Jean 5, 30
Moi, je ne peux rien faire de moi-même ; je rends mon jugement d’après ce que j’entends, et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas à faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé.
Moi, je ne peux rien faire de moi-même ; je rends mon jugement d’après ce que j’entends, et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas à faire ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé.
C'est-à-dire vous ne me verrez rien faire qui soit contraire ou opposé à la volonté du Père, mais « selon que j'entends, je juge, » c'est-à-dire qu'il est impossible que ma volonté ne soit pas conforme en tout à celle de mon Père ; et je juge absolument comme si mon Père lui-même jugeait.
C'est ainsi qu'il établit que la volonté du Père n'est point différente de la sienne, mais qu'ils n'ont tous deux qu'une seule et même volonté. Si son langage vous parait un peu trop le langage de l'homme, n'en soyez pas surpris, les Juifs ne voyaient en lui qu'un homme. Il prouve que son jugement est juste par les raisons que tout homme apporterait pour se justifier en pareille circonstance. En effet, celui qui songe à faire prévaloir ses intérêts, sera facilement soupçonné d'avoir altéré la justice ; mais celui qui ne se guide point d'après des vues personnelles n'est point exposé à prononcer des jugements injustes.
Nous étions sur le point de dire à Nôtre-Seigneur Jésus-Christ : C'est vous qui jugerez et non pas votre Père, est-ce que votre jugement ne sera pas conforme à sa volonté ? C’est pourquoi le Sauveur ajoute : « Je ne puis rien faire de moi-même, » etc.
Lorsqu'il était question de la résurrection des âmes, il ne disait pas : J'entends mais je vois. » Ici au contraire, il dit « J'entends, » comme la voix du Père qui commande ; il parle ici comme homme, et sous ce rapport, son Père est plus grand que lui.
Le Fils unique dit : « Je ne cherche pas ma volonté, » elles hommes ne veulent faire que leur volonté. Faisons donc la volonté du Père et de Jésus-Christ et de l'Esprit saint, parce qu'ils n'ont qu'une même volonté, une même puissance, une même majesté.
On peut dire encore que ces paroles : « Selon que j'entends, je juge » doivent s'entendre de la dépendance où Jésus se trouve vis-à-vis de Dieu comme Fils de l'homme ; ou même de cette nature simple et immuable qui appartient au Fils mais qu'il a reçue du Père, nature pour laquelle entendre, voir, être sont une seule et même chose, de sorte que la faculté de voir, d'entendre lui vient du même principe que son existence, (chap. 17) Il juge selon qu'il entend, parce que le Verbe ayant été engendré pour être la vérité, il doit nécessairement juger selon la vérité, (chap. 18) « Et mon jugement est juste, parce que je ne cherche pas ma volonté, » etc. En parlant de la sorte, Nôtre-Seigneur veut rappeler à notre pensée cet homme qui, en cherchant sa volonté et non la volonté de son Créateur, ne porta point de lui-même un juste jugement, mais obligea Dieu à porter sur lui ce juste jugement. En faisant sa volonté, il crut qu'il échapperait à la mort, et en cela son jugement ne fut pas juste. Il fit donc sa volonté et en fut puni par la mort, parce que le jugement de Dieu est juste, C'est ce jugement auquel le Fils de Dieu se conforme en ne cherchant pas sa volonté en tant qu'il est le Fils de l'homme, non pas que sa volonté n'ait aucune part dans le jugement qu'il rend, mais parce que cette volonté qui lui est propre est en tout point conforme à la volonté du Père.
Je ne cherche pas ma volonté propre, c'est-à-dire la volonté du Fils de l'homme qui soit opposée à celle de Dieu. Les hommes font leur volonté et non celle de Dieu, lorsqu'ils font ce qu'ils veulent au préjudice de ce que Dieu commande. Mais lorsque tout en faisant ce qu'ils veulent, ils suivent cependant la volonté de Dieu, ce n'est plus leur volonté qu'ils suivent. Ou bien encore, il dit : « Je ne cherche pas ma volonté, » parce que Jésus-Christ n'existe point par lui-même, mais par son Père.
781. Plus haut le Seigneur a montré qu’Il avait la puissance de donner la vie et celle de juger, et Il a manifesté l’une et l’autre par leurs effets. Ici, Il montre comment l’une et l’autre puissances Lui reviennent; II le montre d’abord de la puissance de donner la vie , puis de celle de juger .
782. Il dit donc d’abord ceci : "Je dis que, comme le Père relève les morts, moi aussi je le fais, et celui qui écoute ma parole à la vie éternelle" et si j’ai ce pouvoir de donner la vie, c’est parce que, COMME LE PERE A LA VIE EN LUI-MEME, AINSI A-T-IL AUSSI DONNE AU FILS D’AVOIR LA VIE EN LUI-MEME.
A ce sujet il faut savoir que certains êtres vivent, mais n’ont pas la vie en eux-mêmes, comme le dit Paul Ce que je vis maintenant dans la chair, c’est dans la foi au Fils de Dieu que je le vis (...). Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi . Il vivait donc, non en lui-même, mais en un autre par qui il vivait. De même le corps vit, lui aussi, et cependant n’a pas la vie en lui-même, mais en l’âme par laquelle il vit. Celui-là donc A LA VIE EN LUI-MEME, qui a la vie essentielle et non participée, c’est-à-dire qui est Lui-même la vie. Or, en tout genre de réalités, celle qui est par essence est cause de celles qui sont par participation : par exemple, le feu est cause de tout ce qui est enflammé. Ce qui est par essence la vie est donc cause et principe de toute vie dans les vivants. Aussi, pour qu’une réalité soit le principe de la vie, faut-il qu’elle soit la vie par essence. C’est donc à juste titre que le Seigneur manifeste qu’Il est le principe de toute vie en disant qu’Il a LA VIE EN LUI-MEME, c’est-à-dire par essence, quand Il dit que, COMME LE PERE A LA VIE EN LUI MEME, c’est-à-dire, comme Il est vivant par essence, de même aussi le Fils. Donc, comme le Père est la cause première de la vie, ainsi son Fils l’est aussi.
Le Christ montre aussi l’égalité du Fils avec le Père quand Il dit : COMME LE PERE A LA VIE EN LUI-MEME; et leur distinction quand Il dit AINSI A-T-IL AUSSI DONNE AU FILS D’AVOIR LA VIE EN LUI MEME. En effet, le Père et le Fils sont égaux dans la vie, mais Ils se distinguent en ceci, que le Père donne et que le Fils reçoit. Mais il ne faut pas comprendre par là que le Fils reçoive la vie du Père qui la Lui donnerait comme s’Il avait d’abord existé sans l’avoir de la même manière que, dans les réalités inférieures, la matière première existant en puissance reçoit la forme, et le sujet est soumis à l’accident. Car il n’y a rien dans le Fils qui préexiste au don de la vie. En effet, comme le dit Hilaire, "le Fils n’a rien qui ne soit né" , c’est-à-dire qu’Il n’ait reçu par sa naissance, et puisque la vie même est en Lui, les paroles "le Père a donné au Fils la vie" doivent s’entendre ainsi : Le Fils, Il l’a engendré à la Vie Comme si l’on disait que "l’esprit donne vie à la parole", non en ce sens que la parole préexisterait et recevrait ensuite la vie, mais parce que l’esprit a produit la parole dans la même vie dont lui vit.
