Luc 2, 19
Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
S. Luc
intercale ici, relativement à Marie, un trait précieux et ravissant, qui nous ouvre de vastes horizons sur cette
âme admirable : Marie conservait toutes ces choses (tant de choses étonnantes dont elle était témoin, ou bien,
les récits qu'elle tenait des bergers). C'est un splendide portrait en quelques mots. La Vierge bénie ne perdait
pas sa tranquillité intérieure parmi les grands événements qui se passaient autour d'elle. Recueillie en Dieu,
elle observait attentivement les prodiges de tout genre qui avaient lieu au sujet de son Fils et en son Fils :
aucun fait, aucune parole ne lui échappait, et, de ses souvenirs, elle composait un trésor sacré qu'elle transmit
plus tard aux disciples, peut-être directement à S. Luc (voyez la Préface § 3). Combinant entre elles les
moindres circonstances, elle faisait en quelque sorte la philosophie de l'histoire de Jésus. Quelle profondeur
sans ses sereines contemplations ! Mais l'évangéliste ne dit pas qu'elle ait parlé, quoiqu'elle eût à révéler tant
de prodiges. Car « sa bouche était chaste comme son cœur » (S. Ambroise), et « les grandes choses que Dieu
fait au-dedans de ses créatures opèrent naturellement le silence, le saisissement, et je ne sais quoi de divin,
qui supprime toute expression » (Bossuet, l. c., 12è Elévat.).
Cette Tradition qui vient des Apôtres progresse dans l’Église, sous l’assistance du Saint-Esprit ; en effet, la perception des réalités aussi bien que des paroles transmises s’accroît, soit par la contemplation et l’étude des croyants qui les méditent en leur cœur (cf. Lc 2, 19.51), soit par l’intelligence intérieure qu’ils éprouvent des réalités spirituelles, soit par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, ont reçu un charisme certain de vérité. Ainsi l’Église, tandis que les siècles s’écoulent, tend constamment vers la plénitude de la divine vérité, jusqu’à ce que soient accomplies en elle les paroles de Dieu.
Marie est un signe lumineux et un exemple attirant de vie morale : « Sa vie seule est un enseignement pour tous », écrit saint Ambroise 183 qui, s'adressant particulièrement aux vierges, mais dans une perspective ouverte à tous, déclare : « Le premier et ardent désir d'apprendre, la noblesse du maître vous le donne. Et qui est plus noble que la Mère de Dieu ? Qui est plus splendide que celle qui fut élue par la Splendeur elle-même ? » Marie vit et met en œuvre sa liberté en se donnant elle-même à Dieu et en accueillant en elle le don de Dieu. Elle garde en son sein virginal le Fils de Dieu fait homme jusqu'au moment de sa naissance, elle l'élève, elle le fait grandir et elle l'accompagne dans ce geste suprême de liberté qu'est le sacrifice total de sa vie. Par le don d'elle-même, Marie entre pleinement dans le dessein de Dieu qui se donne au monde. En accueillant et en méditant dans son cœur des événements qu'elle ne comprend pas toujours (cf. Lc 2, 19), elle devient le modèle de tous ceux qui écoutent la parole de Dieu et la gardent (cf. Lc 11, 28) et elle mérite le titre de « Trône de la Sagesse ». Cette Sagesse, c'est Jésus Christ lui-même, le Verbe éternel de Dieu, qui révèle et accomplit parfaitement la volonté du Père (cf. He 10, 5-10). Marie invite tout homme à accueillir cette Sagesse. C'est à nous aussi qu'elle adresse l'ordre donné aux serviteurs, à Cana de Galilée, durant le repas de noces : « Faites tout ce qu'il vous dira » (Jn 2, 5).
