Luc 10, 42
Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. »
Saint Luc ne dit point le nom de ce village, mais saint Jean nous le fait connaître en l'appelant Béthanie (Jn 11).
Toutes les actions, toutes les paroles du Sauveur sont pour nous autant de règles de piété et de vertu, car il s'est revêtu de notre corps pour que nous puissions imiter les exemples de sa vie selon la mesure de nos forces.
N'est-il pas absurde de prendre des aliments pour soutenir notre corps, et de faire de ces aliments une cause d'appesantissement pour le corps, et un obstacle à l'accomplissement des commandements de Dieu? ( Quest. 20). Si donc il survient un pauvre, donnons-lui la règle et l'exemple de la modération dans l'usage des aliments; ne donnons jamais de festin pour flatter le goût de ceux qui aiment le luxe, et les désirs de la table. La vie d'un chrétien doit être uniforme, puisqu'elle tend à un même but, la gloire de Dieu. Au contraire la vie des mondains prend mille formes diverses, et ils la varient sans cesse au gré de leurs caprices. Mais pourquoi donc vous, qui chargez votre table de mets abondants et recherchés pour le plaisir de votre frère, l'accusez-vous de sensualité, et lui faites-vous le reproche honteux de gourmandise, en le condamnant de savourer avec délices les mets que vous lui préparez? N ous ne voyons pas que le Seigneur ait loué Marthe de s'être livrée tout entière aux soins multipliés du service.
Laissez-vous donc conduire comme Marie, par l'amour de la sagesse, car c'est l'oeuvre la plus parfaite, l'oeuvre par excellence. Que les soins extérieurs ne vous détournent jamais de la connaissance de la parole céleste, et gardez-vous de condamner et d'accuser d'oisiveté ceux qui s'appliquent à l'étude de cette divine sagesse.
L'Évangéliste ne dit pas seulement de Marie qu'elle était assise près de Jésus, mais «qu'elle était assise à ses pieds», afin de mieux exprimer son zèle, son empressement, son attention, pour recueillir les paroles de Jésus, et le profond respect qu'elle avait pour le Seigneur.
Or, le Seigneur qui est venu chez lui, sans que les siens aient voulu le recevoir ( Jn 1), a été reçu ici comme étranger: «Et une femme nommée Marthe le reçut dans sa maison».Elle le reçut comme on reçoit les voyageurs, et cependant la servante reçut son Seigneur, celle qui était malade reçut son Sauveur, la créature reçut son Créateur. Ne dites pas: Heureux ceux qui ont mérité de recevoir Jésus-Christ dans leur maison, n'enviez pas leur bonheur, car Notre-Seigneur a dit: «Tout ce que vous faites pour l'un de ces petits, c'est à moi que vous le faites» ( Mt 25). En prenant la forme de serviteur, il a voulu être nourri par des serviteurs par condescendance et non par une nécessité de sa condition. Il était revêtu d'une chair soumise à la faim et à la soif, mais lorsqu'il eut faim dans le désert, les anges vinrent le servir ( Mt 4). Si donc il consent à être nourri, c'est une grâce qu'il accorde à la personne qui le reçoit. Marthe faisait donc toute sorte de préparatifs pour recevoir dignement Notre-Seigneur, et s'occupait activement du service; au contraire Marie, sa soeur, préférait être nourrie intérieurement par le Sauveur: «Elle avait une soeur, nommée Marie, laquelle, assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole».
Mais plus elle s'humiliait aux pieds du Sauveur, plus elle recueillait abondamment ses divines paroles, car l'eau descend en abondance dans les profondeurs des vallées, tandis qu'elle découle du sommet des collines qui ne peuvent la retenir.