783. Par ces paroles, toujours selon Hilaire , sont réfutées trois erreurs. D’abord celle des Ariens . Ceux-ci, tout en soutenant que le Fils est inférieur au Père, ont été contraints, par ce qui a été dit plus haut — Tout ce que le Père fait, cela le Fils aussi le fait pareillement —, de reconnaître que le Fils est égal au Père en puissance; cependant ils niaient encore qu’Il Lui soit égal dans sa nature. Mais voici que même sur ce point ils sont réfutés par ces paroles : COMME LE PERE A LA VIE EN LUI-MEME, AINSI A-T-IL AUSSI DONNE AU. FILS D’AVOIR LA VIE EN LUI-MEME. En effet, puisque la vie appartient à la nature, si le Fils a la vie en Lui-même comme le Père, il est manifeste qu’Il a en Lui la nature de Celui qui est son origine, nature semblable et égale au Père.
En second lieu, l’erreur des Ariens niant la coéternité du Fils avec le Père, et disant que le Fils avait commencé dans le temps, est réfutée par ces paroles LE FILS A LA VIE EN LUI-MEME. Car dans tous les vivants dont la génération a lieu dans le temps on peut toujours trouver quelque chose qui, à un moment donné, fut non vivant. Mais dans le Fils, tout ce qui est est la vie elle-même, et c’est pourquoi Il reçoit la vie elle-même de telle sorte qu’Il a la vie en Lui-même, si bien qu’Il a toujours été vivant.
Enfin, par les paroles IL A DONNE est réfutée l’erreur de Sabellius qui niait la distinction des personnes. En effet, si le Père a donné au Fils la vie, il est manifeste qu’autre est le Père qui a donné, autre le Fils qui a reçu.
784. Le Christ manifeste maintenant qu’Il a le pouvoir de juger. Il commence par manifester ce pouvoir de juger en indiquant son origine , puis en montrant l’équité du jugement , après quoi Il donnera l’explication de ce qu’Il vient de dire .
785. Ces paroles peuvent se lire de deux manières; l’une est celle de Chrysostome, l’autre celle d’Augustin.
786. Si on les lit comme le fait Chrysostome elles se divisent en deux parties, le Christ montrant d’abord d’où Il tient son pouvoir de juger, puis excluant ensuite une difficulté . En effet, pour Chrysostome, le texte de Jean se ponctue ainsi IL LUI A DONNE LE POUVOIR D’EXERCER LE JUGEMENT. PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME, NE VOUS EN ETONNEZ PAS... La raison de cette ponctuation est que Paul de Samosate, un hérétique des premiers siècles qui soutenait, comme Photin , que le Christ n’était qu’un homme et avait commencé d’exister en la Vierge, ponctuait ainsi : IL LUI A DONNE LE POU VOIR D’EXERCER LE JUGEMENT PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME. NE VOUS EN ETONNEZ PAS, PARCE QU’ELLE VIENT, L’HEURE OU TOUS CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAUX ENTEN DRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU. Comme s’il en tendait par là qu’il avait été nécessaire de donner le pouvoir de juger au Christ PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME, c’est-à-dire un homme seulement, à qui, de soi, il n’appartient pas de juger les hommes, de sorte que s’il juge il faut que le pouvoir de juger lui soit donné d’ailleurs.
Mais, pour Chrysostome, cela ne tient pas, parce que ce n’est pas du tout en accord avec ce qui est affirmé. En effet, si c’est parce qu’Il est homme que le Christ a reçu le pouvoir de juger, alors, pour la même raison, ce pouvoir ne Lui revient pas plus qu’aux autres hommes, puisque tout homme a dans cette hypothèse le pouvoir de juger, du seul fait de sa nature humaine. Ce n’est donc pas ainsi qu’il faut lire; on doit dire au contraire que c’est parce qu’Il est le Fils du Dieu ineffable qu’Il est aussi juge. C’est du reste bien ce qu’Il dit : non seulement le Père Lui a donné le pouvoir de donner la vie, mais encore IL LUI A DONNE LE POUVOIR, par la génération éternelle, D’EXERCER LE JUGEMENT, de même que par elle Il LUI A DONNE D’AVOIR LA VIE EN LUI-MEME — C’est Lui qui a été établi par Dieu juge des vivants et des morts Pour Chrysostome, le Christ écarte donc ici une difficulté. Il la soulève en disant NE VOUS EN ETONNEZ PAS, puis Il l’exclut en disant PARCE QU’ELLE VIENT, L’HEURE...
787. Une difficulté, en effet, s’élevait dans le cœur des Juifs : estimant que le Christ n’était rien de plus qu’un homme, et constatant qu’Il disait de Lui-même des choses qui surpassaient l’homme et même l’ange , ils s’étonnaient en L’entendant. Et c’est pourquoi Il dit NE VOUS EN ETONNEZ PAS, c’est-à-dire ne vous étonnez pas que j'aie dit que le Fils fait vivre les morts et a le pouvoir de juger précisément parce qu’IL EST LE FILS DE L’HOMME. C’est bien de cela qu’ils s’étonnaient, en effet : ne Le regardant que comme un homme, ils voyaient en Lui des œuvres divines — Ils étaient dans l’étonnement : "Quel est celui-ci, disaient-ils, pour que les vents et la mer Lui obéissent?" —. Le Christ donne alors la raison pour laquelle ils ne doivent pas s’étonner : Lui-même, qui est le FILS DE L’HOMME, est identiquement le FILS DE DIEU.
Bien que la proposition "Lui-même, qui est le Fils de l’homme, est identiquement le Fils de Dieu" ne soit pas exprimée, le Seigneur affirme cependant, comme le note Chrysostome , ce dont cette proposition est la conséquence nécessaire. C’est ainsi que, fréquemment, ceux qui procèdent par syllogismes dans leur enseignement n’expriment pas ce qu’ils ont principalement l’intention de montrer, mais ce qui s’ensuit nécessairement. Ainsi le Seigneur ne dit pas qu’Il est Lui-même le Fils de Dieu, mais que le Fils de l’homme est tel qu’à sa voix tous les morts ressuscitent; d’où il suit nécessairement qu’Il est le Fils de Dieu, car ressusciter les morts est l’œuvre propre de Dieu. Voilà pourquoi Il dit : NE VOUS EN ETONNEZ PAS, PARCE QU’ELLE VIENT, L’HEURE OU TOUS CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAUX ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU. Cependant Il ne dit pas et c’est maintenant comme Il l’a dit plus haut, et Il ne le dit pas parce que ce n’est pas encore l’heure Notons aussi qu’Il dit ici TOUS, ce qu’Il n’avait pas dit plus haut; parce que, dans la première résurrection, Il en ressuscita seulement quelques-uns : Lazare, le fils de la veuve et la jeune fille ; tandis que, lors de la résurrection à venir, celle qui aura lieu au jour du jugement, TOUS CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAUX ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU, et ils ressusciteront — Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que moi j’ouvrirai vos tombeaux, et je vous tirerai de vos sépulcres .
