Luc 1, 51
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.
Il a déployé la force de son bras, il a dissipé ceux qui s'élevaient d'orgueil dans les pensées de leur coeur.
C'est pour ceux qui le craignent qu'il a déployé la force de son bras, car quelle que soit votre infirmité, lorsque vous approchez de Dieu, si vous le craignez, vous obtiendrez le secours qu'il vous a promis.
Toutefois, c'est principalement des cohortes ennemies des démons que ces paroles doivent s'entendre, car la venue du Seigneur a dissipé ces cruels ennemis du genre humain, et a replacé sous l'obéissance de Dieu ceux qu'ils retenaient dans des chaînes de l'esclavage.
En décrivant l'état du genre humain, Marie prédit le châtiment qui attend les orgueilleux, et la récompense réservée à ceux qui sont humbles: «Il a déployé la force de son bras», etc. C'est-à-dire, du Fils de Dieu lui-même; car de même que c'est par votre bras que vous agissez, le Verbe par qui Dieu a créé le monde s'appelle le bras de Dieu.
Il a fait, ou plutôt, il fera éclater sa puissance, non comme autrefois, lorsqu'il anéantit par Moise l'armée des Egyptiens, ou qu'il détruisit par un ange, au nombre de plusieurs mille, l'armée des Assyriens rebelles. Ici c'est par sa seule puissance et sans le concours de personne qu'il triomphe des intelligences révoltées contre lui: «Il a dissipé les orgueilleux dans les pensées de leur coeur», c'est-à-dire, il a dissipé toute âme qui a refusé de croire à sa venue; bien plus, il a dévoilé et mis à découvert leurs pensées superbes et criminelles.
Ce bras dont il a fait éclater la puissance, c'est aussi le Fils de Dieu incarné, parce que la nature a été vaincue par le miracle d'une vierge devenue mère, et d'un Dieu fait homme.
On peut encore les appliquer aux Juifs, qu'il a dispersés dans toutes les contrées du monde, comme ils le sont encore aujourd'hui.
Les exégètes se demandent à propos des vv. 51-53 si, en les prononçant, Marie
avait à l'esprit le passé, le présent ou l'avenir. Dans le premiers cas, elle aurait décrit à grands traits l'histoire
juive, où l'on voit à chaque instant le bras tout-puissant de Jéhovah délivrer et soutenir son peuple, renverser les trônes chananéens, etc. Dans le second cas, elle eût peint sous des couleurs poétiques la conduite
habituelle de Dieu à l'égard des justes qui le craignent et des impies qui le méprisent. Dans la troisième
hypothèse, elle tracerait un tableau prophétique du règne futur du Messie. « Maintenant, dit Meyer qui
adopte cette dernière opinion (Comment. h. l. ; de même Jansénius, Kistemaker, de Wette, Olshausen, etc.),
Marie contemple la catastrophe messianique que son Fils doit produire, et, à la façon des Prophètes, elle
l'annonce comme un fait accompli, tant elle est sûre de sa réalisation ». Mais les paroles de Marie nous
paraissent bien générales pour convenir d'une manière exclusive aux temps messianiques. Peut-être
sont-elles bien générales aussi pour désigner des faits particuliers de l'histoire sainte, et nous serions tentés
de dire avec Maldonat, h. l. : « Je suis, moi, Bède le vénérable qui pense qu’on ne peut noter ou désigner
aucun exemple du passé ou du futur qui soit fait parce qu’il devait être fait, mais parce que Dieu peut et a
coutume de le faire ». Les faits signalés par Marie ont lieu indistinctement à tous les âges et dans tous les
pays : ce sont des actes habituels de la Providence. Toutefois, nous préférons adopter la première opinion
(avec Luc de Bruges, Noël Alexandre, Sylveira, Massi, etc.), parce que l'aoriste n'a jamais le sens du présent
dans les écrits du Nouveau Testament. Voyez Winer, Gramm. p. 248 ; Beelen, Gramm. p. 297. - Il a déployé
la force de son bras. Bel anthropomorphisme, qu'on rencontre plusieurs fois dans les livres poétiques de la
Bible. Cfr. Ps. 88 , vv. 9-14, etc. Le bras étant le siège de la vigueur, cette expression signifie que Dieu a pour
ainsi dire ramassé toutes ses forces, comme un guerrier qui se prépare à lutter contre ses ennemis. Et, de ce
bras auquel rien ne peut résister, il a dispersé ceux qui s'enorgueillissaient dans les pensées de leur cœur. Le
verbe grec correspondant à dispersé est un mot des plus énergiques : Dieu a dispersé, balayé devant lui les
impies « rends-les semblables au chaume qu'emporte le vent » (Ps. 82, 14). - Dans les pensées de leur cœur.
L'expression est d'origine hébraïque pour le fond comme pour la forme. Nous l'expliquerons en rappelant au
lecteur un principe de la psychologie des Hébreux. Dans les saints Livres, le cœur est habituellement
envisagé comme le siège non-seulement des désirs, mais encore des pensées. Les anciens Hébreux avaient
vu, en se repliant sur eux-mêmes, que le plus souvent les pensées dérivent du cœur comme de leur première
source, et qu'elles ne passent dans l'intellect qu'après avoir pris naissance dans les inclinations de la volonté.
C'est pour cela qu'ils parlaient d'hommes « orgueilleux dans les pensées, dans l'esprit de leur cœur ».
L'orgueil affecte immédiatement l'esprit : mais cette estime déréglée de sa propre excellence provient
toujours d'un amour immodéré de soi-même.