Jean 21, 25

Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait écrire chacune d’elles, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l’on écrirait.

Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites ; et s’il fallait écrire chacune d’elles, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres que l’on écrirait.
Saint Jean Chrysostome
Comme le récit de saint Jean est appuyé sur les faits et les documents les plus certains, il n'hésite pas à produire son propre témoignage: «C'est ce même disciple qui rend témoignage de ces choses et qui les a écrites». Nous avons pour habitude, lorsque nous rapportons des faits d'une véracité incontestable, de produire à l'appui notre propre témoignage; c'est ce que fait à plus forte raison celui qui écrivait sous l'inspiration du Saint-Esprit. Voilà pourquoi les autres Apôtres disaient eux-mêmes: «Nous sommes témoins de ces faits». Saint Jean ajoute: «Et qui les a écrites». Il est le seul qui parle de la sorte parce qu'il a écrit le dernier sur l'ordre qu'il en a reçu de Jésus-Christ. Voilà pourquoi il parle si fréquemment de l'amour de Jésus-Christ pour lui, faisant ainsi connaître indirectement la cause secrète qui le porte à écrire, et appuyant son récit sur le privilège particulier d'être l'ami de Jésus-Christ: «Et nous savons que son témoignage est vrai», car il avait été présent à tous les événements qu'il raconte; il était là lorsque Jésus-Christ fut crucifié; c'est à lui que le Sauveur daigne confier sa mère, preuve du grand amour que Jésus avait pour lui, et de la certitude de tous les faits qu'il raconte. Si quelques-uns restent incrédules, ce qu'il dit en terminant doit les amener à la foi: «Jésus fit encore beaucoup d'autres choses». Il est donc évident que je n'ai pas écrit dans le but unique d'être agréable à Jésus-Christ, puisque tant de faits qui existent, j'en ai raconté beaucoup moins que les autres évangélistes; j'en ai laissé un très-grand nombre, choisissant de préférence les injures et les outrages faits à sa personne. Or, celui qui écrit pour donner de la gloire à son héros, doit au contraire passer sous silence ce qui, dans sa vie, porte un caractère d'ignominie, et ne s'attacher qu'aux faits éclatants.

Ou bien encore, il faut rapporter ces paroles à la puissance divine de celui qui accomplissait ces oeuvres admirables; en effet il lui était beaucoup plus facile de faire les oeuvres qu'il voulait, qu'il ne nous l'est à nous de les raconter, car il est le Dieu béni au-dessus de toutes choses dans les siècles des siècles.
Saint Augustin
Il ajoute: «Si on les écrivait en détail, je ne pense pas que le monde entier pût contenir les livres qu'il faudrait écrire». Il ne faut pas entendre ces paroles dans cesens, que l'étendue du monde entier ne suffirait point à contenir tous ces livres, mais que la capacité des lecteurs du monde entier ne suffirait pas à les comprendre. On peut dire aussi que souvent les expressions, tout en respectant la vérité des choses, paraissent cependant aller au delà, ce qui arrive, non point lorsqu'on met dans son jour une chose obscure ou douteuse, mais quand on exagère ou qu'on atténue une vérité claire par elle-même. Cependant, en parlant, ainsi, on ne s'écarte pas de la voie de la vérité, car ces expressions qui vont au delà de ce qu'on veut dire, ne trahissent nullement l'intention de tromper dans celui qui les a employées. Cette manière de parler, s'appelle eu grec hyperbole, et cette figure ne se rencontre pas seulement ici, mais dans d'autres endroits de l'Ecriture.
Saint Thomas d'Aquin
2652. Voici la dernière partie de l'Évangile, qui en est comme un épilogue. D'abord, il expose la mise en valeur de l'Évangile, puis souligne que la réalité dépasse de beaucoup ce qui est rapporté dans l'Évangile [n° 2657].

La mise en valeur de cet Évangile.

Cet Évangile est mis en valeur de deux manières : d'abord, bien sûr, à cause de celui qui en est l'auteur, mais ensuite à cause de sa vérité [n° 2656].

Concernant l'auteur, il montre trois choses.

2653. En premier lieu, le privilège de sa dignité, parce qu'il est, lui, CE DISCIPLE-LÀ - sous-entendu ce qui a déjà été dit : plus aimé, intime, interrogeant fidèlement, et auquel fut donné de demeurer jusqu'à ce que je vienne, toutes choses qui regardent le privilège de sa dignité.

