Luc 15, 24
car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.
car mon fils que voilà était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé.” Et ils commencèrent à festoyer.
Celui-là seul meurt qui a existé: ainsi les Gentils n'existent plus, le chrétien seul est vivant. On peut encore entendre ces paroles du genre humain: Adam a existé, et nous avons tous existé en lui, il est mort, et tous sont morts en lui, l'homme est donc réparé dans cet homme qui était mort. On peut aussi les appliquer à celui qui fait pénitence, car il ne peut mourir sans avoir auparavant vécu, quant aux gentils ils ont reçu la vie par la grâce aussitôt qu'ils eurent embrassé la foi, tandis que celui qui tombe dans le péché, revient à la vie par la pénitence.
On peut distinguer trois degrés d'obéissance d'après leurs différents motifs. Ou bien nous nous éloignons du mal par la crainte des supplices, et nous sommes dans une disposition servile; ou nous faisons ce qui nous est commandé exclusivement par le désir de la récompense, et nous ressemblons à des mercenaires; ou enfin nous obéissons par amour pour le bien et pour celui qui nous a donné la loi, et nos dispositions sont celles d'un véritable fils.
La volonté de confesser ses égarements suffit pour apaiser son père, le déterminer à aller à sa rencontre et à couvrir son cou de ses baisers: «Il accourut, se jeta à son cou, et le baisa». C'est la figure du joug spirituel imposé aux lèvres de l'homme par la tradition évangélique qui a mis fin aux observances légales.
Le plus jeune fils avait traité son père avec mépris en quittant la maison paternelle, et en dissipant tout son patrimoine; mais lorsque dans la suite il fut brisé par les travaux, réduit à la condition de mercenaire, et à manger la même nourriture que les pourceaux, instruit par une aussi grande infortune, il revint dans la maison de son père: «Rentrant alors en lui-même, il dit: Combien de mercenaires, dans la maison de mon père, ont du pain en abondance, et moi ici je meurs de faim».
Il n'y eut pour lui de retour à sa félicité première qu'après qu'il fut rentré en lui-même, pour sentir tout le poids de sa misère, et qu'il eut réfléchi sur les paroles de repentir qui suivent: «Je me lèverai», etc.
Le Saint-Esprit, nous décrit les égarements et le retour de cet enfant prodigue, pour nous apprendre comment nous devons déplorer les égarements de notre coeur.
Ou bien cette robe, c'est le vêtement de la sagesse dont les apôtres couvrent la nudité de notre corps; cette robe première, c'est le premier degré de la sagesse, parce qu'il en est une autre pour laquelle il n'y a point de mystère. L'anneau est le signe d'une foi sincère et l'emblème de la vérité: «Et mettez-lui un anneau au doigt».
Il a bien raison de rentrer en lui-même, lui qui s'en est tant éloigné; car en retournant à Dieu, on se rend à soi-même, et on s'en sépare quand on se sépare de Jésus-Christ.
Car le fils qui a dans son coeur le gage de l'Esprit saint, ne cherche pas les avantages passagers de la terre, mais il conserve ses droits d'héritier. Il y a aussi de bons mercenaires, tels que ceux que le père de famille envoie travailler à sa vigne ( Mt 20,1-16 ). Ils ne se nourrissent pas de siliques, mais ont le pain en abondance.
Qu'il est miséricordieux ce Dieu qui, tout offensé qu'il est, ne dédaigne pas ce nom de père que le pécheur lui donne ! «J'ai péché», c'est le premier aveu que nous devons faire devant l'auteur de notre nature, le roi de la miséricorde, le confident et le juge de nos fautes. Mais bien que Dieu connaisse toutes choses, il attend néanmoins votre confession extérieure, car la confession de bouche ( Rm 10,10 ) est nécessaire pour le salut. Celui qui se charge lui-même, allége le poids de l'erreur qui pèse sur lui, et ôte à l'accusateur le désir de l'accuser, en le prévenant par une confession volontaire. C'est en vain, d'ailleurs, que vous voudriez en dérober la connaissance à celui pour qui rien n'est caché, tandis que vous pouvez sans danger avouer ce que vous savez lui être déjà connu. Confessez-vous donc, pour que le Christ intercède en votre faveur, pour que l'Église prie pour vous, pour que le peuple fidèle verse des larmes sur vous. Ne craignez pas de n'être pas exaucé, votre avocat vous assure du pardon; votre protecteur s'engage à vous donner la grâce; le témoin de la tendresse de votre père vous promet la réconciliation qu'il vous réserve. Il ajoute: «Contre le ciel et devant vous».
