Jean 3, 16
Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.
Car Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle.
Afin que tout homme. - Admirable
synthèse des versets 13-15 ; « l'Évangile dans une noix », ou « l'Évangile réduit à l'essentiel », comme l’on a
dit souvent ; l’un des passages les plus beaux de la Bible ; « Peu de paroles et beaucoup de sens » ! Ces trois
lignes, en effet, nous déclarent tout ensemble : 1° que l’essence de Dieu consiste dans l’amour (Cf. 1 Joan. 3,
9, 16) ; 2° que la divine charité est allée à notre égard jusqu’au sacrifice le plus généreux ; 3° que l’objet de
ce céleste amour est le monde corrompu et pervers ; 4° que Jésus est le Fils unique de Dieu ; 5° qu’il a été
sacrifié pour le salut du monde ; 6° que le salut est offert par Dieu à tous les hommes ; 7° que ceux-là seuls,
néanmoins, qui croiront en Jésus seront sauvés ; 8° que tous les autres périront à jamais. - La particule car
relie ces différentes pensées à celle des versets 14 et 15 : Jésus va chercher jusque dans le ciel le motif de sa
passion et de sa mort. - Tant est en cet endroit un monosyllabe énergique, qui semble reconnaître, dit fort
bien Macdonald, l’insuffisance du langage humain pour exprimer l’amour infini et éternel du Père : A ce
point, d'un amour si intense. - Dieu a tant aimé le monde [ce verbe aimer est l’un des mots grecs
caractéristiques de S. Jean]. Il n’est pas étonnant que Dieu aime : la lumière peut-elle ne pas briller, le feu ne
pas brûler ? (Pensée de H. Müller). Mais il est étonnant qu’il ait aimé le monde, c'est-à-dire la pauvre et
misérable race humaine tout entière, sans distinction de peuples ni de familles (Cf 1, 9, 10, 29) ; il est
étonnant surtout qu’il l’ait aimé à tel point qu’il a donné son Fils unique. Quelle force dans l’expression ! et,
mieux encore, quelle prodigalité dans l’amour ! Chaque mot a pour but de mieux relever la pensée. « Quel
plus grand témoignage d'amour et de charité que d'avoir donné pour le salut du monde un Fils, son Fils
propre, son Fils unique ! », S. Hilaire, de Trinit., 6. « Mais ce qui suit exprime plus fortement encore cet
amour : Ce n'est pas un serviteur, ce n'est pas un ange, ce n'est pas un archange, c'est son propre Fils qu'il a
donné. S'il eût eu plusieurs fils, et qu'il en eût sacrifié un, ce serait déjà la preuve d'un amour immense, mais
c'est son Fils unique qu'il nous a donné », S. Jean Chrys. h. l. Comp. Zach. 12, 10 ; Rom. 8, 32 ; Hebr. 11,
17 ; 1 Joan. 4, 9. Précédemment, Jésus s’était simplement servi de l’expression plus vague et plus humble
« Fils de l'homme » ; mais elle ne saurait maintenant lui suffire. Voyez, Genèse, 22, 2 et 16, la manière dont
le Seigneur fait ressortir par cette même circonstance (« Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes » ;
« parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique ») la grandeur du sacrifice d’Abraham. Mais, au
moment suprême, le père des croyants put substituer une autre victime à son fils « unique et chéri », tandis
que Dieu immola vraiment le sien sur le Calvaire. - A donné a évidemment ici le sens de livrer, d’abandonner
comme victime. Cf. Luc. 22, 19 ; Gal. 1, 4 ; Tit. 2, 14. Ce n’est pas, comme on l’a dit parfois, un simple
synonyme de « envoyer ». Que sont nos faibles actes d’amour à côté de celui-là ! - Afin que quiconque…
Après avoir si fortement désigné l’amour incomparable de Dieu pour nous comme le fondement dernier de
son propre sacrifice, N.-S. Jésus-Christ répète mot pour mot la phrase du verset 15, qui a une grande
importance dans tout ce passage. Cf. verset 18. On dirait « le refrain d’un cantique » (Godet), refrain
gracieux et aimable, puisqu’il promet aux hommes un salut si facile. M. Schegg fait justement remarquer ici
que le Sauveur emploie le langage le plus simple pour exprimer les idées les plus grandioses, et que cette
union de la grandeur et de la simplicité confère à la parole du divin Maître « une majesté incomparable ». -
L’adjectif éternel revient jusqu’à dix-sept fois dans l’évangile de S. Jean, six fois dans sa première épître, et
toujours il est associé au mot vie. On ne le trouve qu’à huit reprises dans les synoptiques.
