Luc 2, 40

L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.

L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui.
Origène
Considérez comment tout a été disposé à l'avance pour que Syméon mérite de tenir le Fils de Dieu dans ses bras. D'abord, il avait été averti par l'Esprit Saint qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir vu le Christ du Seigneur. Ensuite, ce n'est pas par hasard ni sans raison qu'il est entré dans le Temple, mais il est venu au Temple poussé par l'Esprit (Lc 2,26-27). En effet, tous ceux qui se laissent conduire par l'Esprit sont fils de Dieu (Rm 8,14).

Toi aussi, si tu veux tenir Jésus et le serrer dans tes mains, <> fais tous tes efforts pour te laisser guider par l'Esprit et pour venir au temple de Dieu. Voici que tu te tiens maintenant dans le temple du Seigneur Jésus, c'est-à-dire dans son Église, temple construit de pierres vivantes (1P 2,5). Or tu te tiens dans le temple du Seigneur quand ta vie et ta conduite méritent vraiment d'être appelées d'Église.

Si tu es venu au Temple, poussé par l'Esprit, tu trouveras l'enfant Jésus, tu relèveras dans tes bras, et tu diras: Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix selon ta parole (Lc 2,29). Remarque en même temps que la paix est associée à la mort et au départ, car lorsque Syméon a dit: "Je veux m'en aller", il n'a pas manqué d'ajouter: dans la paix.

Or, le bienheureux Abraham a reçu aussi la même promesse: Toi, tu t'en iras en paix vers tes pères après avoir vécu une heureuse vieillesse (Gn 15,15).

Qui meurt dans la paix? Celui-là seul à qui appartient la paix de Dieu qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer, et garde le coeur (Ph 4,7) de celui qui la possède. Qui part de ce monde dans la paix? Celui-là seul qui comprend que Dieu est dans le Christ se réconciliant le monde (2Co 5,19). C'est celui qui n'entretient aucune inimitié ni opposition à l'égard de Dieu, celui qui a atteint la plénitude de la paix et de la concorde par ses bonnes oeuvres, et à qui il est ainsi permis d'aller retrouver les saints patriarches qu'Abraham aussi a rejoints.

Mais pourquoi parler des patriarches? Il s'agit plutôt d'aller rejoindre Jésus lui-même, le prince et le Seigneur des patriarches, qui a fait dire à saint Paul: Je voudrais bien partir pour être avec le Christ, car c'est bien cela le meilleur (Ph 1,23). Il possède Jésus, celui qui ose dire: Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi (Ga 2,20).

Alors que, debout dans le Temple, nous tenons le Fils de Dieu et l'embrassons, prions donc le Seigneur tout-puissant et l'enfant Jésus lui-même pour mériter d'être délivrés et de partir vers des réalités meilleures, nous qui aspirons à lui parler en le tenant dans nos bras. A lui appartiennent la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen (1P 4,11).
Saint Grégoire de Nysse
Le petit enfant qui nous est né, Jésus, grandit de façon différente, en sagesse, en âge et en grâce, chez ceux qui l'ont reçu. Il n'est pas le même chez tous mais il se conforme à la capacité de celui en lequel il vit. Il se montre ainsi comme un petit enfant, comme un adolescent ou un homme parfait, selon la nature de la grappe. Car celle-ci, sur la vigne, ne montre pas toujours la même forme, elle change avec le temps: elle fleurit, elle bourgeonne, elle est achevée, puis, parfaitement mûre, elle va se transformer en vin.

La vigne promet donc par son fruit: celui-ci n'est pas encore mûr et à point pour donner du vin, mais il attend la plénitude des temps. Toutefois, il n'est pas absolument incapable de nous réjouir. En effet, il charme l'odorat, avant le goût, dans l'attente des biens futurs, et il séduit les sens de l'âme par les effluves de l'espérance. Car l'assurance ferme de la grâce que l'on espère délecte déjà ceux qui attendent avec constance. Il en est ainsi du raisin de Chypre qui promet du vin avant de l'être devenu: par sa fleur - c'est l'espérance qui est sa fleur - il nous donne l'assurance de la grâce future.

