Jean 5, 18
C’est pourquoi, de plus en plus, les Juifs cherchaient à le tuer, car non seulement il ne respectait pas le sabbat, mais encore il disait que Dieu était son propre Père, et il se faisait ainsi l’égal de Dieu.
C’est pourquoi, de plus en plus, les Juifs cherchaient à le tuer, car non seulement il ne respectait pas le sabbat, mais encore il disait que Dieu était son propre Père, et il se faisait ainsi l’égal de Dieu.
Quel est ici le dessein de l'Evangéliste ? C'est évidemment de faire connaître la cause pour laquelle les Juifs voulaient faire mourir Nôtre-Seigneur.
Cet homme une fois guéri ne va pas se mêler aux bruits tumultueux des affaires du monde, ni se livrer aux voluptés sensuelles ou à la vaine gloire, il va tout droit dans le temple, ce qui estime preuve de son grand esprit de religion.
« Et il lui dit : Vous voilà guéri, ne péchez plus à l'avenir, de peur qu'il ne vous arrive quelque chose de pire. » Ces paroles nous apprennent d'abord que la longue infirmité du paralytique était la conséquence et la punition de ses péchés. Comme nous sommes la plupart du temps insensibles aux maladies de notre âme, tandis qu'à la moindre blessure que reçoit notre corps, nous prenons tous les moyens pour en être aussitôt guéris, Dieu frappe le corps en punition des péchés de l'âme. Elles renferment un second et un troisième avertissements, c'est la vérité des peines de l'enfer, et la durée infinie de ces mêmes peines. Il en est qui osent dire: Est-ce qu'un adultère d'un instant sera puni par un supplice éternel ? Mais est-ce que le paralytique avait péché autant d'années qu'avait duré sa maladie ? Concluons de là que la gravité du péché ne doit pas se calculer sur le temps que l'homme a mis à le commettre, mais la nature même de ces péchés. Ces paroles nous apprennent encore que si nous retombons dans les mêmes péchés pour lesquels Dieu nous a sévèrement châtiés, des peines beaucoup plus sévères nous sont réservées, et c'est justice ; car celui que les premiers châtiments n'ont pu rendre meilleur, doit s'attendre en punition de son insensibilité et de ses mépris à un supplice bien plus terrible. Si nous ne recevons pas tous ici-bas la punition de nos péchés, ne mettons pas notre confiance dans cette impunité, car elle nous présage pour la vie future des châtiments bien plus terribles. Cependant toutes les maladies ne sont pas absolument la peine du péché, les unes sont la suite de notre négligence, les autres nous sont envoyées comme au salut homme Job pour nous éprouver. Mais pourquoi Nôtre-Seigneur rappelle-t-il ici ses péchés à ce paralytique ? Il en est qui le jugent sévèrement et qui prétendent que le Sauveur lui parle de la sorte parce qu'il avait été un des accusateurs de Jésus-Christ. Que diront-ils donc du paralytique dont il est question dans saint Matthieu (Mt 9), et à qui Nôtre-Seigneur dit aussi : « Vos péchés vous sont remis ? » D'ailleurs Jésus ne reproche pas au paralytique de la piscine ses péchés passés, il se contente de le prémunir pour l'avenir. Dans les autres guérisons miraculeuses qu'il opère, il ne les présente point comme la peine du péché parce qu'elles n'avaient pour cause que l'infirmité naturelle à l'homme, tandis que pour ces paralytiques, leurs maladies pouvaient être la punition de leurs péchés. Ou bien encore dans la personne de ces paralytiques, c'est un avertissement donné à tous les autres. On peut dire aussi que Nôtre-Seigneur parle de la sorte à ce paralytique, parce que témoin de sa grande patience, il le reconnut capable de recevoir cette leçon. Il lui donne en même temps une preuve de sa divinité, car ces paroles : « Ne péchez plus,» montrent évidemment qu'il connaissait toutes les fautes dont il s'était rendu coupable.
Gardons-nous de croire qu'après un si grand bienfait, et l'avertissement qui l'avait suivi, cet homme ait eu si peu de reconnaissance que d'agir ici par un sentiment de méchanceté ; s'il avait eu l'intention d'accuser le Sauveur, il n'eût parlé que de la violation du sabbat, sans rien dire de sa guérison ; mais il fait tout le contraire, il ne leur dit pas : C'est Jésus qui m'a commandé d'emporter mon lit (ce qui paraissait un crime aux yeux des juifs), mais : « C'est Jésus qui m'a guéri. »
Lorsque Jésus-Christ avait à défendre ses disciples contre le même grief, il produisait l'exemple de David comme eux serviteur de Dieu ; mais lorsque lui-même est en cause, il invoque l'exemple de son Père. Remarquons que ce n'est ni comme homme exclusivement, ni comme Dieu qu'il se justifie, mais tantôt sous un rapport, tantôt sous un autre, car il voulait que le mystère de ses humiliations fût l'objet de la foi comme le mystère de sa divinité. Il établit donc ici sa parfaite égalité aveu son Père, et en l'appelant son Père d'une manière toute spéciale (il dit en effet : « Mon Père »), et en faisant les mêmes choses que lui : (« Et moi aussi j'agis sans cesse. ») « Aussi les Juifs cherchaient encore plus à le faire mourir, parce que non content de violer le sabbat, il disait encore que Dieu était son Père, se faisant ainsi égal à Dieu. »
Si Jésus n'était pas le Fils naturel et consubstantiel au Père, sa justification serait pire que le crime qu'on lui reproche. Un préfet, un gouverneur qui transgresserait un décret royal, ne pourrait se justifier en disant que le roi lui-même transgresse la loi. Mais comme ici la dignité du fils est égal à celle du Père, la justification ne laisse rien à désirer. Le Père qui continue d'agir le jour même du sabbat est à l'abri de tout reproche, il en est de même du Fils.
Ceux qui ne veulent pas interpréter ces paroles avec un esprit droit, disent que Jésus-Christ ne s'est pas fait égal à Dieu, mais que c'était là un simple soupçon des Juifs. Raisonnons ici d'après ce que nous avons dit plus haut. Il est incontestable que les Juifs poursuivaient Jésus-Christ, et parce qu'il transgressait la loi du sabbat, et parce qu'il disait que Dieu était son Père ; donc les paroles qui suivent : « En se faisant égal à Dieu, » doivent être entendues dans le même sens que celles qui précèdent, c'est-à-dire dans le sens littéral.
Si Nôtre-Seigneur n'avait pas voulu établir clairement cette vérité, et que ce ne fût là qu'un vain soupçon des Juifs, il ne les eût pas laissés dans cette erreur, et il se fût empressé de la combattre. L'Evangéliste lui-même n'aurait point omis cette circonstance, et il eût fait comme dans une autre occasion où Jésus avait dit aux Juifs : « Détruisez ce temple. »
Le Seigneur Jésus le voyait aussi bien au milieu de la foule que dans le temple ; mais pour lui il ne peut connaître Jésus dans la foule, il ne le reconnaît pour vrai Dieu et pour Sauveur que dans un lieu sacré, dans le temple.
