Jean 3, 17

Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.

Car Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé.
Saint André de Crète
La croix est dressée sur la terre. Naguère cachée à cause de la malveillance, elle s'offre aux regards. La croix est élevée non pour qu'on lui confère la gloire, car elle ne peut acquérir aucun accroissement de gloire, dès lors qu'elle porte le Christ crucifié. Mais Dieu, adoré sur la croix et proclamé par elle, est ainsi glorifié.

Il est donc juste que, trouvant sa joie dans la croix du Seigneur, l'Église revête son habit de fête et qu'elle apparaisse dans toute sa beauté nuptiale pour honorer ce jour. Il est juste que cette grande foule soit aujourd'hui rassemblée afin de voir la croix exposée et d'adorer le Christ qu'elle contemple élevé en croix. Car celle-ci est offerte aux regards pour être exaltée et elle est dressée pour être révélée.

Quelle est donc cette croix? Celle qui, naguère cachée au Calvaire, est maintenant adorée en tous lieux. Elle est aujourd'hui la cause de notre joie, et nous la célébrons. C'est là l'essentiel de la fête de ce jour. C'est là que le mystère est révélé. <> Car ce bois qui donne la vie était caché, et il fallait, oui, il fallait qu'on le voie élevé dans les airs et qu'il soit montré à l'univers comme une ville située sur une montagne, ou une lampe élevée sur un lampadaire (Mt 5,14-15).

Quand nous l'adorons sur la croix, apprenons combien grande est la puissance du Christ, et combien nombreuses les merveilles qu'il a opérées par elle en notre faveur. Ce qui est conforme à la parole du saint roi David: Notre Dieu, roi éternel, a accompli le salut sur la face de la terre (Ps 73,12).

Par la croix, en effet, les nations ont été prises comme dans un filet et les semences de la foi ont été semées partout. Avec la croix, les disciples du Christ ont labouré la nature humaine inféconde, comme avec une charrue. Ils ont fait apparaître les champs toujours verts de l'Église, ils ont récolté une abondante moisson de croyants en Jésus Christ. Par la croix, les martyrs ont été fortifiés et, en succombant, ils ont abattu ceux qui les frappaient.

Par la croix, le Christ a été reconnu et l'Église des croyants, tenant toujours ouvertes les Écritures, nous présente le même Christ, le Fils de Dieu, Dieu en soi, le Seigneur même, qui proclame d'une voix éclatante: Celui qui veut marcher à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix, et qu'il me suive (Lc 9,23).
Saint Bède le Vénérable
De même que le serpent fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé, afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais obtienne la vie éternelle (Jn 3,14). Avec sa science admirable de la divine doctrine, le Seigneur fait découvrir au docteur de la loi mosaïque le sens spirituel de cette même loi. Évoquant une ancienne histoire, il montre avec exactitude qu'elle annonçait symboliquement sa passion et notre salut.

Le livre des Nombres raconte, en effet, que les Israélites, accablés par la longue et pénible marche au désert, murmurèrent contre le Seigneur et contre Moïse. Aussi le Seigneur envoya-t-il contre eux des serpents brûlants. Couverts de blessures - et beaucoup en mouraient - ils crièrent vers Moïse et celui-ci pria pour eux. Alors, le Seigneur lui ordonna de fabriquer un serpent de bronze et de l'exposer pour qu'il serve de signe. Il ajouta: Ceux que les serpents ont mordus le regarderont et ils auront la vie (Nb 21,8). Et cela se passa comme il l'avait dit.

Ainsi, les blessures provoquées par les serpents brûlants sont les poisons et les brûlures des vices qui, en frappant l'âme, causent sa mort spirituelle. Il convenait aussi que ceux qui murmuraient contre le Seigneur soient abattus par les morsures des serpents, pour que le châtiment extérieur leur fasse reconnaître tous les dégâts spirituels causés par leurs murmures.

Quant au serpent de bronze élevé pour guérir les morsures de ceux qui le regardaient, il représente notre Rédempteur dans sa passion sur la croix, car seule la foi en lui remporte la victoire sur le Règne du péché et de la mort. Et vraiment, les péchés qui mènent l'âme et le corps à leur perte sont représentés à juste titre par des serpents qui sont, en effet, habiles à donner la mort par leur morsure brûlante et venimeuse. En outre, un serpent persuada nos premiers parents encore immortels de commettre le péché qui les a assujettis à la mort.

Le Seigneur venu avec une chair semblable à celle du péché (Rm 8,3) est figuré avec raison par un serpent de bronze. Car, tout en possédant une forme semblable aux serpents brûlants, le serpent de bronze ne contenait dans ses membres absolument aucun poison brûlant et nuisible; bien plus, après qu'on l'eut élevé, il guérissait les hommes mordus par les serpents. Et de la même façon, en vérité, le Rédempteur des hommes a revêtu, non la chair du péché, mais une chair semblable à celle du péché, et il a souffert en elle la mort de la croix afin de libérer ceux qui croient en lui, de tout péché et aussi de la mort même.

