdent, à propos d'épisodes spéciaux, n'aura pas cru devoir les inscrire dans son épilogue (Luthardt). - Parmi ces sept apôtres, S. Pierre et S. Jean, S. Pierre surtout, vont jouer les rôles proéminents.