Ou encore ces paroles veulent dire que le péché diminue dans l'âme les dons célestes de l'Esprit saint; ou que nous n'aurions pas dû nous séparer du sein de la Jérusalem céleste qui est notre mère. Or, après être tombé si bas, il doit se garder de s'élever, aussi ajoute-t-il: «Je ne suis plus digne d'être appelé votre fils», mais afin que cette humiliation volontaire lui obtienne la grâce dont il déclare n'être point digne, il ajoute: «Traitez-moi comme un de vos mercenaires».
Il vient donc à votre rencontre, parce qu'il entend le langage des secrètes pensées de votre coeur; et alors que vous êtes encore bien loin, il accourt au-devant de vous pour lever tous les obstacles: il embrasse son fils avec effusion, (car il vient à sa rencontre dans sa prescience, et l'embrasse dans sa tendresse), et se jette à son cou par un élan d'amour paternel, pour relever ce fils si abattu, et redresser vers le ciel celui qui était accablé sous le poids de ses péchés, et courbé vers les choses de la terre. Aussi j'aime mieux être le fils égaré que la brebis perdue, car si la brebis est retrouvée par le pasteur, le fils est comblé d'honneur par son père.
Mangeons la chair du veau gras, parce que c'était la victime que le prêtre offrait pour ses péchés. Notre-Seigneur nous représente son Père se livrant à la joie d'un festin, pour nous montrer que le salut de notre âme est la nourriture de son Père, et que la rémission de nos péchés est sa joie.
Le père n'adresse point la parole à son fils, mais à ses serviteurs, parce que le pécheur repentant est tout entier à la prière, et ne reçoit pas une réponse verbale, mais prouve intérieurement les effets puissants de la miséricorde divine: «Et le père dit à ses serviteurs: Apportez vite sa robe première et l'en revêtez».
Après que cet enfant prodigue a souffert dans une terre étrangère le digne châtiment de ses égarements, vaincu par l'extrémité de ses malheurs, c'est-à-dire par la famine et la pauvreté, il commence à réfléchir sur la cause de sa détresse, lui qui, sous l'impulsion d'une volonté vicieuse a quitté son père pour des étrangers, sa maison pour l'exil, les richesses pour la pauvreté, l'abondance de tous les biens pour l'extrême indigence. Aussi écoutez cet aveu si expressif: «Et moi ici, je meurs de faim», c'est-à-dire, moi qui ne suis pas un étranger, mais le fils d'un si bon père, et le frère d'un fils si soumis, moi qui étais libre et de condition noble, je suis devenu plus misérable que les mercenaires en tombant du comble de ma grandeur première dans l'abîme de l'humiliation.
Ces paroles: «Devant vous», nous apprennent que ce père c'est Dieu, qui seul voit toutes choses, et pour qui les péchés même dont la pensée est comme ensevelie dans le coeur, ne peuvent demeurer cachés.
Ou bien encore faut il entendre par le ciel Jésus-Christ? car celui qui pèche contre le ciel, qui malgré son élévation est cependant un élément visible, pèche contre l'homme, dont le Fils de Dieu s'est revêtu pour notre salut.
Le père comprit le repentir de son fils, il n'attendit point qu'il eût fait l'aveu de ses fautes, et il prévint ses désirs par les effets de sa miséricorde: «Et il fut touché de compassion».
Aussitôt qu'il a pris cette résolution, source pour lui de tous les biens: «J'irai vers mon Père», il franchit sans tarder la distance qui le sépare de lui: «Et se levant, il vint vers son pore». Imitons son exemple, ne soyons pas effrayés de la longueur du chemin; car pourvu que nous le voulions, le retour sera prompt et facile; il suffit que nous nous détachions du péché qui nous a éloignés de la maison paternelle. Mais voyez la tendresse de ce bon père pour ceux qui reviennent à lui: «Comme il était encore loin, son père le vit», etc.