S'éloigne-t-il par là de celle qui l'a mis au monde selon la chair? Voudrait-il la maintenir dans l'ombre de la discrétion qu'elle a elle-même choisie? Si l'on s'en tient au premier sens de ces paroles, il peut sembler en être ainsi, mais on doit observer que la maternité nouvelle et différente dont Jésus parle à ses disciples concerne précisément Marie de manière toute spéciale. Marie n'est-elle pas la première de «ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique»? Dans ces conditions, la bénédiction prononcée par Jésus en réponse aux paroles de la femme anonyme ne la concerne-t-elle pas avant tout? Assurément Marie est digne d'être bénie, du fait qu'elle est devenue la Mère de Jésus selon la chair («Heureuses les entrailles qui t'ont porté et les seins qui t'ont nourri de leur lait!»), mais aussi et surtout parce que dès le moment de l'Annonciation elle a accueilli la Parole de Dieu, parce qu'elle a cru, parce qu'elle a obéi à Dieu, parce qu'elle «conservait» la Parole et «la méditait dans son cœur» (cf. Lc 1, 38. 45; 2, 19. 51) et l'accomplissait par toute sa vie. Nous pouvons donc affirmer que la bénédiction prononcée par Jésus ne contredit pas, malgré les apparences, celle que formule la femme inconnue, mais elle la rejoint dans la personne de la Mère-Vierge qui ne s'est dite que «la servante du Seigneur» (Lc 1, 38). S'il est vrai que «toutes les générations la diront bienheureuse» (cf. Lc 1, 48), on peut dire que cette femme anonyme a été la première à confirmer à son insu ce verset prophétique du Magnificat de Marie et à inaugurer le Magnificat des siècles.
Marie n'a pas reçu directement cette mission apostolique. Elle n'était pas parmi ceux que Jésus envoya pour «faire des disciples de toutes les nations» (cf. Mt 28, 19), lorsqu'il leur conféra cette mission. Mais elle était dans le Cénacle où les Apôtres se préparaient à assumer cette mission grâce à la venue de l'Esprit de Vérité: elle était avec eux. Au milieu d'eux, Marie était «assidue à la prière» en tant que «Mère de Jésus» (cf. Ac 1, 13-14), c'est-à-dire du Christ crucifié et ressuscité. Et le premier noyau de ceux qui regardaient «avec la foi vers Jésus auteur du salut» 62 savait bien que Jésus était le Fils de Marie et qu'elle était sa Mère, et que, comme telle, elle était depuis le moment de la conception et de la naissance, un témoin unique du mystère de Jésus, de ce mystère qui s'était dévoilé et confirmé sous leurs yeux par la Croix et la Résurrection. Dès le premier moment, l'Eglise «regardait» donc Marie à travers Jésus, comme elle «regardait» Jésus à travers Marie. Celle-ci fut pour l'Eglise d'alors et de toujours un témoin unique des années de l'enfance de Jésus et de sa vie cachée à Nazareth, alors qu'«elle conservait avec soin toutes ces choses, les méditant en son cœur» (Lc 2, 19; cf. Lc 2, 51).
Mais l'Eglise garde aussi la foi reçue du Christ: à l'exemple de Marie, qui gardait et méditait en son cœur (cf. Lc 2, 19. 51) tout ce qui concernait son divin Fils, elle s'efforce de garder la Parole de Dieu, d'en approfondir les richesses avec discernement et prudence pour en donner en tout temps un fidèle témoignage à tous les hommes.
19. Le cœur est également capable d’unifier et d’harmoniser l’histoire personnelle, qui semble fragmentée en mille morceaux mais où tout peut avoir un sens. C’est ce que l’Évangile exprime avec Marie qui regardait avec le cœur. Elle savait dialoguer avec les expériences conservées en y réfléchissant dans son cœur, en leur donnant du temps, les méditant et les conservant intérieurement pour se souvenir. Dans l’Évangile, la meilleure expression de ce que pense le cœur est représentée par les deux passages de saint Luc qui nous disent que Marie « gardait (syneterei) toutes ces choses, les méditant (symballousa) dans son cœur » (cf. Lc 2, 19 ; cf. 2, 51). Le verbe symballein (d’où le terme “symbole”) signifie méditer, unir deux choses dans son esprit, et aussi s’examiner soi-même, réfléchir, dialoguer avec soi-même. En Lc 2, 51 dieterei signifie “conserver avec soin”, et ce qu’elle conservait n’était pas seulement “la scène” qu’elle voyait, mais aussi ce qu’elle ne comprenait pas encore, mais qui était présent et vivant dans l’attente de tout rassembler dans son cœur.
42. En tant qu’être humain, Il avait appris cela de Marie, sa mère. Elle, qui « conservait avec soin toutes ces choses les méditant en son cœur » (Lc 2, 19), Lui apprit, avec saint Joseph, dès son enfance à être attentif.