Quant à ce paralytique, aussitôt qu'il eut vu Jésus et qu'il eut connu qu'il était l'auteur de sa guérison, il s'empressa de publier sans aucun retard le nom de son bienfaiteur : « Cet homme s'en alla et apprit aux Juifs que c'était Jésus qui l'avait guéri. »
A une déclaration si franche, les Juifs ne répondent que par une haine toujours croissante : « C'est pourquoi les Juifs persécutaient Jésus, parce qu'il faisait ces choses-là le jour du sabbat. » Une œuvre évidemment matérielle et servile avait été faite sous leurs yeux, ce n'était point la guérison de ce paralytique, mais l'action d'emporter son lit, ce qui ne paraissait point aussi nécessaire que sa guérison. Nôtre-Seigneur déclare donc ouvertement que la loi figurative du sabbat, et l'obligation de garder ce jour n'avaient été données que pour un temps aux Juifs, et que cette loi figurative trouvait en lui son accomplissement : « Mais Jésus leur dit : Mon Père ne cesse point d'agir jusqu'à présent, et moi aussi j'agis sans cesse. » (Traité20) C'est-à-dire : Ne croyez pas que mon Père se soit reposé le jour du sabbat, en ce sens qu'il ait cessé d'opérer; non, il continue d'opérer sans aucun travail, et j'agis de même à son exemple. Le repos de Dieu doit donc s'entendre dans ce sens, qu'après avoir achevé l'œuvre de la création, il n'a plus tiré du néant de nouvelles créatures. C'est ce que l'Ecriture appelle repos, pour nous apprendre que nos bonnes œuvres seront suivies d'un repos éternel. C'est après avoir fait l'homme à son image et à sa ressemblance, après avoir achevé tous ses ouvrages, et vu que toutes les choses qu'il avait faites étaient très-bonnes, que Dieu se reposa le septième jour ; ainsi n'espérez point de repos pour vous-même, avant d'avoir recouvré cette divine ressemblance que Dieu vous avait donnée et que vous avez perdue par vos péchés, et avant que votre vie ait été remplie par la pratique des bonnes œuvres.
Il est probable que le précepte de l'observation du sabbat fut donné aux Juifs comme une figure de l'avenir et pour signifier le repos spirituel semblable au repos de Dieu, et qu'il promettait sous une forme mystérieuse aux fidèles qui auraient persévéré dans la pratique du bien.
Le sabbat viendra lorsque les six âges du monde qui sont comme les six jours seront écoulés, et c'est alors que les saints jouiront du repos qui leur est promis.
Nôtre-Seigneur semble donc dire aux Juifs : Pourquoi vouloir que je ne fasse rien le jour du sabbat ? La loi qui vous ordonne de garderie jour du sabbat vous a été donnée en figure de ce que je devais faire. Vous considérez les œuvres de Dieu, c'est par moi que toutes choses ont été faites. Mon Père a créé la lumière mais en disant : « Que la lumière soit. » S'il a dit cette parole, c'est par son Verbe qu'il a créé la lumière, et c'est moi qui suis son Verbe. Mon Père a donc agi lorsqu'il a créé le monde, et il agit encore en le gouvernant ; donc c'est par moi qu'il a créé le monde lorsqu'il l'a tiré du néant, et c'est par moi qu'il le gouverne, lorsqu'il lui fait sentir les effets de son action providentielle.
En disant : « Mon Père continue d'agir jusqu'à présent, et moi aussi j'agis sans cesse ; » il a voulu prouver qu'il était égal à son Père, car il donne comme conséquence que le Fils agit, parce que le Père agit lui-même, et que le Père ne peut agir sans le Fils.
Voici que les Juifs comprennent ce que les ariens ne veulent point comprendre ; les ariens prétendent que le Fils n'est pas égal au Père, et de là vient cette hérésie qui afflige l'Eglise.
Nôtre-Seigneur Jésus-Christ lui-même a voulu consacrer par sa sépulture le mystère de ce repos, en se reposant dans le tombeau le jour du sabbat, après avoir achevé toutes ses œuvres le sixième jour, et il prononça cette parole solennelle : « Tout est consommé, » Qu'y aurait-il donc d'étonnant que Dieu, voulant comme figurer d'avance le jour où le Christ devait se reposer dans le tombeau, ait choisi ce jour pour se reposer de toutes ses œuvres avant de dérouler l'ordre des siècles ? (chap. 12) On peut encore entendre ce repos de Dieu, en ce sens qu'il a cessé de créer de nouvelles espèces d'êtres, car il n'en a créé aucune depuis ce repos mystérieux. Mais depuis cette époque jusqu'à la fin des siècles, il gouverne tous ces êtres qu'il a créés. Sa puissance n'a donc pas abdiqué le septième jour le gouvernement du ciel, de la terre, et de toutes les choses dont il est le créateur, autrement elles rentreraient aussitôt dans le néant. En effet, c'est la puissance du Créateur qui est l'unique cause de l'existence de toutes les créatures, et si l'action de cette divine puissance cessait un instant de se faire sentir, elles cesseraient elles-mêmes d'exister, et toute la nature rentrerait dans le néant. Il n'en est pas du monde comme d'un édifice que le constructeur peut abandonner après l'avoir construit, et qui reste debout alors que celui-ci a cessé d'y mettre la main ; le monde serait détruit en un clin d'œil si Dieu lui retirait son action régulatrice. Ces paroles du Sauveur : « Mon Père cesse d'agir, » indiquent une continuation de l'œuvre divine qui embrasse et gouverné toute créature. On pourrait les entendre dans un autre sens, s'il avait dit : « Et il opère maintenant, » sans qu'il fût nécessaire d'y voir la continuation non interrompue de son œuvre, mais nous sommes forcés de leur donner le premier sens, parce que Nôtre-Seigneur dit expressément : « Il ne cesse d'opérer jusqu'à présent, depuis le jour qu'il a créé toutes choses.
Ce n'était pas d'une manière quelconque, mais dans quel sens ? « En se faisant égal à Dieu. » Nous disons tous à Dieu : « Notre Père qui êtes aux cieux ; » nous lisons dans Isaïe, que les Juifs lui disaient : « Vous êtes notre Père. » Ce qui les irritait n'était donc pas qu'il appelait Dieu son Père, mais de ce qu'il le faisait dans un autre sens que le reste des hommes.
Cependant les Juifs ne comprirent pas qu'il était le Christ, ni qu'il était le fils de Dieu ; mais ils comprirent que Jésus leur parlait d'un Fils de Dieu qui était égal à Dieu. Quel était ce Fils de Dieu ? ils ne le savaient pas, ils comprenaient cependant qu'il se disait le Fils de Dieu, c'est pour cela que l'Evangéliste ajoute : « Se faisant égal à Dieu. » Or, ce n'est pas lui qui se faisait égal à Dieu, c'est Dieu qui l'avait engendré égal et consubstantiel à lui-même.
Si nous voulons bien connaître la grâce de notre Créateur et parvenir à le voir, il faut éviter la foule, les pensées mauvaises et des affections coupables ; il faut fuir les assemblées des méchants, nous retirer dans le temple et nous efforcer de devenir nous-mêmes le temple où Dieu daigne venir et fixer sa demeure.