Or, que signifie cette condescendance du père qui va à la rencontre de son fils? c'est que nos péchés étaient un obstacle insurmontable qui nous empêchait d'arriver jusqu'à Dieu par nos propres forces. Mais pour lui qui pouvait parvenir jusqu'à notre infirmité, il est descendu jusqu'à nous; et il baise cette bouche d'où était sortie la confession dictée par un coeur repentant, et que ce bon père a reçue avec tant de joie.
Ou bien il commande de lui mettre au doigt un anneau, comme le symbole du signe du salut, ou plutôt comme un signe d'alliance, et un gage de l'union que Jésus-Christ contracte avec l'Église son épouse, et aussi avec l'âme repentante qui s'unit avec Jésus-Christ par l'anneau de la foi,
Ou bien il commande de lui mettre une chaussure aux pieds, soit pour protéger ses pas, et donner à sa marche plus de fermeté dans les sentiers gus. sauts de ce monde, soit comme symbole de la mortification des membres, car tout le cours de notre vie est comparé au pied dans les Écritures ( Jb 23,11 Ps 25,12 Pr 3,23 Si 6,25 Si 1,20 ), et les chaussures sont comme un symbole de mortification, puisqu'elles sont faites avec des peaux d'animaux qui sont morts. Le père commande ensuite d'amener le veau gras et de le tuer pour le festin qu'il fait préparer: «Et amenez le veau gras», c'est-à-dire Notre-Seigneur Jésus-Christ, ainsi appelé à cause du sacrifice de son corps immaculé; et parce qu'il est une victime si riche et si excellente, qu'elle suffit à la rédemption du monde entier. Ce n'est pas le père lui-même qui met à mort le veau gras, mais il le laisse immoler à d'autres, car c'est par la permission du Père, et le consentement du Fils que ce dernier a été crucifié par les hommes.
Le père se réjouit du retour de son fils, et en signe de joie fait un festin avec le veau gras; ainsi le Créateur se réjouit des fruits de miséricorde produits par l'immolation de son fils, et l'acquisition du peuple fidèle est pour lui comme un festin de joie: «Car mon fils que voici était mort, et il revit, il était perdu, et il est retrouvé».
Ou bien cette robe première, c'est la dignité qu'Adam a perdue par son péché: les serviteurs qui l'apportent sont les prédicateurs de la réconciliation.
Il rentra en lui-même, lorsqu'il ramena dans l'intérieur de sa conscience ses affections qu'il avait laissé s'égarer sur toutes ces vanités extérieures qui nous séduisent et nous entraînent.
Mais comment pouvait-il le savoir, lui qui, comme tous les idolâtres, était tombé dans un si grand oubli de Dieu? Cette pensée de retour ne lui vint donc qu'à la prédication de l'Évangile. C'est alors que cette âme put déjà s'apercevoir que dans le grand nombre de ceux qui prêchaient la vérité, il en était plusieurs qui n'étaient pas conduits par l'amour de la vérité, mais par le désir d'obtenir les avantages de la terre, quoique cependant ils n'annonçaient pas une autre doctrine, comme font les hérétiques. On les appelle justement mercenaires, parce qu'ils demeurent dans la même maison, et rompent le même pain de la parole; toutefois, ils ne sont pas appelés à l'héritage éternel, mais ils travaillent pour une récompense purement temporelle.
«Je me lèverai», parce qu'en effet, il était comme étendu à terre; «à mon père», parce qu'il était au service du maître de ces pourceaux. Les autres paroles sont celles du pécheur qui songe à faire pénitence en confessant son péché, mais qui n'en vient pas encore à l'action; car il ne fait pas encore cet aveu à son père; il se propose de le faire lorsqu'il se présentera devant lui. Il faut donc bien comprendre le sens de ces paroles: «Venir à son père»; elles veulent dire être établi par la foi dans l'Église, où la confession peut être légitime et avantageuse. Il prend donc la résolution de dire à son père: «Mon père».