788. Pour Augustin , il faut lire en ponctuant ainsi : IL LUI A DONNE LE POUVOIR D’EXERCER LE JUGEMENT PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME : NE VOUS EN ETONNEZ PAS... Selon cette lecture, les paroles du Christ se divisent en deux parties dont la première affirme le don fait au Fils de l’homme du pou voir de juger, et dont la seconde manifeste ce don par le don d’un pouvoir plus grand encore .
789. Au sujet de la première partie il faut se rappeler que plus haut le Christ (selon l’interprétation d’Augustin) a parlé de la résurrection des âmes, qui est réalisée par le Fils de Dieu, tandis qu’ici Il parle de la résurrection des corps qui est réalisée par le Fils de l’homme. Et parce que la résurrection universelle des corps doit avoir lieu au moment du jugement, Il commence ici par parler du jugement en disant : IL LUI A DONNE, à Lui le Christ, LE POUVOIR D’EXERCER LE JUGEMENT, et cela PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME, c’est-à-dire selon sa nature humaine . C’est pourquoi également Il dit après sa résurrection Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre .
Or le pouvoir de juger a été donné au Christ en tant qu’homme, pour trois raisons. D’abord pour qu’Il soit vu de tous. Il est nécessaire, en effet, que le juge soit vu de ceux qui doivent être jugés. Or bons et méchants seront jugés; les bons, eux, verront le Christ selon sa divinité et son humanité; mais les méchants ne pourront pas le voir selon sa divinité, car cette vision est la béatitude des saints et elle est réservée aux cœurs purs Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu . C’est pourquoi, afin d’être vu lors du jugement, non seulement des bons, mais aussi des méchants, Il jugera dans sa forme humaine .
Tout œil Le verra, et même ceux qui L’ont transpercé . Si le pouvoir de juger a été donné au Christ en tant qu’homme, c’est aussi parce qu’Il a, par l’humilité de sa Passion, mérité la gloire de son exaltation. Aussi, comme le dit Augustin , de même que c’est celui qui a été mort qui est ressuscité, de même la forme qui jugera sera celle qui a été jugée, et siégera comme juge pour le jugement des hommes celui qui a comparu devant un juge homme. Il condamnera les vrais coupables, Lui qui fut faussement accusé — Ta cause a été jugée comme celle de l’impie; [mais] tu reprendras la cause et le jugement .
Enfin, le pouvoir de juger a été donné au Christ en tant qu’homme pour nous faire comprendre la clémence du juge. En effet, que l’homme soit jugé par Dieu, cela nous apparaît très redoutable, car il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant mais que l’homme ait pour juge un homme, voilà qui donne confiance. Aussi, pour que vous expérimentiez la clémence du juge, aurez-vous un homme pour juge — Nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, Lui qui a été éprouvé en tout d’une manière semblable à nous, hormis le péché .
Ainsi donc, le Père a donné au Christ LE POUVOIR D’EXERCER LE JUGEMENT PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME.
790. Mais NE VOUS EN ETONNEZ PAS, car Il Lui a conféré un plus grand pouvoir, celui de ressusciter les morts. C’est pourquoi le Christ dit : PARCE QU’ELLE VIENT, L’HEURE, la dernière qui sera celle de la fin du monde (Il vient le temps, il est proche le jour de la tuerie ), L’HEURE OU TOUS CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAUX ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU. Plus haut Il n’a pas dit TOUS, parce qu’Il parlait alors de la résurrection spirituelle, et que tous ne ressuscitèrent pas de cette résurrection-là lors de son premier avènement, car la foi n’est pas le fait de tous alors qu’ici Il parle de la résurrection des corps, selon laquelle tous ressusciteront . Mais Il ajoute : CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAUX, ce qu’Il n’avait pas dit plus haut, car les âmes ne sont pas dans les tombeaux, mais seulement les corps, dont ce sera alors la résurrection . TOUS CEUX, donc, QUI SONT DANS LES TOM BEAUX, ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU.
Cette voix sera un signe sensible du Fils de Dieu, signe auquel tous ressusciteront : Le Seigneur Lui-même, au commandement et à la voix de l’archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel; et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront les premiers... . En un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale (...), les morts ressusciteront incorruptibles — Au milieu de la nuit s’éleva un cri Voici l’époux qui vient, sortez au-devant de lui . Et cette voix tiendra sa puissance de la divinité du Christ : Il donnera à sa voix d’être une voix puissante .
791. Mais, comme on l’a noté plus haut , Augustin dit que la résurrection des corps est réalisée par le Verbe fait chair, et la résurrection des âmes par le Verbe; il faut donc chercher comment comprendre cela. En effet, cela pourrait s’entendre de la cause première ou de la cause méritoire. S’il s’agit de la cause première, il est manifeste que la divinité du Christ est cause de la résurrection corporelle et spirituelle, c’est-à-dire de la résurrection des corps et des âmes — C’est moi qui fais mourir et moi qui fais vivre . Mais s’il s’agit de la cause méritoire, alors l’humanité du Christ, elle aussi, est cause de l’une et l’autre résurrection; car, par les mystères qui ont été accomplis dans la chair du Christ, nous sommes restaurés non seulement quant à nos corps pour une vie incorruptible, mais aussi quant à nos âmes pour une vie spirituelle — Il a été livré pour nos fautes et Il est ressuscité pour notre justification Ce que dit Augustin ne semble donc pas vrai.
A cela il faut répondre qu’Augustin parle de la cause exemplaire, celle par laquelle ce qui reçoit la vie est conformé à celui qui la donne; car tout ce qui vit par un autre est conformé à celui par qui il vit. Or la résurrection des âmes ne consiste pas dans le fait que les âmes soient conformées à l’humanité du Christ, mais au Verbe, car c’est par le Verbe seul que vit l’âme. Voilà pourquoi Augustin dit que la résurrection des âmes est réalisée par le Verbe. Mais la résurrection des corps, elle, consistera en ce que nos corps seront conformés au corps du Christ par la vie de gloire, c’est-à-dire par la glorification des corps : Notre Seigneur Jésus-Christ transformera notre corps de misère en le conformant à son corps de gloire . C’est pour cela qu’Augustin dit que la résurrection des corps est réalisée par le Verbe fait chair.
792. Le Christ montre ici l’équité du jugement. Les bons seront récompensés, et c’est pourquoi Il dit : ILS SORTIRONT, CEUX QUI AURONT FAIT LE BIEN, POUR UNE RESURRECTION DE VIE, c’est-à-dire pour vivre dans la gloire éternelle. Quant aux méchants, ils seront condamnés : CEUX QUI AURONT FAIT LE MAL sortiront de leur tombeau POUR UNE RESURRECTION DE JUGEMENT, c’est-à-dire qu’ils ressusciteront pour leur condamnation — Ceux-ci s’en iront au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront : les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre qu’ils auront toujours devant les yeux .