Marthe s'occupait avec raison de pourvoir aux nécessités corporelles, et aux désirs de la nature humaine du Seigneur; mais celui qu'elle voyait revêtu d'une chair mortelle, «dès le commencement était le Verbe».C'est ce Verbe que Marie écoutait. Ce Verbe s'est fait chair, c'est celui que Marthe servait. L'une travaillait, l'autre contemplait. Cependant Marthe, accablée de ce travail et de tout le soin du service, s'adresse au Seigneur, et se plaint de sa soeur: «Seigneur, souffrirez-vous que ma soeur me laisse servir seule ?» etc. Marie, en effet, était tout absorbée de la douceur de la parole du Seigneur, Marthe préparait un festin au Sauveur, qui lui-même servait alors à Marie un festin bien plus délicieux. Or, comment n'aurait-elle pas craint que le Seigneur pressé par sa soeur, vint à lui dire: «Levez-vous, et venez en aide à votre soeur», alors qu'elle goûtait avec suavité les douces paroles du Sauveur, et que son coeur était plongé tout entier dans cette divine nourriture? Elle était absorbée dans d'ineffables délices, bien supérieures à toutes les délices corporelles. Elle accepte donc ce reproche d'oisiveté, et confie sa cause à son juge, sans se mettre en peine de répondre, dans la crainte que le soin même de répondre ne vint à la distraire de l'attention qu'elle donne aux paroles du Seigneur. Le Seigneur répondit donc pour elle, lui pour qui la parole n'est pas un travail, parce qu'il est le Verbe: «Le Seigneur lui répondit: Marthe, Marthe, vous vous inquiétez», etc. Cette répétition du nom de Marthe, est un signe de l'affection du Sauveur pour elle, ou un moyen de la rendre plus attentive à la leçon qu'il va lui donner. Après l'avoir ainsi appelée deux fois, il lui dit: «Vous vous inquiétez de beaucoup de choses», c'est-à-dire vous êtes occupée de beaucoup de choses. En effet, quand l'homme se charge de servir, il veut suffire à tout, et il ne peut y réussir; il cherche ce qui lui manque, il prépare ce qu'il a sous la main, et son esprit est dans le trouble et l'agitation. Ainsi Marthe n'eût point demandé que sa soeur vînt l'aider, si elle avait pu seule suffire au travail. Elle s'inquiète de beaucoup de choses, ses inquiétudes, ses préoccupations sont nombreuses, elles sont de diverses sortes, parce qu'elles ont pour objet les c hoses de la terre et du temps. Or, à toutes ces choses, Notre-Seigneur en préfère une seule; car ce ne sont pas toutes ces choses qui en ont produit une seule, mais elles sont elles-mêmes sorties d'un seul principe. Aussi écoutez la parole du Sauveur: «Or, une seule chose est nécessaire». Marie a voulu n'être occupée que d'une seule chose, selon cette parole du Psalmiste: «Il est bon pour moi de m'attacher à Dieu» ( Ps 72). Le Père, le Fils, le Saint-Esprit, ne font qu'une seule et même chose; et nous ne pouvons parvenir à cette seule chose, qu'autant que nous avons tous un même coeur. ( Ac 4).
Quoi donc, devrons-nous penser que Notre-Seigneur blâme ici l'empressement de Marthe, tout occupée des devoirs de l'hospitalité, et heureuse de recevoir un hôte comme le Sauveur? S'il en est ainsi, cessons de servir les pauvres, livrons-nous au ministère de la parole, que la science du salut soit notre unique objet, ne nous inquiétons nullement s'il y a quelqu'étranger parmi nous, si quelqu'un manque de pain; laissons toutes les oeuvres de miséricorde, pour ne nous occuper que de la science.
Notre-Seigneur ne blâme donc pas ici la pratique de l'hospitalité, mais il établit une distinction entre les oeuvres: «Marie a choisi la meilleure part», etc. Votre part n'est pas mauvaise, mais celle que Marie a choisie est meilleure. Pourquoi est-elle meilleure? parce qu'elle ne lui sera point ôtée. Un jour viendra où vous serez déchargée des soins nécessaires de cette vie, (car une fois entrée dans la patrie, vous n'aurez plus à exercer l'hospitalité envers les étrangers), mais cette part vous sera ôtée dans votre intérêt, et afin que vous en receviez une meilleure. On vous déchargera du travail pour vous donner le repos: Vous naviguez encore, et Marie est déjà arrivée au port, car la douceur de la vérité est éternelle; elle s'accroît successivement dans cette vie, mais elle reçoit sa consommation dans l'autre vie, où on la possède sans crainte de la perdre.