Celui dont la volonté s'harmonise à celle du Seigneur parce qu'il la médite jour et nuit, devient un arbre planté près d'un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt (cf. Ps 1,3). C'est pourquoi la vigne de l'Époux, qui a pris racine dans la terre fertile de Gaddi (cf. Ct 1,14 Vg.), c'est-à-dire dans le fond de l'âme, qui est arrosée et enrichie par les enseignements divins, produit cette grappe fleurissante et épanouie dans la quelle elle peut contempler son planteur et son vigneron.

Bienheureuse cette culture dont la fleur reproduit la beauté de l'Époux! Puisque celui-ci est la lumière véritable, la vraie vie et la vraie justice, comme dit la Sagesse, et bien d'autres vertus encore, lorsqu'un homme, par ses oeuvres, devient pareil à l'Époux, lorsqu'il regarde la grappe de sa propre conscience, il y voit l'Époux lui-même, car il reflète la lumière de la vérité dans une vie lumineuse et sans tache.

C'est pourquoi cette vigne féconde affirme: C'est ma grappe qui fleurit et bourgeonne (cf. Ct 7,7-8 Ct 7,13). L'Époux est en personne cette vraie grappe qui se montre attachée au bois, dont le sang devient, pour ceux qui se sauvent dans la joie, une boisson de salut, dans le Christ Jésus notre Seigneur, à qui soient la gloire et la puissance pour les siècles des siècles. Amen.
Saint Cyrille d'Alexandrie
Nous avons vu récemment le petit Emmanuel couché dans une mangeoire, emmailloté comme on fait chez les hommes, mais chanté comme Dieu par l'armée des saints anges. Car Dieu le Père avait conféré aux habitants du ciel cet honneur insigne d'être les premiers à proclamer le Christ.

En outre, nous avons vu aujourd'hui celui-ci obéir aux lois de Moïse, c'est-à-dire que Dieu, le législateur, se soumettait, comme un homme, à ses propres lois. C'est ce que nous enseigne saint Paul: Nous, de même, quand nous étions des enfants nous étions soumis aux éléments du monde. Mais, lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils; il est né d'une femme, il a été sujet de la Loi juive, pour racheter ceux qui étaient sujets de la Loi (Ga 4,3-5). Donc, le Christ a racheté de la malédiction de la Loi ceux qui en étaient les sujets, mais qui ne l'observaient pas. De quelle manière les a-t-il rachetés? En accomplissant cette loi; autrement dit, afin d'effacer la transgression dont Adam s'était rendu coupable, il s'est montré obéissant et docile, à notre place, envers Dieu le Père. Car il est écrit: De même que tous sont devenus pécheurs parce qu'un seul homme a désobéi, de même tous deviendront justes parce qu'un seul homme a obéi (Rm 5,18). Avec nous il a courbé la tête devant la loi, et il l'a fait selon le plan divin de l'incarnation. En effet, il devait accomplir parfaitement ce qui est juste (cf. Mt 3,15).

Après avoir pris pleinement la forme de serviteur, précisément parce que sa condition humaine le rangeait au nombre de ceux qui portent le joug, il a payé aux percepteurs, comme tout le monde, le montant de l'impôt, alors que par nature, et en tant que Fils, il en était dispensé (cf. Mt 18,23-26). Donc, lorsque tu le vois observer la loi, ne sois pas choqué, ne mets pas au rang des serviteurs celui qui est libre, mais mesure par la pensée la profondeur d'une telle économie.

Donc, lorsque fut venu le huitième jour, où l'on obéissait à la loi en accomplissant la circoncision, il reçut son nom, celui de Jésus, qui se traduit par "Salut du peuple." Car c'est ainsi que Dieu le Père voulut que son Fils fut nommé après être né de la femme, selon la chair. C'est alors, certes, que le salut s'est surtout réalisé, non pour un seul peuple, mais pour beaucoup, pour toutes les nations, pour la terre entière.