L’amour de Dieu pour Israël est comparé à l’amour d’un père pour son fils (Os 11, 1). Cet amour est plus fort que l’amour d’une mère pour ses enfants (cf. Is 49, 14-15). Dieu aime son Peuple plus qu’un époux sa bien-aimée (cf. Is 62, 4-5) ; cet amour sera vainqueur même des pires infidélités (cf. Ez 16 ; Os 11) ; il ira jusqu’au don le plus précieux : " Dieu a tant aimé le monde qu’Il a donné son Fils unique " (Jn 3, 16).
Les Évangiles rapportent en deux moments solennels, le Baptême et la transfiguration du Christ, la voix du Père qui Le désigne comme son " Fils bien-aimé " (cf. Mt 3, 17 ; 17, 5). Jésus se désigne Lui-même comme " le Fils Unique de Dieu " (Jn 3, 16) et affirme par ce titre sa préexistence éternelle (cf. Jn 10, 36). Il demande la foi " au nom du Fils unique de Dieu " (Jn 3, 18). Cette confession chrétienne apparaît déjà dans l’exclamation du centurion face à Jésus en croix : " Vraiment cet homme était Fils de Dieu " (Mc 15, 39). Dans le mystère pascal seulement le croyant peut donner sa portée ultime au titre de " Fils de Dieu ".
Le Verbe s’est fait chair pour que nous connaissions ainsi l’amour de Dieu : " En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui " (1 Jn 4, 9). " Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle " (Jn 3, 16).
La défense et la mise en valeur de ce droit doivent être, de manière particulière, l'œuvre de ceux qui croient au Christ, conscients de la merveilleuse vérité rappelée par le Concile Vatican II: « Par son Incarnation, le Fils de Dieu s'est en quelque sorte uni lui-même à tout homme ». Dans cet événement de salut, en effet, l'humanité reçoit non seulement la révélation de l'amour infini de Dieu qui « a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique » (Jn 3, 16), mais aussi celle de la valeur incomparable de toute personne humaine.
Le sang du Christ, qui révèle la grandeur de l'amour du Père, manifeste que l'homme est précieux aux yeux de Dieu et que la valeur de sa vie est inestimable. L'Apôtre Pierre nous le rappelle: « Sachez que ce n'est par rien de corruptible, argent ou or, que vous avez été affranchis de la vaine conduite héritée de vos pères, mais par un sang précieux, comme d'un agneau sans reproche et sans tache, le Christ » (1 P 1, 18-19). C'est en contemplant le sang précieux du Christ, signe du don qu'il fait par amour (cf. Jn 13, 1), que le croyant apprend à reconnaître et à apprécier la dignité quasi divine de tout homme; il peut s'écrier, dans une admiration et une gratitude toujours nouvelles: « Quelle valeur doit avoir l'homme aux yeux du Créateur s'il a mérité d'avoir un tel et un si grand Rédempteur (Exultet de la nuit pascale), si Dieu a donné son Fils afin que lui, l'homme, ne se perde pas, mais qu'il ait la vie éternelle (cf. Jn 3, 16)! ».
Le Royaume doit transformer les rapports entre les hommes et se réalise progressivement, au fur et à mesure qu'ils apprennent à s'aimer, à se pardonner, à se mettre au service les uns des autres. Jésus reprend toute la Loi, en la centrant sur le commandement de l'amour (cf. Mt 22, 34-40; Lc 10, 25-28). Avant de quitter les siens, Jésus leur donne un « commandement nouveau »: « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34; cf. 15, 12). L'amour dont Jésus a aimé le monde trouve son expression la plus haute dans le don de sa vie pour les hommes (cf. Jn 15, 13) qui manifeste l'amour que le Père a pour le monde (cf. Jn 3, 16). C'est pourquoi la nature du Royaume est la communion de tous les êtres humains entre eux et avec Dieu.
Cette plénitude détermine le moment fixé de toute éternité où le Père envoya son Fils «afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3, 16). Elle désigne l'heureux moment où «le Verbe qui était avec Dieu, ... s'est fait chair et a habité parmi nous» (Jn 1, 1. 14), se faisant notre frère. Elle marque le moment où l'Esprit, qui avait déjà répandu en Marie de Nazareth la plénitude de la grâce, forma en son sein virginal la nature humaine du Christ. Elle indique le moment où, par l'entrée de l'éternité dans le temps, le temps lui-même est sauvé et, pénétré par le mystère du Christ, devient définitivement le «temps du salut». Enfin, elle désigne le début secret du cheminement de l'Eglise. Dans la liturgie, en effet, l'Eglise acclame Marie de Nazareth comme son commencement 3 parce que, dans l'événement de la conception immaculée, elle voit s'appliquer, par anticipation dans le plus noble de ses membres, la grâce salvifique de la Pâque, et surtout parce que dans l'événement de l'Incarnation elle trouve le Christ et Marie indissolublement associés: celui qui est son Seigneur et sa Tête et celle qui, en prononçant le premier fiat de la Nouvelle Alliance, préfigure sa condition d'épouse et de mère.
