Jean 8, 11

Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
Saint Ambroise
Une femme coupable d'adultère fut amenée par les scribes et les pharisiens devant le Seigneur Jésus. Et ils formulèrent leur accusation avec perfidie, de telle sorte que, si Jésus l'absolvait, il semblerait enfreindre la Loi, mais que, s'il la condamnait, il semblerait avoir changé le motif de sa venue, car il était venu afin de pardonner le péché de tous. Ils dirent en la lui présentant: Cette femme a été prise en flagrant délit d'adultère. Or dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, qu'en dis-tu (Jn 8,4-5)?

Pendant qu'ils parlaient, Jésus, la tête baissée, écrivait avec son doigt sur le sol. Comme ils attendaient, il leva la tête et dit: Celui d'entre vous qui est sans péché, qu'il soit le premier à lui jeter la pierre (Jn 8,7). Y a-t-il rien de plus divin que cette sentence: qu'il punisse le péché, celui qui est sans péché? Comment, en effet, pourrait-on tolérer qu'un homme condamne le péché d'un autre, quand il excuse son propre péché? Celui-là ne se condamne-t-il pas davantage, en condamnant chez autrui ce qu'il commet lui-même?

Jésus parla ainsi, et il écrivait sur le sol. Pourquoi? C'est comme s'il disait: Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'oeil de ton frère, alors que la poutre qui est dans ton oeil, tu ne la remarques pas (Lc 6,41)? Il écrivait sur le sol, du doigt dont il avait écrit la Loi (Ex 31,18). Les pécheurs seront inscrits sur la terre, et les justes dans le ciel, comme Jésus dit aux disciples: Réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux (Lc 10,20).

En entendant Jésus, les pharisiens sortaient l'un après l'autre, en commençant par les plus âgés, puis ils s'assirent pour délibérer entre eux. Et Jésus resta seul avec la femme qui était debout, là au milieu. L'évangéliste a raison de dire qu'ils sortirent, ceux qui ne voulaient pas être avec le Christ. Ce qui est à l'extérieur du Temple, c'est la lettre; ce qui est au-dedans, ce sont les mystères. Car ce qu'ils recherchaient dans les enseignements divins, c'étaient les feuilles et non les fruits des arbres; ils vivaient dans l'ombre de la Loi et ne pouvaient pas voir le soleil de justice.

Quand ils furent tous partis, Jésus resta seul avec la femme debout au milieu. Jésus, qui va pardonner le péché, demeure seul, comme lui-même l'a dit: L'heure vient et même elle est venue, où vous serez dispersés chacun de son côté, et vous me laisserez seul (Jn 16,32). Car ce n'est ni un ambassadeur ni un messager qui a sauvé son peuple, mais le Seigneur en personne. Il reste seul parce qu'aucun des hommes ne peut avoir en commun avec le Christ le pouvoir de pardonner les péchés. Cela revient au Christ seul, lui qui enlève le péché du monde. Et la femme méritait d'être pardonnée, elle qui, après le départ des Juifs, demeure seule avec Jésus.

Relevant la tête, Jésus dit à la femme: Où sont-ils, ceux qui t'accusaient? Est-ce que personne ne t'a lapidée? Et elle répondit: Personne, Seigneur, Alors Jésus lui dit: Moi non plus, je ne te condamnerai pas. Va, et désormais, veille à ne plus pécher. Voilà, lecteur, les mystères divins, et la clémence du Christ. Quand la femme est accusée, le Christ baisse la tête, mais il la relève quand il n'y a plus d'accusateur, si bien qu'il veut ne condamner personne, mais pardonner à tous. <>

Que signifie donc: Va, et désormais veille à ne plus pécher! Cela veut dire: Puisque le Christ t'a rachetée, que la grâce te corrige, tandis qu'un châtiment aurait bien pu te frapper, mais non te corriger.
Saint Augustin
Après les avoir ainsi percés du trait de la justice, le Sauveur ne daigne même pas jeter un regard sur leur humiliation, il détourne les yeux : « Et se baissant de nouveau, il écrivait sur la terre. »

Frappés tous par la voix de la justice comme par un trait perçant et se reconnaissant coupables, ils se retirèrent les uns après les autres : « Ayant entendu cette parole, ils s'en allèrent l'un après l'autre, à commencer par les plus anciens. » 

Ils avaient remarqué l'excessive douceur du Sauveur, car c'est de lui que le Roi-prophète avait prédit : « Avancez-vous, soyez heureux, et établissez votre règne par la vérité, parla douceur et par la justice. » (Ps 44, 5) Il nous a donc apporté la vérité comme docteur, la douceur comme notre libérateur, et la justice comme celui qui connaît tout. Lorsqu'il ouvrait la bouche, la vérité éclatait dans ses paroles ; on admirait sa douceur dans le calme et la modération qu'il gardait vis-à-vis de ses ennemis, ils cherchent donc à lui tendre un piège sur le troisième point, celui de la justice. Voilà, en effet, ce qu'ils se dirent entre eux : S'il déclare qu'il faut renvoyer cette femme, il n'observera pas les prescriptions de la justice ; car la loi ne pouvait commander de faire quelque chose d'injuste ; aussi ont-ils soin d'apporter le témoignage de la loi : « Or, Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider les adultères. » Mais Jésus, pour ne point perdre la réputation de douceur qui l'a rendu aimable au peuple, déclarera qu'il faut la renvoyer sans la punir. Ils lui demandent son avis sur ce point : « Vous donc que dites-vous ? » En agissant de la sorte, se disaient-ils, nous trouverons l'occasion de l'accuser, et nous le traduirons comme coupable et prévaricateur de la loi. C'est la réflexion que fait l'Evangéliste : « C'était pour le tenter qu'ils l'interrogeaient ainsi, afin de pouvoir l'accuser. »