793. Remarquons que plus haut, en parlant de la résurrection des âmes, le Christ dit que ceux qui auront entendu sa voix vivront , alors qu’ici Il dit qu’ils SORTIRONT. S’Il s’exprime ainsi, c’est à cause des méchants qui vont à leur condamnation, car leur vie ne doit pas être appelée une vie, mais plutôt une mort éternelle.
De même, plus haut, Il a fait mention de la foi seulement, en disant : Celui qui écoute ma parole et croit à Celui qui m’a envoyé a la vie éternelle et il ne vient pas en jugement mais ici, pour qu’on ne croie pas que la foi seule, sans les œuvres, suffise au salut, Il fait mention des œuvres bonnes en disant CEUX QUI AU RONT FAIT LE BIEN, POUR UNE RESURRECTION DE VIE, comme s’Il disait Ce n’est pas celui qui croit uniquement, mais celui qui, ayant la foi, agit bien, qui sortira POUR UNE RESURRECTION DE VIE; car la foi sans les œuvres est morte .
794. Le Christ explique maintenant ce qu’Il vient de dire. Or II vient d’affirmer l’origine de son pouvoir, puis l’équité du jugement. Il donne donc ici successivement la justification de la première affirmation , puis celle de la seconde .
795. Au sujet de l’origine de son pouvoir, il faut savoir que ce qu’Il dit : JE NE PUIS RIEN FAIRE DE MOI-MEME. COMME J’ENTENDS, JE JUGE, peut — là encore, selon Augustin — se lire de deux manières, suivant qu’on le rapporte au Fils de l’homme ou au Fils de Dieu -.
Rapportons-le d’abord au Fils de l’homme : "Tu dis que tu as le pouvoir de ressusciter les morts, parce que tu es le Fils de l’homme; mais ce pouvoir t’appartient-il en tant que tu es le Fils de l’homme?" — "Non, car JE NE PUIS RIEN FAIRE DE MOI-MEME. SELON QUE J’ENTENDS, JE JUGE." Il ne dit pas "selon que je vois", comme précédemment — Le Fils ne peut rien f aire de Lui-même si ce n’est ce qu’Il a vu faire au Père — mais COMME J’ENTENDS. Car entendre est ici la même chose qu’obéir; or obéir appartient à celui à qui on donne un commandement, tandis que commander revient au supérieur. C’est pourquoi, parce que le Christ en tant qu’homme est inférieur au Père, II dit COMME J’ENTENDS, c’est-à-dire selon ce qui est inspiré par Dieu au plus intime de mon âme J’écouterai ce que dit en moi le Seigneur Dieu Mais plus haut, parce qu’Il parlait de Lui en tant qu’Il est le Verbe de Dieu, Il a dit ce qu’Il a vu.
796. En disant ensuite : MON JUGEMENT EST JUSTE, PARCE QUE JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTE, MAIS LA VOLONTE DE CELUI QUI M’A ENVOYE, le Christ manifeste l’équité de son jugement. Il avait dit en effet CEUX QUI AURONT FAIT LE BIEN sortiront de leurs tombeaux POUR UNE RESURRECTION DE VIE. Mais on pourrait dire : Ne fera-t-Il pas grâce à certains en les punissant moins ou en les récompensant davantage? Aussi répond-Il que non, en disant : MON JUGEMENT EST JUSTE; et la raison en est que JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTE, MAIS LA VOLONTE DE CELUI QUI M’A ENVOYE.
Il y a en effet dans le Seigneur Jésus-Christ deux volontés : l’une, divine, qui ne fait qu’un avec celle du Père; l’autre, humaine, qui Lui est propre, comme il Lui est propre d’être homme. La volonté humaine se porte vers son bien propre; mais, dans le Christ, elle était dirigée et réglée par la rectitude de sa raison, de sorte qu’elle se conformait toujours en tout à la volonté divine. C’est pourquoi Il dit : JE NE CHERCHE PAS à accomplir MA VOLONTE propre, qui d’elle-même est inclinée vers son bien propre, MAIS LA VOLONTE DE CE LUI QUI M’A ENVOYE, le Père — En tête du livre il a été écrit de moi que j’accomplisse ta volonté; mon Dieu, je l’ai voulu . — Non pas comme je veux, mais comme tu veux .
Si l’on considère attentivement ces paroles du Seigneur, on voit qu’Il donne ici la raison vraie du jugement juste en disant : PARCE QUE JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTE . Car le jugement de quelqu’un n’est pas injuste quand il s’exerce selon la règle de la loi. Or la volonté divine est la règle et la loi de la volonté créée; c’est pourquoi la volonté créée et la raison qui sont réglées selon la règle de la volonté divine sont justes, et leur jugement est juste .
797. On peut aussi entendre ce que dit ici le Christ en le rapportant au Fils de Dieu , sans changer la division donnée préalablement . Le Christ, parlant en tant que Verbe et manifestant l’origine de son pouvoir, a donc dit JE NE PUIS RIEN FAIRE DE MOI-MEME, de la même manière qu’Il a déclaré plus haut : Le Fils ne peut rien faire de Lui-même si ce n’est ce qu’il a vu faire au Père . En effet, son agir et son pouvoir sont son être; or son être, Il le tient d’un autre, c’est-à-dire du Père; et c’est pourquoi, de même qu’Il n’est pas par Lui-même, ainsi Il ne peut rien faire de Lui-même : Je ne fais rien de moi-même .
Quant à la parole : COMME J’ENTENDS, JE JUGE, elle doit s’expliquer de la même manière que celle qui a été dite plus haut : Si ce n’est ce qu’Il a vu faire au Père. En effet, en ce qui nous concerne, nous acquérons la science ou la connaissance par la vue et par l’ouïe (car ce sont ces deux sens qui servent le plus à l’enseignement); mais parce qu’en nous, autre est la vue, autre l’ouïe, nous acquérons la science d’une manière par la vue, en découvrant, et d’une autre par l’ouïe, en apprenant d’un autre. Mais dans le Fils de Dieu, la vue et l’ouïe ne font qu’un . C’est pourquoi, que l’on dise : "Il entend" ou "Il voit", le sens est le même en ce qui concerne l’acquisition de la science. Et parce qu’en toute nature douée d’intelligence, le jugement procède de la science, Il dit d’une manière expressive : COMME J’ENTENDS, JE JUGE, c’est-à-dire : comme j’ai reçu du Père la connaissance avec l’être, simultanément dans l’éternité, ainsi JE JUGE — Tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître .
798. Enfin, manifestant l’équité de son jugement, Il dit : MON JUGEMENT EST JUSTE; et la raison en est que JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTE.