C'est pourquoi il dit: De même que le serpent fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l'homme soit élevé. Aussi bien, ceux qui regardaient le serpent de bronze élevé pour servir de signe, étaient-ils protégés pour un temps de la mort temporelle et guéris de la blessure infligée par la morsure des serpents. Et, de la même façon, ceux qui regardent le mystère de la passion du Seigneur en mettant en lui leur foi, en le confessant et en l'imitant sincèrement, sont-ils sauvés pour toujours de toute espèce de mort, corporelle aussi bien que spirituelle, encourue pour leurs péchés.

Voilà pourquoi il ajoute avec raison: afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais obtienne la vie éternelle. Du moins le sens de cette parole est-il clair: celui qui croit dans le Christ échappe non seulement aux châtiments de l'enfer, mais il reçoit encore la vie éternelle. La différence entre la figure et la réalité réside dans le fait que celle-là prolongeait la vie temporelle tandis que celle-ci fait don de la vie qui durera toujours.

Quant à nous, nous devons faire en sorte que les bonnes pensées conçues par notre esprit se traduisent en actes méritoires, de sorte que nous pourrons, en confessant la vraie foi et en menant une existence pleine de piété et de sagesse, mériter de parvenir à la plénitude de vie qui nous est promise.
Louis-Claude Fillion
Jésus confirme d’une manière négative son assertion précédente. C'est, dit Maldonat, « une autre preuve d'amour ». - Car Dieu n’a pas envoyé. La « mission » du Fils de Dieu, d’après le sens strictement théologique de cette expression, est surtout marquée par S. Jean. - Son Fils unique. Ici, l’épithète amoureuse est supprimée ; nous n’avons que le titre qui indique la dignité (Cf. versets 16 et 18) : sans doute, parce qu’il va être aussitôt question de jugement. - Pour juger le monde. Telles étaient les idées juives alors régnantes. D’après la christologie des Rabbins, le Messie, dès les premiers instants de son apparition, devait s’élancer contre les Gentils et les écraser sans pitié : on expliquait en ce sens les passages Ps. 2, 9 ; Mal. 4, 1, etc. Voyez Lightfoot, Horae hebr., in h. l. Les mots « juger, jugement » sont évidemment pris en mauvaise part, soit dans ce verset, soit dans les suivants, puisqu’ils sont opposés à l’idée du salut. Quoique le mot grec χρίνω ait la signification primitive de discerner (« cerno » des Latins), différencier, séparer, il est plus ordinairement employé dans le sens de juger, et, par suite, de condamner, supposé que celui qui passe en jugement ait été trouvé coupable. Voyez Cremer, Biblisch-theolog. Woerterbuch der neutestam. Graecitaet, 3e édit., p. 467-469 - Mais afin que le monde soit sauvé par lui. C'est-à-dire : « pour qu'il aie la vie éternelle », versets 15 et 16. Le Fils de Dieu ayant été envoyé par amour, il est bien évident qu’il ne vient point parmi les hommes pour exécuter contre eux des desseins de vengeance. Sauver, tel est son rôle ; Jésus « sauveur », tel est son nom (Cf. Matth. 1, 21 et le commentaire ; voyez l’Épître à Diognète, 7 ). Dans un instant, il est vrai (verset 18), et avec plus de force encore dans d’autres discours (5, 27 ; surtout 9, 39 : « Je suis venu en ce monde pour rendre un jugement »), Notre-Seigneur décrira sa venue comme celle d’un juge redoutable ; mais ces idées ne sont en rien contradictoires. Pour faire l’harmonie, nous n’avons qu’à distinguer entre le but direct, qui est le salut universel, et un résultat tristement nécessaire, dans l’hypothèse où l’aimable Sauveur serait rejeté par une certaine partie de l’humanité. Jésus vient pour sauver ; mais il ne sauvera pas les hommes malgré eux, et c’est précisément cette nuance délicate qui est exprimée par un changement remarquable dans la construction : afin que le monde soit sauvé (régulièrement, nous attendrions « afin qu'il sauve le monde »). Le monde ne sera sauvé que s’il consent à s’approprier le salut. - Par lui, et par lui seul. En effet, est-il dit ailleurs (Act. 4, 12), « En nul autre que lui, il n’y a de salut, car, sous le ciel, aucun autre nom n’est donné aux hommes, qui puisse nous sauver ». La triple répétition du mot « monde » a quelque chose de très solennel.
Pape Saint Jean-Paul II
En même temps, la présentation claire et vigou- reuse de la vérité morale ne peut jamais faire abstraction du respect profond et sincère, inspiré par un amour patient et confiant, dont l'homme a toujours besoin au long de son cheminement moral rendu souvent pénible par des difficultés, des faiblesses et des situations douloureuses. L'Eglise, qui ne peut jamais renoncer au principe « de la vérité et de la cohérence, en vertu duquel 2 n'accepte pas d'appeler bien ce qui est mal et mal ce qui est bien » 151, doit toujours être attentive à ne pas briser le roseau froissé et à ne pas éteindre la mèche qui fume encore (cf. Is 42, 3). Paul VI a écrit : « Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes. Mais cela doit toujours être accompagné de la patience et de la bonté dont le Seigneur lui-même a donné l'exemple en traitant avec les hommes. Venu non pour juger, mais pour sauver (cf. Jn 3, 17), il fut certes intransigeant avec le mal, mais miséricordieux envers les personnes »