Dans le sens allégorique, Marthe recevant Jésus dans sa maison est la figure de l'Église, recevant le Seigneur dans son coeur; Marie, sa soeur, assise aux pieds du Sauveur, et écoutant sa parole, représente aussi l'Église, mais dans le siècle à venir, où affranchie du soin et du service des pauvres, elle n'aura plus qu'à jouir de la sagesse. Elle se plaint que sa soeur ne vient pas l'aider, et elle donne occasion à Notre-Seigneur de nous montrer l'Église de la terre, inquiète et troublée de beaucoup de choses, tandis qu'il n'y a de nécessaire qu'une seule chose, à laquelle on arrive par les mérites de cette vie d'action. Il déclare que Marie a choisi la meilleure part, parce que c'est par la première qu'on parvient à la seconde qui ne sera jamais ôtée.
Il apprend donc à ses disciples par son exemple la conduite qu'ils doivent tenir lorsqu'ils sont reçus dans quelque maison; ils doivent en y entrant, ne pas goûter exclusivement les douceurs du repos, mais remplir de la sainte et divine doctrine l'âme de ceux qui les reçoivent. Quant à ceux qui leur donnent l'hospitalité, ils doivent l'exercer avec joie et empressement pour deux motifs, ils trouveront d'abord un sujet d'édification dans la doctrine de ceux qu'ils reçoivent, et recevront à leur tour la récompense de leur charité: «Or, Marthe s'occupait avec empressement», etc.
On peut encore donner cette explication: Lorsque quelques-uns de nos frères reçoivent Dieu dans leur demeure, qu'ils ne poussent pas la préoccupation à l'excès, qu'ils n'exigent pas tout ce qui est à leur disposition, mais n'est pas nécessaire; car en toutes choses, la trop grande abondance est un embarras, c'est une cause d'ennui pour ceux qui la recherchent, et elle donne à penser aux convives qu'ils sont pour les autres une occasion de préoccupation et de fatigue.
Ou bien encore Marie, qui écoute assise les paroles du Seigneur, est la figure de la vie contemplative. Marthe au contraire occupée des oeuvres extérieures représente la vie active. Notre-Seigneur ne blâme pas le genre de vie de Marthe, mais il donne des éloges à celui de Marie, parce que si les mérites de la vie active ont du prix, les mérites de la vie contemplative en ont beaucoup plus. Aussi le Sauveur déclare-t-il que la part de Marie ne lui sera jamais ôtée; en effet, les oeuvres de la vie active n'ont d'autre durée que celle du corps, tandis que les joies de la vie contemplative ne font que se multiplier à la mort,
Le Sauveur nous a enseigné précédemment l'amour de Dieu et du prochain en discours et en paraboles, il nous l'enseigne maintenant par des actions et en vérité: «Or, il arriva que pendant qu'ils étaient en chemin, Jésus entra dans un village».
Toutes les actions de notre Sauveur sont remplies de significations symboliques. Ce qu'il faisait en tous lieux avait valeur de signe. Ainsi accomplit-il toujours dans la sainte Église les actions visibles qu'il a faites en ce temps-là dans la bourgade de Béthanie. <> Le Seigneur Jésus entre donc chaque jour dans la bourgade de l'Eglise. Il ne dédaigne pas de la visiter continuellement. Marthe l'y accueille et le fait entrer dans sa maison.
Voyons donc ce que Marthe symbolise, de même que Marie. Chacune d'elles est vraiment le signe de quelque chose d'important, puisqu'à elles deux, elles constituent toute l'Église. <> Marthe symbolise la vie active, Marie la vie contemplative. Voilà pourquoi, d'après ce que dit l'Écriture, c'est Marthe, et non Marie, qui reçut le Christ dans sa maison.
Marie, en effet, n'a pas de maison, car la vie contemplative entraîne le renoncement à tous les biens de ce monde. Le contemplatif ne demande rien d'autre que de s'asseoir aux pieds du Seigneur, et de consacrer tout son temps à lire les Livres saints, à prier et à contempler Dieu. Il lui suffit encore d'écouter sans cesse la parole de Dieu et d'alimenter son âme plutôt que son corps. Telle a été la vie des prophètes, des Apôtres et de beaucoup d'autres: ils ont tout abandonné, ils ont fui le monde et se sont attachés à Dieu, eux qu'on croyait démunis de tout, et qui possédaient tout (2Co 6,10). Il n'y a que les hommes de bien qui mènent ce genre de vie.