Mais ce péché contre le ciel est-il le même que le péché commis sous les yeux de Dieu, dans ce sens que le ciel serait la majesté sublime du Père? Ou bien faut-il entendre: J'ai péché contre le ciel en présence des âmes saintes qui l'habitent, et devant vous dans le secret de ma conscience?
Avant même qu'il comprit ce qu'était Dieu, dont il était si éloigné, mais qu'il commençait à chercher avec amour, son père le vit. L'Écriture nous dit avec raison que Dieu ne voit point les impies et les superbes, comme s'ils n'étaient pas présents à ses yeux; car il n'y a que ceux qu'on aime dont on puisse dire qu'on les a toujours devant les yeux.
Ou bien encore, il accourt et se jette à son cou: parce que ce père n'a pas quitté son Fils unique dans lequel il est accouru jusque dans notre lointain pèlerinage; car Dieu était dans Jésus-Christ se réconciliant le monde. ( 2Co 5,19 ). Il tombe sur son cou, c'est-à-dire, qu'il abaisse pour l'étreindre son bras, qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ ( 1Co 1,24 Is 53,1 Lc 1,51 ). Il le console par la parole de la grâce qui lui donne l'espérance de la rémission de ses péchés; c'est ainsi qu'au retour de ses longs égarements, il lui donne le baiser d'amour paternel. Une fois entré dans l'Église, il commence la confession de ses péchés; mais sans la faire aussi complète qu'il se l'était proposé: «Et le Fils lui dit: Mon Père, j'ai péché contre le ciel et à vos yeux, je ne suis plus digne d'être appelé votre fils». Il veut obtenir de la grâce de Dieu ce dont il avoue que ses fautes le rendent indigne, car il n'ajoute pas ce qu'il s'était proposé de dire: «Traitez-moi comme un de vos mercenaires». Lorsqu'il était sans pain, il désirait la condition des mercenaires, mais il la dédaigne avec une noble fierté après qu'il a reçu le baiser de son père.
Ou bien l'anneau au doigt c'est le gage de l'Esprit saint, à cause de la participation à la grâce dont le doigt est comme la figure.
La chaussure qu'on lui met aux pieds figure la préparation à la prédication de l'Évangile qui consiste à ne point s'approcher de trop près des choses de la terre: «Et mettez-lui une chaussure aux pieds».
Ou bien le veau gras est le Seigneur qui dans son incarnation a été rassasié d'opprobres. Il commande qu'on l'amène, c'est-à-dire qu'on l'annonce, et qu'en l'annonçant on rende la vie aux entrailles épuisées de ce fils mourant de faim. Il ordonne aussi de le mettre à mort, c'est-à-dire de prêcher sa mort, car il est vraiment immolé pour celui qui croit à son immolation et à sa mort.
Ces festins de joie et cette fête se célèbrent aujourd'hui par toute l'Église répandue dans tout l'univers, car ce veau gras qui est le corps et le sang du Seigneur est offert à Dieu le Père, et nourrit toute la maison.
Il n'ose aspirer à l'affection dont jouit un fils qui ne peut douter que tout ce qui est à son père ne soit à lui, il se contente de demander la condition d'un mercenaire prêt à servir pour son salaire, et encore déclare-t-il qu'il ne peut obtenir cette condition que par l'indulgence de son père.
C'est-à-dire, dans l'action, afin que ses oeuvres fassent éclater sa foi, et que la foi à son tour confirme les oeuvres.
Ces serviteurs, ce sont ou les anges qui servent à Dieu de ministres, ou les prêtres qui par le baptême et la parole sainte revêtent l'âme en Jésus-Christ «Car nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons revêtu Jésus-Christ». ( Ga 3,27 ).
Si l'on n'a égard qu'à l'excès de ses vices, il était mort sans espoir de retour; mais si l'on considère la nature humaine, qui est sujette à la mutabilité, et peut se convertir du vice à la vertu, il était simplement perdu, car c'est un moindre mal de se perdre que de mourir. Tout homme ainsi rappelé à la vie et purifié de ses crimes participe au veau gras et devient une cause de joie pour son père et pour ses serviteurs, c'est-à-dire pour les anges et pour les prêtres: «Et ils commencèrent à faire grande chère».