744. L’Evangéliste nous livre maintenant l’enseignement du Christ concernant sa puissance vivificatrice. Il expose en premier lieu l’enseignement lui-même ensuite il en donnera la confirmation En ce qui concerne l’enseignement lui-même, il rapporte d’abord ce que dit le Christ de sa puissance vivificatrice en général , puis ce qu’Il en dit de manière plus précise .
Pour révéler sa puissance vivificatrice, le Christ commence par en indiquer l’origine , puis Il montre sa grandeur enfin Il donne la raison de l’une et de l’autre .
745. A propos de l’origine de la puissance du Christ, il faut avoir présent à l’esprit que les Ariens s’appuient sur ces paroles du Seigneur pour confirmer leur erreur, à savoir que le Fils serait inférieur au Père. En effet, comme l’a dit l'Evangéliste, les Juifs persécutaient le Christ parce qu’Il se faisait l’égal de Dieu . D’après les Ariens, le Seigneur, voyant que les Juifs étaient troublés de cela et voulant dissiper ce trouble, aurait ajouté ces paroles afin de leur montrer qu’Il n’était pas égal au Père : "AMEN, AMEN JE VOUS LE DIS, LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE" — comme pour dire "Par mes paroles : Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi aussi je travaille , n’entendez pas que je travaille comme si je Lui étais égal, car de moi-même je ne puis RIEN FAIRE." Puis donc que LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE, Il est assurément, disent les Ariens, inférieur au Père .
Mais cette manière de comprendre les paroles du Christ est fausse et conduit à l’erreur; car si le Fils n’était pas égal au Père, alors Il ne serait pas un même être avec Lui, ce qui va à l’encontre de ceci : Moi et le Père nous sommes un . En effet, l’inégalité s’entend selon la grandeur; or celle-ci, dans les personnes divines, est l’essence elle-même. C’est pourquoi, si le Fils était inégal au Père, Il différerait de Lui selon l’essence.
746. Pour saisir le vrai sens de ces paroles du Christ, il faut savoir que ce qui semble introduire une infériorité dans le Fils pourrait être considéré par certains comme étant dit du Christ selon la nature assumée, comme cette autre parole : Le Père est plus grand que moi Selon cette interprétation, les paroles du Seigneur : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE devraient donc s’entendre du Fils selon la nature assumée. Or cela est insoutenable, car il faudrait alors dire que tout ce que le Fils de Dieu a fait dans la nature assumée, le Père l’aurait fait auparavant; par exemple, Il aurait marché à pied sec sur la mer, comme l’a fait le Christ , sinon il ne serait pas dit : SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE.
Si l’on disait, d’autre part, que tout ce que le Christ a fait dans la chair, Dieu le Père l’a fait aussi en tant que le Père opère en Lui — C’est le Père, demeurant en moi, qui accomplit Lui-même les œuvres —, alors le sens du passage serait : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE agissant en Lui, c’est-à-dire dans le Fils. Mais cela aussi est insoutenable, car alors on ne pourrait plus l’accorder avec ce qui suit : TOUT CE QUE CELUI-CI FAIT, CELA LE FILS AUSSI LE FAIT PAREILLEMENT.
Jamais en effet, selon la nature assumée, le Fils n’a créé le monde comme le Père l’a créé. Ce n’est donc pas à la nature assumée qu’il faut rapporter les paroles du Christ.
747. Selon Augustin , il y a une autre manière de comprendre ces expressions qui semblent introduire une infériorité dans le Fils, bien qu’en réalité elles ne le fassent pas : c’est de les rapporter à l’origine du Fils à partir du Père. Car bien que le Fils soit égal au Père en toutes choses, Il tient cependant tout du Père par la génération éternelle, tandis que le Père ne tient rien b-de personne, puisqu’Il est inengendré.
Les paroles du Christ s’enchaînent donc ainsi avec ce qui précède : Pourquoi êtes-vous scandalisés de ce que j’ai appelé Dieu mon Père et me suis fait l’égal de Dieu? AMEN, AMEN JE VOUS LE DIS, LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME; comme s’Il disait : "Voici de quelle manière je suis égal au Père : je suis de Lui, et Lui n’est pas de moi; et tout ce que moi j’ai à faire, je le tiens du Père" .
748. Selon cette interprétation, il est donc fait mention dans ces paroles de la puissance du Fils, par le verbe PEUT, et de son opération, par le verbe FAIRE. C’est pourquoi on peut saisir là deux choses : en premier lieu il nous est montré que la puissance du Fils découle du Père , et en second lieu que l’opération du Fils est conforme à l’opération du Père
749. Le premier point, Hilaire l’explique de la manière suivante . Le Seigneur a dit plus haut qu’Il était égal au Père. Mais certains hérétiques, s’appuyant sur l’autorité de l’Ecriture qui affirme l’unité et l’égalité du Fils avec le Père, attribuent au Fils d’être inengendré, comme le font les Sabelliens qui soutiennent que le Fils est identique au Père dans sa personne. Donc, pour que l’on ne comprenne pas cela, le Christ dit : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME. La puissance du Fils, en effet, est identique à sa nature. Le Fils tient donc le pouvoir de Celui dont Il tient l’être; or Il tient l’être du Père — Je suis sorti du Père — de qui Il tient également la nature : Il est Dieu de Dieu tient donc de Lui le pouvoir
Ainsi les paroles : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST QU’IL A VU FAIRE AU PERE ne peuvent avoir que cette signification : le Fils, de même qu’Il n’a l’être que par le Père, ne peut rien faire si ce n’est par le Père. En effet, dans les réalités naturelles, toute chose reçoit le pouvoir d’opérer de ce dont elle reçoit l’être : ainsi le feu reçoit le pouvoir de s’élever de ce dont il reçoit la forme et l’être. Cependant ces paroles LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI MEME ne signifient pas l’inégalité, car elles se rapportent à la relation, tandis que la question de l’égalité et de l’inégalité concerne la quantité.