Mais le Père et le Fils n’ont-Ils pas la même volonté? A cela il faut répondre qu’Ils ont certes la même volonté, mais que le Père ne tient pas sa volonté d’un autre, tandis que le Fils la tient d’un autre, le Père . Ainsi donc le Fils accomplit sa volonté comme celle d’un autre, c’est-à-dire comme la tenant d’un autre, tandis que le Père l’accomplit comme la sienne propre en ce sens qu’Il ne la tient pas d’un autre. C’est pourquoi le Christ dit : JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTE, celle qui serait mienne parce qu’elle aurait son origine en moi-même, mais celle qui me vient d’un autre, le Père.
782. Il dit donc d’abord ceci : "Je dis que, comme le Père relève les morts, moi aussi je le fais, et celui qui écoute ma parole à la vie éternelle" et si j’ai ce pouvoir de donner la vie, c’est parce que, COMME LE PERE A LA VIE EN LUI-MEME, AINSI A-T-IL AUSSI DONNE AU FILS D’AVOIR LA VIE EN LUI-MEME.
A ce sujet il faut savoir que certains êtres vivent, mais n’ont pas la vie en eux-mêmes, comme le dit Paul Ce que je vis maintenant dans la chair, c’est dans la foi au Fils de Dieu que je le vis (...). Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi . Il vivait donc, non en lui-même, mais en un autre par qui il vivait. De même le corps vit, lui aussi, et cependant n’a pas la vie en lui-même, mais en l’âme par laquelle il vit. Celui-là donc A LA VIE EN LUI-MEME, qui a la vie essentielle et non participée, c’est-à-dire qui est Lui-même la vie. Or, en tout genre de réalités, celle qui est par essence est cause de celles qui sont par participation : par exemple, le feu est cause de tout ce qui est enflammé. Ce qui est par essence la vie est donc cause et principe de toute vie dans les vivants. Aussi, pour qu’une réalité soit le principe de la vie, faut-il qu’elle soit la vie par essence. C’est donc à juste titre que le Seigneur manifeste qu’Il est le principe de toute vie en disant qu’Il a LA VIE EN LUI-MEME, c’est-à-dire par essence, quand Il dit que, COMME LE PERE A LA VIE EN LUI MEME, c’est-à-dire, comme Il est vivant par essence, de même aussi le Fils. Donc, comme le Père est la cause première de la vie, ainsi son Fils l’est aussi.
Le Christ montre aussi l’égalité du Fils avec le Père quand Il dit : COMME LE PERE A LA VIE EN LUI-MEME; et leur distinction quand Il dit AINSI A-T-IL AUSSI DONNE AU FILS D’AVOIR LA VIE EN LUI MEME. En effet, le Père et le Fils sont égaux dans la vie, mais Ils se distinguent en ceci, que le Père donne et que le Fils reçoit. Mais il ne faut pas comprendre par là que le Fils reçoive la vie du Père qui la Lui donnerait comme s’Il avait d’abord existé sans l’avoir de la même manière que, dans les réalités inférieures, la matière première existant en puissance reçoit la forme, et le sujet est soumis à l’accident. Car il n’y a rien dans le Fils qui préexiste au don de la vie. En effet, comme le dit Hilaire, "le Fils n’a rien qui ne soit né" , c’est-à-dire qu’Il n’ait reçu par sa naissance, et puisque la vie même est en Lui, les paroles "le Père a donné au Fils la vie" doivent s’entendre ainsi : Le Fils, Il l’a engendré à la Vie Comme si l’on disait que "l’esprit donne vie à la parole", non en ce sens que la parole préexisterait et recevrait ensuite la vie, mais parce que l’esprit a produit la parole dans la même vie dont lui vit.
783. Par ces paroles, toujours selon Hilaire , sont réfutées trois erreurs. D’abord celle des Ariens . Ceux-ci, tout en soutenant que le Fils est inférieur au Père, ont été contraints, par ce qui a été dit plus haut — Tout ce que le Père fait, cela le Fils aussi le fait pareillement —, de reconnaître que le Fils est égal au Père en puissance; cependant ils niaient encore qu’Il Lui soit égal dans sa nature. Mais voici que même sur ce point ils sont réfutés par ces paroles : COMME LE PERE A LA VIE EN LUI-MEME, AINSI A-T-IL AUSSI DONNE AU. FILS D’AVOIR LA VIE EN LUI-MEME. En effet, puisque la vie appartient à la nature, si le Fils a la vie en Lui-même comme le Père, il est manifeste qu’Il a en Lui la nature de Celui qui est son origine, nature semblable et égale au Père.
En second lieu, l’erreur des Ariens niant la coéternité du Fils avec le Père, et disant que le Fils avait commencé dans le temps, est réfutée par ces paroles LE FILS A LA VIE EN LUI-MEME. Car dans tous les vivants dont la génération a lieu dans le temps on peut toujours trouver quelque chose qui, à un moment donné, fut non vivant. Mais dans le Fils, tout ce qui est est la vie elle-même, et c’est pourquoi Il reçoit la vie elle-même de telle sorte qu’Il a la vie en Lui-même, si bien qu’Il a toujours été vivant.
Enfin, par les paroles IL A DONNE est réfutée l’erreur de Sabellius qui niait la distinction des personnes. En effet, si le Père a donné au Fils la vie, il est manifeste qu’autre est le Père qui a donné, autre le Fils qui a reçu.
784. Le Christ manifeste maintenant qu’Il a le pouvoir de juger. Il commence par manifester ce pouvoir de juger en indiquant son origine , puis en montrant l’équité du jugement , après quoi Il donnera l’explication de ce qu’Il vient de dire .
785. Ces paroles peuvent se lire de deux manières; l’une est celle de Chrysostome, l’autre celle d’Augustin.
786. Si on les lit comme le fait Chrysostome elles se divisent en deux parties, le Christ montrant d’abord d’où Il tient son pouvoir de juger, puis excluant ensuite une difficulté . En effet, pour Chrysostome, le texte de Jean se ponctue ainsi IL LUI A DONNE LE POUVOIR D’EXERCER LE JUGEMENT. PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME, NE VOUS EN ETONNEZ PAS... La raison de cette ponctuation est que Paul de Samosate, un hérétique des premiers siècles qui soutenait, comme Photin , que le Christ n’était qu’un homme et avait commencé d’exister en la Vierge, ponctuait ainsi : IL LUI A DONNE LE POU VOIR D’EXERCER LE JUGEMENT PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME. NE VOUS EN ETONNEZ PAS, PARCE QU’ELLE VIENT, L’HEURE OU TOUS CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAUX ENTEN DRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU. Comme s’il en tendait par là qu’il avait été nécessaire de donner le pouvoir de juger au Christ PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME, c’est-à-dire un homme seulement, à qui, de soi, il n’appartient pas de juger les hommes, de sorte que s’il juge il faut que le pouvoir de juger lui soit donné d’ailleurs.