Mais le Seigneur, dans la réponse qu'il leur fait, restera fidèle à la justice, sans s'écarter de sa douceur habituelle : « Mais Jésus, se baissant, écrivait du doigt sur la terre. » Il signifiait ainsi que le nom de ces hommes ne serait pas écrit dans le ciel, où ses disciples devaient se réjouir de voir leurs noms écrits ; ou bien, il voulait montrer que c'est en s'humiliant (comme l'indiquait l'action de se baisser), qu'il opérait des miracles sur la terre ; ou bien enfin, il voulait enseigner que le temps était venu d'écrire la loi, non plus sur une pierre stérile, mais sur une terre qui pourrait produire des fruits.

« Comme ils continuaient à l'interroger, il se redressa. » Il ne leur dit pas : Elle ne doit pas être lapidée, pour ne pas se mettre en opposition avec la loi ; encore moins leur dit-il : Qu'elle soit lapidée, car il n'est point venu perdre ce qu'il avait trouvé, mais chercher ce qui avait péri. Quelle est donc sa réponse ? « Que celui de vous qui est sans péché, jette le premier la pierre contre elle. » C'est la voix de la justice elle-même : Que la pécheresse soit punie, mais non point par les pécheurs, que la loi soit exécutée, mais non par les prévaricateurs de la loi.

Ils restèrent deux, la misère et la miséricorde, c'est-à-dire qu'il ne resta que Jésus et la femme qui était au milieu de la foule. Cette femme, je le suppose, fut saisie d'effroi, elle pouvait craindre d'être punie par celui qu'il lui était impossible de convaincre de péché. Mais ce bon Sauveur qui avait confondu ses ennemis par le langage de la justice, leva sur elle les yeux de la douceur et lui fit une question : « Alors, Jésus, se relevant, lui dit : Femme, où sont ceux qui vous accusaient ? Personne ne vous a condamnée ? Elle répondit : Personne, Seigneur. » Nous avons entendu la voix de la justice, entendons maintenant la voix de la douceur : « Et Jésus lui dit : Ni moi non plus je ne vous condamnerai, » bien que vous ayez pu le craindre, parce que vous n'avez pas trouvé de péché en moi. Quelle est donc, cette conduite, Seigneur ? Vous vous montrez favorable au péché ? Non, assurément. Ecoutez ce qui suit : « Allez, et ne péchez plus. » Vous le voyez donc, le Seigneur condamne le péché, mais il ne condamne pas l'homme ; s'il favorisait le péché, il aurait dit à cette femme : Allez et vivez comme vous l'entendez. Soyez assurée que je serai votre libérateur, quelque énormes que soient vos crimes, je vous délivrerai de l'enfer et de ses supplices, mais tel n'est point son langage. Que ceux qui aiment dans le Seigneur la douceur et craignent la vérité, pèsent avec attention ces paroles : « Car le Seigneur est plein de douceur et de droiture. » (Ps 24)

Où convenait-il que le Christ enseignât, si ce n'est sur le mont des Oliviers, sur lu montagne des parfums, sur la montagne de l'onction ? En effet, le nom de Christ vient d'onction, et le mot grec ???µa chrême veut dire en latin unctio onction. Or, Dieu nous a donné cette onction pour faire de nous de forts lutteurs contre le démon.
Saint Grégoire le Grand
Celui qui ne commence point par se juger tout d'abord, est incapable de porter un jugement juste sur les autres ; malgré les renseignements extérieurs qu'il peut recueillir, il ne peut apprécier avec, équité le mérite des actions du prochain, si la conscience de son innocence personnelle ne lui donne pas une règle sûre de jugement.
Saint Bède le Vénérable
Il voulait encore signifier que dès qu'il commença d'habiter par sa grâce dans son temple, c'est-à-dire dans son Eglise, la foi en lui trouva des adhérents dans toutes les nations : « Et tout le peuple vint à lui, dit l'Evangéliste, et s'étant assis, il les enseignait. »

Quant au sens qu'on peut appeler historique, Jésus, en écrivant de son doigt sur la terre, prouvait que c'était lui qui avait autrefois écrit la loi sur la pierre.
Alcuin d'York
Nôtre-Seigneur, aux approches de sa passion, avait coutume de passer le jour dans le temple de Jérusalem pour y prêcher la parole de Dieu et y opérer dos miracles en prouve de sa divinité ; il retournait le soir à Béthanie où il demeurait chez les sœurs de Lazare, et le lendemain il revenait à Jérusalem pour y recommencer les mêmes œuvres. C'est d'après cette coutume qu'après avoir enseigné tout le jour dans le temple le dernier jour de la fête des Tabernacles, nous le voyons se retirer le soir sur le mont des Oliviers, selon la remarque de l'Evangéliste.