750. De ces paroles SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE pourrait naître chez certains une interprétation fausse conduisant à croire que le Fils fait CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE comme si, ce que le Père a accompli le premier, le Fils, après l’avoir vu, se mettait à le faire — à la manière de deux artisans, maître et disciple, ce dernier fabriquant un coffre de la façon dont il a vu faire son maître. Mais cela n’est pas vrai pour le Verbe, car il est dit plus haut à son sujet : Tout a été fait par Lui, et sans Lui rien n’a été fait Il n’y a donc rien que le Père ait fait de telle sorte que le Fils l’ait vu faire et s’en soit instruit
En réalité, ces paroles ont été dites pour indiquer la communication de la puissance au Fils par la génération, communication qui est désignée d’une manière vraiment convenable par le verbe "voir" (IL A VU), car c’est par la vue et par l’ouïe que la science se transmet d’un autre à nous. C’est en effet par la vue que nous recevons des réalités la science, et par l’ouïe que nous la recevons des paroles. Or le Fils n’est autre que la Sagesse engendrée : Moi, dit la Sagesse, je suis sortie de la bouche du Très-Haut, engendrée la première avant toute créature . Ainsi l’émanation du Fils à partir du Père n’est autre que la communication de la Sagesse divine. Donc, puisque la vision désigne la transmission, à partir d’un autre, de la connaissance et de la sagesse, c’est à juste titre que la génération du Fils par le Père est désignée comme "vision", de sorte que pour le Fils, voir le Père FAIRE n’est autre que procéder, selon une procession intelligible, du Père qui FAIT. On peut aussi, selon Hilaire , donner cette autre raison les paroles IL A VU ont pour but d’exclure de la génération du Verbe toute imperfection. En effet, dans la génération matérielle, ce qui est engendré est amené peu à peu, selon le déroulement du temps, de l’imparfait au parfait; car une réalité n’est pas encore parfaite lorsqu’elle commence à être engendrée. Mais il n’en est pas ainsi dans la génération éternelle, qui est la génération d’un être parfait à partir d’un être parfait. Aussi le Christ dit-Il : SI CE N’EST CE QUE LE FILS A VU FAIRE AU PERE. En effet, puisque voir est l’acte d’un être parfait, il est manifeste que le Fils, qui a immédiatement vu, fut parfait dès qu’Il fut engendré, et ne fut pas amené à la perfection selon le déroulement du temps.
751. Chrysostome explique le second point, à savoir la conformité du Fils au Père quant à l’opération, de la manière suivante : Je dis qu’il m’est permis de a travailler le jour du sabbat, car mon Père aussi ne cesse de travailler, et je ne peux m’opposer à Lui en travaillant; et cela parce que LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE. En effet, on fait quelque chose de soi-même quand en le faisant on ne se conforme pas à un autre. Or quiconque est par un autre, s’il se met en désaccord avec lui, pèche : Celui qui parle de lui-même cherche sa propre gloire . Tout être donc qui, existant par un autre, agit de lui-même, pèche. Or le Fils est par le Père; si donc Il agit de Lui-même, Il pèche — ce qui est impossible. Par conséquent, en disant LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE, le Seigneur n’entend rien dire d’autre sinon que le Fils ne peut pécher. C’est comme s’Il disait : "C’est injustement que vous me persécutez pour avoir violé le sabbat, car je ne puis pécher, puisque je ne fais rien qui s’oppose à mon Père."
Ces deux explications, celle d’Hilaire et celle de Chrysostome, on les trouve aussi chez Augustin en divers lieux .
752. L’Evangile montre ici la grandeur de la puissance du Christ qui, par ces paroles, exclut de cette puissance la particularité, la diversité et l’imperfection.
D’abord la particularité : puisqu’il y a divers agents dans le monde, et que le premier agent a un pouvoir universel au-dessus de tous les agents, alors que les autres, qui sont par lui, ont un pouvoir d’autant plus particulier qu’ils sont inférieurs dans l’ordre de la causalité, on pourrait croire que le Fils, n’étant pas par Lui-même, a une puissance particulière à l’égard de certains effets seulement, et non pas une puissance universelle à l’égard de tous, comme a le Père. C’est donc pour exclure cela qu’Il dit : CAR TOUT CE QUE CELUI CI, c’est-à-dire le Père, FAIT, LE FILS AUSSI LE FAIT PAREILLEMENT, c’est-à-dire que tout ce à quoi s’étend la puissance du Père, la puissance du Fils s’y étend aussi : Tout a été fait par Lui, et sans Lui rien n’a été fait
En second lieu est exclue de cette puissance la diversité. Il arrive en effet qu’un agent existant par un autre puisse faire tout ce que fait celui par qui il est, sans toutefois que ce qu’il fait soit la même chose que ce que fait celui par qui il est. Ainsi, un feu existant par un autre peut faire tout ce que fait l’autre, par exemple brûler, et cependant celui-ci brûle une chose, celui-là une autre, bien que la combustion de l’un et de l’autre soit la même spécifiquement. Afin donc que l’on ne pense pas que l’opération du Fils est différente de l’opération du Père, de la manière que l’on vient de dire, le Christ souligne CELA, c’est-à-dire non pas des choses différentes, mais les mêmes.
Enfin est exclue l’imperfection. Il arrive parfois qu’une seule et même chose soit faite par deux agents — par l’un comme par l’agent principal et parfait, et par l’autre comme par un instrument et un agent imparfait —, mais non pas de manière semblable, car autre est la manière d’agir de l’agent principal, autre celle de l’instrument. L’instrument, en effet, agit imparfaitement, du fait qu’il agit par la puissance de l’autre. Donc, pour qu’on ne pense pas que c’est ainsi que le Fils fait tout ce que fait le Père, le Christ ajoute PAREILLEMENT, c’est-à-dire avec la même puissance que celle par laquelle le Père agit; car le même pouvoir et la même perfection sont dans le Père et le Fils : J’étais avec Lui, disposant toutes choses , dit la Sagesse.
753. L’Evangéliste donne maintenant la raison de l’origine et de la grandeur de la puissance du Fils. Il rapporte cette raison à l’amour dont le Père aime le Fils : LE PERE EN EFFET AIME LE FILS.
Mais pour savoir de quelle manière l’amour du Père pour le Fils est la raison de l’origine ou de la communication de la puissance du Fils, il faut prêter attention au fait qu’on peut aimer une réalité de deux manières. En effet, le bien seul étant aimable, un bien peut se rapporter à l’amour de deux manières : soit comme cause de l’amour, soit comme causé par lui. Or en nous c’est le bien qui cause l’amour, car la cause de notre amour pour quelqu’un est sa bonté. En effet, il n’est pas bon parce que nous l’aimons, mais c’est parce qu’il est bon que nous l’aimons; ainsi l’amour, en nous, est causé par le bien. Mais en Dieu il en va autrement, puisque c’est l’amour même de Dieu qui est cause de bonté dans les réalités aimées. C’est parce que Dieu nous aime que nous sommes bons. En effet, parce que aimer n’est pas autre chose que vouloir du bien à quelqu’un, et que la volonté de Dieu est cause des réalités — tout ce que [le Seigneur] a voulu, Il l’a fait, au ciel et sur la terre —, il est manifeste que l’amour de Dieu est cause de bonté dans les réalités. Voilà pourquoi Denys dit que l’amour divin n’a pas permis à Dieu de rester sans fécondité Il nous faut donc considérer l’origine du Fils pour voir si l’amour dont le Père aime le Fils est le principe de cette origine ou s’il procède de celle-ci.