On dit que Jean fut plus aimé spécialement en raison de la qualité spéciale de sa charité - En cela tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. Or aucun des Apôtres n'a autant parlé de la charité fraternelle que Jean dans ses épîtres. On lit encore à son sujet que, devenu vieux, il se faisait porter à l'église par ses disciples pour y instruire les fidèles auxquels il disait seulement : « Petits enfants, aimez-vous les uns les autres. C'est en cela que consiste la perfection de la vie (disciplinae) chrétienne. »

2654. En second lieu, il montre sa mission qui est de rendre témoignage, et c'est pourquoi il dit : C'EST CE DISCIPLE-LÀ QUI TÉMOIGNE DE CES CHOSES. C'est d'ailleurs le caractère propre de la mission des Apôtres - Vous serez témoins pour moi. - C'est vous qui êtes mes témoins, dit le Seigneur.

2655. Enfin il ajoute son zèle en disant : ET LES A MISES PAR ÉCRIT. Lui, qui par sa mission apostolique a témoigné des actions du Christ auprès de ceux qui étaient présents, a aussi, poussé par son zèle, mis par écrit ces actions dans l'intérêt des générations futures et des absents - Prends un grand livre et écris dessus avec un stylet d'homme. - La sagesse du scribe lui viendra dans le temps du loisir.

Il fut en effet donné à l'Apôtre Jean de vivre jusqu'au temps où l'Église avait retrouvé la paix. Et c'est alors qu'il mit par écrit toutes ces choses. C'est pourquoi il ajoute cela, pour qu'on ne croie pas que cet Évangile, ayant été écrit après la mort de tous les Apôtres, et après que les autres Évangiles ont été approuvés par eux, spécialement celui de Matthieu, semble avoir une autorité moindre que celle des trois autres évangiles.

2656. L'Évangéliste proclame ici la vérité de son Évangile. Et il parle au nom de toute l'Église par laquelle cet Évangile fut reçu - Ma bouche s'exercera à la vérité.

Il faut remarquer que, bien que beaucoup aient déjà écrit sur la vérité catholique, la différence est que ceux qui ont rédigé l'Écriture canonique - les évangélistes, les Apôtres et d'autres encore - la proclament avec une telle constance qu'ils ne laissent pas la moindre place au doute. C'est pourquoi Jean dit : ET NOUS SAVONS QUE SON TÉMOIGNAGE EST VRAI - Si quelqu'un vous annonce un autre Évangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème. La raison en est que seule l'Écriture canonique est la règle de la foi.

D'autres encore ont parlé de la vérité en ne voulant être crus que dans ce qu'ils disent de vrai.

La réalité dépasse de beaucoup ce qui est rapporté dans l'Évangile.

2657. Jean nous montre ici l'insuffisance de ses écrits au regard de la réalité qu'il met par écrit, comme pour écarter le fait qu'il ait écrit ces choses, dans sa volonté d'en attribuer la grâce à celui qui l'aime, parce que celui-ci a fait non seulement ces choses mais encore BEAUCOUP D'AUTRES CHOSES qui n'ont pas été rapportées dans ce livre.

2658. Ce verset peut se comprendre de trois manières.

En un sens « contenir » se rapporte à une capacité de l'intelligence ; comme s'il disait : on pourrait dire tant de choses sur le Christ que même le monde entier ne contiendrait pas les livres qui seraient écrits à leur sujet - J'ai beaucoup de choses à vous dire, mais à présent vous ne pouvez pas les porter, c'est-à-dire les comprendre.

En un autre sens, puisque cette phrase est hyperbolique , elle signifie que les œuvres accomplies par le Christ nous dépassent complètement.

2659. Mais qu'est-ce qu'il dit là ? En effet, il affirme d'abord : ET NOUS SAVONS QUE SON TÉMOIGNAGE EST VRAI, puis aussitôt il poursuit par cette proposition hyperbolique. Mais selon Augustin, l'Écriture Sainte utilise ces tournures imagées, par exemple : Je vis le Seigneur siégeant sur un trône sublime et élevé, et cependant elles ne sont pas fausses. Et il en est ainsi de n'importe quelle expression hyperbolique que l'on trouve dans l'Écriture Sainte.

En effet l'intention de l'auteur quand il dit cela n'est pas de nous amener à croire ce qu'il dit, mais de nous faire saisir ce qu'il veut signifier, à savoir que les œuvres du Christ nous dépassent complètement. D'ailleurs ce procédé n'est pas employé quand il s'agit de quelque chose d'obscur ou d'incertain, mais lorsque l'auteur veut exagérer ou atténuer quelque chose d'évident. Par exemple, lorsque quelqu'un veut mettre en valeur l'abondance d'une réalité, il dit : « II y en aurait assez pour cent personnes, ou même mille ! » Au contraire, s'il veut la dénigrer : « Ce serait à peine suffisant pour trois personnes ! » II ne dit cependant rien de faux car de telles paroles dépassent largement la réalité à laquelle elles renvoient, pour bien montrer que l'intention n'est pas de mentir, mais de montrer qu'il y a peu ou beaucoup.

