Luc 1, 29
À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
À cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation.
Si par la connaissance qu'elle avait de la loi, elle eût su qu'un autre avant elle eût été l'objet d'un semblable discours, elle n'en eût point été effrayée, comme d'une chose extraordinaire.
Le discours qu'il lui adresse est opposé à celui que la première femme entendit autrefois. Pour Eve l'enfantement dans la douleur fut la juste punition de son péché; pour Marie, la tristesse fait place à la joie, et l'ange lui annonce le sujet d'une joie bien légitime, en lui disant: «Je vous salue». Il ajoute: «Pleine de grâce», et il proclame ainsi qu'elle est digne de l'union qu'il vient lui annoncer. Car cette plénitude de grâce est comme la dot destinée à son époux; en effet, les paroles de l'ange conviennent tour à tour, les unes à l'épouse, les autres à l'époux.
Reconnaissez la Vierge à ses moeurs. Elle est seule dans l'intérieur de sa demeure, loin de tous les regards des hommes, un ange seul peut arriver jusqu'à elle: «L'ange étant entré où elle était», etc. Il ne faut point qu'elle soit déshonorée par une conversation indigne d'elle, c'est un ange qui est chargé de la saluer.
Elle s'étonne aussi de cette nouvelle formule de bénédiction inusitée jusque-là; car elle était réservée à Marie seule.
Reconnaissez encore la Vierge à sa pudeur; elle fut alarmée: «Ayant entendu ces paroles, elle en fut troublée». C'est le propre des vierges d'être accessible à la crainte, de trembler à l'approche d'un homme, de redouter tout entretien avec lui. Apprenez de là, ô vierges, à éviter toute licence dans vos paroles, puisque Marie redoute la salutation d'un ange.
Oui elle est pleine de grâce, car la grâce n'est donnée aux autres créatures que partiellement et avec mesure; Marie l'a reçue toute entière et dans sa plénitude. Oui, elle est vraiment pleine de grâce, elle par qui toute créature a été inondée des eaux abondantes de l'Esprit saint. Celui qui avait envoyé son ange à cette divine Vierge était déjà avec elle, le Seigneur avait précédé son ambassadeur; et le Dieu qui remplit tout de son immensité, ne pouvait être retenu par la distance des lieux: «Le Seigneur est avec vous».
Il est avec vous plus qu'il n'est avec moi; car il est lui-même dans votre coeur, il s'incarne dans vos entrailles, il remplit votre âme, il remplit votre sein.
C'est là le complément de l'ambassade céleste, le Verbe de Dieu contracte comme un époux une union incompréhensible à la raison; engendrant tout à la fois et engendré, il s'associe intimement toute la nature humaine. Les dernières paroles de l'ange sont le couronnement et l'abrégé de tout ce qui précède: «Vous êtes bénie entre les femmes», c'est-à-dire seule entre toutes les femmes; par là même toutes les femmes seront bénies en vous, comme tous les hommes en votre Fils, ou plutôt les uns et les autres seront bénis en vous deux. En effet, c'est par une femme et un homme que le péché et la douleur sont entrés dans le monde; c'est aussi par une femme et par un homme que la bénédiction, que la joie sont appelées et répandues sur toute créature.
Comme ces visions du ciel lui étaient familières, ce n'est point à la vision elle-même, mais aux paroles de l'ange que l'Évangéliste attribue son trouble: «Ayant entendu ces paroles, elle en fut troublée». Remarquez encore tout à la fois la pudeur et la prudence de cette divine Vierge, les sentiments de son âme, les paroles qui sortent de sa bouche. Elle entend parler de joie, de bonheur, elle examine ce qu'on lui dit, elle ne résiste pas ouvertement par incrédulité, elle ne croit pas aussitôt à la légère, elle évite à la fois la légèreté d'Eve, et l'obstination de Zacharie: «Et elle se demandait ce que pouvait être cette salutation». Car elle ignorait encore la grandeur du mystère qui allait s'acc omplir en elle. Cette salutation est-elle inspirée par la passion, comme serait celle d'un homme à une vierge? Ou bien est-elle divine, puisqu'on fait intervenir le nom même de Dieu: «Le Seigneur est avec vous».
L'ayant entendu. Effet produit sur la vierge de Nazareth par l'apparition de
l'ange et par son langage élogieux. Dans le texte grec, nous lisons ayant vu. D'après cette leçon, dont
l'authenticité est suffisamment garantie bien que les manuscrits B, D, L, X, Sinaït. et plusieurs versions
portent simplement elle fut troublée par ses paroles, le premier motif du trouble qui s'empara de Marie fut
donc la vue de l'ange, et il n'y a en cela rien que de très naturel. Mais ce trouble avait, dans les paroles
mêmes du divin message, une cause encore plus sérieuse : elle était troublée par son discours. C'est pourquoi
l'évangéliste, devenu psychologue, ajoute que l'humble et pure jeune fille cherchait en elle-même quels
pouvaient bien être le sens et le but d'une telle salutation.
Marie est définitivement introduite dans le mystère du Christ par cet événement: l'Annonciation de l'ange. Elle a lieu à Nazareth, dans des circonstances précises de l'histoire d'Israël, le premier peuple auquel furent adressées les promesses de Dieu. Le messager divin dit à la Vierge: «Réjouis-toi, pleine de grâce, le Seigneur est avec toi» (Lc 1, 28). Marie «fut toute troublée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation» (Lc 1, 29), ce que pouvaient signifier ces paroles extraordinaires et, en particulier, l'expression «pleine de grâce» (kécharitôménê)