L’amour en Dieu, s’entend de deux manières. Ou bien essentiellement, et il s’agit de l’amour dont s’aiment pareillement le Père, le Fils et le Saint Esprit ; ou bien notionnellement ou personnellement, et il s’agit alors de l’Esprit Saint qui procède comme amour. Mais ce n’est entendu d’aucune de ces deux manières que l’amour peut être principe de l’origine du Fils. En effet, pris essentiellement, l’amour implique un acte de volonté; si donc il était principe de l’origine du Fils, il s’ensuivrait que le Père aurait engendré le Fils par volonté et non par nature, ce qui est erroné. Il ne s’agit pas non plus de l’amour pris notionnellement, qui s’entend de l’Esprit Saint, car il s’ensuivrait que l’Esprit Saint serait le principe du Fils, ce qui est erroné; du reste, aucun hérétique n’a dit cela. Car bien que l’amour pris notionnellement soit principe de tous les biens qui nous sont donnés par Dieu, il n’est cependant pas principe du Fils, mais procède plutôt lui-même du Père et du Fils.
La raison de l’origine et de la grandeur de la puissance du Fils ne se prend donc pas de l’amour comme principe, mais comme signe. En effet, puisque la similitude est cause de l’amour (car tout vivant aime son semblable), là où se trouve une similitude parfaite de Dieu, se trouve aussi un amour parfait de Dieu. Or la similitude parfaite du Père est dans le Fils : Il est l’image du Dieu invisible , le resplendissement de sa gloire et l’effigie de sa substance Le Fils est donc parfaitementde bonté dans les réalités. Voilà l’amour divin n’a pas permis fécondité. Il nous faut donc Fils pour voir si l’amour dont le principe de cette origine, ou L’amour, en Dieu, s’entend bien essentiellement, et il s’agit pareillement le Père, le Fils et pourquoi Denys dit que à Dieu de rester sans considérer l’origine du le Père aime le Fils est s’il procède de celle-ci de deux manières. Ou de l’amour dont aiment l’Esprit Saint; ou bien-aimé du Père; et s’Il L’aime parfaitement, c’est donc le signe que le Père Lui a montré toutes choses et qu’Il Lui a communiqué sa puissance et sa nature. C’est de cet amour qu’il est dit plus haut : Le Père aime le Fils, et Il a tout remis dans sa main , et : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis ma complaisance .
754. A propos de ce qui suit : IL LUI MONTRE TOUT CE QU’IL FAIT, il faut savoir qu’on peut montrer ses œuvres à quelqu’un de deux manières. Ou bien par la vue, comme un artisan montre à son disciple ce qu’il fait; ou bien par l’ouïe, comme quand il l’instruit par la parole. Toutefois, prendre "montrer" en l’un ou l’autre de ces deux sens peut entraîner un double man que de perfection qui cependant n’existe pas dans l’acte par lequel le Père montre au Fils. En effet, si on dit que le Père montre au Fils par la vue, il s’ensuit ce qui a lieu dans les réalités de ce monde : montrer quelque chose par la vue implique qu’on l’ait réalisé auparavant et qu’on l’ait fait indépendamment de celui à qui on le montre. Mais le Père ne montre pas au Fils ce qu’Il a fait auparavant, puisque le Fils Lui-même la Sagesse dit : Le Seigneur m’a possédée au commencement de ses voies, avant de faire quoi que ce Soit, dès l’origine et le Père ne montre pas non plus au Fils ce qu’Il a fait indépendamment de Lui : Tout a été fait par Lui, et sans Lui rien n’a été fait .
Si maintenant on prend "montrer" au sens de montrer par l’ouïe, deux manques de perfection semblent en découler. En effet, d’une part celui qui enseigne par la parole montre à un ignorant, et d’autre part la parole est intermédiaire entre lui et celui à qui il montre.
Or rien de cela ne peut s’appliquer à l’acte par lequel le Père montre au Fils ce qu’Il fait; en effet Il ne montre pas au Fils comme à un ignorant, puisque le Fils est la Sagesse du Père — Le Christ est puissance de Dieu et Sagesse de Dieu —, ni par aucun autre verbe parole intermédiaire, puisque le Fils Lui-même est le Verbe du Père : Le Verbe était auprès de Dieu .
On dit donc que le Père MONTRE AU FILS TOUT CE QU’IL FAIT en tant qu’Il Lui communique la con naissance de toutes ses œuvres, comme on dit que le maître montre à son disciple en tant qu’il lui donne la connaissance de ce qu’il fait. C’est pourquoi, selon Augustin, pour le Père, montrer au Fils n’est autre qu’engendrer le Fils, et pour le Fils, voir ce que fait le Père n’est rien d’autre que recevoir du Père son être et sa nature .
On peut cependant dire que cet acte de montrer est semblable à l’acte de montrer par la vue, en tant que le Fils Lui-même est la splendeur de la vision du Père, comme le dit l'Epître aux Hébreux . En effet le Père, en se voyant et en se connaissant, conçoit le Fils qui est Lui-même le fruit conçu par cette vision. On peut également dire que cet acte est semblable à celui qui montre par l’ouïe, en tant que le Fils procède du Père comme Verbe. Ainsi, dire que le Père MONTRE AU FILS TOUT CE QU’IL FAIT, c’est dire qu’Il Le produit comme sa splendeur et le fruit conçu par sa Sagesse, et comme son Verbe. Donc, quand le Christ dit : IL LUI MONTRE TOUT CE QU’IL FAIT, les paroles IL LUI MONTRE se rapportent à ce qu’Il a dit plus haut : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE; et TOUT CE QU’IL FAIT se rapporte à ce qu’Il a dit ensuite TOUT CE QUE CELUI-CI, c’est-à-dire le Père, FAIT, LE FILS AUSSI LE FAIT PAREILLEMENT, LE CHRIST, JUGE ET DONATEUR DE VIE
Pour révéler sa puissance vivificatrice, le Christ commence par en indiquer l’origine , puis Il montre sa grandeur enfin Il donne la raison de l’une et de l’autre .
745. A propos de l’origine de la puissance du Christ, il faut avoir présent à l’esprit que les Ariens s’appuient sur ces paroles du Seigneur pour confirmer leur erreur, à savoir que le Fils serait inférieur au Père. En effet, comme l’a dit l'Evangéliste, les Juifs persécutaient le Christ parce qu’Il se faisait l’égal de Dieu . D’après les Ariens, le Seigneur, voyant que les Juifs étaient troublés de cela et voulant dissiper ce trouble, aurait ajouté ces paroles afin de leur montrer qu’Il n’était pas égal au Père : "AMEN, AMEN JE VOUS LE DIS, LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE" — comme pour dire "Par mes paroles : Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi aussi je travaille , n’entendez pas que je travaille comme si je Lui étais égal, car de moi-même je ne puis RIEN FAIRE." Puis donc que LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE, Il est assurément, disent les Ariens, inférieur au Père .
Mais cette manière de comprendre les paroles du Christ est fausse et conduit à l’erreur; car si le Fils n’était pas égal au Père, alors Il ne serait pas un même être avec Lui, ce qui va à l’encontre de ceci : Moi et le Père nous sommes un . En effet, l’inégalité s’entend selon la grandeur; or celle-ci, dans les personnes divines, est l’essence elle-même. C’est pourquoi, si le Fils était inégal au Père, Il différerait de Lui selon l’essence.