Mais, pour Chrysostome, cela ne tient pas, parce que ce n’est pas du tout en accord avec ce qui est affirmé. En effet, si c’est parce qu’Il est homme que le Christ a reçu le pouvoir de juger, alors, pour la même raison, ce pouvoir ne Lui revient pas plus qu’aux autres hommes, puisque tout homme a dans cette hypothèse le pouvoir de juger, du seul fait de sa nature humaine. Ce n’est donc pas ainsi qu’il faut lire; on doit dire au contraire que c’est parce qu’Il est le Fils du Dieu ineffable qu’Il est aussi juge. C’est du reste bien ce qu’Il dit : non seulement le Père Lui a donné le pouvoir de donner la vie, mais encore IL LUI A DONNE LE POUVOIR, par la génération éternelle, D’EXERCER LE JUGEMENT, de même que par elle Il LUI A DONNE D’AVOIR LA VIE EN LUI-MEME — C’est Lui qui a été établi par Dieu juge des vivants et des morts Pour Chrysostome, le Christ écarte donc ici une difficulté. Il la soulève en disant NE VOUS EN ETONNEZ PAS, puis Il l’exclut en disant PARCE QU’ELLE VIENT, L’HEURE...
787. Une difficulté, en effet, s’élevait dans le cœur des Juifs : estimant que le Christ n’était rien de plus qu’un homme, et constatant qu’Il disait de Lui-même des choses qui surpassaient l’homme et même l’ange , ils s’étonnaient en L’entendant. Et c’est pourquoi Il dit NE VOUS EN ETONNEZ PAS, c’est-à-dire ne vous étonnez pas que j'aie dit que le Fils fait vivre les morts et a le pouvoir de juger précisément parce qu’IL EST LE FILS DE L’HOMME. C’est bien de cela qu’ils s’étonnaient, en effet : ne Le regardant que comme un homme, ils voyaient en Lui des œuvres divines — Ils étaient dans l’étonnement : "Quel est celui-ci, disaient-ils, pour que les vents et la mer Lui obéissent?" —. Le Christ donne alors la raison pour laquelle ils ne doivent pas s’étonner : Lui-même, qui est le FILS DE L’HOMME, est identiquement le FILS DE DIEU.
Bien que la proposition "Lui-même, qui est le Fils de l’homme, est identiquement le Fils de Dieu" ne soit pas exprimée, le Seigneur affirme cependant, comme le note Chrysostome , ce dont cette proposition est la conséquence nécessaire. C’est ainsi que, fréquemment, ceux qui procèdent par syllogismes dans leur enseignement n’expriment pas ce qu’ils ont principalement l’intention de montrer, mais ce qui s’ensuit nécessairement. Ainsi le Seigneur ne dit pas qu’Il est Lui-même le Fils de Dieu, mais que le Fils de l’homme est tel qu’à sa voix tous les morts ressuscitent; d’où il suit nécessairement qu’Il est le Fils de Dieu, car ressusciter les morts est l’œuvre propre de Dieu. Voilà pourquoi Il dit : NE VOUS EN ETONNEZ PAS, PARCE QU’ELLE VIENT, L’HEURE OU TOUS CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAUX ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU. Cependant Il ne dit pas et c’est maintenant comme Il l’a dit plus haut, et Il ne le dit pas parce que ce n’est pas encore l’heure Notons aussi qu’Il dit ici TOUS, ce qu’Il n’avait pas dit plus haut; parce que, dans la première résurrection, Il en ressuscita seulement quelques-uns : Lazare, le fils de la veuve et la jeune fille ; tandis que, lors de la résurrection à venir, celle qui aura lieu au jour du jugement, TOUS CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAUX ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU, et ils ressusciteront — Ainsi parle le Seigneur Dieu : Voici que moi j’ouvrirai vos tombeaux, et je vous tirerai de vos sépulcres .
788. Pour Augustin , il faut lire en ponctuant ainsi : IL LUI A DONNE LE POUVOIR D’EXERCER LE JUGEMENT PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME : NE VOUS EN ETONNEZ PAS... Selon cette lecture, les paroles du Christ se divisent en deux parties dont la première affirme le don fait au Fils de l’homme du pou voir de juger, et dont la seconde manifeste ce don par le don d’un pouvoir plus grand encore .
789. Au sujet de la première partie il faut se rappeler que plus haut le Christ (selon l’interprétation d’Augustin) a parlé de la résurrection des âmes, qui est réalisée par le Fils de Dieu, tandis qu’ici Il parle de la résurrection des corps qui est réalisée par le Fils de l’homme. Et parce que la résurrection universelle des corps doit avoir lieu au moment du jugement, Il commence ici par parler du jugement en disant : IL LUI A DONNE, à Lui le Christ, LE POUVOIR D’EXERCER LE JUGEMENT, et cela PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME, c’est-à-dire selon sa nature humaine . C’est pourquoi également Il dit après sa résurrection Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre .
Or le pouvoir de juger a été donné au Christ en tant qu’homme, pour trois raisons. D’abord pour qu’Il soit vu de tous. Il est nécessaire, en effet, que le juge soit vu de ceux qui doivent être jugés. Or bons et méchants seront jugés; les bons, eux, verront le Christ selon sa divinité et son humanité; mais les méchants ne pourront pas le voir selon sa divinité, car cette vision est la béatitude des saints et elle est réservée aux cœurs purs Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu . C’est pourquoi, afin d’être vu lors du jugement, non seulement des bons, mais aussi des méchants, Il jugera dans sa forme humaine .
Tout œil Le verra, et même ceux qui L’ont transpercé . Si le pouvoir de juger a été donné au Christ en tant qu’homme, c’est aussi parce qu’Il a, par l’humilité de sa Passion, mérité la gloire de son exaltation. Aussi, comme le dit Augustin , de même que c’est celui qui a été mort qui est ressuscité, de même la forme qui jugera sera celle qui a été jugée, et siégera comme juge pour le jugement des hommes celui qui a comparu devant un juge homme. Il condamnera les vrais coupables, Lui qui fut faussement accusé — Ta cause a été jugée comme celle de l’impie; [mais] tu reprendras la cause et le jugement .
Enfin, le pouvoir de juger a été donné au Christ en tant qu’homme pour nous faire comprendre la clémence du juge. En effet, que l’homme soit jugé par Dieu, cela nous apparaît très redoutable, car il est terrible de tomber entre les mains du Dieu vivant mais que l’homme ait pour juge un homme, voilà qui donne confiance. Aussi, pour que vous expérimentiez la clémence du juge, aurez-vous un homme pour juge — Nous n’avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, Lui qui a été éprouvé en tout d’une manière semblable à nous, hormis le péché .
Ainsi donc, le Père a donné au Christ LE POUVOIR D’EXERCER LE JUGEMENT PARCE QU’IL EST LE FILS DE L’HOMME.
790. Mais NE VOUS EN ETONNEZ PAS, car Il Lui a conféré un plus grand pouvoir, celui de ressusciter les morts. C’est pourquoi le Christ dit : PARCE QU’ELLE VIENT, L’HEURE, la dernière qui sera celle de la fin du monde (Il vient le temps, il est proche le jour de la tuerie ), L’HEURE OU TOUS CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAUX ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU. Plus haut Il n’a pas dit TOUS, parce qu’Il parlait alors de la résurrection spirituelle, et que tous ne ressuscitèrent pas de cette résurrection-là lors de son premier avènement, car la foi n’est pas le fait de tous alors qu’ici Il parle de la résurrection des corps, selon laquelle tous ressusciteront . Mais Il ajoute : CEUX QUI SONT DANS LES TOMBEAUX, ce qu’Il n’avait pas dit plus haut, car les âmes ne sont pas dans les tombeaux, mais seulement les corps, dont ce sera alors la résurrection . TOUS CEUX, donc, QUI SONT DANS LES TOM BEAUX, ENTENDRONT LA VOIX DU FILS DE DIEU.