Il est donc devenu lumière pour éclairer les nations païennes mais gloire d'Israël (Lc 2,32). Car si, dans cette nation, certains sont devenus violents, rebelles et butés, un reste a été sauvé (Rm 9,27) et glorifié par le Christ. Ses disciples en ont été les prémices, eux dont la gloire illumine le monde. De toute façon, c'est la gloire d'Israël, puisqu'il en est issu selon la chair, même s'il est Dieu, établi au-dessus de tous les hommes, et béni dans les siècles.

L'évangéliste a donc la sagesse de nous aider en nous enseignant tout ce que le Fils incarné a fait à cause de nous et pour nous, lui qui n'a pas dédaigné d'assumer notre pauvreté. Nous devons donc le glorifier comme notre Rédempteur, notre Sauveur et notre Dieu: à lui, et avec lui, à Dieu le Père, gloire et puissance, ainsi qu'à l'Esprit Saint, pour les siècles des siècles. Amen.
Timothée de Jérusalem
Les justes vivent pour toujours; leur récompense est dans le Seigneur et le Très-Haut prend soin d'eux (Sg 5,15). Le temps me manque pour pouvoir rappeler les vertus de tous les saints. Je traiterai donc du dernier des justes de l'Ancien Testament. Et qui est-il? Syméon, dont l'évangile de Luc nous rapporte le nom. Il est à la fois le premier et le dernier. Le dernier à avoir vécu sous le régime de la Loi, le premier sous celui de la grâce. Juif soumis aux observances, il était chrétien par son action de grâce. Sa formation en avait fait un légiste, sa connaissance de Dieu en fit son messager.

Syméon, dont l'histoire nous a été lue récemment, avait été retiré de l'impiété pharisaïque, comme une rosé cueillie parmi les épines. Pour avoir été favorisé du don de la grâce, il avait acquis la réputation d'être le premier. Syméon était parvenu à un si haut degré de justice que, pendant sa vie corporelle, Dieu lui fit cette révélation: "Il n'achèverait pas cette vie temporelle avant d'avoir serré dans ses bras de chair la Vie éternelle, Jésus Christ notre Seigneur."

Le juste Syméon, qui dès avant l'Incarnation aspirait à voir le Seigneur, l'a donc vu dans son Incarnation, il l'a reconnu et l'a pris dans ses bras. Et il a supplié le Maître de l'univers, devenu enfant en la condition de serviteur, d'être délivré de la prison de son corps, en disant à haute voix ces paroles que tu as entendues récemment: Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix, selon ta parole, car mes yeux ont vu ton salut (Lc 2,29-30).

Je l'ai vu, laisse-moi m'en aller, ne me garde pas ici; permets-moi de m'en aller dans la paix, ne me laisse pas dans la tristesse. Je l'ai vu, permets-moi de partir. J'ai vu ta gloire, les anges danser, les archanges te glorifier, la création exulter. J'ai vu le passage unique reliant le ciel à la terre. Maintenant, permets-moi de m'en aller, ne me garde pas ici.

Ne me laisse pas voir l'insolence de mes compagnons juifs envers toi, la couronne d'épines que l'on tresse, l'esclave qui te gifle, la lance qui s'approche de toi. Ne me laisse pas voir le soleil s'obscurcir, la lune décroître, les éléments s'altérer. Ne me laisse pas te voir brisé sur la croix. Ne me laisse pas voir les rochers se fendre, le voile du Temple se déchirer. Car les éléments mêmes ne seront pas capables de supporter ce défi et ils prendront part aux souffrances du Seigneur.

Maintenant, ô Maître, tu peux laisser ton serviteur s'en aller dans la paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé à la face de tous les peuples (Lc 2,29-31).
Guerric d'Igny
Tenant aujourd'hui en main un cierge allumé, qui donc ne se rappellerait le vénérable vieillard qui reçut aujourd'hui dans ses bras le Verbe demeurant dans la chair comme la lumière sur la cire? Il a déclaré que Jésus était la lumière venue pour éclairer les nations païennes (Lc 2,32).