746. Pour saisir le vrai sens de ces paroles du Christ, il faut savoir que ce qui semble introduire une infériorité dans le Fils pourrait être considéré par certains comme étant dit du Christ selon la nature assumée, comme cette autre parole : Le Père est plus grand que moi Selon cette interprétation, les paroles du Seigneur : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE devraient donc s’entendre du Fils selon la nature assumée. Or cela est insoutenable, car il faudrait alors dire que tout ce que le Fils de Dieu a fait dans la nature assumée, le Père l’aurait fait auparavant; par exemple, Il aurait marché à pied sec sur la mer, comme l’a fait le Christ , sinon il ne serait pas dit : SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE.
Si l’on disait, d’autre part, que tout ce que le Christ a fait dans la chair, Dieu le Père l’a fait aussi en tant que le Père opère en Lui — C’est le Père, demeurant en moi, qui accomplit Lui-même les œuvres —, alors le sens du passage serait : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE agissant en Lui, c’est-à-dire dans le Fils. Mais cela aussi est insoutenable, car alors on ne pourrait plus l’accorder avec ce qui suit : TOUT CE QUE CELUI-CI FAIT, CELA LE FILS AUSSI LE FAIT PAREILLEMENT.
Jamais en effet, selon la nature assumée, le Fils n’a créé le monde comme le Père l’a créé. Ce n’est donc pas à la nature assumée qu’il faut rapporter les paroles du Christ.
747. Selon Augustin , il y a une autre manière de comprendre ces expressions qui semblent introduire une infériorité dans le Fils, bien qu’en réalité elles ne le fassent pas : c’est de les rapporter à l’origine du Fils à partir du Père. Car bien que le Fils soit égal au Père en toutes choses, Il tient cependant tout du Père par la génération éternelle, tandis que le Père ne tient rien b-de personne, puisqu’Il est inengendré.
Les paroles du Christ s’enchaînent donc ainsi avec ce qui précède : Pourquoi êtes-vous scandalisés de ce que j’ai appelé Dieu mon Père et me suis fait l’égal de Dieu? AMEN, AMEN JE VOUS LE DIS, LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME; comme s’Il disait : "Voici de quelle manière je suis égal au Père : je suis de Lui, et Lui n’est pas de moi; et tout ce que moi j’ai à faire, je le tiens du Père" .
748. Selon cette interprétation, il est donc fait mention dans ces paroles de la puissance du Fils, par le verbe PEUT, et de son opération, par le verbe FAIRE. C’est pourquoi on peut saisir là deux choses : en premier lieu il nous est montré que la puissance du Fils découle du Père , et en second lieu que l’opération du Fils est conforme à l’opération du Père
749. Le premier point, Hilaire l’explique de la manière suivante . Le Seigneur a dit plus haut qu’Il était égal au Père. Mais certains hérétiques, s’appuyant sur l’autorité de l’Ecriture qui affirme l’unité et l’égalité du Fils avec le Père, attribuent au Fils d’être inengendré, comme le font les Sabelliens qui soutiennent que le Fils est identique au Père dans sa personne. Donc, pour que l’on ne comprenne pas cela, le Christ dit : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME. La puissance du Fils, en effet, est identique à sa nature. Le Fils tient donc le pouvoir de Celui dont Il tient l’être; or Il tient l’être du Père — Je suis sorti du Père — de qui Il tient également la nature : Il est Dieu de Dieu tient donc de Lui le pouvoir
Ainsi les paroles : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST QU’IL A VU FAIRE AU PERE ne peuvent avoir que cette signification : le Fils, de même qu’Il n’a l’être que par le Père, ne peut rien faire si ce n’est par le Père. En effet, dans les réalités naturelles, toute chose reçoit le pouvoir d’opérer de ce dont elle reçoit l’être : ainsi le feu reçoit le pouvoir de s’élever de ce dont il reçoit la forme et l’être. Cependant ces paroles LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI MEME ne signifient pas l’inégalité, car elles se rapportent à la relation, tandis que la question de l’égalité et de l’inégalité concerne la quantité.
750. De ces paroles SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE pourrait naître chez certains une interprétation fausse conduisant à croire que le Fils fait CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE comme si, ce que le Père a accompli le premier, le Fils, après l’avoir vu, se mettait à le faire — à la manière de deux artisans, maître et disciple, ce dernier fabriquant un coffre de la façon dont il a vu faire son maître. Mais cela n’est pas vrai pour le Verbe, car il est dit plus haut à son sujet : Tout a été fait par Lui, et sans Lui rien n’a été fait Il n’y a donc rien que le Père ait fait de telle sorte que le Fils l’ait vu faire et s’en soit instruit
En réalité, ces paroles ont été dites pour indiquer la communication de la puissance au Fils par la génération, communication qui est désignée d’une manière vraiment convenable par le verbe "voir" (IL A VU), car c’est par la vue et par l’ouïe que la science se transmet d’un autre à nous. C’est en effet par la vue que nous recevons des réalités la science, et par l’ouïe que nous la recevons des paroles. Or le Fils n’est autre que la Sagesse engendrée : Moi, dit la Sagesse, je suis sortie de la bouche du Très-Haut, engendrée la première avant toute créature . Ainsi l’émanation du Fils à partir du Père n’est autre que la communication de la Sagesse divine. Donc, puisque la vision désigne la transmission, à partir d’un autre, de la connaissance et de la sagesse, c’est à juste titre que la génération du Fils par le Père est désignée comme "vision", de sorte que pour le Fils, voir le Père FAIRE n’est autre que procéder, selon une procession intelligible, du Père qui FAIT. On peut aussi, selon Hilaire , donner cette autre raison les paroles IL A VU ont pour but d’exclure de la génération du Verbe toute imperfection. En effet, dans la génération matérielle, ce qui est engendré est amené peu à peu, selon le déroulement du temps, de l’imparfait au parfait; car une réalité n’est pas encore parfaite lorsqu’elle commence à être engendrée. Mais il n’en est pas ainsi dans la génération éternelle, qui est la génération d’un être parfait à partir d’un être parfait. Aussi le Christ dit-Il : SI CE N’EST CE QUE LE FILS A VU FAIRE AU PERE. En effet, puisque voir est l’acte d’un être parfait, il est manifeste que le Fils, qui a immédiatement vu, fut parfait dès qu’Il fut engendré, et ne fut pas amené à la perfection selon le déroulement du temps.
751. Chrysostome explique le second point, à savoir la conformité du Fils au Père quant à l’opération, de la manière suivante : Je dis qu’il m’est permis de a travailler le jour du sabbat, car mon Père aussi ne cesse de travailler, et je ne peux m’opposer à Lui en travaillant; et cela parce que LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE. En effet, on fait quelque chose de soi-même quand en le faisant on ne se conforme pas à un autre. Or quiconque est par un autre, s’il se met en désaccord avec lui, pèche : Celui qui parle de lui-même cherche sa propre gloire . Tout être donc qui, existant par un autre, agit de lui-même, pèche. Or le Fils est par le Père; si donc Il agit de Lui-même, Il pèche — ce qui est impossible. Par conséquent, en disant LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE, le Seigneur n’entend rien dire d’autre sinon que le Fils ne peut pécher. C’est comme s’Il disait : "C’est injustement que vous me persécutez pour avoir violé le sabbat, car je ne puis pécher, puisque je ne fais rien qui s’oppose à mon Père."