Quant à la vie active, les bons et les méchants peuvent la mener. On l'appelle du reste "vie active" parce qu'elle est faite d'activités incessantes, de fatigues et de tâches sans fin, et qu'elle ne laisse presque aucune place à un moment de tranquillité. Mais nous ne parlons pas de cette espèce de vie active qui occupe les malfaiteurs, agite les tyrans, séduit les cupides, tourmente les adultères et incite tous les méchants à commettre de mauvaises actions. Comme nous ne parlons que de cette Marthe, soeur de Marie, nous ne parlons en réalité que de la vie active qui se rapproche le plus de la vie contemplative.
Cette sorte de vie active est pure, exempte de péché et très proche, en effet, de la vie contemplative. Que l'Apôtre prêche, qu'il baptise, qu'il travaille de ses mains pour vivre, qu'il parcoure les villes et qu'il se soucie de toutes les Églises, cela ne relève-t-il pas de la vie active? Ainsi le même évangile dit-il, en parlant de Marthe, qu'elle était accaparée par les multiples occupations du service (Lc 10,40). Du reste, nous voyons encore aujourd'hui des chefs et ministres de l'Église s'affairer à courir partout, se fatiguer, se démener, se donner beaucoup de peine pour subvenir de multiples façons aux besoins de leurs frères, si bien que nous pouvons dire à juste titre qu'eux aussi sont accaparés par les multiples occupations du service.
La vie contemplative est donc meilleure que la vie active, pour la raison qu'elle est exempte de soucis et ne cessera jamais. Cependant la vie active est à ce point nécessaire que, sans elle, la vie contemplative elle-même ne peut exister ici-bas.
Voyons donc ce que Marthe symbolise, de même que Marie. Chacune d'elles est vraiment le signe de quelque chose d'important, puisqu'à elles deux, elles constituent toute l'Église. <> Marthe symbolise la vie active, Marie la vie contemplative. Voilà pourquoi, d'après ce que dit l'Écriture, c'est Marthe, et non Marie, qui reçut le Christ dans sa maison.
Marie, en effet, n'a pas de maison, car la vie contemplative entraîne le renoncement à tous les biens de ce monde. Le contemplatif ne demande rien d'autre que de s'asseoir aux pieds du Seigneur, et de consacrer tout son temps à lire les Livres saints, à prier et à contempler Dieu. Il lui suffit encore d'écouter sans cesse la parole de Dieu et d'alimenter son âme plutôt que son corps. Telle a été la vie des prophètes, des Apôtres et de beaucoup d'autres: ils ont tout abandonné, ils ont fui le monde et se sont attachés à Dieu, eux qu'on croyait démunis de tout, et qui possédaient tout (2Co 6,10). Il n'y a que les hommes de bien qui mènent ce genre de vie.
Quant à la vie active, les bons et les méchants peuvent la mener. On l'appelle du reste "vie active" parce qu'elle est faite d'activités incessantes, de fatigues et de tâches sans fin, et qu'elle ne laisse presque aucune place à un moment de tranquillité. Mais nous ne parlons pas de cette espèce de vie active qui occupe les malfaiteurs, agite les tyrans, séduit les cupides, tourmente les adultères et incite tous les méchants à commettre de mauvaises actions. Comme nous ne parlons que de cette Marthe, soeur de Marie, nous ne parlons en réalité que de la vie active qui se rapproche le plus de la vie contemplative.
Cette sorte de vie active est pure, exempte de péché et très proche, en effet, de la vie contemplative. Que l'Apôtre prêche, qu'il baptise, qu'il travaille de ses mains pour vivre, qu'il parcoure les villes et qu'il se soucie de toutes les Églises, cela ne relève-t-il pas de la vie active? Ainsi le même évangile dit-il, en parlant de Marthe, qu'elle était accaparée par les multiples occupations du service (Lc 10,40). Du reste, nous voyons encore aujourd'hui des chefs et ministres de l'Église s'affairer à courir partout, se fatiguer, se démener, se donner beaucoup de peine pour subvenir de multiples façons aux besoins de leurs frères, si bien que nous pouvons dire à juste titre qu'eux aussi sont accaparés par les multiples occupations du service.