Cette voix sera un signe sensible du Fils de Dieu, signe auquel tous ressusciteront : Le Seigneur Lui-même, au commandement et à la voix de l’archange, et au son de la trompette de Dieu, descendra du ciel; et ceux qui sont morts dans le Christ ressusciteront les premiers... . En un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale (...), les morts ressusciteront incorruptibles — Au milieu de la nuit s’éleva un cri Voici l’époux qui vient, sortez au-devant de lui . Et cette voix tiendra sa puissance de la divinité du Christ : Il donnera à sa voix d’être une voix puissante .
791. Mais, comme on l’a noté plus haut , Augustin dit que la résurrection des corps est réalisée par le Verbe fait chair, et la résurrection des âmes par le Verbe; il faut donc chercher comment comprendre cela. En effet, cela pourrait s’entendre de la cause première ou de la cause méritoire. S’il s’agit de la cause première, il est manifeste que la divinité du Christ est cause de la résurrection corporelle et spirituelle, c’est-à-dire de la résurrection des corps et des âmes — C’est moi qui fais mourir et moi qui fais vivre . Mais s’il s’agit de la cause méritoire, alors l’humanité du Christ, elle aussi, est cause de l’une et l’autre résurrection; car, par les mystères qui ont été accomplis dans la chair du Christ, nous sommes restaurés non seulement quant à nos corps pour une vie incorruptible, mais aussi quant à nos âmes pour une vie spirituelle — Il a été livré pour nos fautes et Il est ressuscité pour notre justification Ce que dit Augustin ne semble donc pas vrai.
A cela il faut répondre qu’Augustin parle de la cause exemplaire, celle par laquelle ce qui reçoit la vie est conformé à celui qui la donne; car tout ce qui vit par un autre est conformé à celui par qui il vit. Or la résurrection des âmes ne consiste pas dans le fait que les âmes soient conformées à l’humanité du Christ, mais au Verbe, car c’est par le Verbe seul que vit l’âme. Voilà pourquoi Augustin dit que la résurrection des âmes est réalisée par le Verbe. Mais la résurrection des corps, elle, consistera en ce que nos corps seront conformés au corps du Christ par la vie de gloire, c’est-à-dire par la glorification des corps : Notre Seigneur Jésus-Christ transformera notre corps de misère en le conformant à son corps de gloire . C’est pour cela qu’Augustin dit que la résurrection des corps est réalisée par le Verbe fait chair.
792. Le Christ montre ici l’équité du jugement. Les bons seront récompensés, et c’est pourquoi Il dit : ILS SORTIRONT, CEUX QUI AURONT FAIT LE BIEN, POUR UNE RESURRECTION DE VIE, c’est-à-dire pour vivre dans la gloire éternelle. Quant aux méchants, ils seront condamnés : CEUX QUI AURONT FAIT LE MAL sortiront de leur tombeau POUR UNE RESURRECTION DE JUGEMENT, c’est-à-dire qu’ils ressusciteront pour leur condamnation — Ceux-ci s’en iront au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle Beaucoup de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront : les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre qu’ils auront toujours devant les yeux .
793. Remarquons que plus haut, en parlant de la résurrection des âmes, le Christ dit que ceux qui auront entendu sa voix vivront , alors qu’ici Il dit qu’ils SORTIRONT. S’Il s’exprime ainsi, c’est à cause des méchants qui vont à leur condamnation, car leur vie ne doit pas être appelée une vie, mais plutôt une mort éternelle.
De même, plus haut, Il a fait mention de la foi seulement, en disant : Celui qui écoute ma parole et croit à Celui qui m’a envoyé a la vie éternelle et il ne vient pas en jugement mais ici, pour qu’on ne croie pas que la foi seule, sans les œuvres, suffise au salut, Il fait mention des œuvres bonnes en disant CEUX QUI AU RONT FAIT LE BIEN, POUR UNE RESURRECTION DE VIE, comme s’Il disait Ce n’est pas celui qui croit uniquement, mais celui qui, ayant la foi, agit bien, qui sortira POUR UNE RESURRECTION DE VIE; car la foi sans les œuvres est morte .
794. Le Christ explique maintenant ce qu’Il vient de dire. Or II vient d’affirmer l’origine de son pouvoir, puis l’équité du jugement. Il donne donc ici successivement la justification de la première affirmation , puis celle de la seconde .
795. Au sujet de l’origine de son pouvoir, il faut savoir que ce qu’Il dit : JE NE PUIS RIEN FAIRE DE MOI-MEME. COMME J’ENTENDS, JE JUGE, peut — là encore, selon Augustin — se lire de deux manières, suivant qu’on le rapporte au Fils de l’homme ou au Fils de Dieu -.
Rapportons-le d’abord au Fils de l’homme : "Tu dis que tu as le pouvoir de ressusciter les morts, parce que tu es le Fils de l’homme; mais ce pouvoir t’appartient-il en tant que tu es le Fils de l’homme?" — "Non, car JE NE PUIS RIEN FAIRE DE MOI-MEME. SELON QUE J’ENTENDS, JE JUGE." Il ne dit pas "selon que je vois", comme précédemment — Le Fils ne peut rien f aire de Lui-même si ce n’est ce qu’Il a vu faire au Père — mais COMME J’ENTENDS. Car entendre est ici la même chose qu’obéir; or obéir appartient à celui à qui on donne un commandement, tandis que commander revient au supérieur. C’est pourquoi, parce que le Christ en tant qu’homme est inférieur au Père, II dit COMME J’ENTENDS, c’est-à-dire selon ce qui est inspiré par Dieu au plus intime de mon âme J’écouterai ce que dit en moi le Seigneur Dieu Mais plus haut, parce qu’Il parlait de Lui en tant qu’Il est le Verbe de Dieu, Il a dit ce qu’Il a vu.
796. En disant ensuite : MON JUGEMENT EST JUSTE, PARCE QUE JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTE, MAIS LA VOLONTE DE CELUI QUI M’A ENVOYE, le Christ manifeste l’équité de son jugement. Il avait dit en effet CEUX QUI AURONT FAIT LE BIEN sortiront de leurs tombeaux POUR UNE RESURRECTION DE VIE. Mais on pourrait dire : Ne fera-t-Il pas grâce à certains en les punissant moins ou en les récompensant davantage? Aussi répond-Il que non, en disant : MON JUGEMENT EST JUSTE; et la raison en est que JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTE, MAIS LA VOLONTE DE CELUI QUI M’A ENVOYE.