Ces deux explications, celle d’Hilaire et celle de Chrysostome, on les trouve aussi chez Augustin en divers lieux .
752. L’Evangile montre ici la grandeur de la puissance du Christ qui, par ces paroles, exclut de cette puissance la particularité, la diversité et l’imperfection.
D’abord la particularité : puisqu’il y a divers agents dans le monde, et que le premier agent a un pouvoir universel au-dessus de tous les agents, alors que les autres, qui sont par lui, ont un pouvoir d’autant plus particulier qu’ils sont inférieurs dans l’ordre de la causalité, on pourrait croire que le Fils, n’étant pas par Lui-même, a une puissance particulière à l’égard de certains effets seulement, et non pas une puissance universelle à l’égard de tous, comme a le Père. C’est donc pour exclure cela qu’Il dit : CAR TOUT CE QUE CELUI CI, c’est-à-dire le Père, FAIT, LE FILS AUSSI LE FAIT PAREILLEMENT, c’est-à-dire que tout ce à quoi s’étend la puissance du Père, la puissance du Fils s’y étend aussi : Tout a été fait par Lui, et sans Lui rien n’a été fait
En second lieu est exclue de cette puissance la diversité. Il arrive en effet qu’un agent existant par un autre puisse faire tout ce que fait celui par qui il est, sans toutefois que ce qu’il fait soit la même chose que ce que fait celui par qui il est. Ainsi, un feu existant par un autre peut faire tout ce que fait l’autre, par exemple brûler, et cependant celui-ci brûle une chose, celui-là une autre, bien que la combustion de l’un et de l’autre soit la même spécifiquement. Afin donc que l’on ne pense pas que l’opération du Fils est différente de l’opération du Père, de la manière que l’on vient de dire, le Christ souligne CELA, c’est-à-dire non pas des choses différentes, mais les mêmes.
Enfin est exclue l’imperfection. Il arrive parfois qu’une seule et même chose soit faite par deux agents — par l’un comme par l’agent principal et parfait, et par l’autre comme par un instrument et un agent imparfait —, mais non pas de manière semblable, car autre est la manière d’agir de l’agent principal, autre celle de l’instrument. L’instrument, en effet, agit imparfaitement, du fait qu’il agit par la puissance de l’autre. Donc, pour qu’on ne pense pas que c’est ainsi que le Fils fait tout ce que fait le Père, le Christ ajoute PAREILLEMENT, c’est-à-dire avec la même puissance que celle par laquelle le Père agit; car le même pouvoir et la même perfection sont dans le Père et le Fils : J’étais avec Lui, disposant toutes choses , dit la Sagesse.
753. L’Evangéliste donne maintenant la raison de l’origine et de la grandeur de la puissance du Fils. Il rapporte cette raison à l’amour dont le Père aime le Fils : LE PERE EN EFFET AIME LE FILS.
Mais pour savoir de quelle manière l’amour du Père pour le Fils est la raison de l’origine ou de la communication de la puissance du Fils, il faut prêter attention au fait qu’on peut aimer une réalité de deux manières. En effet, le bien seul étant aimable, un bien peut se rapporter à l’amour de deux manières : soit comme cause de l’amour, soit comme causé par lui. Or en nous c’est le bien qui cause l’amour, car la cause de notre amour pour quelqu’un est sa bonté. En effet, il n’est pas bon parce que nous l’aimons, mais c’est parce qu’il est bon que nous l’aimons; ainsi l’amour, en nous, est causé par le bien. Mais en Dieu il en va autrement, puisque c’est l’amour même de Dieu qui est cause de bonté dans les réalités aimées. C’est parce que Dieu nous aime que nous sommes bons. En effet, parce que aimer n’est pas autre chose que vouloir du bien à quelqu’un, et que la volonté de Dieu est cause des réalités — tout ce que [le Seigneur] a voulu, Il l’a fait, au ciel et sur la terre —, il est manifeste que l’amour de Dieu est cause de bonté dans les réalités. Voilà pourquoi Denys dit que l’amour divin n’a pas permis à Dieu de rester sans fécondité Il nous faut donc considérer l’origine du Fils pour voir si l’amour dont le Père aime le Fils est le principe de cette origine ou s’il procède de celle-ci.
L’amour en Dieu, s’entend de deux manières. Ou bien essentiellement, et il s’agit de l’amour dont s’aiment pareillement le Père, le Fils et le Saint Esprit ; ou bien notionnellement ou personnellement, et il s’agit alors de l’Esprit Saint qui procède comme amour. Mais ce n’est entendu d’aucune de ces deux manières que l’amour peut être principe de l’origine du Fils. En effet, pris essentiellement, l’amour implique un acte de volonté; si donc il était principe de l’origine du Fils, il s’ensuivrait que le Père aurait engendré le Fils par volonté et non par nature, ce qui est erroné. Il ne s’agit pas non plus de l’amour pris notionnellement, qui s’entend de l’Esprit Saint, car il s’ensuivrait que l’Esprit Saint serait le principe du Fils, ce qui est erroné; du reste, aucun hérétique n’a dit cela. Car bien que l’amour pris notionnellement soit principe de tous les biens qui nous sont donnés par Dieu, il n’est cependant pas principe du Fils, mais procède plutôt lui-même du Père et du Fils.
La raison de l’origine et de la grandeur de la puissance du Fils ne se prend donc pas de l’amour comme principe, mais comme signe. En effet, puisque la similitude est cause de l’amour (car tout vivant aime son semblable), là où se trouve une similitude parfaite de Dieu, se trouve aussi un amour parfait de Dieu. Or la similitude parfaite du Père est dans le Fils : Il est l’image du Dieu invisible , le resplendissement de sa gloire et l’effigie de sa substance Le Fils est donc parfaitementde bonté dans les réalités. Voilà l’amour divin n’a pas permis fécondité. Il nous faut donc Fils pour voir si l’amour dont le principe de cette origine, ou L’amour, en Dieu, s’entend bien essentiellement, et il s’agit pareillement le Père, le Fils et pourquoi Denys dit que à Dieu de rester sans considérer l’origine du le Père aime le Fils est s’il procède de celle-ci de deux manières. Ou de l’amour dont aiment l’Esprit Saint; ou bien-aimé du Père; et s’Il L’aime parfaitement, c’est donc le signe que le Père Lui a montré toutes choses et qu’Il Lui a communiqué sa puissance et sa nature. C’est de cet amour qu’il est dit plus haut : Le Père aime le Fils, et Il a tout remis dans sa main , et : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis ma complaisance .