La vie contemplative est donc meilleure que la vie active, pour la raison qu'elle est exempte de soucis et ne cessera jamais. Cependant la vie active est à ce point nécessaire que, sans elle, la vie contemplative elle-même ne peut exister ici-bas.
Notre-Seigneur ne nous défend donc point de remplir les devoirs de l'hospitalité, mais la préoccupation excessive, la dissipation et le trouble. Remarquez d'ailleurs la prudence du Sauveur, il n'avait d'abord rien dit à Marthe, ce n'est que lorsqu'elle veut détourner sa soeur d'écouter la parole du divin Maître, qu'il prend occasion de là, pour lui faire un reproche. L'hospitalité est donc honorable, tant qu'elle ne nous entraîne qu'aux choses nécessaires, mais dès lors qu'elle nous détourne de devoirs plus importants, il est évident que l'attention aux enseignements divins est bien préférable.
Belle et riche paroles ! Mais les interprètes ne sont d'accord ni sur sa forme primitive, ni sur
sa signification réelle. Nous ne notons que comme une curiosité d'exégèse l'opinion de Nachtigall et de Stolz,
selon laquelle Jésus aurait voulu dire à Marthe : Une seule d'entre vous suffit pour le service ; laissez donc
votre sœur auprès de moi! La pensée du Sauveur doit être plus profonde. Toutefois, de graves auteurs anciens
et modernes (S. Basile, S. Cyrille, Théophylacte, Corneille de Lapierre ; Wetstein, etc.) la rendent encore
moins profonde : « A quoi bon tant de choses ? Un seul plat ne suffirait-il pas ? » Il y a, dans cette
interprétation littérale, je ne sais quoi de trivial, qui ressemble à un manque de goût et qui paraît peu digne de
Jésus. Aussi vaut-il mieux, avec la plupart des exégètes, prendre cette « chose » au sens figuré : Une seule
chose est nécessaire, la vie de l'âme, le divin amour, la pensée du ciel et du salut ; le reste n'est qu'accessoire
et on doit le rejeter au second rang. Et pourtant ce sens, quoique plus relevé, n'est pas encore le plus exact
parce qu'il est trop général. La vraie pensée de Jésus se trouve mieux indiquée par la suite de ses paroles.
Dans l'éloge qu'il fait de Marie, le Sauveur commente en effet lui même, en affirmant implicitement que la
sœur de Marthe pratiquait alors « l'unique nécessaire », qui consiste par conséquent à se livrer sans réserve à
l'amour de Jésus, à oublier pour lui les choses extérieures. - Marthe a choisi la meilleure part. « La
meilleure » : donc celle de Marthe n'était pas mauvaise en elle-même, comme l'observaient déjà les SS.
Pères, quoiqu'elle fût d'une nature inférieure. « Le Seigneur ne blâma pas l’œuvre, mais établit une
distinction entre les devoirs », S. August. Serm. 27 de Verbis Domini. « Le bon travail de Marthe n’a pas été
blâmé, mais il a été enlevé à Marie parce qu’elle avait choisi une part meilleure », S. Ambr. h. l. - Qui ne lui
sera pas retirée. En effet, dit encore S. Augustin, « Elle a choisi ce qui demeurera toujours. Elle s’assoyait
aux pieds de notre Tête. Plus elle s’humiliait en s’assoyant, plus elle comprenait. L’eau se retire dans
l’humilité d’une vallée encaissée ». En effet, les doux entretiens avec Jésus peuvent durer toujours ici-bas, et
ils ne cesseront jamais au ciel. - Dans Marthe et dans Marie, telles que nous les présente ce gracieux épisode,
nos grands auteurs mystiques ont vu, et à bon droit, les types de la vie active et de la vie contemplative.