L'Eglise, qui depuis le commencement règle son cheminement terrestre sur celui de la Mère de Dieu, répète constamment à sa suite les paroles du Magnificat. Au plus profond de la foi de la Vierge à l'Annonciation et à la Visitation, elle puise la vérité sur le Dieu de l'Alliance, sur le Dieu qui est tout-puissant et fait «des merveilles» pour l'homme: «Saint est son nom». Dans le Magnificat, elle voit écrasé jusqu'à la racine le péché situé au début de l'histoire terrestre de l'homme et de la femme, le péché d'incrédulité et du «peu de foi» envers Dieu. Contre le «soupçon» que le «père du mensonge» a fait naître dans le cœur d'Eve, la première femme, Marie, que la tradition a l'habitude d'appeler la «nouvelle Eve» 91, la vraie «mère des vivants» 92, proclame avec force la vérité non voilée sur Dieu, le Dieu saint et tout-puissant qui, depuis le commencement, est la source de tout don, celui qui «a fait des merveilles». En créant, Dieu donne l'existence à toute la réalité. En créant l'homme, il lui donne la dignité de l'image et de la ressemblance avec lui d'une façon singulière par rapport à toutes les créatures terrestres. Et loin de s'arrêter dans sa volonté de libéralité, malgré le péché de l'homme, Dieu se donne en son Fils: il «a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique» (Jn 3, 16). Marie est le premier témoin de cette merveilleuse vérité, qui se réalisera pleinement par les actions et l'enseignement (cf. Ac 1, 1) de son Fils, et définitivement par sa Croix et sa Résurrection.
Non seulement ce rapport filial, cet abandon de soi d'un fils à sa mère trouve son commencement dans le Christ, mais on peut dire qu'en définitive il est orienté vers lui. On peut dire que Marie redit continuellement à tous les hommes ce qu'elle disait à Cana de Galilée: «Tout ce qu'il vous dira, faites-le». C'est lui en effet, le Christ, qui est l'unique Médiateur entre Dieu et les hommes; c'est lui qui est «le Chemin, la Vérité et la Vie» (Jn 14, 6); c'est lui que le Père a donné au monde afin que l'homme «ne se perde pas, mais ait la vie éternelle» (Jn 3, 16). La Vierge de Nazareth est devenue le premier «témoin» de cet amour salvifique du Père et elle désire aussi rester toujours et partout son humble servante. Pour tout chrétien, pour tout homme, Marie est celle qui, la première, «a cru», et c'est précisément avec cette foi d'épouse et de mère qu'elle veut agir sur tous ceux qui se confient à elle comme dés fils. Et l'on sait que plus ces fils persévèrent dans cette attitude et y progressent, plus aussi Marie les rapproche de «l'insondable richesse du Christ» (Ep 3, 8). Et pareillement, ils reconnaissent toujours mieux la dignité de l'homme dans toute sa plénitude et le sens ultime de sa vocation, car le «Christ ... manifeste pleinement l'homme à lui-même».
S'il a voulu de toute éternité appeler l'homme à être participant de la nature divine (cf. 2 P 1, 4), on peut dire qu'il a prédisposé la «divinisation» de l'homme en fonction de sa situation historique, de sorte que, même après la faute, il est prêt à rétablir à grand prix le dessein éternel de son amour par l'«humanisation» de son Fils, qui lui est consubstantiel. Ce don ne peut pas ne pas remplir d'émerveillement la création entière, et plus directement l'homme, lui qui en est devenu participant dans l'Esprit Saint: «Car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique» (Jn 3, 16).
«Tu vois la Trinité quand tu vois la charité», écrivait saint Augustin.[11]Dans les réflexions qui précèdent, nous avons pu fixer notre regard sur Celui qui a été transpercé (cf. Jn 19, 37; Za,12, 10), reconnaissant le dessein du Père qui, mû par l'amour (cf. Jn 3, 16), a envoyé son Fils unique dans le monde pour racheter l'homme. Mourant sur la croix, Jésus – comme le souligne l’Évangéliste – «remit l'esprit» (Jn 19, 30), prélude du don de l’Esprit Saint qu’il ferait après la résurrection (cf. Jn 20, 22). Se réaliserait ainsi la promesse des «fleuves d'eau vive» qui, grâce à l’effusion de l’Esprit, jailliraient du cœur des croyants (cf. Jn 7, 38-39). En effet, l’Esprit est la puissance intérieure qui met leur cœur au diapason du cœur du Christ, et qui les pousse à aimer leurs frères comme Lui les a aimés quand il s’est penché pour laver les pieds de ses disciples (cf. Jn 13, 1-13) et surtout quand il a donné sa vie pour tous (cf. Jn 13, 1; 15, 13).