754. A propos de ce qui suit : IL LUI MONTRE TOUT CE QU’IL FAIT, il faut savoir qu’on peut montrer ses œuvres à quelqu’un de deux manières. Ou bien par la vue, comme un artisan montre à son disciple ce qu’il fait; ou bien par l’ouïe, comme quand il l’instruit par la parole. Toutefois, prendre "montrer" en l’un ou l’autre de ces deux sens peut entraîner un double man que de perfection qui cependant n’existe pas dans l’acte par lequel le Père montre au Fils. En effet, si on dit que le Père montre au Fils par la vue, il s’ensuit ce qui a lieu dans les réalités de ce monde : montrer quelque chose par la vue implique qu’on l’ait réalisé auparavant et qu’on l’ait fait indépendamment de celui à qui on le montre. Mais le Père ne montre pas au Fils ce qu’Il a fait auparavant, puisque le Fils Lui-même la Sagesse dit : Le Seigneur m’a possédée au commencement de ses voies, avant de faire quoi que ce Soit, dès l’origine et le Père ne montre pas non plus au Fils ce qu’Il a fait indépendamment de Lui : Tout a été fait par Lui, et sans Lui rien n’a été fait .
Si maintenant on prend "montrer" au sens de montrer par l’ouïe, deux manques de perfection semblent en découler. En effet, d’une part celui qui enseigne par la parole montre à un ignorant, et d’autre part la parole est intermédiaire entre lui et celui à qui il montre.
Or rien de cela ne peut s’appliquer à l’acte par lequel le Père montre au Fils ce qu’Il fait; en effet Il ne montre pas au Fils comme à un ignorant, puisque le Fils est la Sagesse du Père — Le Christ est puissance de Dieu et Sagesse de Dieu —, ni par aucun autre verbe parole intermédiaire, puisque le Fils Lui-même est le Verbe du Père : Le Verbe était auprès de Dieu .
On dit donc que le Père MONTRE AU FILS TOUT CE QU’IL FAIT en tant qu’Il Lui communique la con naissance de toutes ses œuvres, comme on dit que le maître montre à son disciple en tant qu’il lui donne la connaissance de ce qu’il fait. C’est pourquoi, selon Augustin, pour le Père, montrer au Fils n’est autre qu’engendrer le Fils, et pour le Fils, voir ce que fait le Père n’est rien d’autre que recevoir du Père son être et sa nature .
On peut cependant dire que cet acte de montrer est semblable à l’acte de montrer par la vue, en tant que le Fils Lui-même est la splendeur de la vision du Père, comme le dit l'Epître aux Hébreux . En effet le Père, en se voyant et en se connaissant, conçoit le Fils qui est Lui-même le fruit conçu par cette vision. On peut également dire que cet acte est semblable à celui qui montre par l’ouïe, en tant que le Fils procède du Père comme Verbe. Ainsi, dire que le Père MONTRE AU FILS TOUT CE QU’IL FAIT, c’est dire qu’Il Le produit comme sa splendeur et le fruit conçu par sa Sagesse, et comme son Verbe. Donc, quand le Christ dit : IL LUI MONTRE TOUT CE QU’IL FAIT, les paroles IL LUI MONTRE se rapportent à ce qu’Il a dit plus haut : LE FILS NE PEUT RIEN FAIRE DE LUI-MEME SI CE N’EST CE QU’IL A VU FAIRE AU PERE; et TOUT CE QU’IL FAIT se rapporte à ce qu’Il a dit ensuite TOUT CE QUE CELUI-CI, c’est-à-dire le Père, FAIT, LE FILS AUSSI LE FAIT PAREILLEMENT, LE CHRIST, JUGE ET DONATEUR DE VIE
À cause de cela, διὰ τοῦτο οὖν (il y a une emphase visible dans la place
donnée à ces mots). Comment riposteront les Juifs à cet argument de Jésus ? Par un redoublement de haine et
d'hostilité. - Ils cherchaient encore davantage... (à l'imparfait) : preuve que le verbe « poursuivaient » du v.
16 exprimait déjà des désirs et des tentatives de meurtre. « C'est là le fil sanglant que nous apercevons à
travers toute cette partie du quatrième évangile (7, 1,19, 25 ; 8, 37, 40, 59 ; 10, 31 ; 11, 53 ; 12,10. »
(Plummer, h. l.). - Parce que non seulement il violait le sabbat… ἔλυε, il dissolvait, il relâchait ; par
conséquent, il tendait à abroger d'une manière générale. « Non seulement » marque fort bien une gradation
dans la prétendue faute ; à la violation du sabbat Jésus ajoutait, suivant eux, un crime autrement grand, celui
de blasphème, qui ne méritait rien moins que la mort. Cf. Lev. 24, 16. - Il disait que Dieu était son Père
(ἴδιον, « son propre », est plus expressif). Les Juifs avaient donc bien saisi la signification des paroles qu'ils
venaient d'entendre. Jésus avait appelé Dieu « son Père » dans le sens strict, et non à la façon ordinaire des
justes. S. Augustin disait, In evang. Joan. Tract. 17 : « Voilà que les Juifs comprennent ce que ne
comprennent pas les Ariens ». Comment nos rationalistes contemporains peuvent-ils refuser d'admettre, en
face de pareilles assertions, que Notre-Seigneur Jésus-Christ ait réellement revendiqué la nature divine ? Cf.
10, 30, 36. - Les mots se faisant l'égal de Dieu (ἑαυτόν, par opposition à Dieu) corroborent la pensée en la réitérant sous une forme plus nette encore. Se faisant l'égal de Dieu, c'est-à-dire, s'attribuant les mêmes
opérations, les mêmes prérogatives, se mettant au même niveau que la divinité. - Jésus reprit donc la parole
(οὖν) (les mots ὁ Ίησοῦς sont omis par quelques manuscrits )... Comme plus haut v. 17, Jésus répond aux
pensées injustes des Juifs et à leurs poursuites haineuses.
Jésus a surtout scandalisé parce qu’Il a identifié sa conduite miséricordieuse envers les pécheurs avec l’attitude de Dieu Lui-même à leur égard (cf. Mt 9, 13 ; Os 6, 6). Il est allé jusqu’à laisser entendre qu’en partageant la table des pécheurs (cf. Lc 15, 1-2), Il les admettait au banquet messianique (cf. Lc 15, 23-32). Mais c’est tout particulièrement en pardonnant les péchés que Jésus a mis les autorités religieuses d’Israël devant un dilemme. Ne diraient-elles pas avec justesse dans leur effroi : " Dieu seul peut pardonner les péchés " (Mc 2, 7) ? En pardonnant les péchés, ou bien Jésus blasphème car c’est un homme qui se fait l’égal de Dieu (cf. Jn 5, 18 ; 10, 33), ou bien Il dit vrai et sa personne rend présent et révèle le nom de Dieu (cf. Jn 17, 6. 26).
73. Nous savons qu’Il s’adressait au Père avec le mot araméen “Abba”, c’est-à-dire “papa”. À l’époque, certains furent gênés par cette familiarité (cf. Jn 5, 18). C’est l’expression que Jésus a utilisée pour communiquer avec le Père lorsque l’angoisse de la mort est apparue : « Abba ! tout t’est possible, éloigne de moi cette coupe, pourtant pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 36). Il s’est toujours reconnu aimé du Père : « Tu m’as aimé avant la fondation du monde » (Jn 17, 24). Et Jésus, dans son cœur d’homme, s’extasiait en entendant le Père lui dire : « Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur » (Mc 1, 11).