Il y a en effet dans le Seigneur Jésus-Christ deux volontés : l’une, divine, qui ne fait qu’un avec celle du Père; l’autre, humaine, qui Lui est propre, comme il Lui est propre d’être homme. La volonté humaine se porte vers son bien propre; mais, dans le Christ, elle était dirigée et réglée par la rectitude de sa raison, de sorte qu’elle se conformait toujours en tout à la volonté divine. C’est pourquoi Il dit : JE NE CHERCHE PAS à accomplir MA VOLONTE propre, qui d’elle-même est inclinée vers son bien propre, MAIS LA VOLONTE DE CE LUI QUI M’A ENVOYE, le Père — En tête du livre il a été écrit de moi que j’accomplisse ta volonté; mon Dieu, je l’ai voulu . — Non pas comme je veux, mais comme tu veux .
Si l’on considère attentivement ces paroles du Seigneur, on voit qu’Il donne ici la raison vraie du jugement juste en disant : PARCE QUE JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTE . Car le jugement de quelqu’un n’est pas injuste quand il s’exerce selon la règle de la loi. Or la volonté divine est la règle et la loi de la volonté créée; c’est pourquoi la volonté créée et la raison qui sont réglées selon la règle de la volonté divine sont justes, et leur jugement est juste .
797. On peut aussi entendre ce que dit ici le Christ en le rapportant au Fils de Dieu , sans changer la division donnée préalablement . Le Christ, parlant en tant que Verbe et manifestant l’origine de son pouvoir, a donc dit JE NE PUIS RIEN FAIRE DE MOI-MEME, de la même manière qu’Il a déclaré plus haut : Le Fils ne peut rien faire de Lui-même si ce n’est ce qu’il a vu faire au Père . En effet, son agir et son pouvoir sont son être; or son être, Il le tient d’un autre, c’est-à-dire du Père; et c’est pourquoi, de même qu’Il n’est pas par Lui-même, ainsi Il ne peut rien faire de Lui-même : Je ne fais rien de moi-même .
Quant à la parole : COMME J’ENTENDS, JE JUGE, elle doit s’expliquer de la même manière que celle qui a été dite plus haut : Si ce n’est ce qu’Il a vu faire au Père. En effet, en ce qui nous concerne, nous acquérons la science ou la connaissance par la vue et par l’ouïe (car ce sont ces deux sens qui servent le plus à l’enseignement); mais parce qu’en nous, autre est la vue, autre l’ouïe, nous acquérons la science d’une manière par la vue, en découvrant, et d’une autre par l’ouïe, en apprenant d’un autre. Mais dans le Fils de Dieu, la vue et l’ouïe ne font qu’un . C’est pourquoi, que l’on dise : "Il entend" ou "Il voit", le sens est le même en ce qui concerne l’acquisition de la science. Et parce qu’en toute nature douée d’intelligence, le jugement procède de la science, Il dit d’une manière expressive : COMME J’ENTENDS, JE JUGE, c’est-à-dire : comme j’ai reçu du Père la connaissance avec l’être, simultanément dans l’éternité, ainsi JE JUGE — Tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître .
798. Enfin, manifestant l’équité de son jugement, Il dit : MON JUGEMENT EST JUSTE; et la raison en est que JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTE.
Mais le Père et le Fils n’ont-Ils pas la même volonté? A cela il faut répondre qu’Ils ont certes la même volonté, mais que le Père ne tient pas sa volonté d’un autre, tandis que le Fils la tient d’un autre, le Père . Ainsi donc le Fils accomplit sa volonté comme celle d’un autre, c’est-à-dire comme la tenant d’un autre, tandis que le Père l’accomplit comme la sienne propre en ce sens qu’Il ne la tient pas d’un autre. C’est pourquoi le Christ dit : JE NE CHERCHE PAS MA VOLONTE, celle qui serait mienne parce qu’elle aurait son origine en moi-même, mais celle qui me vient d’un autre, le Père.
Avant de passer à la seconde partie de son discours, Jésus résume et conclut la première. Au fond,
il ramène ses auditeurs à la pensée par laquelle il avait inauguré le tout, v. 19. - Je ne peux rien faire...
Jusqu'ici le divin orateur avait employé la troisième personne : ce Je est vraiment remarquable. C'est donc de
lui-même et pas d'un autre que Jésus avait parlé auparavant (Cf. v. 17). Il s'identifie clairement avec celui
qu'il a tour à tour appelé le Fils, le Fils de l'homme, le Fils de Dieu. - De moi-même. De cette notion
générale, Le Fils ne peut rien sans le Père, il tirera une conclusion particulière, directement en rapport avec
ce qui vient d'être dit : Donc mon jugement sera juste. Rien sans le Père, la seule idée de filiation impliquant
une certaine dépendance. - Selon ce que j'entends, je juge. « Entends » est ici l'équivalent de « voit » au v. 19,
de « montre » au v. 20, et exprime également d'une manière figurée l'harmonie parfaite qui règne entre la
volonté du Père et celle du Fils. - Et (par conséquent) mon jugement est juste. Même quand c'est un jugement
de réprobation, car il est conforme aux intentions de Dieu, de ce Dieu qui est toute justice et toute vérité. -
Pour qu'un jugement soit parfaitement équitable deux conditions sont requises : 1° une condition négative,
qui est l'oubli du moi, et qu'on appelle l'impartialité ; Jésus la remplit : je ne cherche pas ma volonté (il
désigne ici sa volonté humaine, sa volonté en tant que Fils de l'homme) ; 2° une condition positive, qui
consiste dans un absolu dévouement à la volonté de Dieu, et Jésus la remplit encore : mais la volonté de celui
qui m'a envoyé (le mot πατρός -père-, ajouté par la Recepta, mais omis par les meilleurs manuscrits, א, A, B,
D, K, L, est sans doute un glossème). - Quoique les évangiles synoptiques fassent rarement allusion aux
relations qui règnent entre Dieu le Père et son Fils, voyez pourtant dans S.Matthieu, XI, 25-27, un passage
analogue à celui-ci (vv. 17-30).
Par la profession d’obéissance, les religieux font l’offrande totale de leur propre volonté, comme un sacrifice d’eux-mêmes à Dieu, et par là ils s’unissent plus fermement et plus sûrement à sa volonté de salut. À l’exemple de Jésus Christ qui est venu pour faire la volonté du Père (cf. Jn 4, 34 ; 5, 30 ; He 10, 7 ; Ps 39, 9) et qui « prenant la forme d’esclave » (Ph 2, 7) a appris en souffrant l’obéissance (cf. He 5, 8), les religieux, sous la motion de l’Esprit Saint se soumettent dans la foi à leurs supérieurs, qui sont les représentants de Dieu, et ils sont guidés par eux au service de tous leurs frères dans le Christ comme le Christ lui-même qui, à cause de sa soumission au Père, s’est fait serviteur de ses frères et a donné sa vie en rançon pour la multitude (cf. Mt 20, 28 ; Jn 10, 14-18). Ils sont liés ainsi plus étroitement au service de l’Église et tendent à parvenir à la mesure de la plénitude de l’âge du Christ (cf. Ep 4, 13).