Syméon, c'est certain, était aussi une lampe allumée et brillante qui rendait témoignage à la lumière. Rempli de l'Esprit et poussé par l'Esprit, il était venu au Temple pour accueillir ton amour, ô mon Dieu, au milieu de ton Temple (cf. ps 47,10), pour proclamer que Jésus est cet amour et la lumière de ton peuple.

Voici donc, mes frères, entre les mains de Syméon, le cierge allumé. Vous aussi, allumez à ce luminaire vos cierges, je veux dire ces lampes que le Seigneur vous ordonne de tenir dans vos mains (cf. Lc 12,35). Approchez-vous de lui et soyez illuminés, de manière à être vous-mêmes plus que des porteurs de lampe, des lumières qui brillent au-dedans et au-dehors pour vous et pour votre prochain.

Qu'il y ait donc une lampe dans votre coeur, une dans votre main, une dans votre bouche! Que la lampe dans votre coeur brille pour vous-même, que la lampe dans votre main et dans votre bouche brille pour votre prochain! La lampe dans votre coeur est la dévotion inspirée par la foi; la lampe dans votre main, l'exemple des bonnes oeuvres; la lampe dans votre bouche, la parole qui édifie. Car nous ne devons pas nous contenter d'être des lumières aux yeux des hommes grâce à nos actes et nos paroles, mais il nous faut encore briller devant les anges par notre prière et devant Dieu par notre intention. Notre lampe devant les anges, c'est la pure piété qui nous fait chanter avec recueillement ou prier avec ferveur en leur présence. Notre lampe devant Dieu, c'est la résolution sincère de plaire uniquement à celui devant qui nous avons trouvé grâce.

Afin donc d'allumer toutes ces lampes pour vous, laissez-vous illuminer, mes frères, en vous approchant de la source de la lumière, je veux dire Jésus qui brille entre les mains de Syméon. Il veut, assurément, éclairer votre foi, faire resplendir vos oeuvres, vous inspirer les mots à dire aux hommes, remplir de ferveur votre prière et purifier votre intention.

En vérité, quand la lampe de cette vie s'éteindra, vous qui aviez tant de lampes allumées au-dedans, vous verrez la lumière de la vie qui ne s'éteindra pas se lever et monter, le soir, comme la splendeur de midi. Et tandis que vous croirez que tout est fini pour vous, vous vous lèverez, comme l'étoile du matin, et votre obscurité sera comme la lumière de midi (Is 58,10). Le soleil, il est vrai, ne sera plus là pour vous éclairer durant le jour, ni la lune éclatante pour vous envoyer sa lumière, mais le Seigneur sera votre lumière éternelle. Car le luminaire de la nouvelle Jérusalem, c'est l'Agneau. A lui louange et gloire pour les siècles des siècles. Amen.
Louis-Claude Fillion
L'évangéliste résume dans ces quelques lignes les douze premières années de Notre-Seigneur Jésus-Christ : il les représente d'une manière générale comme un temps de croissance et de développement universel, ainsi que cela a lieu pour tous les hommes. Comp. Justin M., Dial. c. Tryph. c. 88. - Rempli de sagesse. Sous les dehors d'un humble petit enfant, Jésus cachait une infinie sagesse, par suite de son union au divin Logos. Voyez l'explication du v. 52. Dans le grec, la forme verbale semblerait indiquer une effusion perpétuelle et constamment réitérée de la Sagesse divine sur l'âme de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Comp. Schegg, h. l. - La grâce de Dieu était en lui. La faveur de Dieu reposait donc, ou plutôt, descendait visiblement sur le Fils de Marie : le Seigneur mettait dès lors toutes ses complaisances en cet Enfant béni. Combien la pensée deviendrait fade si l'on voyait là, à la suite de quelques exégètes, l'indication des bonnes grâces corporelles de Jésus ! - S. Luc avait fait précédemment une remarque analogue à propos du Précurseur, 1, 66 et 80. Mais quelle différence entre la croissance de S. Jean et celle du Christ : Là du reste on disait seulement que la main de Dieu était avec le fils de Zacharie, tandis qu'ici c'est la grâce même de Dieu qui réside en Jésus.