L'onction procure du soulagement aux membres fatigués et souffrants. Le mont des Oliviers signifie aussi la sublimité de la bonté du Sauveur, parce que le mot grec ??e?? veut dire en latin misericordia, miséricorde. La nature de l'huile se prête parfaitement à cette signification mystérieuse, car elle surnage au-dessus de tous les antres liquides, et comme le chante le Psalmiste : Ses miséricordes sont au-dessus de toutes ses oeuvres : « Et dès le point du jour il retourna dans le temple, » pour nous donner un symbole de sa miséricorde qu'il faisait éclater aux yeux des fidèles, concurremment avec la lumière naissante du Nouveau Testament. En effet, en revenant au point du jour, il annonçait l'aurore de la grâce de la loi nouvelle.

L'action de s'asseoir signifie l'humilité de l'incarnation. Lors donc que Je Seigneur fut assis, le peuple vint à lui, parce qu'en effet, lorsqu'il se fut rendu visible par son incarnation, un grand nombre commencèrent à écouter ses enseignements et à croire en celui que son humanité rapprochait d'eux. Mais tandis que les simples et les humbles sont dans l'admiration des paroles du Sauveur, les scribes et les pharisiens lui font des questions, non pour s'instruire, mais pour tendre des pièges à la vérité : « Alors les scribes et les pharisiens lui amenèrent une femme surprise en adultère, et ils la placèrent au milieu de la foule, et ils lui dirent : Maître, celte femme vient d'être surprise en adultère. »

La terre est en effet le symbole du cœur humain qui produit ordinairement le fruit des bonnes et des mauvaises actions ; le doigt qui doit sa souplesse à la flexibilité des articulations, figure la subtilité du discernement. Jésus nous apprend donc à ne pas condamner aussitôt et avec précipitation le mal que nous pouvons apercevoir dans nos frères, mais à rentrer humblement dans notre conscience, et à l'examiner à fond et avec le plus grand soin, comme avec le doigt du discernement.

On peut dire encore que le Sauveur, comme cela arrive souvent, paraissait faire une chose, tout en fixant son attention sur une autre, pour leur laisser la liberté de se retirer. Il nous apprend on même temps d'une manière figurée qu'avant de reprendre nos frères de leurs fautes, comme après avoir rempli le devoir de la correction, nous devons examiner sérieusement si nous ne sommes pas coupables des mêmes fautes ou d'autres semblables.
La Glose
C'étaient peut-être les plus coupables, ou du moins ceux qui connaissaient plus leurs crimes.
Louis-Claude Fillion
Personne, Seigneur. Les Pharisiens avaient en effet clairement fait voir, par leur prompte retraite, qu’ils renonçaient à poursuivre l’affaire. - Moi non plus, je ne te condamnerai pas. Avec une grande emphase sur « Moi ». Pourquoi, lui, la condamnerait-il, alors que des juges si sévères n’avaient osé le faire, bien que la loi leur en donnât le droit ? - Va. Il la congédie par cette parole, non sans une recommandation pressante : ne pèche plus. Cf 5, 14. « Le Seigneur a donc condamné lui aussi, mais le péché, non l’homme », conclut à bon droit S. Augustin. Voyez Luc. 7, 48 et ss., où Jésus traite avec plus de bonté une autre pécheresse, qui était venue à lui poussée par des sentiments de repentir et de foi. Il n’y avait rien, dans ces paroles, qui pût offusquer les Novatiens les plus sévères, et les porter à supprimer de l’écrin évangélique cette perle d’un prix incomparable. - Plusieurs peintres ont été attirés par l’épisode que nous venons d’interpréter, et quelques-uns d’entre eux en ont assez heureusement traduit les principaux détails, surtout la suave majesté de N.-S. Jésus-Christ , sa sainte hardiesse et son calme (le Bassan, le Titien, A. Carrache, Giogione, Rembrandt, Nicolas Poussin, Signol, etc).
Pape Francois
35. Cela est manifeste lorsque nous le voyons à l’œuvre. Il est toujours à la recherche, toujours proche, toujours ouvert à la rencontre. Nous le contemplons s’arrêter pour parler avec la Samaritaine au puits où elle va prendre de l’eau (cf. Jn 4, 5-7). Nous le voyons, au milieu de la nuit, rencontrer Nicodème qui a peur d’être vu avec Lui (cf. Jn 3,1-2). Nous l’admirons se laisser laver les pieds, sans honte, par une prostituée (cf. Lc 7, 36-50) ; dire à la femme adultère les yeux dans les yeux : je ne te condamne pas (cf. Jn 8, 11) ; affronter l’indifférence de ses disciples lorsqu’il dit à l’aveugle sur la route avec tendresse : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10, 51). Le Christ montre que Dieu est proximité, compassion et tendresse.