Marie la Carmélite, Marthe la sœur de charité ; Marie qui a plus trait de ressemblance avec l'apôtre S. Jean,
Marthe l'émule de Pierre ; Marthe qui veut donner beaucoup, Marie qui ouvre son âme pour recevoir
beaucoup de Jésus. Rôles bien beaux, quoique divers. C'est la Providence de Dieu qui les départit à chacun.
Ils se complètent l'un l'autre, et la main active de Marthe, associée au cœur aimant et calme de Marie, a
produit des merveilles dans l'Église et dans la société. Quoique la part de Marie ait quelque chose de plus
céleste, le mieux, dans les situations ordinaires, est d'unir les natures de Marthe et de Marie.
Marie a choisi la meilleure part. « Non pas que le Seigneur voulût blâmer Marthe, car elle eut aussi sa récompense, c’est-à-dire le don de la foi et de la charité, mais il voulait recommander la noble occupation de Marie, qui a tant d’influence sur les destinées de l’âme humaine. L’antiquité ecclésiastique a toujours vu dans ces deux femmes le double symbole de la vie active et répandue en bonnes œuvres et de la vie contemplative et consumée en ardentes prières. » (Mgr DARBOY.)
Que les religieux donc, fidèles à leur profession, abandonnant tout pour le Christ (cf. Mc 10, 28) le suivent lui comme l’unique nécessaire (cf. Lc 10, 42 ; Mt 19, 21), écoutant ses paroles (cf. Lc 10, 39), préoccupés de ce qui le concerne (cf. 1 Co 7, 32).
Mais maintenant se pose la question: de cette façon ne sommes-nous pas retombés de nouveau dans l'individualisme du salut, dans l'espérance pour moi seulement pour moi, qui n’est justement pas une véritable espérance, parce qu’elle oublie et néglige les autres? Non. La relation avec Dieu s'établit par la communion avec Jésus – seuls et avec nos seules possibilités nous n'y arrivons pas. La relation avec Jésus, toutefois, est une relation avec Celui qui s'est donné lui-même en rançon pour nous tous (cf. 1 Tm 2, 6). Le fait d'être en communion avec Jésus Christ nous implique dans son être « pour tous », il en fait notre façon d'être. Il nous engage pour les autres, mais c'est seulement dans la communion avec Lui qu'il nous devient possible d'être vraiment pour les autres, pour l'ensemble. Je voudrais, dans ce contexte, citer le grand docteur grec de l'Église, saint Maxime le Confesseur (mort en 662), qui tout d'abord exhorte à ne rien placer avant la connaissance et l'amour de Dieu, mais qui ensuite arrive aussitôt à des applications très pratiques: « Qui aime Dieu aime aussi son prochain sans réserve. Bien incapable de garder ses richesses, il les dispense comme Dieu, fournissant à chacun ce dont il a besoin ». De l'amour envers Dieu découle la participation à la justice et à la bonté de Dieu envers autrui; aimer Dieu demande la liberté intérieure face à toute possession et à toutes les choses matérielles: l'amour de Dieu se révèle dans la responsabilité envers autrui. Nous pouvons observer de façon frappante la même relation entre amour de Dieu et responsabilité envers les hommes dans la vie de saint Augustin. Après sa conversion à la foi chrétienne, avec quelques amis aux idées semblables, il voulait mener une vie qui fût totalement consacrée à la parole de Dieu et aux choses éternelles. Il voulait réaliser par des valeurs chrétiennes l'idéal de la vie contemplative exprimé dans la grande philosophie grecque, choisissant de cette façon « la meilleure part » (cf. Lc 10, 42). Mais les choses en allèrent autrement. Alors qu'il participait à la messe dominicale dans la ville portuaire d'Hippone, il fut appelé hors de la foule par l'Évêque et contraint de se laisser ordonner pour l'exercice du ministère sacerdotal dans cette ville. Jetant un regard rétrospectif sur ce moment, il écrit dans ses Confessions: « Atterré par mes péchés et la masse pesante de ma misère, j'avais, en mon cœur, agité et ourdi le projet de fuir dans la solitude: mais tu m'en as empêché, et tu m'as fortifié par ces paroles: “Le Christ est mort pour tous afin que les vivants n'aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux” (2 Co 5, 15) ».Le Christ est mort pour tous. Vivre pour Lui signifie se laisser associer à son « être pour ».