L'heureux père veut en outre fêter le retour de son fils par un joyeux
banquet, en vue duquel il commande à ses serviteurs de tuer sur le champ le veau le plus gras de l'étable, mis
en réserve et délicatement nourri, selon l'usage oriental, pour célébrer le premier événement prospère qui
surviendrait dans la famille. - Les Pères ont volontiers envisagé ce veau gras comme l'emblème de
Notre-Seigneur Jésus-Christ, « dont nous mangeons chaque jour la chair et buvons le sang » (S. Jérôme).
Toutefois, nous dirons avec Maldonat, que cette interprétation, quelque ingénieuse qu'elle paraisse, n'est pas
littérale, mais simplement mystique. Voyez dans S. Irénée, 3, 11, un autre rapprochement plein d'intérêt. -
Mangeons et faisons bonne chère. Les propriétaires de la brebis égarée, de la drachme perdue, avaient désiré
que leurs voisins et amis prissent part à leur joie ; le père de famille invite de même ses serviteurs à partager
la sienne. Car Dieu a ses jours de fête, dit admirablement Origène (Hom. 23 in Levit.) ; « Dieu a ses propres
jours de fête. C’est une grande festivité pour lui que le salut de l’humanité. ». Et quel motif, s'écrie ce bon
père, n'avons-nous pas de nous livrer à l'allégresse ! Mon fils était mort, et il est revenu à la vie. C'était bien
en réalité une résurrection inespérée ! Le second contraste, il était perdu et il est retrouvé, répète la même
idée pour la renforcer. - Ils commencèrent à faire grande chère. Le fils rentré en grâce, assis à la place
d'honneur, se souvint peut-être alors du « il commença à être dans le besoin » (v. 14) qui avait occasionné sa
conversion.
À partir de cette participation à la façon de voir de Jésus, l’apôtre Paul nous a laissé dans ses écrits une description de l’existence croyante. Celui qui croit, en acceptant le don de la foi, est transformé en une créature nouvelle. Il reçoit un nouvel être, un être filial ; il devient fils dans le Fils. « Abba, Père » est la parole la plus caractéristique de l’expérience de Jésus, qui devient centre de l’expérience chrétienne (cf. Rm 8, 15). La vie dans la foi, en tant qu’existence filiale, est une reconnaissance du don originaire et radical qui est à la base de l’existence de l’homme, et peut se résumer dans la phrase de saint Paul aux Corinthiens : « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? » (1 Co 4, 7). C’est justement ici que se place le cœur de la polémique de saint Paul avec les pharisiens, la discussion sur le salut par la foi ou par les œuvres de la loi. Ce que saint Paul refuse, c’est l’attitude de celui qui veut se justifier lui-même devant Dieu par l’intermédiaire de son propre agir. Une telle personne, même quand elle obéit aux commandements, même quand elle fait de bonnes œuvres, se met elle-même au centre, et elle ne reconnaît pas que l’origine de la bonté est Dieu. Celui qui agit ainsi, qui veut être source de sa propre justice, la voit vite se tarir et découvre qu’il ne peut même pas se maintenir dans la fidélité à la loi. Il s’enferme, s’isolant ainsi du Seigneur et des autres, et en conséquence sa vie est rendue vaine, ses œuvres stériles comme un arbre loin de l’eau. Saint Augustin s’exprime ainsi dans son langage concis et efficace : « Ab eo qui fecit te noli deficere nec ad te », « de celui qui t’a fait, ne t’éloigne pas, même pour aller vers toi ». Quand l’homme pense qu’en s’éloignant de Dieu il se trouvera lui-même, son existence échoue (cf. Lc 15, 11-24). Le commencement du salut est l’ouverture à quelque chose qui précède, à un don originaire qui affirme la vie et conserve dans l’existence. C’est seulement dans notre ouverture à cette origine et dans le fait de la reconnaître qu’il est possible d’être transformés, en laissant le salut opérer en nous et rendre féconde notre vie, pleine de bons fruits. Le salut par la foi consiste dans la reconnaissance du primat du don de Dieu, comme le résume saint Paul : « Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu » (Ep 2, 8).