2660. Cela peut aussi se référer à la puissance du Christ qui opérait des signes, et c'est pour en montrer la force qu'il dit : UNE PAR UNE. En effet, écrire un par un les signes et les paroles de Jésus Christ, c'est décortiquer toute la puissance de chacun de ces actes et de ces paroles. Or ces actes et ces paroles du Christ sont aussi ceux de Dieu. Et si quelqu'un voulait écrire ou raconter ce qu'il comprend de chacun, il ne le pourrait en aucune manière ; et d'ailleurs, le monde entier en est incapable. L'infini des mots humains ne peut en effet atteindre une seule parole de Dieu.

Depuis le commencement de l'Église on a toujours écrit au sujet du Christ, mais cependant ce n'est pas suffisant. Bien au contraire, si le monde devait durer cent mille ans, combien de livres pourraient être écrits au sujet du Christ, décortiquant un à un ses actes et ses paroles, sans parvenir à la perfection ! - II n'y a pas de fin à multiplier les livres. -J'ai annoncé et j'ai parlé [des merveilles de Dieu] ; elles ont été multipliées sans nombre.
Louis-Claude Fillion
Il y a encore beaucoup d'autres choses. Sorte d'excuse, analogue à celle de 20, 30. L'évangéliste voudrait avoir été plus complet. - Que Jésus a faites : le texte grec désigne tout à la fois l'éclat et la multitude des actions de Jésus omises par l'écrivain sacré. Cf. Apoc. 1, 2. - Si on les écrivait une à une... Il suit de là que les matériaux qui présentaient des garanties absolues de vérité abondaient encore ; le quatrième évangile a donc été en entier composé d'assez bonne heure, ainsi que tant d'autres arguments nous l'ont prouvé. Voyez la Préface, § 4, 1. - Je ne pense pas que le monde entier... L'emploi du singulier est peu dans le style de S. Jean, de même l'hyperbole qui suit ; car nous avons trouvé notre narrateur toujours si simple. Néanmoins, on ne saurait démontrer d'une manière certaine qu'il n'a pas pu tenir ce langage. - Pût contenir les livres que l'on devrait écrire. Hyperbole, disions-nous ; et pourtant quelle exacte vérité ! Depuis dix-huit siècles, la science et la piété ont accumulé volume sur volume à propos de ce thème adorable : combien de commentaires anciens et modernes sur les saints Évangiles ! combien de vies de N.-S. Jésus-Christ ! Et pourtant le sujet semble toujours neuf, tant la matière est riche et abondante. C'est la consolation des pauvres exégètes, en même temps que leur désespoir. Il faut s'en souvenir, les évangiles, même réunis, ne nous offrent que des fragments, qui roulent à peine sur la dixième partie de l'histoire personnelle de Jésus. - L’Amen de la Recepta est omis par les meilleurs témoins. C'est la prière d'un pieux copiste : que ce soit la nôtre aussi, pour que le désir de S. Jean soit accompli : « afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et que, le croyant, vous ayez la vie en son nom », 20, 31.
Fulcran Vigouroux
« Ces versets sont un nouvel épilogue de l’Evangile de saint Jean (comparer à Jean, 20, 30), devenu nécessaire après l’addition du chapitre 21. ― A cause la formule plurielle, nous savons, quelques-uns pensent que ces versets ne sont pas de saint Jean, mais qu’ils ont été ajoutés soit par des disciples de Notre-Seigneur, entre autres saint André, soit par les prêtres de l’Eglise d’Ephèse. Mais rien n’oblige à admettre cette conclusion. Saint Jean, dans sa première épître, emploie aussi le pluriel : ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons ; cette forme que les rhéteurs appellent communicative, était familière aux grecs dans le style épistolaire. Or, la première Epître, comme nous l’avons dit plus haut, est la préface et la lettre d’envoi de l’Evangile : pourquoi donc saint Jean n’aurait-il pu terminer par une conclusion qui rappelât la préface, et dont le style, par conséquent, prit le caractère épistolaire ? » (CRAMPON, 1885)

Le monde entier : « Locution hyperbolique presque réalisée par les faits, dit Corn. de Lapierre : les discours et les livres composés sur la vie du Sauveur ne sont-ils pas vraiment innombrables ? On trouve des hyperboles non moins fortes dans les livres rabbiniques, et même dans Cicéron, par exemple, II Philipp. XXVII. » (CRAMPON)